Chouannerie

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Chouannerie

La défense de Rochefort-en-terre, par Alexandre Bloch, 1885
Informations générales
Date 1793 - 1804,
1815
Lieu Bretagne, Maine, Normandie
Issue Victoire républicaine
Belligérants
Républicains, puis
Impériaux (1815)
Chouans
Vendéens
Émigrés
Britanniques
Commandants
Jean-Baptiste de Canclaux
Jean-Michel Beysser
Jean Antoine Rossignol
Jean-Baptiste Kléber
Lazare Hoche
Jean Humbert
Guillaume Brune
Gabriel d'Hédouville
Pierre Quantin
Claude Ursule Gency
Georges Cadoudal
Joseph de Puisaye
Jean Chouan
Marie Paul de Scépeaux
Aimé du Boisguy
Louis de Frotté
Pierre Guillemot
Amateur de Boishardy
Louis de Bourmont
Louis d'Andigné
Pierre-Mathurin Mercier
Jean-Louis Treton
Guillaume Le Métayer
Forces en présence
Armée de l'Ouest :
1795 : 68 000 hommes
1799 : 45 000 hommes
1800 : 75 000 hommes
1795- 1800 :
≈ 55 000 hommes
Batailles et sièges
Guerre de la Coalition

Verdun — Valmy — Lille — 1er Mayence — Jemappes — Neerwinden — Famars — 2e Mayence — 1er Arlon — Hondschoote — Méribel — Wattignies — Kaiserslautern — 2e Arlon — Tourcoing — Tournai — Ouessant (navale) — Fleurus — Calvi — Sprimont — Luxembourg — Helder — 3e Mayence — Irlande (1796) — Droits de l'Homme (navale) — Cap Saint-Vincent (navale) — Santa Cruz de Tenerife (navale) — Camperdown (navale)


Guerre de Vendée et Chouannerie
Thouars — 1re Fontenay-le-Comte — 2e Fontenay-le-Comte — Saumur — Nantes — Luçon — Tiffauges — Cholet — Virée de Galerne — Entrammes — Fougères — Granville — Dol — Angers — Le Mans — Savenay — Grand-Champ  — Argentré — Groix (navale) — Quiberon


Insurrections royalistes et fédéralistes
Brécourt — Lyon — Toulon


Révolution haïtienne


Guerre du Roussillon
Mas Deu — Trouillas — Boulou — Sierra Negra


Campagne d'Italie
Loano — Montenotte — Millesimo — Dego — Mondovi — Pont de Lodi — Mantoue — Castiglione — Rovereto — Bassano — Pont d'Arcole — Rivoli — Tyrol — Pâques véronaises

La chouannerie est un soulèvement contre-révolutionnaire qui a embrasé les campagnes d'une douzaine de départements de l'Ouest de la France, en particulier en Bretagne et dans le Maine, sous la Première République, en trois phases, entre le printemps 1794 et 1800[1].

Sommaire

[modifier] Origines

Dès 1791, le rejet de la constitution civile du clergé amène les paysans des environs de Vannes à se soulever pour défendre l'évêque contre les patriotes de Lorient, qui veulent lui imposer le serment. Au printemps suivant, à Fouesnant, dans les environs de Quimper, un juge de paix soulève plusieurs paroisses contre les administrations locales et au nom du roi[2].

Icône de détail Article détaillé : Révolte de Fouesnant.
Icône de détail Articles détaillés : Jean Chouan et Famille Chouan.

Durant l'été 1792, des incidents ont lieu dans les districts de Carhaix (Finistère), Lannion, Pontrieux (Côtes-d'Armor), Craon, Château-Gontier et Laval (Mayenne), où les paysans s'opposent à la levée de volontaires. À Saint-Ouen-des-Toits, dans le district de Laval, Jean Cottereau, dit Jean Chouan, ancien faux-saunier, prend la tête des insurgés. Son surnom vient de l'imitation du chat-huant (la chouette hulotte) par les faux-saunier pour se reconnaître[2]. Sa tête étant mise à prix, il tente en vain, en mars 1793, de gagner l’Angleterre. Il est reconnu par l'administration avec son frère comme le chef de la coalition.[3]

Icône de détail Article détaillé : Chouan.

En mars 1793, des jeunes gens qui refusent le tirage au sort les rejoignent. Dès le 9 mars, des troubles éclatent en Mayenne, dans le Léon, le Morbihan, l'Ille-et-Vilaine, la Loire-Inférieure, la Vendée et le Maine-et-Loire. Entre les 11 et le 20 mars, les deux tiers de l'Ouest sont touchés[2]. L'Ouest est agité par de multiples jacqueries, dans lesquelles la paysannerie exprime de manière brutale sa colère à l'encontre des exigences de l'administration, des prêtres constitutionnels, considérés comme des intrus, la lourdeur des nouveaux impôts, la monnaie papier des assignats et la levée d'hommes, décrétée par la Convention nationale le 24 février 1793. Réprimées par la troupe, ces jacqueries forment une pré-chouannerie[2].

Il ne s'agit alors que d'une jacquerie. Des bandes de paysans s'attaquent aux patriotes de leurs paroisses, qu'elles désarment et volent, puis envahissent le chef-lieu du district pour délivrer les hypothétiques prisonniers et détruire les listes servant au tirage au sort. Parfois, la fête tourne au massacre, comme à Machecoul ou à La Roche-Bernard[2].

Au contraire de la Vendée, où les succès initiaux des insurgés permettent la constitution d'une zone rebelle, la "Vendée militaire" et d'une armée, ces révoltes sont réprimées par l'armée au nord de la Loire. Dès le 25 mars, des renforts affluent de Normandie et d'Île-de-France. Descendant le long de la Vilaine avec 500 hommes et 2 canons, le général Beysser dégage Redon. Plus au sud, 900 hommes sortis de Vannes reprennent Rochefort-en-Terre[2].

[modifier] Histoire

Icône de détail Article détaillé : Virée de Galerne.

En octobre 1793, le passage de la Loire par l'armée vendéenne, connue sous le nom de "Virée de Galerne", ranime la révolte. Par centaines, les bandes rejoignent les Vendéens, qui marchent vers le nord[2]. Pour sa part, Jean Chouan rejoint l’armée des Vendéens à Laval[4] ; son intervention contribue à la victoire de cette armée à la bataille de Croix-Bataille. Il participe à la virée de Galerne jusqu’à la sanglante défaite du Mans, le 13 décembre 1793.[5]

En novembre et décembre, les administrateurs de Fougères et de Vitré emploient un mot inédit pour désigner les bandes d'insurgés dans leurs rapports : « chouan » ou « chuin », où il remplace peu à peu « brigand »[2].

Après l'échec devant Granville, ces paysans quittent l'armée royaliste et se cachent dans les forêts[6] ; Jean Chouan se replie dans sa forêt de Misedon[7].

Après les massacres du Mans et de Savenay, des Vendéens les rejoignent. Des nobles, déjà présents en mars 1793 ou rentrés, se mettent alors à la tête de ces bandes, ainsi le comte de Puisaye, ancien chef de l'armée fédéraliste de Normandie, réfugié dans la forêt de Pertre, après la défaite de Brécourt, près de Pacy-sur-Eure, en juillet, qui tente de s'imposer comme généralissime des rebelles[6].

Une nouvelle forme de révolte se développe, qui justifie le changement de vocabulaire. Après l'échec de la Virée de Galerne, les bandes d'insurgés, plus réduites qu'en mars 1793, mais mieux armées, ne dépassent guère les limites du canton ; elles frappent des patriotes isolés, de petits détachements militaires ou les voitures publiques, surtout la nuit, contraignant les patriotes, terrorisés, à quitter les campagnes, pour se réfugier en ville[6]. Au nord de la Loire, la Chouannerie prend surtout l'aspect d'une guérilla très dispersée qui peut tourner au brigandage.

Trois phases se distinguent.

[modifier] Première phase

Du printemps 1794 au printemps 1795, des bandes, commandées par des roturiers, souvent d'origine modeste, mènent un combat local, maintenant la terreur parmi la population grâce à des assassinats. En revanche, les villes échappent à leur emprise, et elles se montrent impuissantes, devant les bataillons fournis de l'armée. À partir de novembre 1794, la Convention mène une politique de clémence, favorable aux négociations. Tandis que Puisaye est à Londres, pour négocier un débarquement, Desoteux, dit Cormatin, son lieutenant, s'attribuant les pleins pouvoirs, négocie en avril 1795 le traité de paix de la Mabilais, suivi par une minorité de chefs locaux[8]. Il n'est signé que par 21 chefs chouans sur les 121 présents[9].

[modifier] Deuxième phase

Le débarquement des émigrés à Quiberon, le 17 juin 1795, brise les espoirs de paix. La guérilla reprend après l'échec de l'expédition anglo-royaliste, de nouveau dans un cadre local. Cette dispersion permet aux généraux républicains Canclaux et Hoche de réduire les différentes zones de résistance. Scépeaux dépose les armes en avril 1796, suivi de Puisaye, puis de Cadoudal et de Guillemot. Cet échec permet aux royalistes modérés de faire prévaloir leur stratégie : la conquête du pouvoir par les élections[8].

[modifier] Troisième phase

Le coup d'État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) annule les résultats de l'élection dans 49 départements (notamment dans l'Ouest), et les prêtres réfractaires sont de nouveau poursuivis. La chouannerie reprend, s'étendant désormais à la Normandie, jusqu'en Eure-et-Loir, avant de s'enliser[8]. L'Ouest du pays est alors parcouru par des Faux chouans.

En 1799, les défaites militaires de la République, qui conduisent à de nouvelles levées d'hommes et au vote de la loi des otages, incitent les chefs chouans à relancer l'insurrection. Des bandes, encadrées par des nobles, se regroupent en divisions et occupent brièvement les villes de Nantes, Le Mans, Saint-Brieuc, Redon et La Roche-Bernard (ouvrant les prisons et détruisant parfois les papiers publics) avant de se retirer le lendemain, en octobre[8]. Ainsi, le comte de Bourmont s'empare du Mans, le 14 octobre.

Après le coup d'État du 18 brumaire, Bonaparte initie une politique de pacification mêlant, d'une part, la liberté religieuse et la suspension des levées d'hommes en échange de la soumission immédiate des insurgés, d'autre part, l'exécution des chefs récalcitrants[8]. Le 12 décembre 1799, le traité de Pouancé est scellé. Il sera suivi le 28 décembre suivant d'une proclamation des consuls de la République aux habitants de l'Ouest. Elle marque la fin de la grande Chouannerie.

Par la suite, le Concordat de 1801 et le retour des prêtres réfractaires permettent de détacher la population, lasse de la guerre, des royalistes jusqu'en 1815[8].

[modifier] Typologie des chouanneries

[modifier] Vue historique

Roger Dupuy[10] distingue 5 formes de chouannerie qui évolue dans le temps et dans l'espace.

On peut donc distinguer la pré-chouannerie, la micro-chouannerie, la chouannerie-guérilla classique, la chouannerie-militaire et la chouannerie-brigandage.

  1. la pré-chouannerie concerne toutes les rebellions paysannes antérieures à janvier 1794. Elle culmine en mars 1793 et rappelle les jacqueries d'Ancien Régime.
  2. la Micro-Chouannerie est celle de la chouannerie naissante, celle de Jean Chouan à Saint-Ouën-des-Toits. Des petits groupes clandestins attaquent par surprise des effectifs bleus toujours très réduits. On la trouve entre janvier et juillet 1794 principalement.
  3. la chouannerie-guérilla classique : Les bandes grandissent, largement soutenue par la population qui les protègent, les ravitaillent, les renseignent. il s'agit de faire règner une terreur blanche dans les campagnes. C'est le type de chouannerie le plus célèbre, celle qui a fait le plus peur aux républicains. C'est par exemple les chouanneries de Cadoudal, de Boishardy et Aimé du Boisguy à partir de l'automne 1794. On peut parler de chouannerie-guérilla classique lors des deux premières phases de la chouannerie dans les régions les plus blanches (le Morbihan, la Loire-inférieure, l'Ille-et-Vilaine, la Mayenne et l'est des Côtes-du-Nord). Les chouans harcèlent les bleus (guérilla) mais n'ont pas les moyens de les affronter dans des batailles classiques. Les insurgés ne forment d'ailleurs pas une armée, les bandes, parfois soldées se rejoignent au gré des actions ponctuelles puis les paysans retournent dans leur ferme.
  4. La chouannerie militaire est la forme la plus aboutie de chouannerie. les bandes forment de véritables armées (ponctuelles, parfois en uniformes qui attaquent de façon concertées dans des batailles classiques. c'est surtout le cas pendant la troisième chouannerie (1797/1799). On peut notamment citer l'"armée rouge" de Tinténiac et Cadoudal marchant de Quiberon vers les Côtes-du-Nord. c'est aussi le cas lors des attaques concertées de plusieurs grandes villes de l'ouest en 1799.
  5. La chouannerie-brigandage est la chouannerie mourante, celle qui subsiste sous le consulat après les concessions de Bonaparte (concordat et amnistie). Quelques irréductibles, trop habitués à la clandestinité, à la vie d'aventure ne peuvent se ranger. Quelques chefs, partisans de l'Ancien Régime ne se satisfont pas des concessions, ils forment les dernières bandes très réduites. Ils n'ont plus le soutien de la population, satisfaite des concessions. Ils sont aussi si peu nombreux qu'ils doivent se montrer terribles pour éviter les dénonciations. Ils s'en prennent aux soldats de plus en plus rarement mais rançonnent les patriotes, les acquéreurs de biens nationaux et les chouans rendus considérés comme des traitres (c'est le cas du chef chouan Legris Duval dans les Côtes-du-Nord). Devant le déficit de soutien de la population, ils sont contraints de voler ce qui leur était auparavant offert, c'est pourquoi il est bien souvent difficile de distinguer ce qui relève de la chouannerie ou du brigandage. Ce type de chouannerie se retrouve aussi dans les régions qui paradoxalement étaient peu touchées lors des grandes heures de la chouannerie (l'ouest des Côtes-du-Nord, le Finistère). On le comprend car ces zones peu touchées précédemment sont aussi celles qui n'ont pas connu de répression. La chouannerie-brigandage peut être très efficace au point que des chefs lieux d'arrondissement comme Loudéac peuvent se sentir menacés par Dujardin encore en 1801. cette chouannerie-brigandage s'éteint, vaincue par les colonnes mobiles entre 1801 et 1807.

[modifier] Vue romanesque

"Breton en sentinelle devant une église", peinture de Charles Loyeux
"Breton en sentinelle devant une église", peinture de Charles Loyeux

Pour Victor Hugo dans son roman Quatrevingt-Treize [11] :

« [...] Il y eut deux Vendées, la Grande qui faisait la guerre des forêts, la Petite qui faisait la guerre des buissons ; là est la nuance qui sépare Charette de Jean Chouan. La Petite Vendée était naïve, la Grande était corrompue ; la Petite valait mieux. Charette fut fait marquis, lieutenant général des armées du Roi et Grand-Croix de Saint-Louis ; Jean Chouan resta Jean Chouan. Charette confine au bandit, Jean Chouan au paladin ........ La Rochejacquelein n'est qu'Achille, Jean Chouan est Protée.. [...] »

Pour Balzac, dans Les Chouans :

« La proscription des princes, la religion détruite ne furent pour les Chouans que des prétextes de pillage, et les événements de cette lutte intestine contractèrent quelque chose de la sauvage âpreté qu'ont les moeurs en ces contrées. Quand de vrais défenseurs de la monarchie vinrent recruter des soldats parmi ces populations ignorantes et belliqueuses, ils essayèrent, mais en vain, de donner, sous le drapeau blanc, quelque grandeur à ces entreprises qui avaient rendu la chouannerie odieuse et les Chouans sont restés comme un mémorable exemple du danger de remuer les masses peu civilisées d'un pays (...) La religion ou plutôt le fétichisme de ces créatures ignorantes désarmaient le meurtre de ses remords. »

[modifier] Les chefs chouans

Les principaux chefs de l'insurrection ont été Georges Cadoudal et son frère Julien, Jean Cottereau, dit Jean Chouan, Pierre Guillemot, dit le roi de Bignan, Joseph de Puisaye, Louis-Charles de Sol de Grisolles, Auguste et Sébastien de La Haye de Silz, Jean-Louis Treton, dit Jambe d'Argent, Tristan-Lhermitte, Taillefer, Coquereau, Aimé du Boisguy, Boishardy, Pierre-Mathurin Mercier la Vendée, Bonfils de Saint Loup.

En Bretagne, les chouans sont encadrés par des nobles (le chevalier de Boishardy, le comte Louis de Rosmorduc, les frères Picquet de Boisguy) autant que par des roturiers (les frères Cadoudal). En Basse-Normandie, le comte Louis de Frotté joue un rôle dominant, l'un de ces lieutenants dans le Bas-Maine étant Guillaume Le Métayer dit Rochambeau.

La noblesse est loin de jouer le rôle qu'elle exerce en Vendée pour le commandement militaire. Il n'y a d'ailleurs pas d'armée, mais de petites bandes presque insaisissables. Les chefs chouans sont surtout des paysans.

À la différence de la Vendée, la chouannerie ne disposait pas d'un territoire, les villes et certains villages étant restés républicains, tandis que certains cantons passaient à une révolte larvée ou ouverte. Il y eut cependant une "petite Vendée" dans le Bas Maine en 1793, contrôlée par le prince de Talmont. La chouannerie fut très difficile à réduire, ses effectifs n'ayant pas été décimés dans de grandes batailles comme ceux de la Vendée militaire, ses chefs étant nombreux, ses groupes armés faibles et dispersés.

[modifier] Causes

En 1791, l'Ouest, avec la Vendée et la Bretagne, constitue une zone de résistance à la constitution civile du clergé et au serment, avec un clergé très largement réfractaire. Plus que par des motivations religieuses, cette résistance trouve son origine dans la sociologie et les mentalités collectives des populations, dont les solidarités traditionnelles sont mises à mal par la Révolution[12].

Déjà, la conscription du 15 août 1792 pose problème: on se souviendra de l'intervention de Jean Cottereau, Michel Morière à Saint-Ouën des Toits. Plus discrets furent les vrais affidés de la Coalition Bretonne qui refusèrent purement et simplement de se rendre dans leur chef-lieu de canton pour y tirer au sort. L'opération fut une déconvenue pour les autorités républicaines.

L'insurrection du printemps 1793, dans l'ensemble de l'Ouest (en Bretagne comme en Vendée), s'explique, de son côté, par le rejet du tirage par les populations, d'autant plus que les notables patriotes en sont exonérés ou peuvent acheter un remplaçant. Ce rejet, on le retrouve dans l'ensemble du pays[13].

Au-delà de la question religieuse et de l'hostilité des levées militaires, les bouleversements et les remises en causes imposés aux communautés villageoises expliquent ces tensions, autant que les rapports entre les paysans et les élites, nobiliaire et bourgeoise, ou l'opposition plus ou moins grande, mais déjà ancienne à la fin du XVIIIe siècle, entre villes et campagnes. Déjà décelable au temps de la Ligue, la découpe entre les zones favorables aux Blancs (royalistes) et aux Bleus (républicains) reste encore d'actualité dans la carte électorale jusqu'à la fin du XXe siècle. Il faut également ajouter en Bretagne les bouleversements institutionnels, abolissant les privilèges provinciaux ; la devise des chouans en Bretagne est "Doue ha mem bro" (Dieu et mon pays) et non pas "Dieu et mon roy" comme chez les vendéens.[14][15]

Devant la simultanéité des soulèvements et la similitude des comportements dans l'Ouest, les contemporains ont cru y voir la preuve d'un complot, qu'il rapprochaient de la tentative du marquis de la Rouërie avec l'Association bretonne. Toutefois, ce synchronisme peut s'expliquer par la décision de la Convention d'imposer un calendrier précipité des opérations de levée d'hommes[2].

[modifier] L'Association bretonne

Icône de détail Articles détaillés : Armand Tuffin et Association bretonne.

En 1791, le marquis de la Rouërie, crée, avec l'aval du comte d'Artois, une organisation clandestine, l'Association bretonne, qui rassemble par diocèse les partisans « de l'autorité légitime du Roi et de la conservation des propriétés ». Son but est de gagner les garnisons, maréchaussées et gardes nationales dans les principales villes de Bretagne[16].

Toutefois, les rassemblements de nobles au château de La Rouërie et le manque de discrétion d'agents recruteurs alertent les autorités. Le 31 mai 1792, le directoire du département d'Ille-et-Vilaine envoie un détachement de dragons fouiller le château et les abords, puis, le 6 juillet, lance contre le marquis et ses complices un mandat d'arrêt. Des arrestations ont lieu à Lorient, La Roche-Bernard et Rennes.

Le 2 septembre 1792, Valentin Chevetel dit Latouche se rend à Paris, où il dénonce le complot à Danton. Après la mort du marquis de la Rouërie au château de la Guyomarais, le 30 janvier 1793, Cheftel récupère es listes d'adhérents et de cotisants, permettant l'arrestation de dizaines de complices. Dans son rapport du 4 octobre 1793 devant la Convention, Basire attribue à cette conjuration le soulèvement de l'Ouest en mars 1793. En fait, l'Association bretonne ne s'appuyait nullement sur les paysans, mais comptait sur le ralliement des garnisons des villes et des gardes nationales. Pour cette raison il ne peut être considéré comme l'inventeur de la Chouannerie, même s'il en est le précurseur partiel[17].

[modifier] Récupération politique

Dans les années qui suivirent la Chouannerie, et ce jusqu'au XXe siècle, la population de l'Ouest resta longtemps divisée entre les zones « chouannes », de droite et les zones « patriotes », de gauche.

Le mouvement chouan, ou les ouvrages qui s'y attachent sont, selon le cas et le point de vue, l'objet de récupérations de la part, ou à la source d'organisations légitimistes, de certains mouvements indépendantistes bretons, ou d'auteurs proches de l'extrême droite comme l'Action française, Adsav, la Fédération bretonne légitimiste, le souvenir de la chouannerie mayennaise, Arthur de Gobineau ou Anne Bernet.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Jacques Duchemin des Cépeaux, Souvenirs de la Chouannerie, 1855 ;
  • Émile Souvestre, Scènes de la Chouannerie, Michel Lévy, Paris, 1856[18] ;
  • Abbé Jean-François Paulouin, La Chouannerie du Maine et Pays adjacents. 1793-1799-1815-1832. Avec la Biographie de plus de 120 Officiers., Monnoyer, Le Mans, 1875
  • Jean Morvan, Les Chouans de la Mayenne. 1792 - 1796, Lévy, Paris, 1900
  • Abbé Almire Belin (dir.), La Révolution dans le Maine. Revue bimestrielle, Imprimerie Benderitter puis M. Vilaire, Le Mans, 1925 - 1937
  • Marc Valin, Chouans de la Mayenne, Éditions Siloé, Laval, 1985
  • Jean Barreau, La chouannerie mayennaise sous la Convention et le Directoire, Imp. Martin, Le Mans, 1988.
  • Anne Bernet, Les Grandes Heures de la chouannerie, Perrin, 1993
  • Roger Dupuy, Les Chouans, Hachette Littérature, 1997 [19].
  • Anne Bernet, Histoire générale de la chouannerie, Perrin, 2000[20].
  • Jean Lepart,"Histoire de la Chouannerie dans la Sarthe", in Revue Historique et Archéologique du Maine, Le Mans,tome CLIII, p.13-64, 2002 et tome CLV, p.65-120, 2004.
  • Hubert La Marle, Dictionnaire des Chouans de la Mayenne, Éditions régionales de l'Ouest - Mayenne. 2005[21].
  • Bernard Coquet, Le dernier des Chouans Louis-Stanislas Sortant, 1777-1840, Éditions Ophrys-SPM, Paris, 2007.

[modifier] Œuvres de fiction

[modifier] Cinéma

[modifier] Notes et références

  1. Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Quadrige/PUF, 1989, p. 217, entrée « Chouans/Chouannerie » par Roger Dupuy
  2. abcdefghi Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Quadrige/PUF, 1989, p. 218, entrée « Chouans/Chouannerie » par Roger Dupuy
  3. Il y a à leur tête, écrit le procureur syndic d'Ernée, le 28 avril 1793, deux hommes qui se nomment Cottereau, dit Chouan. Nous avons promis une récompense à qui les arrêtera, mais il faut y aller avec précaution car ces deux individus sont très braves et très déterminés. Si de votre côté vous pouviez vous en saisir, ce serait rendre à la chose public un vrai service
  4. Le 20 octobre 1793, il apprend du prêtre qui dit la messe au Genest que les Vendéens ont passé la Loire, et le 23, en conférence avec Puisaye et Boisguy dans la forêt du Pertre, il entend le canon qui tonne à Laval. Sans prendre désormais aucune précaution, il réunit ses hommes et marche sur la ville.[réf. nécessaire]
  5. Ses hommes constituent un corps à part et ne reconnaissent que lui pour les conduire. Au Mans, la mère de Jean Cottereau est écrasée accidentellement par une charrette. Sa troupe est décimée.[réf. nécessaire]
  6. abc Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Quadrige/PUF, 1989, p. 218-219, entrée « Chouans/Chouannerie » par Roger Dupuy
  7. Un coup de main, pour libérer le prince de Talmont, sur le chemin de Vitré à Laval, avorte car personne n'a su lire la dépêche dans laquelle on l'avertit que l'itinéraire de l'escorte avait changé. Mais le ravitaillement est difficile dans un pays sillonné par les troupes républicaines. Il s'unit avec Jambe d'Argent, et Moulins pour attaquer les postes qui cernaient le bois de Misedon, commençant par celui de Saint-Ouen-des-Toits qui est enlevé vers le 20 avril 1794. Jean Chouan meurt le 28 juillet 1794.[réf. nécessaire]
  8. abcdef Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Quadrige/PUF, 1989, p. 219, entrée « Chouans/Chouannerie » par Roger Dupuy
  9. Voir Quelques dates de l’histoire en France, en Bretagne, en Finistère et à Roscoff et l'introduction de Reynald Secher à la bande-dessinée Chouannerie, 1789-1815, Fleurus, 1989. Cadoudal, évadé de Brest, rejette cette paix.
  10. Roger Dupuy, Les Chouans, Hachette Littérature, 1997.
  11. T. II, p. 112-113.
  12. Michel Vovelle, La Chute de la monarchie, 1787-1792, tome 1 de la Nouvelle histoire de la France contemporaine, Le Seuil, collection Points, 1972, rééd. 1999, p. 270-273
  13. Roger Dupuy, La République jacobine. Terreur, guerre et gouvernement révolutionnaire, 1792-1794, tome 2 de la Nouvelle histoire de la France contemporaine, Le Seuil, collection Points, 2005, p. 106-112
  14. Michel Allary, Omega, Éd. Le Manuscrit (ISBN 2748140796), p. 26.
  15. Jean Rieux, La Chouannerie sur les pas de Cadoudal, 1985, (ISBN 2905767006), p. 161.
  16. Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Quadrige/PUF, 1989, entrée « La Rouërie, Armand Charles Tuffin, marquis de » par Roger Dupuy, p. 649-650
  17. Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Quadrige/PUF, 1989, entrée « La Rouërie, Armand Charles Tuffin, marquis de » par Roger Dupuy, p. 649-650
  18. Journaliste, Émile Souvestre fit une enquête auprès des survivants et sans trop prendre parti entre deux thèses qui resteront toujours diamétralement opposées et il permet de mieux comprendre ce mouvement de la Chouannerie qui prit naissance dans ce Bas-Maine, à la frontière de ce qu'on appelait alors, la province de Bretagne.
  19. L'auteur analyse l'évolution de la chouannerie durant les 7 années de guerre civile dans les départements de l'ouest de la France. Les différents aspects (pré-chouannerie, chouannerie guérilla, chouannerie militaire...) sont détaillés. En plus de l'aspect historique, l'auteur décrit les "chouans au quotidien" : nombre, âge, profession, femmes, prêtres, nobles...).
  20. L'auteur écrit une histoire général de la chouannerie, intégrant les chouanneries mayennaise, normande et bretonne et associant le soulèvement vendéen. Elle fait vivre les personnages en "mettant en scène" certains moments de leur vie. En fin de livre, 2 index (16 pages de noms propres et 9 pages de noms de lieux) et quelques illustrations, dont un portrait-robot de Jean Chouan.
  21. Cet ouvrage contient les noms et distinctions d'environ 4 000 chouans de la Mayenne, officiers, sous-officiers et soldats, ainsi que leurs aumôniers, ayant servi dans le département de la Mayenne entre 1792 et 1832. On y présente des notices sur la carrière militaire des Chouans, ainsi qu'une liste non exhaustive de quelques 3 000 chouans. On précise également que ce dictionnaire contribue à rectifier deux erreurs historiques : la chouannerie a recruté, toutes proportions gardées, autant dans les villes que dans les campagnes, et elle s'est très vite organisée en compagnies, divisions puis légions, de manière de plus en plus structurée.