Bataille de Savenay

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Bataille de Savenay
Informations générales
Date 23 décembre 1793
Lieu Savenay (Loire-Inférieure)
Issue Victoire décisive républicaine
Belligérants
Républicains Vendéens
Chouans
Commandants
Kléber
Marceau
Canuel
Tilly
Westermann
Beaupuy
Verger-Dubareau
Muller
Scherb
Savary
Prieur de la Marne
Turreau
Bourbotte
Fleuriot
Marigny
Lyrot
Cadoudal
Forces en présence
18 000 soldats 6 000 soldats

4 000 à 6 000 non-combattants (blessés, femmes, enfants...)
7 canons
Pertes
30 morts
200 blessés
4 000 à 6 000 morts
~ 4 000 prisonniers (exécutés)
Première coalition
Guerre de Vendée

Thouars — 1re Fontenay-le-Comte — 2e Fontenay-le-Comte — Saumur — Nantes — Luçon — Tiffauges — Cholet — Virée de Galerne — Entrammes — Fougères — Granville — Dol — Angers — Le Mans — Savenay — Groix (navale) — Quiberon

La bataille de Savenay fut la dernière bataille de la virée de Galerne qui vit l’anéantissement de l’armée catholique et royale.

Sommaire

[modifier] Prélude

Après une sévère défaite à la bataille du Mans, le 12 décembre 1793, quelques milliers de Vendéens s’enfuirent vers Laval, dans l’espoir de traverser la Loire, pour retourner en Vendée. Devant l’absence de bateaux, le passage s’avéra impossible à Ancenis.

Icône de détail Article détaillé : Virée de Galerne.

Les Vendéens construisirent alors des barques et environ 4 000 personnes[1], dont La Rochejacquelein et Stofflet, parvinrent à traverser avant l’arrivée de navires républicains, qui interrompirent le passage. L’arrière-garde vendéenne, bloquée au nord de la Loire, tenta de trouver une autre issue et se rendit vers Savenay, près de Nantes.

[modifier] Forces républicaines

[modifier] La veille de la bataille

La ville fut prise par les Vendéens le matin du 22 décembre, presque sans combats, les 150 soldats républicains battirent rapidement en retraite suite à une petite escarmouche avec l'avant-garde vendéenne et la population de la ville avait été évacuée. À 9 heures, les Blancs mirent la ville en défense, les républicains ne furent pas long à les rejoindre, Westermann fut le premier, à 11 heures, il attaqua immédiatement mais fut repoussé au terme d’une courte escarmouche. À 12 heures, Kléber et Marceau, accompagnés du gros de l’armée républicaine firent leur apparition. Il s’en suivit une nouvelle escarmouche entre les bleus et les blancs pour le contrôle du bois de Touchelais, situé au nord-est de Savenay, escarmouche qui tourna à l’avantage des Républicains.

Toutefois ce furent les derniers combats de la journée car le brouillard et les brumes firent leur apparition dans l’après-midi et les Républicains se virent forcés de différer leur attaque et de maintenir leurs positions. La nuit était en train de tomber lorsque les représentants en mission, Pierre-Louis Prieur, dit Prieur de la Marne, Louis Turreau, cousin du général Louis Marie Turreau et Pierre Bourbotte arrivèrent au campement républicain et furent surpris par l’inaction des troupes qui y régnait. Aussi, malgré la nuit tombante, ils exigèrent, et Prieur en tête, l’engagement immédiat des combats afin de ne pas laisser les brigands se ressaisir, ils furent aussitôt soutenus par Westermann, « Je me charge tout » déclara-t-il, ce à quoi Kléber répondit « Je croyais avoir trop bien commencé l’affaire pour la laisser terminer par un autre ».[2] Malgré la mise en place d’un conseil de guerre, Kléber demeura intransigeant et déclara qu’il fallait attendre l’aube pour attaquer, Marceau se rangea à ses vues et finit par convaincre Prieur de la Marne. Les Républicains profitèrent alors de la nuit pour se déployer. À deux heures du matin, la division Tilly, partie de Vannes arriva et parvint à se déployer à temps malgré son retard[3]. Canuel commandait le flanc gauche, Kléber le centre-gauche, Marceau le centre-droit et Jacques Louis François Delaistre Tilly le flanc droit. Mis à part quelques chemins au sud de la ville, les Vendéens étaient presque totalement encerclés.

[modifier] La bataille

L’aube se leva et la bataille s’engagea, mais à la surprise générale, ce sont les Vendéens et les Chouans qui lancent l’attaque dans le but de reprendre le bois de Touchelais pour briser l’encerclement. Cette attaque, dirigée par Lyrot, rencontra un succès, la première ligne de grenadiers se replia en laissant derrière elle 2 canons et 40 prisonniers. Aussitôt, Kléber lança la contre-attaque à la tête du régiment de Gendarmes qui chargea à la baïonette et força les Vendéens à reculer jusqu’aux portes de Savenay. Au centre, Marceau, à la tête de la légion des Francs et des Chasseurs de Kastel rencontra des difficultés et fut un moment freiné par l’artillerie vendéenne.

De leurs côtés, Canuel, Tilly et Westermann passèrent également à l’attaque et pressèrent les blancs de toute part. Bientôt, les bleus entrèrent dans la ville malgré la résistance du train d’artillerie de Marigny. Des combats de rue se déroulèrent alors dans la plus grande confusion, maison par maison, de nombreuses femmes vendéennes participèrent à ces combats. L’artillerie vendéenne se redéploya ensuite devant l’église et parvint à tenir la place un moment. Fleuriot tenta alors une ultime contre-attaque, il prit la tête d’un groupe de 200 à 300 cavaliers, commandés par Georges Cadoudal et dans lequel se trouvait également Pierre-Mathurin Mercier la Vendée, ainsi que de quelques fantassins. Ils attaquèrent et percèrent les lignes de la division Tilly, ils cherchèrent ensuite à prendre à revers les lignes républicaines mais c’était sans compter sur les réserves des bleus qui intervinrent et forcèrent les cavaliers à battre en retraite.

Mais pendant ce temps, sur la place de l’église, les Républicains s’emparèrent de la batterie qu’ils retournèrent contre les Vendéens. Les fuyards, poursuivis par les Républicains, se replièrent alors hors de Savenay et se rallièrent à l’ouest de la ville. La croix commémorative de la bataille se trouve à cet emplacement précis. Les Vendéens prirent alors leurs deux derniers canons que Marigny avait gardé en réserve et tentèrent de couvrir la fuite des blessés et des non-combattants. Lors de cet engagement, Lyrot fut tué. Marigny se replia de nouveau sur le bois de Blanche-couronne, à l’ouest avec ses deux canons et ce qui lui restait d’hommes, il tiendra sa position une heure, puis s’égaillera avec ses hommes dans les marais, il parviendra à échapper aux bleus.

Plus loin, au nord-ouest, un groupe de 600 Vendéens parvenait toujours à tenir à la Butte des Vignes, il se replièrent ensuite vers le bois de Blanche-couronne, mais furent cernés à mi-chemin par un corps du régiment d’Armagnac et massacrés.

À l’intérieur même de Savenay, la ville fut fouillée et des centaines de vieillards, de femmes et d’enfant furent délogés des maisons et enfermés dans l’église dans l’attente de leurs jugements. Les blessés des deux camps furent ensuite emmenés à l’hospice Saint-Armel pour y être soigné.

À 14 heures, la bataille était terminée.

[modifier] La fuite et les massacres

Les noyades de Savenay.
Les noyades de Savenay.

Après la bataille, alors que le général Kléber gagna Nantes avec le gros des troupes où ils défilèrent pour fêter la victoire, la cavalerie républicaine commandée par Marceau et Westermann se lança à la poursuite des Vendéens, fouillant les villages voisins et les campagnes des environs, tuant ou capturant les trainards.

Ainsi, le général de brigade Alexis Antoine Charlery attaqua une position tenue par une bande de 500 Vendéens mais ne put les vaincre. Il leurs proposa alors la reddition en échange de l’autorisation de rentrer chez eux, la proposition fut acceptée et signée. Les prisonniers furent ensuite envoyés à Nantes pour faire ratifier l’arrangement par un représentant en mission. Mais ce dernier refusa, fit fusiller les prisonniers et mettre aux arrêts le général Charlery. Ce dernier sera finalement libéré quelque temps après, mais, outré, démissionnera de son poste.[2]

Le général Kléber, écrira, dans ses Mémoires : « ...chaque colonne prend une direction différente à la poursuite des rebelles. Le carnage devient horrible. On ne voit partout que des piles de cadavres. Une grande partie va se noyer dans le marais de Montoir, le reste se jette dans les bois où bientôt, ils sont découverts, tués ou faits prisonniers... On envoie alors des patrouilles d’infanterie ou de cavalerie dans tous les villages des environs ... Des milliers de prisonniers de tout âge et de tout sexe sont successivement arrêtés et conduits sur les derrières. Les représentants du peuple les firent juger par des tribunaux révolutionnaires, et la France, l’Europe entière, connaissent toutes les atrocités qu’on a exercé sur ces misérables. Ma plume se refuse à les décrire…[4] »

Ce fut la Commission Bignon, arrivée dans la journée, qui fut chargée de juger les prisonniers. La commission travailla pendant 3 jours et ordonna l’exécution de tous les combattants vendéens pris les armes à la main. Les exécutions commencèrent le soir même de la bataille et se déroulèrent pendant huit jours mais le nombre de personnes exécutées reste inconnu. Selon les statistiques officielles le nombre de personnes fusillées était de 662, mais des doutes furent immédiatement émis sur ces chiffres qui comprenaient en fait que les personnes exécutées lors des 3 premiers jours. Le représentant en mission Benaben écrivit ainsi, le 26 décembre : « J’avais écrit, qu'on avait fusillé plus de 1 200 brigands, mais par des renseignements que j’ai appris et je ne puis évoquer de doute, il parait que l’on a fusillé plus de 2 000 »[5]

De son côté, le général François Carpantier se vanta d’avoir fait fusiller 1 500 personnes.[2]

Quant aux femmes et aux enfants, qui étaient au nombre de 1 679[6], ils furent envoyés dans les prisons de Nantes. Certains officiers républicains comme Kléber et Savary intervinrent auprès de Carrier, lui demandant de les épargner. Mais Carrier n’en tiendra pas compte, et à leur arrivée à Nantes, toutes les femmes et tous les enfants furent fusillés ou noyés en masse.

D’autres massacres se déroulèrent dans les campagnes, Westermann et ses hussards de la Mort fusillèrent 500 à 700 prisonniers, hommes femmes et enfants au bois de Sem, près de Prinquiau.[7]

Le général Westermann, surnommé « le boucher des Vendéens », écrivit au Comité de salut public une lettre restée célèbre :
« Citoyens républicains, il n’y a plus de Vendée ! Elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et les bois de Savenay. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les sabots des chevaux, massacré les femmes qui, au moins pour celles-là, n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé ...les routes sont semées de cadavres. On fusille sans cesse à Savenay, car à chaque instant il arrive des brigands qui prétendent se rendre prisonniers. [...] Nous ne faisons pas de prisonniers, Il faudrait leur donner le pain de la liberté et la pitié n’est pas révolutionnaire. »

Toutefois, certains Vendéens eurent de la chance et parvinrent à s’enfuir, certains furent aidés par la population locale. Jean Legland, passeur sur la Loire, déclara en 1834, qu’il avait fait passer 1 258 fuyards dans les jours qui suivirent la bataille de Savenay. Au total, environ 2 500 personnes auraient survécu à la bataille.[2]

[modifier] Conséquences

Après la bataille, le général Michel de Beaupuy écrivit à Antoine Merlin de Thionville: « Enfin, mon cher Merlin, elle n’est plus, cette armée royale ou catholique. [...] Je les ai bien vus, bien examinés; j’ai reconnu ces mêmes figures de Cholet et de Laval. A leur contenance et à leur mine, je te jure qu’il ne leur manquait du soldat que l’habit. Des troupes qui ont battu de tels Français, peuvent bien se flatter de vaincre tous les autres peuples. Enfin, je ne sais si je me trompe, mais cette guerre de brigands et de paysans, sur laquelle on a jeté tant de ridicule, que l’on affectait de regarder comme méprisable, m’a toujours paru, pour la république, la grande partie, et il me semble à présent qu’avec les autres ennemis nous ne ferons que peloter. »

La bataille marqua la fin de la virée de Galerne et mit définitivement fin à la menace que représentait la Vendée pour la République. Toutefois, la guerre ne s’arrêta pas là, les combats se poursuivant en Vendée. Le généralissime de l’Armée de l'Ouest, Marceau, outré par le comportement de ses soldats, demanda sa mutation et fut un temps remplacé par Kléber, jusqu’à ce que ce dernier soit à son tour muté en faveur de Turreau. Les combats qui s’ensuivront entre les Vendéens et les colonnes infernales républicaines prendront finalement la forme d’une guérilla.

[modifier] Postérité

Jules Verne a fait une description romancée de cette bataille au début de son roman historique Le Comte de Chanteleine (1862).

[modifier] Bibliographie

  • Fernand Guériff, La bataille de Savenay dans la Révolution, éditions Jean-Marie Pierre, Le Pouliguen, 1988 (ISBN 2903999082)
  • Jean-Clément Martin, Blancs et Bleus dans la Vendée déchirée, Gallimard, coll. « Découvertes », 1986
  • Reynald Secher et René Le Honzec, Vendée, 1789-1801, éditions Reynald Secher, Bande Dessinée
  • Roger Dupuy, Nouvelle histoire de la France contemporaine, vol. 2 : La République jacobine. Terreur, guerre et gouvernement révolutionnaire, 1792-1794, Seuil, 2005
  • Jean-Baptiste Kléber, Mémoires politiques et militaires 1793-1794, 1794

[modifier] Notes

  1. Selon Dupuy 2005, p. 230 il y avait environ 4 000 rescapés.
  2. abcd Guériff 1988
  3. Le comportement de la division Tilly fut assez trouble. Le général Tilly se vanta à la Restauration d’avoir favorisé les forces royalistes. En effet, son régiment participa à la bataille d'Entrammes et à la bataille du Mans mais arriva systématiquement en retard, tout comme à Savenay. De plus tous les soldats de ce régiment portaient encore leurs uniformes de l’Ancien Régime et à la bataille du Mans, ce fut grâce à l’aide de hussards de ce régiment que Charles Marie de Beaumont d'Autichamp parvint à s’enfuir, déguisé en hussard. (Guériff 1988)
  4. Kléber 1794
  5. Correspondance de Benaben du 6 nivôse , Revue de la Révolution, IV p.143
  6. Guériff 1988. D’après la revue le souvenir vendéen
  7. Guériff 1988. Un seul vendéen échappa à la tuerie, un soldat nommé, semble-t-il Remet, qui sera toutefois repris plus tard et fusillé.

[modifier] Liens externes

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