Nombre irrationnel
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Un nombre irrationnel est un nombre réel qui n'est pas rationnel.
Il existe deux types d'irrationnels :
- les nombres algébriques, racines d'un polynôme à coefficients rationnels non nuls, comme la racine carrée de 2 (voir la démonstration d'irrationalité), et plus généralement, tout nombre où x est un entier naturel qui n'est pas un carré parfait.
- les nombres transcendants, comme π (pi) et e.
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[modifier] Histoire
Comme le rapporte le Sulba Sutras, l'utilisation la plus ancienne des nombres irrationnels fut faite par les indiens entre 800 et 500 avant J-C.. Il était connu que la diagonale et l'un des côtés d'un carré sont incommensurables l'une à l'autre. [1]
La première démonstration de l'incommensurabilité de la diagonale et de l'un des côtés d'un carré, ce qui est équivalent à l'irrationalité de , serait due à Hippase de Métaponte[2], un pythagoricien. Cette découverte ouvrit une crise profonde chez les mathématiciens grecs. L'histoire rapporte qu'Hippase un pythagoricien découvrit l'irrationalité de nombres en essayant de représenter la racine carrée de deux sous forme d'une fraction. Cependant Pythagore croyait au caractère absolu des nombres et ne considérait avec ses disciples que des grandeurs commensurables; il ne put réfuter l'existence de ces nombres irrationnels par la logique, et comme le rapporte la légende, il condamna Hippase à mourir noyé.
Théétète travailla sur des irrationalités quadratiques, mais sans succès jusqu'à ce qu'Eudoxe développe un théorie des rapports irrationnels que les mathématiciens grecs acceptèrent comme des nombres irrationnels. Les mathématiciens hellénistes montrèrent leur pleine capacité à travailler avec les nombres irrationnels. Le livre 10 des éléments d'Euclide est consacré à une classification des grandeurs irrationnelles.
Au seizième siècle, la communauté mathématique accueillit favorablement les nombres négatifs et les fractions. Au dix-septième siècle, les mathématiciens employèrent de plus en plus fréquemment les fractions décimales et représentaient déjà ces nombres avec la notation moderne.
Pendant les cent années suivantes furent introduits les nombres imaginaires qui devinrent un outil puissant forgé par Abraham de Moivre, et plus particulièrement aiguisé par Leonhard Euler.
Au dix-neuvième siècle, la théorie des nombres complexes fut complétée, l'existence des nombres transcendants fut montrée, ce qui amena à diviser les nombres irrationnels en deux catégories, celle des nombres algébriques et celle des nombres transcendants et ainsi à effectuer une étude scientifique d'un sujet presque resté en léthargie depuis Euclide, celui de la théorie des nombres irrationnels.
L'année 1872, vit la publication des théories de Karl Weierstrass (par son élève Kossak), de Heine (Crelle 74), de George Cantor (Annalen 5), et de Richard Dedekind. Méray avait pris en 1869 les mêmes points de départ que Heine, mais la naissance de cette théorie est généralement rattachée à l'année 1872.
La méthode de Weierstrass fut complètement déterminée par Pincherle (en 1880), et celle de Dedekind reçut une importance supplémentaire par le travail ultérieur de l'auteur (en 1888) et par l'approbation plus récente de tannerie de Paul (en 1894).
Weierstrass, Cantor, et Heine basèrent leurs théories sur les séries infinies, pendant que Dedekind fonda la sienne sur l'idée d'une coupure (Schnitt) dans le système des nombres rationnels, partageant les nombres rationnels en deux classes caractérisées par des propriétés différentes.
Ce travail fut complété plus tard par Weierstrass, Kronecker (Crelle 101), et Méray.
Les fractions continues, étroitement liées aux nombres irrationnels (dues à Cataldi en 1613), furent prises en considération par Euler, et au début du dix-neuvième siècle, elles prirent de l'importance grâce aux écrits de Joseph Louis Lagrange. Dirichlet aussi travailla sur cette théorie, ainsi que beaucoup d'autres mathématiciens qui développèrent de multiples applications.
Lambert démontra en 1761 que π ne pouvait être rationnel, et que en est irrationnel si n est rationnel (sauf si n = 0).
La démonstration de l'irrationalité de π de Lambert, est souvent considérée comme incomplète. Mais certains mathématiciens l'acceptent comme une démonstration satisfaisante et la jugent rigoureuse pour son époque. Les démonstrations sont présentées dans l'article Fraction continue.
Legendre (en 1794), après avoir introduit les fonctions de Bessel-Clifford, fournit une démonstration de l'irrationalité de π2 confirmant ainsi celle de π.
L'existence de nombres transcendants a été établie pour la première fois par Liouville (entre 1844 et 1851). Plus tard, George Cantor (en 1873) montra leur existence par une méthode différente, en démontrant que tout intervalle ayant au moins deux réels contient des nombres transcendants. Charles Hermite (en 1873) fut le premier à démontrer la transcendance de e, et Ferdinand von Lindemann (en 1882), montra à partir des conclusions d'Hermite, la transcendance de π. La démonstration de Lindemann fut largement simplifiée par Weierstrass (en 1885), et encore davantage par David Hilbert (en 1893), pour finalement devenir élémentaire grâce à Adolf Hurwitz et Paul Albert Gordan.
[modifier] Nombres irrationnels transcendants et algébriques
Presque tous les nombres irrationnels sont transcendants et tous les nombres transcendants sont irrationnels. Donnons comme exemples de nombres trancendants les nombres er et πr qui sont irrationnels si est rationnel; e est aussi irrationnel.
Un autre moyen de construire des nombres irrationnels considère les nombres algébriques irrationnels, c'est-à-dire des zéros de polynômes à coefficients entiers. Considérons une équation algébrique de la forme
où les coefficients ai sont entiers.
Supposons qu'il existe un réel x tel que p(x) = 0 (par exemple si n est impair et an est non nul, un tel x existe d'après le théorème des valeurs intermédiaires).
Les seules racines rationnelles de cette équation algébrique sont de la forme r / s d'une fraction irréductible où r est diviseur de a0 et s un diviseur de an; il y a seulement un nombre fini de valeurs possibles que l'on peut essayer à la main. Si aucune de ces valeurs n'est racine de p, x doit être irrationnel. Par exemple, si nous avons (x3 − 1)2 = 2 alors x6 − 2x3 − 1 = 0 et le polynôme x6 − 2x3 − 1 n'a pas de racine rationnelle (les seules valeurs possibles étant ).
Parce que les nombres algébriques forment un corps, beaucoup de nombres irrationnels peuvent être construits en combinant les nombres algébriques et les nombres transcendants. Par exemple 3π + 2, et sont irrationnels et même transcendants.
[modifier] Développements décimaux
Le développement décimal d'un nombre irrationnel ne se répète jamais et ne se termine jamais. Le développement décimal d'un nombre rationnel se finit ou se répète.
Pour le démontrer, soit un nombre rationnel c'est-à-dire supposons que l'on divise deux entiers n par m (m étant non nul); alors lorsque l'algorithme de division euclidienne enseigné à l'école primaire est utilisé pour diviser n par m, il ne peut donner que m restes différents. Si 0 n'apparaît jamais comme reste, alors l'algorithme ne peut effectuer plus de m − 1 étapes sans redonner un même reste. Après cela, si un reste réapparaît, alors le développement décimal se répète!
Inversement, supposons qu'il y ait dans le développement d'un nombre des décimales récurrentes ; on peut alors démontrer que le nombre est une fraction de deux entiers. Par exemple:
Dans ce développement, la longueur de la séquence de décimales répétées est égale à 3. Multiplions par 103:
Remarquez que puisque nous avons multiplié par 10 puissance 3 la longueur de la période, nous avons décalé des chiffres vers la gauche par rapport à la virgule d'autant de positions.
Nous remarquons alors que les décimales de 1000A et de A à partir d'une certaine position sont identiques. Ainsi dans l'écriture décimale de 1000A et de A la séquence 162 se répète à partir d'un certain rang.
Par conséquent, lorsque nous soustrayons A à 1000A, les décimales de la différence deviennent nulles à partir de ce rang.
Ainsi
qui est un quotient de nombres entiers et apparaît donc comme un nombre rationnel.
[modifier] Problèmes ouverts
On ne sait pas si les nombres π + e et π − e sont ou non irrationnels. En fait, il n'existe pas de paire d'entiers non nuls m et n pour laquelle il serait possible de dire si oui ou non le nombre mπ + ne est irrationnel. De plus, on ne sait pas si l'ensemble {π,e} est algébriquement indépendant sur .
On ne sait pas non plus si 2e, πe, , nombres de Catalan, ou le nombre gamma d'Euler γ sont irrationnels.
[modifier] L'ensemble des irrationnels
L'ensemble des nombres irrationnels est indénombrable (puisque l'ensemble des rationnels est dénombrable et que celui des nombres réels ne l'est pas). L'ensemble des nombres irrationnels algébriques, c'est-à-dire, des irrationnels non transcendantaux, est dénombrable. Avec la valeur absolue comme distance, l'ensemble des nombres irrationnels devient un espace métrique qui n'est pas complet. Cependant, cet espace métrique est homéomorphe à l'espace métrique complet de toutes les suites entières positives; l'homéomorphisme est donné par le développement en fraction continue. Ceci démontre que le théorème de catégorie de Baire s'applique aussi à l'espace des nombres irrationnels. Alors que l'ensemble des nombres réels muni de sa topologie usuelle est connexe, cet espace de Baire, devient un espace topologique comme celui des réels, à savoir avec la topologie de l'ordre, mais totalement non connexe puisqu'il n'existe aucun chemin joignant deux irrationnels distincts restant sur la droite des irrationnels.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens externes
- De Pythagore à la crise des nombres irrationnels, vidéo éducative
- Nombre irrationel MathWorld (en)
- Racine carrée de 2 est irrationnel (en)
- Théodore sur MacTutor (en)
- Eudoxe sur MacTutor (en)
- Théétète sur MacTutor (en)
[modifier] Références
- Adrien-Marie Legendre, Éléments de Géometrie, Note IV, (1802), Paris. (fr)
- Rolf Wallisser, On Lambert's proof of the irrationality of π, in Algebraic Number Theory and Diophantine Analysis, Franz Halter-Koch and Robert F. Tichy, (2000), Walter de Gruyer. (en)