Théorème fondamental de l'arithmétique

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En mathématiques, et en particulier en arithmétique, le théorème fondamental de l'arithmétique ou théorème de décomposition en produit de facteurs premiers ou théorème de factorisation unique est largement utilisé en arithmétique modulaire. Il s'énonce ainsi:

Théorème fondamental de l'arithmétique — Chaque entier strictement positif peut être écrit comme un produit de nombres premiers d'une unique façon, à l'ordre près des facteurs.

Par exemple, nous pouvons écrire

6936=2^3\times3\times17^2  ou encore  1200=2^4\times3\times5^2

et il n'existe aucune autre factorisation de 6936 ou 1200 sous forme de produits de nombres premiers, excepté par réarrangement des facteurs ci-dessus.

Le nombre 1 est le produit de zéro nombre premier (voir produit vide), de sorte que le théorème est aussi vrai pour 1.

Sommaire

[modifier] Histoire

Dans le livre VII de ses Éléments, Euclide énonce que tout nombre non premier est divisible par un nombre premier[1]. Cette proposition plus faible que le théorème fondamental de l'arithmétique, est suffisante pour certaines applications. Le résultat était déjà connu et utilisé par des civilisations antérieures[réf. nécessaire].

Gauss
Gauss

En 1801 dans son livre Recherches arithmétiques, Carl Friedrich Gauss (1777-1855) développe des arithmétiques sur d'autres structures[réf. nécessaire]. L'existence d'une factorisation est étendue aux entiers relatifs, aux polynômes à coefficients dans un corps ainsi qu'à un nouvel anneau d'entiers algébriques, les entiers de Gauss. La notion de nombre premier est alors étendue. Elle s'applique de la même manière pour les polynômes irréductibles ou les nombres premiers de Gauss. Dans tous ces cas, la décomposition est complétée par un facteur correspondant à un élément inversible. Dans le cas des entiers relatifs le facteur est égal à (+ 1) si le nombre est positif et (- 1) s'il est négatif.

La décomposition est encore généralisée à toute une classe d'anneaux : les anneaux factoriels[réf. nécessaire].

[modifier] Démonstration

La démonstration est constituée de deux parties : premièrement, nous avons à montrer que (1) chaque nombre peut vraiment être écrit comme un produit de nombres premiers ; puis nous avons à montrer que (2) deux représentations d'un même nombre sont essentiellement les mêmes.

[modifier] (1) Existence

L'existence d'une décomposition en facteurs premiers d'un entier naturel parait a priori évidente. 28 n'est pas premier car est divisible par 4 ; il s'écrit donc 4*7 et 4 s'écrit 2*2. Malheureusement, si un tel raisonnement permet une recherche naïve de la décomposition d'un entier, il ne permet pas de prouver l'existence d'une décomposition pour n'importe quel entier. La preuve de l'existence ne peut s'appuyer que sur le principe de récurrence ou une propriété équivalente (que l'ensemble des entiers naturels vérifie par construction).

Raisonnement par récurrence :

  • 1 est le produit d'une famille vide de nombres premiers ;
  • Supposons que tout entier inférieur à un entier n est produit d'une famille de nombres premiers. Deux possibilités apparaissent pour n :
    • Soit n est premier, et donc produit d'un unique entier premier, à savoir lui-même. Le résultat est donc immédiatement acquis.
    • Soit n se décompose sous la forme k.l avec k et l<n. dans ce cas, l'hypothèse de récurrence implique que les entiers k et de l peuvent s'écrire comme produits de nombres premiers. Leur produit aussi, ce qui fournit une décomposition en produit de nombres premiers de n.

Par application du principe de récurrence, tous les entiers naturels peuvent s'écrire comme produit de nombres premiers.

Remarque : Il existe évidemment des variantes de cette démonstration s'appuyant sur le principe de descente infinie de Fermat, ou sur l'existence d'une borne inférieure à toute partie de N. Les démonstrations sont essentiellement équivalentes.

[modifier] (2) Unicité

En ce qui concerne la preuve de l'unicité, ceci tourne autour du fait suivant : si un nombre premier p divise un produit ab, alors il divise a ou il divise b (preuve : si p ne divise pas a, alors p et a sont premiers entre eux et l'identité de Bézout donne des entiers x et y tels que px + ay = 1. En multipliant par b, nous obtenons pbx + aby = b. Les deux parties de la somme du membre de gauche sont divisibles par p, donc le membre de droite est aussi divisible par p.) Maintenant, prenons deux produits de nombres premiers qui sont égaux. Prenons n'importe quel nombre premier p du premier produit. Il divise le premier produit, et, de là, aussi le second. Par ce qui précède, p doit alors diviser au moins un facteur dans le second produit. Mais les facteurs sont tous des nombres premiers eux-mêmes, donc p doit être égal à un des facteurs du second produit. Nous pouvons donc annuler p des deux produits. En continuant de cette manière, nous voyons que les facteurs premiers des deux produits coïncident précisément.

Autre démonstration de l'unicité
Une autre démonstration de l'unicité de la factorisation première d'un entier donné utilise la descente infinie.
On suppose qu'un certain entier peut être écrit comme (au moins) deux produits différents de nombres premiers, alors il doit exister un plus petit entier s avec ce genre de propriété. Appelons les deux produits de s p1 × ... × pm et q1 × ... × qn. Aucun pi (avec 1 ≤ i ≤ m) ne peut être égal à aucun q j (avec 1 ≤ j ≤ n), sinon il existerait un entier plus petit factorisable de deux manières (en enlevant les facteurs premiers communs des deux produits) qui violerait notre affirmation. Nous pouvons maintenant assurer sans perte de généralité que p1 est un facteur premier plus petit que n'importe quel q j (avec 1 ≤ j ≤ n). Divisons q1 par p1 : il existe des entiers d et r tels que q1 = p1 × d + r avec 0 < r < p1 (r ne peut être 0 puisque q1 est premier et p1 < q1). Par substitution dans q1 × ... × qn nous obtenons immédiatement p1 × ... × pm = p1 × d × q2 × ... × qn + r × q2 × ... × qn. On voit que p1 divise le premier membre de l'égalité ci-dessus ainsi que le premier terme du second membre. Il divise donc aussi r × q2 × ... × qn. Or comme r < p1 < q1 on voit que r × q2 × ... × qn est strictement inférieur à s et est donc la factorisation première unique. Cette factorisation s'achève en factorisant r. Mais le facteur premier p1 ne peut être aucun des q j (2≤j) ni aucun des facteurs premiers de r puisque r < p1 d'où la contradiction. Donc, l'affirmation de départ doit être fausse, ce qui montre l'unicité de la décomposition.

[modifier] Applications

Le théorème fondamental de l'arithmétique implique que tout entier naturel admet un facteur premier. Euclide utilisa ce résultat pour démontrer que les nombres premiers sont en quantité inépuisable : pour une famille finie de nombres premiers, un diviseur premier du produit augmenté de 1 fournit un nouveau nombre premier.

Le théorème fondamental intervient explicitement dans l'étude des fonctions additives et multiplicatives. En particulier, toute fonction complètement multiplicative est uniquement déterminée par les valeurs prises en les entiers premiers.

Toutefois, la preuve de l'existence donnée ci-dessus ne donne pas un algorithme efficace de la recherche de la décomposition d'un entier naturel en produit de nombres premiers.

[modifier] Notes et références

  1. Lire la proposition 31 du livre VII

[modifier] Voir aussi