Théorème de Wilson
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
En mathématiques, et plus précisément, en arithmétique modulaire, le Théorème de Wilson énonce une relation entre la fonction factorielle et une congruence modulo un nombre premier.
Il est utilisé pour résoudre des équations diophantiennes. Un exemple est donné par Leonhard Euler (1707 – 1783) dans sa démonstration du théorème des deux carrés de Fermat.
Ce théorème doit son nom à John Wilson (1741 – 1793) qui a conjecturé ce résultat à la fin du XVIIIe siècle.
Sommaire |
[modifier] Enoncé et exemples
[modifier] Enoncé
Théorème de Wilson — Un entier strictement positif p est un nombre premier si et seulement s'il divise (p - 1)! + 1, c'est-à-dire si et seulement si
Ici, le symbole ! désigne la fonction factorielle et le symbole désigne la congruence sur les entiers.
[modifier] Exemples
-
- Si p est égal à 3, alors (p - 1)! + 1 est égal à 3, un multiple de 3.
- Si p est égal à 4, alors (p - 1)! + 1 est égal à 7 qui n'est pas multiple de 4.
- Si p est égal à 5, alors (p - 1)! + 1 est égal à 25, un multiple de 5.
- Si p est égal à 6, alors (p - 1)! + 1 est égal à 121 qui n'est pas multiple de 6.
- Si p est égal à 7, alors (p - 1)! + 1 est égal à 721, un multiple de 7.
[modifier] Histoire
Le premier texte à faire référence[1] à ce résultat est du mathématicien arabe Alhazen (965 - 1039), démontrant une remarquable avance sur les sciences occidentales. Ce théorème est connu à partir du XVIIe siècle en Europe. Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646 - 1716) fait référence à ce résultat. Euler le prouve[2] l'utilise [3] pour sa démonstration du théorème des deux carrés de Fermat. Leibniz ne semble pas avoir jugé nécessaire de publier une preuve.
John Wilson redécouvre ce qu'il croit être une conjecture et en partage la découverte avec son professeur Edward Waring (1736 – 1798) qui publie ce résultat[4] en 1770. Une démonstration est présentée[5] comme nouvelle l'année suivante par Joseph-Louis Lagrange (1736 – 1813).
La formalisation[6] des techniques de l'arithmétique modulaire de Carl Friedrich Gauss (1777 - 1855) permet une démonstration plus simple[7]. C'est elle, ou une analogue qui est maintenant généralement présentée.
[modifier] Démonstrations
[modifier] Arithmétique modulaire
Une démonstration moderne se fonde sur les propriétés de l'arithmétique modulaire. Si p est un nombre premier, l'anneau Z/pZ a une structure parfaitement connue, ainsi que celle de son groupe des unités, c'est -à-dire celui formé des éléments inversibles pour la multiplication. Cette connaissance permet une démonstration directe, sans habileté particulière.
Le groupe des unités Z/pZ* est, en effet, isomorphe au groupe cyclique Z/(p - 1)Z. On appelle φ cet isomorphisme ; il est au cœur du raisonnement. En effet, (p - 1)! a pour image par φ la classe de congruence de p(p - 1)/2, qui est la somme des entiers de 1 à p - 1. On remarque que la classe de congruence de (p - 1)/2 est l'unique élément d'ordre 2 du groupe Z/(p - 1)Z, correspondant à -1 dans Z/pZ*. L'image réciproque de p(p - 1)/2 par φ, dans Z/pZ* correspond à la classe de (-1)p = -1, modulo p, ce qui inclut le cas p = 2. Ceci permet de conclure.
[modifier] Principe de la démonstration de Gauss
Gauss raisonne de manière un peu plus astucieuse. Pour calculer la somme de 1 à p - 1, il remarque qu'il est possible d'ajouter 0 en première positition, alors le ième terme s'annule avec le p - 1 - ième.
Comme p est impair, la somme contient un nombre impair de termes, il ne reste plus que (p - 1)/2, l'unique élément d'ordre deux.
[modifier] Démonstration manuelle
Alhazen, Leibniz ou Euler ne disposent pas de ce savoir. Ils connaissent la division euclidienne, le théorème des restes chinois et son équivalent algébrique l'identité de Bézout enfin des propriétés décrites dans l'article Congruence sur les entiers à l'exception du dernier paragraphe.
Une démonstration est toujours possible, elle est en revanche plus longue et plus astucieuse. L'abstraction de l'approche modulaire est remplacée par une complexité plus grande. Celle présentée ici dérive de l'approche de Gauss.
-
- Si p n'est pas premier, p ne divise pas (p - 1)! + 1.
En effet, si p n'est pas premier, il admet un diviseur d compris entre 2 et p-1, que l'on retrouve dans un des facteurs de (p - 1)!. Si l'on suppose que p divise (p - 1)! + 1 alors d divise l'entier (p - 1)! et son successeur : c'est une contradiction.
-
- Si p est premier alors la division de (p - 1)! par p donne pour reste moins un.
Procédons en plusieurs étapes. Dans un premier temps, l'objectif est de montrer que si a est un entier compris entre 1 et p - 1, il existe un entier b aussi compris entre 1 et p - 1 tel que la division euclidienne de a.b par p possède pour reste 1.
-
- Il existe deux entiers positifs b1 et q1 tel que :
En effet, l'identité de Bezout montre l'existence de deux entiers b2 et q2 tel que a.b2 + p.q2 = 1. Si b2 est positif, la proposition est démontrée, sinon il existe un entier positif m tel que b1 = b2 + m.p soit strictement positif car l'ensemble des entiers est archimédien. On définit q1 par l'égalité q1 = q2 - m.p. Le couple b1 et q1 vérifie bien les hypothèses de la proposition.
-
- Il existe un unique entier b compris entre 1 et p - 1 vérifiant la proposition suivante :
Il suffit, pour se persuader de son existence, de diviser b1 par p, si b est le reste d'une telle division, il correspond à la valeur recherchée.
Montrons l'unicité, si β1 et β2 sont deux valeurs vérifiant la proposition et tel que β1 est supérieur ou égal à β2, alors a.(β1 - β2) est un multiple de p, le lemme d'Euclide permet alors de conclure que β1 - β2 est nul, ce qui démontre l'unicité.
La deuxième étape consiste à regrouper les différents entiers a et b par paires. Les produits a.b donnent tous pour reste par la division euclidienne par p la valeur 1, et les produits de ces produits donnent encore 1 pour reste de la même division euclidienne. Cette propriété est démontrée dans le paragraphe Structure d'anneau de l'article Congruence sur les entiers, et étaient connues des différents mathématiciens ayant travaillé sur ce théorème.
Il reste néanmoins encore une difficulté, correspondant aux cas ou les valeurs a et b sont égales.
-
- Les seules valeurs de a tel que a est égal à b sont 1 et p - 1.
Si a est b sont égaux, alors il existe un entier q tel que : a 2 - 1 = p.q. On reconnait une identité remarquable et :
Le lemme d'Euclide permet alors de conclure que a est égal à 1 ou à p - 1.
-
- Conclusion
En réordonnançant les différents facteurs de (p - 1)!, on obtient des paires d'entiers dont le produit possède pour reste 1 par la division euclidienne par p et 1 et p - 1, ce qui montre que le reste de la division euclidienne de (p - 1)! par p est égal à p - 1.
Si l'utilisation des notations des congruences simplifie l'exposé, la complexité reste essentiellement la même. En revanche la connaissance de la structure du groupe multiplicatif simplifie grandement la démonstration.
[modifier] Notes et références
[modifier] Notes
- ↑ Alhazen Opuscula
- ↑ Leonhard Euler Opusc. Anal. Tome 1 p 329
- ↑ G. Van Brummelen M. Kinyon Mathematics and the Historian’s Craft Springer New York 2005
- ↑ Edward Waring Edward Waring Meditationes Cambridge J. Archdeacon 1770
- ↑ Joseph-Louis Lagrange Démonstration d'un théorème nouveau concernant les nombres premiers Nouv. Mem. de l'Académie des sciences et belles lettres S 125-137 1771
- ↑ Carl Friedrich Gauss , Disquisitiones arithmeticae, 1801 Traduction M. Poullet-Delisle Ed. Courcier 1807
- ↑ Carl Friedrich Gauss, Recherches arithmétiques, 1801 Traduction M. Poullet-Delisle Ed. Courcier p 34 1807
[modifier] Liens externes
- (fr) Démonstration du théorème de Wilson par Serge Mehl
- (fr) Biographie de John Wilson par l'Université de St Andrew
- (fr) Théorème de Wilson par Publimath.rem
- (fr) Sur les sommes de carrés On y trouve notamment deux démonstrations du théorème de Wilson une version élémentaire ( Terminale S ) et une version licence ( corps finis ) par Gilles Auriol.
[modifier] Références
- D Weeks Meditationes algebraicae Traduction anglaise des travaux d'Edward Waring Providence RI, 1991
- R Rashed, Entre arithmétique et algèbre: Recherches sur l'histoire des mathématiques arabes Paris, 1984
- Pierre Samuel, Théorie algébrique des nombres [détail des éditions]