Anneau (mathématiques)

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En algèbre générale, un anneau est une structure algébrique sur laquelle deux opérations satisfont certaines des propriétés de l'addition et la multiplication des nombres.

Sommaire

[modifier] Aspect historique

Icône de détail Article détaillé : Théorie des anneaux.

L'étude des corps et des anneaux trouve son origine dans l'école allemande du XIXe siècle. Elle est développée par les mathématiciens Kummer, Dedekind, Kronecker et Hilbert. Elle naît de l'étude des équations algébriques, des nombres algébriques et de la recherche d'une démonstration du grand théorème de Fermat. Elle conduira à un développement important de l'algèbre générale et de la géométrie algébrique.

Dans le Xe Supplément de sa seconde édition des Leçons sur la théorie des nombres de Gustav Lejeune Dirichlet, en 1871, Richard Dedekind considère, à côté de la notion de corps (Körper) et l'anneau des entiers d'un corps de nombres algébriques ; il introduira un peu plus tard d'autres anneaux qu'il appelle ordres (Ordnung). Mais c'est David Hilbert qui emploie le terme d'anneau (Ring) pour définir ce qui est toujours à l'époque un anneau commutatif unitaire, dans son Rapport sur les nombres (Zahlbericht) de 1897 pour la Deutsche Mathematiker-Vereinigung[1].

[modifier] Définition

Un anneau est un triplet (A, +, ∙) tel que :

  • A est un ensemble ;
  • + est une loi de composition interne telle que (A, +) soit un groupe commutatif ; ce qui implique que
    • A contient au moins un élément : l'élément neutre pour la loi +, noté 0 ;
    • tout élément a de A a un opposé, noté −a ;
  • est une loi de composition interne associative et distributive par rapport à + ;
    • ci-dessous on notera xn pour désigner l’image de tout x dans A via un l’endomorphisme défini sur l’anneau pour tout entier n, tel que xn résulte de n-1 associations de la seconde loi de composition interne associative ., en utilisant n valeurs successives toutes égales à x (l’ordre de ces compositions est sans importance car elles sont associatives).

[modifier] Exemples

  • L'ensemble des entiers relatifs, Z, muni de l'addition (la loi +) et de la multiplication (la loi ).
  • L'ensemble des entiers congruents modulo un nombre entier donné p est un anneau pour la loi provenant la congruence ; il est noté Z/pZ. Ainsi Z/2Z pour les loi + et * est un anneau. 0 correspond aux nombres pairs et 1 aux nombres impairs. On retrouve alors les résultats suivants :
    • Un pair plus un pair est pair (0+0=0).
    • Un impair plus un pair est impair (0+1=1+0=1).
    • Un impair plus un impair est pair (1+1=0).
    • Un pair fois un entier quelconque est pair (0*x=0).
    • Un impair fois un impair est impair (1*1=1).
  • Un corps est un cas particulier d'anneau. En particulier, l'ensemble des nombres rationnels muni de l'addition et de la multiplication usuelles est un anneau.
  • L'ensemble des réels s'écrivant a + b\sqrt{2}, où a et b sont des entiers relatifs, muni de l'addition et de la multiplication usuelles est un anneau.
  • Les endomorphismes d'un espace vectoriel (applications linéaires de l'espace vers lui-même) forment un anneau, avec l'addition de fonction pour la loi +, et la composition pour la loi . L'identité est un élément neutre pour , donc c'est un anneau unitaire. Il n'est pas commutatif en général. C'est une grande source de contre-exemples à des affirmations fausses sur les anneaux.
  • Plus généralement les endomorphismes d'un groupe abélien forment un anneau.
  • En particulier, l'ensemble des matrices 2 × 2 muni de l'addition et de la multiplication est aussi un anneau non commutatif unitaire
  • L'ensemble des polynômes à coefficients dans un anneau est aussi un anneau.
  • L'ensemble des fonctions d'un ensemble dans un anneau muni des lois héritées de l'anneau (c'est à dire (f+g)(x)=f(x)+g(x) et (f*g)(x)=f(x)*g(x)) forme un anneau.

[modifier] Éléments remarquables

  • Élément régulier : un élément a ∈ A est dit régulier à droite (resp. à gauche) ssi le seul élément x de A tel que x∙a = 0 (resp. a∙x=0) est x = 0; on note l'ensemble des réguliers: A×
  • Diviseur de zéro : un élément non nul a ∈ A est un diviseur de 0 à droite (resp. à gauche) s'il existe un élément b de A non nul et tel que b∙a = 0(resp. a∙b = 0). L'ensemble des éléments réguliers et des diviseurs de zéro forment une partition de A\ {0}
Voir article détaillé : Diviseur de zéro
  • Élément nilpotent : un élément a ∈ A est dit nilpotent d'ordre n s'il existe un entier n non nul tel que an=0 et que pour tout k appartenant à {0;n-1} a^k\neq 0
Un élément nilpotent non nul est un diviseur de zéro.
2 est nilpotent dans tous les anneaux \mathbb Z /2^n \mathbb Z où n≥2.
Si a est nilpotent, (1-a) est inversible
  • Élément central : un élément qui commute (pour la multiplication) avec tout autre élément de A.
  • Élément idempotent ou projecteur : un élément a ∈ A est appelé projecteur ou idempotent lorsque a∙a = a2 = a.
Toute projection sur un sous-espace vectoriel, dans l'anneau des endomorphismes décrit ci-dessus, est un projecteur
  • Élément inversible : un élément a ∈ A d'un anneau unitaire est dit inversible lorsqu'il existe un élément b de l'anneau tels que a∙b = b∙a = 1. On appelle parfois les éléments inversibles les éléments unités. On note l'ensemble des inversibles : A*.
Voir article détaillé : Élément inversible
Les éléments inversibles de Z sont -1 et 1
Un élément inversible est nécessairement régulier mais la réciproque est fausse.
  • Diviseur : si a ∈ A est non nul, et d ∈ A. On dit que d est un diviseur de a à droite (resp. à gauche) ssi il existe b ∈ A tel que a = b∙d (resp. a = d∙b). Si l'anneau est commutatif, on parle simplement de diviseur.
  • Élément irréductible : Dans un anneau commutatif unitaire, un élément a ∈ A non inversible est irréductible ssi ses seuls diviseurs dans A sont les éléments inversibles u ou les éléments s'écrivant a∙u (éléments associés à u).
  • Élément premier: Dans un anneau commutatif unitaire, un élément p ∈ A est dit premier ssi, pour tous éléments a et b de A, si p divise a∙b et si p ne divise pas a alors p divise b
Dans un anneau commutatif unitaire intègre, un élément premier est irréductible, mais la réciproque n'est pas toujours vraie.
  • Élément maximal: Dans un anneau commutatif unitaire, un élément p ∈ A est dit extrémal ssi (p) est un idéal maximal de A (ce qui équivaut à l'importante propriété : "A / (p) est un corps".)
Dans un anneau commutatif unitaire intègre, un élément maximal est premier, mais la réciproque n'est pas toujours vraie.
  • Éléments associés : dans un anneau commutatif unitaire intègre, deux éléments a et b sont associés ssi il existe un élément inversible u tel que a = u∙b
  • Éléments premiers entre eux : dans un anneau commutatif unitaire intègre, deux éléments a et b sont premiers entre eux ssi , pour tout d de A, si d divise a et d divise b alors d est un élément inversible.

[modifier] Anneaux remarquables

  • Anneau unitaire : un anneau est dit unitaire si la loi dispose d'un élément neutre, noté 1.
En terminologie universitaire française, les anneaux sont systématiquement unitaires. Dans le cas contraire, si la loi ne dispose pas d'élément neutre, l'anneau est dit pseudo-anneau.
  • Anneau commutatif (ou abélien) : un anneau est commutatif si sa seconde loi est aussi commutative
Voir article détaillé : Anneau commutatif
Convention : Le terme « anneau » est souvent employé pour désigner un anneau commutatif unitaire. Il faut donc prêter garde au contexte dans lequel ce terme est employé.
  • Anneau intègre : Un anneau est intègre ssi tout élément non-nul est régulier, c’est-à-dire qu'aucun des éléments n'est diviseur de 0.
Voir article détaillé : Anneau intègre
  • Anneau réduit: Un anneau est réduit ssi son élément nul est le seul nilpotent.
\mathbb Z / 6 \mathbb Z est réduit, mais n'est pas intègre, puisque dans cet anneau, 2 et 3 sont des diviseurs de zéro.
  • Corps : un corps est un anneau unitaire dont tous les éléments non-nuls sont inversibles.
Voir article détaillé : Corps
Tout anneau intègre fini est nécessairement un corps.
  • Anneau factoriel: anneau commutatif unitaire intègre dans lequel tous les éléments se décomposent en produits d'éléments irréductibles
Voir article détaillé : Anneau factoriel
plus exactement pour tout a de A, il existe un élément u inversible, et n éléments irréductibles p1, p2, ..., pn tels que a = up1p2...pn. Cette décomposition est unique à l'ordre près et à l'élément inversible u près.
  • Anneau euclidien : anneau commutatif unitaire intègre dans lequel on peut définir une division euclidienne.
Voir article détaillé : Anneau euclidien
Plus précisément, il existe une application v (appelé stathme euclidien) de A\{0} dans N telle que: pour tout a et b de A, b non nul, il existe un couple (q, r) de A2 tel que a = bq + r avec r nul ou v(r) < v(b)
Z[i] est un anneau euclidien dans lequel le couple (q,r) n'est pas unique
L'anneau Z des entiers relatifs est un anneau euclidien pour v = valeur absolue
Si K est un corps commutatif, l'anneau K[X] est un anneau euclidien pour v = degré du polynôme.
  • Anneau de Boole : anneau dans lequel tout élément de A est idempotent (x2 = x)
L'ensemble des parties de E muni de la loi + définie par A + B = (A \cup B) \setminus (A \cap B) et de la loi ∙ définie par A \cdot B = A \cap B est un anneau commutatif unitaire de Boole

[modifier] Anneau opposé

L'anneau opposé Aop d'un anneau A possède le même groupe additif sous-jacent que A et sa multiplication est effectuée dans l'ordre oppośe: si l'on note \cdot_A et \cdot_{A^{op}} les multiplications respectives de A et Aop, on a

 a\cdot_{A^{op}} b = b\cdot_A a

Il est clair que si A est commutatif, A = Aop.

[modifier] Corps des fractions

Voir article détaillé : Corps des fractions

Un anneau commutatif unitaire intègre (ou domaine d'intégrité) est presque un corps mais certains éléments ne sont pas toujours inversibles. On démontre que l' on peut plonger tout anneau commutatif intègre dans un corps appelé corps des fractions de A. Remarque: il n'est pas nécessaire que l'anneau soit unitaire, car l'élément neutre apparaît de toute façon dans la construction du corps des fractions.

[modifier] Sous-anneau

Une partie B d'un anneau A est un sous-anneau de (A, +, .) ssi

  • (B, +) est un sous-groupe de (A,+)
  • B est stable pour la loi .
  • dans le cas des anneaux unitaires, il est nécessaire que 1 ∈ B

La dernière condition n'est pas à négliger : dans l'ensemble des matrices carré M2, anneau non-commutatif unitaire, l'ensemble des matrices de la forme :

\begin{bmatrix}
x&0\\
0&0
\end{bmatrix}

est un anneau unitaire dont l'élément neutre est différent de la matrice identité. Ce n'est donc pas un sous-anneau de M2.

  • Un sous-anneau est un anneau
  • Élément entier sur B : dans un anneau commutatif unitaire intègre A contenant un sous-anneau B, un élément x ∈ A est entier sur B ssi x est solution d'une équation P(x) = 0P est un polynôme unitaire à coefficient dans B.
L'anneau Z des entiers relatifs est un sous-anneau de l'anneau Q des rationnels. Les seuls éléments de Q entiers sur Z sont les entiers relatifs.
L'anneau Z des entiers relatifs est un sous-anneau de l'anneau Q[i] des complexes s'écrivant a + ib, a et b étant des rationnels . Les éléments de Q[i] entiers sur Z sont les complexes s'écrivant a + ib, a et b étant des entiers relatifs.
  • Fermeture intégrale : dans un anneau commutatif unitaire intègre A contenant un sous-anneau B, la fermeture intégrale de B dans A est l'ensemble des éléments de A entiers sur B. C'est un sous-anneau de A contenant B comme sous-anneau.
  • Anneau intégralement clos : C'est un anneau commutatif unitaire intègre égal à sa fermeture intégrale dans son corps des fractions.
L'anneau des entiers relatifs est intégralement clos.
Plus généralement: un anneau factoriel est intégralement clos.
  • Le centre Z(A) d'un anneaux A par définition Z(A)={x∈A / ∀y∈A, x.y=y.x}, c’est-à-dire l'ensemble des éléments qui commutent avec tous les autres pour la loi "." est le plus grand sous-anneau commutatif de A.
  • L'intersection de deux sous-anneaux d'un même anneau, est un sous-anneau.
  • L'image d'un anneau par un homomorphisme d'anneau est un sous-anneau de l'anneau d'arrivée.

Cependant, la structure de sous-anneaux (excepté le cas d'un anneau dans son corps des fractions) est moins riche en résultats que celle d'idéal.

[modifier] Idéal

Voir article détaillé : Idéal

Plus intéressante que la structure de sous-anneau, la structure d'idéal s'apparente à celle de sous-groupe distingué dans un groupe. Un idéal I est un sous-groupe additif vérifiant

  • pour tout x de I et tout a de A, ax ∈ I pour un idéal à droite
  • pour tout x de I et tout a de A, xa ∈ I pour un idéal à gauche

Un idéal bilatère (à droite et à gauche) permet de créer un anneau quotient.

Selon les propriétés des idéaux d'un anneau A, on distingue des familles d'anneaux particuliers:

  • Anneau principal : anneau commutatif unitaire intègre dont tous les idéaux sont principaux.
Voir article détaillé : Anneau principal
Un anneau euclidien est principal
Un anneau principal est factoriel
  • Anneau noethérien: anneau commutatif unitaire dont les idéaux sont engendrés par un nombre fini d'éléments
Voir article détaillé : Anneau noethérien
  • Anneau artinien : anneau commutatif unitaire dont toute suite d'idéaux décroissante (pour l'inclusion) est stationnaire.
  • Anneau local : anneau commutatif unitaire dans lequel il n'existe qu'un seul idéal maximal.
  • Anneau de Bézout : Anneau commutatif unitaire intègre dans lequel tout idéal de type fini est principal
  • Anneau de Dedekind : Anneau noethérien intégralement clos dans lequel tout idéal premier est maximal.
Voir article détaillé : Anneau de Dedekind

[modifier] Classification des anneaux

La théorie des anneaux étant une branche très riche de l'algèbre, il est difficile de se repérer dans la jungle des anneaux particuliers. Le schéma ci-dessous donne une illustration partielle de leur hiérarchie - une flèche fait passer du général au particulier.

On peut remarquer que l'anneau qui se détache de cette hiérarchie est l'anneau euclidien : c'est celui qui va posséder le plus de propriétés.

Image:Classification des anneaux.png

[modifier] Opérations (induites ou additionnelles) sur les éléments d'un anneau

[modifier] Multiplication par un entier

Précisons tout de suite que cette multiplication ne fait pas partie de la structure de l'anneau; mais elle apparaît de façon naturelle pour tout anneau.

Il s'agit tout simplement de la multiplication par un entier appliquée au groupe additif de l'anneau.

L'élément na est défini par

  • si n > 0,\ na = a + a + \ldots + a avec n termes a
  • si n = 0,\ na = 0
  • si n < 0,\ na = - |n|a

De plus, cette loi externe est compatible avec la multiplication de l'anneau:

\forall n \in \Z,\ \forall (a,b) \in A \times A,\ (na) \cdot b=a \cdot(nb)= n(a \cdot b)

Cela confère alors à l'anneau une structure de \Z-algèbre.

En particulier, si l'anneau est unitaire, on peut multiplier son 'un' par tout entier, et cela définit une application de Z dans A .

Il est clair, d'après sa définition, que cette application est le seul morphisme d'anneaux unitaires de Z vers A.

On peut alors définir la caractéristique de l'anneau comme l'entier naturel n qui engendre le noyau de ce morphisme. En effet, le noyau de ce morphisme est un idéal de Z et s'écrit alors nZ.

Cette structure additionnelle est très utilisée pour les différentes théories de cohomologie.

[modifier] Formule du binôme

Voir Formule du binôme de Newton.

Cette formule est applicable à tout couple d'éléments permutables.

Elle se généralise à toute famille finie d'éléments permutables deux à deux : Formule du multinôme.

[modifier] Dérivation

Une dérivation d'un anneau A est une application \mathrm D : A \mapsto A vérifiant l'identité de Leibniz :

\forall (a,b) \in A \times A,\ \mathrm{D}(a \cdot b) = a \cdot \mathrm{D}(b)+ \mathrm{D}(a)\cdot b.

Cette notion est en particulier vérifiée par la dérivée d'une fonction (de variable réelle, par exemple); elle en est une généralisation utilisée en géométrie algébrique et en calcul différentiel sur les variétés (par exemple pour définir le crochet de Lie). Toute application de dérivation vérifie la formule de Leibniz.

[modifier] Sources

[modifier] Références

  1. Jean Dieudonné (dir.), Abrégé d'histoire des mathématiques 1700-1900 [détail des éditions] , vol. 1, p. 111-112, 201-203, et D. Hilbert, Die Theorie der algebraischen Zahlkörper, Jahresbericht der DMV 4, (1897), p. 175-546, §31.

S. Mac Lane & G. Birkhoff ; Algèbre [détail des éditions]