Nombre premier

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Un nombre premier est un entier naturel, admettant exactement deux diviseurs distincts dans \mathbb{N} (i.e : entiers et positifs) : 1 et lui-même. Par opposition, un nombre non nul produit de deux nombres entiers différents de 1 est dit composé. Par exemple 12 = 2×6 est composé, tout comme 21 = 3×7 ou 7×3, mais 11 est premier car 1 et 11 sont les seuls diviseurs de 11. 1 n'est ni premier ni composé. Les nombres premiers inférieurs à 100 sont :

2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 29, 31, 37, 41, 43, 47, 53, 59, 61, 67, 71, 73, 79, 83, 89 et 97.

De telles listes peuvent être obtenues grâce à diverses méthodes de calcul.

La notion de nombre premier est une notion de base en arithmétique élémentaire : le théorème fondamental de l'arithmétique assure qu'un nombre composé est factorisable en un produit de nombres premiers, et cette factorisation est unique à l'ordre des facteurs près. Elle admet des généralisations importantes dans des branches des mathématiques plus avancées, par exemple la théorie algébrique des nombres, qui prennent ainsi à leur tour l'appellation d'arithmétique. Par ailleurs, de nombreuses applications industrielles de l'arithmétique reposent sur la connaissance algorithmique des nombres premiers, et parfois plus précisément sur la difficulté des problèmes algorithmiques qui leur sont liés ; par exemple certains systèmes cryptographiques et des méthodes de transmission de l'information. Les nombres premiers sont aussi utilisés pour construire des tables de hachage et pour constituer des générateurs de nombres pseudo-aléatoires.

Sommaire

[modifier] Éléments historiques

Les entailles retrouvées sur l’os d'Ishango daté de -23 000 ans av. J.-C., mis au jour par l'archéologue Jean de Heinzelin de Braucourt[réf. nécessaire] et antérieur à l'apparition de l'écriture (avant -3 200 ans avant JC.), semblent isoler quatre nombres premiers 11, 13, 17 et 19. Certains archéologues l'interprètent comme la preuve de la connaissance des nombres premiers. Toutefois, il existe trop peu de découvertes permettant de cerner les connaissances réelles de cette période ancienne.

Des tablettes d'argile séchées attribuées aux civilisations qui se sont succédé en Mésopotamie dans l'Euphrasie durant le IIemillénaire av. J.-C. montrent la résolution de problèmes arithmétiques et attestent des premières connaissances de l'époque. Les calculs nécessitaient de connaître des tables d'inverses d'entiers (les réciproques) dont certaines ont été retrouvées. Dans le système sexagésimal utilisé par la civilisation babylonienne pour écrire les entiers, les réciproques des diviseurs des puissances de 60 (nombres réguliers) se calculent facilement : par exemple, diviser par 24, c'est multiplier par 2.60 + 30 et décaler de deux places le rang. Leur connaissance nécessitait une bonne compréhension de la multiplication, de la division et de la factorisation d'entiers.

Dans les mathématiques égyptiennes, le calcul fractionnaire demandait des connaissances sur les opérations, les divisions d’entiers et les factorisations. Les Égyptiens ne notaient que les inverses d’entiers (1/2, 1/3, 1/4, 1/5, ...) ; l’écriture des fractions se faisait en additionnant des inverses d'entiers, si possible sans répétition (1/2+1/6 au lieu de 1/3+1/3). Disposer d’une liste des premiers nombres premiers devait être nécessaire.

La première trace incontestable de la présentation des nombres premiers remonte à l'Antiquité (vers -300 av. J.-C.), et se trouve dans les Éléments d’Euclide (tomes VII à IX). Euclide donne la définition des nombres premiers, la preuve de leur infinitude, la définition du plus grand commun diviseur (pgcd) et du plus petit commun multiple (ppcm), et les algorithmes pour les déterminer, aujourd’hui appelés algorithmes d’Euclide. Les connaissances présentées lui sont toutefois bien antérieures.

[modifier] Structures algébriques, topologiques, et nombres premiers

La notion de nombre premier est liée à l'étude de la structure multiplicative de l'anneau des entiers relatifs. Le théorème fondamental de l'arithmétique, basé sur le lemme d'Euclide, élucide cette structure en assurant que tout entier se factorise en un produit de nombres premiers, de manière unique à l'ordre des facteurs près. Ce théorème permet de déterminer des notions de pgcd, ppcm, et de nombres premiers entre eux, qui sont utiles pour la résolution de certaines équations diophantiennes, notamment la caractérisation des triplets pythagoriciens.

D'autres problèmes naturels sont envisagés, comme la détermination de la proportion d'entiers premiers à un entier fixé. L'introduction de structures algébriques plus avancées permet de résoudre ce problème rapidement dans le cadre de l'arithmétique modulaire. De nombreux théorèmes classiques de nature arithmétique peuvent être énoncés, comme le petit théorème de Fermat, ou le théorème de Wilson ; ou des théorèmes de nature plus algébrique comme le théorème des restes chinois.

Le théorème des restes chinois est un premier résultat dans l'étude des groupes abéliens finis[1]. Il est en fait suffisant pour décrire entièrement la structure de ces groupes, qui est donc en partie liée à la décomposition en produit de facteurs premiers de leurs cardinaux. Les choses sont plus compliquées pour les groupes non abéliens, cependant, l'étude se base à nouveau sur la décomposition en facteurs premiers de leurs cardinaux, à travers la théorie de Sylow.

Les nombres premiers interviennent aussi dans les structures topologiques. Le corps des nombres rationnels admet une structure topologique habituelle, qui donne par complétion le corps des nombres réels. Pour chaque nombre premier p, une autre structure topologique peut être construite, à partir de la norme suivante : si x=\frac{a}{b} est un nombre rationnel non nul sous forme irréductible et que pα et pβ sont les plus grandes puissances de p divisant a et b, la norme p-adique de x est pβ − α. En complétant le corps des rationnels suivant cette norme, on obtient le corps des nombres p-adiques, introduit par Kurt Hensel au début du XXe siècle. Le théorème d'Ostrowski assure que ces normes p-adiques et la norme habituelle sont les seules sur le corps des nombres rationnels, à équivalence près.[2]

[modifier] Nombres premiers particuliers

[modifier] Nombres premiers et nombres de Fermat

Les nombres premiers de la forme :

F_n = 2^{2^n} + 1

sont appelés les nombres premiers de Fermat. Pierre de Fermat avait conjecturé que tous ces nombres devaient être premiers. Cependant, les seuls nombres premiers de Fermat connus sont :

  • F_0 = 2^{1} + 1 = 3\,
  • F_1 = 2^{2} + 1 = 5\,
  • F_2 = 2^{4} + 1 = 17\,
  • F_3 = 2^{8} + 1 = 257\,
  • F_4 = 2^{16} + 1 = 65\,537\,

Le nombre de Fermat F5 n’est pas premier : il est divisible par 641. Il s'agit du premier contre-exemple à cette conjecture de Fermat, découvert par Euler en 1732.

[modifier] Le plus grand nombre premier connu et nombres premiers de Mersenne

Les nombres premiers de la forme Mp:=2p-1, où p est lui-même un nombre premier, sont appelés nombres premiers de Mersenne. Il existe un test efficace pour déterminer si un nombre de cette forme est ou non premier : le test de primalité de Lucas-Lehmer. Les grands nombres premiers sont donc souvent cherchés sous cette forme, et le plus grand nombre premier connu est 232 582 657-1, il comporte 9 808 358 chiffres en écriture décimale. Il s'agit du 44e nombre premier de Mersenne connu (M32 582 657) et a été annoncé le 4 septembre 2006 grâce aux efforts d'une collaboration qui porte le nom de GIMPS.

L'Electronic Frontier Foundation offre un prix de calcul coopératif[3] d'un montant de 100 000 USD pour la découverte d'un nombre premier d'au moins dix millions de chiffres décimaux, afin d'encourager les internautes à contribuer à la résolution de problèmes scientifiques par le calcul distribué.

[modifier] Grands nombres premiers illégaux

Quelques-uns des plus grands nombres premiers n'ayant pas de forme particulière (c'est-à-dire ne pouvant s'écrire à l'aide d'une formule simple comme les nombres premiers de Mersenne) ont été trouvés en prenant un morceau de données binaires pseudo-aléatoires, et en les convertissant en un nombre n, en multipliant par 256kk est un certain entier strictement positif, et en cherchant des nombres premiers éventuels dans l'intervalle [256kn + 1, 256k(n + 1) - 1].

Pour lancer un coup publicitaire contre l'acte de copyright Digital Millennium et les autres implémentations du traité de copyright WIPO, quelques personnes ont appliqué cette méthode à différentes formes variées du code DeCSS, en créant l'ensemble des nombres premiers illégaux. De tels nombres, lorsqu'ils sont convertis en binaire et exécutés dans un programme informatique, enfreignent la loi en vigueur dans une ou plusieurs juridictions des États-Unis d'Amérique.

[modifier] Calcul des nombres premiers

[modifier] Crible d'Eratosthène et algorithme par essais de division

Les premiers algorithmes pour décider si un nombre est premier consistent à essayer de le diviser par tous les nombres inférieurs à sa racine carrée : s'il est divisible par l'un d'entre eux, il est composé, et sinon, il est premier. Cependant, l'algorithme déduit de cette formulation peut être rendu plus efficace : il suggère beaucoup de divisions inutiles, par exemple, si un nombre n'est pas divisible par 2, il est inutile de tester s'il est divisible par 4. En fait, il suffit de tester sa divisibilité par tous les nombres premiers inférieurs à sa racine carrée.

Le crible d'Ératosthène est une méthode reposant sur cette idée ; il fournit en fait la liste de tous les nombres premiers inférieurs à une valeur fixée n :

  • On forme la liste des entiers de 2 à n,
  • On prend le premier nombre de cette liste (non encore barré), soit en premier lieu 2,
  • On barre tous les entiers multiples du nombre retenu, en commençant par son carré (puisque 2*i, 3*i, ...(i-1)*i ont déjà été barrés en tant que multiples de 2,3,...)
  • On répète cette dernière opération en considérant le prochain nombre non barré.
  • Dès qu'on en est à chercher les multiples des nombres excédant la racine carrée de n, on termine l'algorithme.

Les nombres qui restent non barrés à la fin du processus sont les nombres premiers inférieurs à n. Cet algorithme est de complexité algorithmique exponentielle.

Le crible d'Ératosthène fournit donc plus d'information que la seule primalité de n. Si seule cette information est souhaitée, une variante parfois plus efficace consiste à ne tester la divisibilité de n que par des petits nombres premiers dans une liste fixée au préalable (par exemple 2, 3 et 5), puis par tous les nombres entiers inférieurs à la racine carrée de n qui ne sont divisibles par aucun des petits nombres premiers choisis ; cela amène à tester la divisibilité par des nombres non premiers (par exemple 49 si les petits premiers sont 2, 3 et 5 et que n excède 2500), mais un choix d'un nombre suffisant de petits nombres premiers doit permettre de contrôler le nombre de tests inutiles effectués.[4]

[modifier] Autres algorithmes

Une variante du crible d'Ératosthène est le crible de Sundaram qui consiste à former les produits de nombres impairs. Les nombres qui ne sont pas atteints par cette méthode sont les nombres premiers impairs, c'est-à-dire tous les nombres premiers sauf 2. Par ailleurs, à partir du crible d'Ératosthène, la factorisation de l'entier n peut facilement être trouvée. D'autres méthodes plus générales concernant ce problème plus difficile que simplement déterminer la primalité sont aussi appelées méthodes de crible, la plus efficace étant actuellement le crible général des corps de nombres[5].

Les algorithmes présentés précédemment ont une complexité trop importante pour pouvoir être menés à terme, même avec les ordinateurs les plus puissants, quand n devient grand.

Une autre classe d'algorithme consiste à tester l'entier n pour une famille de propriétés vérifiées par les nombres premiers : si une propriété de cette famille n'est pas vérifiée pour n, alors il est composé ; en revanche, le fait qu'une des propriétés de la famille soit vérifiée pour n ne suffit pas à assurer la primalité. Toutefois, si cette famille est telle qu'un nombre composé ne vérifie pas au moins la moitié des propriétés en jeu, alors un nombre n qui vérifie k propriétés de la famille aura une probabilité supérieure à 1-2-k d'être premier : il est déclaré probablement premier à partir d'une valeur de k à choisir par l'utilisateur ; un nombre déclaré probablement premier, mais qui n'est pas premier est appelé nombre pseudo-premier. Un test basé sur ce principe est appelé test probabiliste de primalité. De tels tests reposent souvent sur le petit théorème de Fermat, amenant au test de primalité de Fermat, et à ses raffinements : le test de primalité de Solovay-Strassen et celui de Miller-Rabin, qui sont des améliorations, car ils admettent moins de nombres pseudo-premiers.[6]

L'algorithme AKS mis au point en 2002 permet de déterminer si un nombre donné N est premier en utilisant un temps de calcul polynomial.

[modifier] Les formules menant aux nombres premiers

De nombreuses formules ont été cherchées pour générer les nombres premiers. Le plus haut niveau d'exigence serait de trouver une formule qui à un entier n associe le ne nombre premier. De manière un peu plus souple, on peut se contenter d'exiger une fonction f qui à tout entier n associe un nombre premier et telle que chaque valeur prise ne le soit qu'une fois. Enfin, on souhaite que la fonction soit calculable en pratique[7]. Par exemple, le théorème de Wilson assure :

Si p est un nombre premier alors (p-1)! \equiv -1 \mod p

et la fonction :

f\left( n\right) = 2 + \left( {2 \left( n! \right)} \mod {\left( n+1 \right)} \right)\,

donne tous les nombres premiers, uniquement les nombres premiers, et seule la valeur 2 est prise plusieurs fois. Cependant, le calcul de la factorielle est rédhibitoire.

La recherche de telles fonctions a notamment été menée parmi les fonctions polynômes, menant au résultat négatif qu'un polynôme à coefficients complexes, même à plusieurs indéterminées, dont les valeurs aux entiers naturels ont pour valeur absolue des nombres premiers, est un polynôme constant[8]. La recherche de polynômes vérifiant une propriété plus faible s'est développée à partir de la notion d'ensemble diophantien de nombres entiers ; de tels ensembles peuvent être caractérisés comme les ensembles de valeurs prises par un polynômes (à plusieurs variables) à coefficients entiers en les entiers strictement positifs. Un travail mené dans les années 1960 et 1970, notamment par Putnam, Matijasevic, Davis, Robinson, permet de montrer que l'ensemble des nombres premiers est diophantien, conduisant à l'existence de polynôme qui prennent aux valeurs entières positives des variables comme valeurs les nombres premiers. L'écriture de divers polynômes explicites a ensuite été possible, avec différents nombres de variables, et divers degrés. Notamment, le polynôme suivant, de degré 25 à 26 variables (de a à z), a été déterminé par Jones, Sato, Wada et Wiens en 1976 :

( 1
− [ w.z + h + jq ]2
− [ 2.n + p + q + ze ]2
− [ a2.y2y2 + 1 − x2 ]2
− [ e3.(e + 2).(a + 1)2 + 1 − o2 ]2
− [ 16.(k + 1)3.(k + 2).(n + 1)2 + 1 − f2 ]2
− [ ((a + u2.(u2a))2 − 1).(n + 4.d.y)2 + 1 − (x + c.u)2 ]2
− [ a.i + k + 1 − li ]2
− [ (g.k + 2.g + k + 1).(h + j) + hz ]2
− [ 16.r2.y4.(a2 − 1) + 1 − u2 ]2
− [ pm + l.(an − 1) + b.(2.a.n + 2.an2 − 2.n − 2) ]2
− [ zp.m + p.l.ap2l + t.(2.a.pp2 − 1) ]2
− [ qx + y.(ap − 1) + s.(2.a.p + 2.ap2 − 2.p − 2) ]2
− [ a2.l2l2 + 1 − m2 ]2
− [ n + l + vy ]2
) . (k + 2)

La notion d'ensemble diophantien s'est plus généralement développée à partir des problèmes posés par le dixième problème de Hilbert sur les équations diophantiennes[9].

[modifier] Répartition des nombres premiers

[modifier] Infinité des nombres premiers

Euclide a démontré dans ses Éléments (proposition 20 du livre IX) que les nombres premiers sont en plus grande quantité que toute quantité proposée de nombres premiers. Autrement dit, il existe une infinité de nombres premiers. La démonstration d'Euclide repose sur la constatation qu'une famille finie p1,...,pn de nombres premiers étant donnée, tout nombre premier divisant le produit des éléments de cette famille augmenté de 1 est en dehors de cette famille (et un tel diviseur existe, ce qui est aussi prouvé par Euclide).[10]

D'autres démonstrations de l'infinité des nombres premiers ont été données. La preuve d'Euler[11] utilise le produit eulérien:

 \forall x \in ]1,+\infty[,\ \sum_{n=1}^\infin \ \frac{1}{n^x} \ = \ \prod_{p\in\mathcal{P}} \ \frac{1}{1-p^{-x}}

Quand x tend vers la valeur 1 dans la formule précédente, la série de gauche tend vers la série harmonique, qui est divergente. Par conséquent, le produit de droite doit contenir une infinité de termes.

Furstenberg fournit une preuve utilisant une argumentation topologique.[12]

[modifier] Les avancées du XIXe siècle

Le résultat sur l'infinité des nombres premiers amène des questions plus précises concernant la fonction qui à un nombre réel x associe π(x), le nombre de nombres premiers inférieurs à x, et qui tend donc vers l'infini [13]. Une conjecture importante au XIXe siècle, formulée par Adrien-Marie Legendre et Carl Friedrich Gauss, était que cette fonction de compte des nombres premiers est équivalente à la fonction x \mapsto \frac{x}{\ln(x)} quand x tend vers l'infini, c'est-à-dire que la proportion de nombres premiers parmi les nombres inférieurs à x (soit \frac{\pi(x)}{x}) tend vers 0 à la vitesse de \frac{1}{\ln(x)}. Avant la démonstration de la conjecture à la fin du siècle, un résultat partiel[14] avait été démontré par Pafnouti Tchebychev, l'existence de deux constantes explicites C et D telles qu'on ait l'encadrement, pour x assez grand :

C\leq\pi(x)\frac{\ln(x)}{x}\leq D.

L'inégalité de Tchebychef permettait notamment de démontrer le postulat de Bertrand selon lequel dans tout intervalle d'entiers naturels entre un entier et son double existe au moins un nombre premier[15]. Plus généralement, les résultats sur la fonction de compte des nombres premiers permettent d'obtenir des résultats sur le ne nombre premier ; par exemple les résultats d'Ishikawa de 1934 sont des conséquences directes des théorèmes de Tchebychev : pn + pn + 1 > pn + 2 et pnpm > pn + m, où pn désigne le ne nombre premier (et donc p1=2) ; ou encore, d'après un résultat de Felgner de 1990 : 0,91 n ln(n) < pn < 1,7 n ln(n), où pn[16].

La démonstration analytique d'Euler sur l'infinité des nombres premiers peut être vue comme un premier pas vers la résolution de problèmes plus avancés. Elle consiste essentiellement à étudier le comportement de la fonction zêta de Riemann en 1 au moyen de ce qu'il est convenu d'appeler un produit eulérien, et d'en déduire la divergence de la série des inverses des nombres premiers. En reprenant cette étude, au moyen d'un outil appelé caractère de Dirichlet, et en utilisant à la place de la fonction zêta de Riemann des fonctions analogues appelées fonction L de Dirichlet, Dirichlet a été capable d'adapter la démonstration aux nombres premiers dans des progressions arithmétiques : si a et b sont premiers entre eux, alors il existe une infinité de nombres premiers de la forme aq+b. Plus précisément, les nombres premiers sont équirépartis entre les différentes progressions arithmétiques de raison a (c'est-à-dire avec a fixé, et b variant parmi les divers restes inversibles dans la division euclidienne par a)[17].

La conjecture de Legendre et Gauss a été démontrée indépendamment par Jacques Hadamard et Charles-Jean de La Vallée Poussin en 1896[18], et porte le nom de théorème des nombres premiers. Ces démonstrations nécessitent des outils puissants d'analyse complexe pour démontrer un énoncé d'arithmétique et d'analyse réelle. Une stratégie pour ces démonstrations est l'étude de la fonction zêta de Riemann sur un domaine plus grand qu'un simple voisinage de 1 : il est nécessaire de la contrôler (c'est-à-dire majorer son module) au voisinage de la droite verticale des nombres de partie réelle 1 dans le plan complexe[19]. En particulier, l'étude de la fonction zêta de Riemann devient un thème central en théorie analytique des nombres, en particulier l'hypothèse de Riemann sur la localisation de ses zéros, encore non démontrée, qui aurait des conséquences fortes sur l'étude de la fonction de compte des nombres premiers. Ultérieurement, des démonstrations ont été proposées sans recours à l'analyse complexe (par Erdös et Selberg au milieu du XXe siècle)[20]. Toutefois, la puissance des outils d'analyse complexe a conduit au développement d'une branche entière des mathématiques : la théorie analytique des nombres.

[modifier] Théorème de Green-Tao

Un théorème démontré en 2004 par Benjamin Green et Terence Tao généralise notamment le théorème de Dirichlet en assurant que pour tout entier k, il existe une infinité de suites de k nombres premiers qui se succèdent dans une progression arithmétique, c'est-à-dire de la forme :

a, a+b, a+2b, \dots,a+(k-1)b.

Le théorème de Green-Tao est en fait bien plus fort que cet énoncé seul : par exemple, ils sont en mesure d'affirmer qu'une telle progression arithmétique existe, avec des entiers tous plus petits que :

2^{2^{2^{2^{2^{2^{2^{100k}}}}}}}.

Ils assurent aussi que pour tout entier k et tout réel δ strictement positif, pour tout x suffisamment grand, si P est un ensemble de nombre premiers inférieurs à x contenant au moins δπ(x) éléments, alors P contient au moins une progression arithmétique de nombres premiers comptant k termes[21].

[modifier] Une conjecture

De nombreux résultats et conjectures sur la répartition des nombres premiers sont contenus dans la conjecture générale suivante. Soit f1,...,fk des polynômes de degré 1, irréductibles et vérifiant la propriété que pour tout nombre premier p il y ait au moins un entier n parmi 0, ..., p-1 tel que p ne divise pas le produit des fi(n). On note ω(p) le complémentaire à p du nombre de tels entiers. Un tel ensemble de polynômes est dit admissible ; on cherche à connaître la proportion d'entiers en lesquels les polynômes prennent simultanément des valeurs premières, et se limiter à des ensembles de polynômes admissibles permet d'éviter des cas triviaux comme f1(t)=t, et f2(t)=t+1. Il est alors conjecturé[22] que le nombre d'entiers n plus petits qu'un réel x tels que les valeurs f1(n),...,fk(n) sont simultanément premières, est, pour x assez grand, de l'ordre de :

\left(\prod_{p}\frac{1-\frac{\omega(p)}{p}}{\left(1-\frac{1}{p}\right)^k}\right)\frac{x}{\log|f_1(x)|\dots \log|f_k(x)|}.

Le théorème des nombres premiers correspond au cas k=1 et ft=t, le théorème de Dirichlet à k=1 et ft=at+b, et pour k=2, f1(t)=t et f2(t)=t+2, on obtient une version quantitative (et donc plus générale) de la conjecture des nombres premiers jumeaux.

[modifier] Questions ouvertes

Il y a beaucoup de questions ouvertes sur les nombres premiers. Par exemple :

  • La conjecture de Goldbach : tout nombre pair strictement supérieur à 2, peut-il s'écrire comme somme de deux nombres premiers ?
  • conjecture des nombres premiers jumeaux : un couple de nombres premiers jumeaux est une paire de nombres premiers dont la différence est égale à 2, comme 11 et 13. Existe-t-il une infinité de jumeaux premiers ?
  • Toute suite de Fibonacci contient-elle une infinité de nombres premiers ?
  • Existe-t-il une infinité de nombres premiers de Fermat ?
  • Y a-t-il une infinité de nombres premiers de la forme n² + 1 ?
  • Y a-t-il une infinité de nombres premiers factoriels ?
  • Y a-t-il une infinité de nombres premiers primoriels ?
  • Soit la suite, dite d'Euclide-Mullin, de premier terme u1=2 et telle que le terme un soit le plus petit nombre premier diviseur du produit des termes ui, pour i<n, augmenté de 1. Tous les nombres premiers apparaissent-ils dans cette suite ? C'est une conjecture de Daniel Shanks.

[modifier] Citations

  • « Un nombre premier est un nombre qui ne se casse pas quand on le laisse tomber par terre. » Paul Erdős
  • « Les mathématiciens ont tâché jusqu'ici en vain de découvrir quelque ordre dans la progression des nombres premiers, et l'on a lieu de croire que c'est un mystère auquel l'esprit humain ne saura jamais pénétrer. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à jeter les yeux sur les tables des nombres premiers que quelques-uns se sont donné la peine de continuer au-delà de cent mille et l'on s'apercevra d'abord qu'il n'y règne aucun ordre ni règle. » Euler[23].

[modifier] Généralisations des nombres premiers

Un idéal I d'un anneau commutatif unitaire A est dit premier si et seulement si on a:

 \forall x,y\in A \quad xy\in I \Rightarrow x\in I \lor  y\in I

ou encore le quotient A/I de l'anneau A par cet idéal I est intègre.

On observe un équivalent du théorème fondamental de l'arithmétique (l'existence de décomposition en produit de nombres premiers), voir Théorème des restes chinois.

Icône de détail Article détaillé : Idéal premier.

[modifier] Exemples

  • Dans le cas de l'anneau \mathbb{Z} on retrouve que chaque sous-anneau engendré par un nombre premier est un idéal premier et réciproquement.
  • Dans le cas de l'anneau \mathbb Q \left[ X \right] les idéaux premiers correspondent aux polynômes premiers.

[modifier] Références

[modifier] Notes

  1. Patrice Naudin, Claude Quitté Algorithmique algébrique [détail des éditions], début du chapitre 3
  2. voir le livre (en) Fernando Gouvêa, p-adic Numbers : An Introduction [détail des éditions]
  3. prix de calcul coopératif
  4. voir (en) Henri Cohen, A course in computational algebraic number theory [détail des éditions], début du chapitre 8, notamment l'algorithme 8.1.1.
  5. Voir (en) Henri Cohen, A course in computational algebraic number theory [détail des éditions], chapitre 10, plus particulièrement la section 5.
  6. voir Patrice Naudin, Claude Quitté Algorithmique algébrique [détail des éditions], chapitre 4, section 6, ou (en) Henri Cohen, A course in computational algebraic number theory [détail des éditions], chapitre 8, section 2
  7. Introduction du chapitre 3 du livre de Ribenboim The new book of prime number records.
  8. Chapitre 3, section II du livre de Ribenboim The new book of prime number records.
  9. Chapitre 3 section III du livre de Ribenboim The new book of prime number records.
  10. (en) G. H. Hardy et E. M. Wright An Introduction to the Theory of Numbers [détail des éditions] Section 2.1.
  11. Léonard Euler, Variae observationes circa series infinitas, théorème 7, Commentarii academiae scientiarum Petropolitanae 9, (1744), 160-188, ou Opera Omnia, Series 1, Volume 14, 217 - 244. Téléchargeable à [1]
  12. Voir le livre de Ribenboim, The new book of prime number records, qui recense par ailleurs de nombreuses autres preuves
  13. (en) G. H. Hardy et E. M. Wright An Introduction to the Theory of Numbers [détail des éditions] Section 2.1
  14. Livre de Ribenboim, chapitre 4, section I.
  15. (en) G. H. Hardy et E. M. Wright An Introduction to the Theory of Numbers [détail des éditions] Chapitre 22, sections 1 à 4.
  16. Livre de Ribenboim, chapitre 4, section II, A.
  17. (en) G. H. Hardy et E. M. Wright An Introduction to the Theory of Numbers [détail des éditions] Théorème 15. William John Ellison, en collaboration avec Michel Mendès France, Les nombres premiers [détail des éditions] Chapitre 7.
  18. William John Ellison, en collaboration avec Michel Mendès France, Les nombres premiers [détail des éditions] Chapitre 2, section 1.2
  19. William John Ellison, en collaboration avec Michel Mendès France, Les nombres premiers [détail des éditions] Chapitre 2, théorème 2.4, puis section 4.
  20. William John Ellison, en collaboration avec Michel Mendès France, Les nombres premiers [détail des éditions] Chapitre 2, section 1.2
  21. (en) http://www.dms.umontreal.ca/~andrew/PDF/PrimePattMonthly.pdf Document de vulgarisation dû à Andrew Granville, qui contient de nombreuses autres conséquences amusantes du résultat de Green et Tao.
  22. {{en} http://www.dms.umontreal.ca/~andrew/PDF/PrinceComp.pdf Document dû à Andrew Granville, page 13, item (15).
  23. Euler, Découverte d'une loi tout extraordinaire des nombres par rapport à la somme de leurs diviseurs, commentatio 175 indicis Enestroemiani, Bibliothèque impériale 3, 1751, p.10-31

[modifier] Bibliographie

  • (en) Henri Cohen, A course in computational algebraic number theory [détail des éditions] Référence moderne sur les méthodes effectives en théorie des nombres.
  • Jean-Paul Delahaye, Merveilleux nombres premiers, Éditions Belin - Pour la Science, 2000 - ISBN 2701150175
  • William John Ellison, en collaboration avec Michel Mendès France, Les nombres premiers [détail des éditions] Livre très clair, comme introduction à la théorie analytique des nombres.
  • (en) Fernando Gouvêa, p-adic Numbers : An Introduction [détail des éditions] Introduction aux nombres p-adiques à la portée d'un large public, tournée vers des objectifs analytiques.
  • (en) G. H. Hardy et E. M. Wright An Introduction to the Theory of Numbers [détail des éditions] Un grand classique d'introduction à la théorie des nombres, qui couvre les sujets de base (congruences), introduit les méthodes algébriques par l'exemple (entiers de Gauss, de Kronecker), et donne une démonstration du théorème des nombres premiers.
  • Paulo Ribenboim, The new book of big prime number records, Springer, 1996, ISBN 0387944575
  • Gérald Tenenbaum et Michel Mendès-France, Les Nombres Premiers, Que sais-je, PUF, 2000, ISBN 2130483992

[modifier] Voir aussi

Notion de nombre
Ensembles usuels Extensions

ℕ ensemble des entiers naturels
ℤ groupe des entiers relatifs
D ensemble des décimaux
ℚ corps des rationnels
ℝ corps des réels
ℂ corps des complexes

ℍ algèbre des quaternions
O algèbre des octonions
S algèbre des sédénions
autres hypercomplexes
p corps des p-adiques
hyperréels et superréels
ordinaux et cardinaux
surréels et pseudoréels

\scriptstyle\mathbb{N}\ \sub\ \mathbb{Z}\ \sub\ \mathbb{D}\ \sub\ \mathbb{Q}\ \sub\ \mathbb{R}\ \sub\ \mathbb{C}

Propriétés particulières

pair ou impair • premier ou composé • carré • parfait
positif ou négatif • dyadique • irrationnel
algébrique ou transcendant • imaginaire pur
nombre de Liouville • normal • univers
constructible • calculable • transfini • infiniment petit

Exemples d'importance historique
π :
2 :
φ :
0 :
i :
e :
0 :
constante d'Archimède
racine carrée de deux
nombre d'or
zéro
unité imaginaire
constante de Neper
aleph-zéro
(≈ 3,141592654…)
(≈ 1,414213562…)
(≈ 1,618033989…)

de carré valant −1
(≈ 2,718281828…)
premier cardinal infini
autres constantes mathématiques
Notions connexes

chiffre • numération • fraction • opération • calcul • algèbre
arithmétique • suite d'entiers • ∞ infini • chiffre significatif

[modifier] Liens externes