Bataille de Verdun

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Bataille de Verdun
Informations générales
Date 21 février19 décembre 1916
Lieu Verdun, France
Issue Victoire française
Belligérants
Commandants
Philippe Pétain
Robert Nivelle
Erich von Falkenhayn

Forces en présence
le 21 février 1916 :
30 000 hommes ;
281 pièces d'artillerie ;
le 28 mai :
1727 pièces d'artillerie
+ de 500 000 hommes
le 21 février 1916 :
150 000 hommes,
1257 pièces d'artillerie ;
le 28 mai :
2200 pièces d'artillerie
Pertes
163 000 morts
260 000 blessés
143 000 morts
236 000 blessés
Première Guerre mondiale
Front de l’Ouest

FrontièresLiègeAnversYserGrande RetraiteMarne (1914)Course à la mer – Neuve Chapelle – Ypres (1915)Artois (05-1915)Artois (09-1915)LoosHartmannswillerkopfVerdunHulluchSommeCôte 70Arras (1917)VimyChemin des DamesMessinesPasschendaeleCambrai (1917)Cambrai (1918) – Michael – LysAisne (1918)Bois BelleauMarne (1918)Château-ThierryHamelCent-Jours


Front de l’Est
StalluponenGumbinnenTannenbergLemberg – Krasnik – Lacs de Mazurie (I) – Przemyśl – VistuleŁódźBolimovLacs de Mazurie (II) – Gorlice-Tarnów – VarsovieLac NarochOffensive BrusilovOffensive Kerensky


Afrique et Méditerranée
LaiSandfonteinTangaDardanellesNaulilaJassinGibeonBukobaSalaitaNegomano

La bataille de Verdun fut une bataille de la Première Guerre mondiale qui eut lieu du 21 février au 19 décembre 1916 près de Verdun en France, opposant les armées française et allemande. Conçue par von Falkenhayn comme une bataille d'attrition pour « saigner à blanc l'armée française »[1] sous un déluge d'obus dans un rapport de pertes de 1 pour 2, elle se révélera en fait presque aussi coûteuse pour l'attaquant : elle fit plus de 300 000 morts (163 000 soldats français et 143 000 allemands) et se termina par un retour à la situation antérieure. Parallèlement, de juillet à novembre, l'armée britannique sera engagée dans la bataille de la Somme, tout aussi sanglante pour des résultats également mineurs.

Alors que, côté allemand, c'est pour l'essentiel les mêmes corps d'armée qui livreront toute la bataille, l'armée française fera passer à Verdun, par rotation, 70% de ses Poilus, ce qui contribua à l'importance symbolique de cette bataille et à la renommée du général Pétain qui commanda la première partie de la bataille. C'est au général Robert Georges Nivelle que revint le mérite de l'enrayement définitif de l'offensive allemande (juin - juillet 1916), puis de la reconquête du terrain perdu entre octobre et novembre 1916 avec la récupération du Fort de Douaumont, aidé en celà par son subordonné Anthelme Mangin[2].

Rétrospectivement, Verdun apparaît comme le lieu d’une des batailles les plus inhumaines auxquelles l’homme s'est livré : l'artillerie y cause 80% des pertes, le rôle des hommes y consiste surtout à survivre -- et mourir -- dans les pires conditions sur un terrain transformé en enfer, tout cela pour un résultat militaire nul.

Verdun sera, comme la Somme, une terrible leçon que certains théoriciens militaires sauront comprendre. L'immobilité du front malgré les moyens engagés est due à l'absence de moteur : en 1940, soumise au feu motorisé des panzers, Verdun tombera en 24h.

Sommaire

[modifier] Contexte au début de l’année 1916

Pour tous les belligérants, les hostilités commencées en 1914 devaient être de courte durée. Mais, les Allemands sont arrêtés sur la Marne. Alors une course à la mer s’engage. Finalement, le front se stabilise sur une ligne faisant 750 km, de la mer du Nord à la Suisse. Les armées s’enterrent. La guerre de mouvement est terminée. Le conflit s’annonce plus long que prévu.

Durant l’année 1915, les Français tentent de percer en Artois et en Champagne. Ces offensives sont de sanglants échecs faisant entre 310 000 et 350 000 morts dans les rangs français[3]. La guerre sera non seulement longue mais aussi meurtrière.

En cette fin d’année 1915, les effets de la guerre deviennent difficilement supportables pour l’ensemble des belligérants. L’ensemble des couches de la société est touché. Il devient urgent d’emporter la décision. Cela fait un an et demi que la guerre a commencé.

[modifier] Stratégies pour débloquer la situation

Pour le commandement français, dirigé par le généralissime Joffre, la guerre de mouvement reste d’actualité. Le chef des armées prête toute son attention à la préparation d’une offensive importante sur la Somme. Il faut percer, reprendre la guerre de mouvements et en finir.

Pour le commandement allemand, en la personne du général von Falkenhayn, chef de l’état major impérial, ce n’est pas tout à fait la même façon d’aborder le problème. Effectivement, il faut en finir avec ce conflit, car pour lui, l'Angleterre cherche à asphyxier les empires centraux dans une guerre d'usure. Mais pour cela il faut rendre la guerre coûteuse aux Anglais par une nouvelle méthode, la guerre sous-marine, et surtout il faut détruire les forces françaises : « les forces de la France seront saignées à mort… que nous atteignions notre objectif ou non »[4]. Le caractère extrémiste de ces propos laisse augurer de la sauvagerie dans les combats à venir. Le but est de décourager la France qui devrait ainsi demander grâce.

Le site de Verdun est finalement choisi pour de multiples raisons:

  • Tout d'abord, c’est une position stratégique importante car elle se trouve à proximité immédiate des usines d’obus de Briey-Thionville et du complexe ferroviaire de Metz[5].
  • Aussi, c’est un symbole populaire qui ne peut être abandonné à l’ennemi puisqu'il est le lieu du partage de Verdun entre les petits-fils de Charlemagne en 843 mettant en place l'apparition de la Francie occidentale, selon le Traité de Verdun[6]. Du fait de cet héritage historique, on suppose que les troupes françaises préféreront mourir sur place plutôt que de reculer.
  • Enfin, il est clair aussi que les Allemands mirent en œuvre leur plan d'attaque plus rapidement que les Français. Sinon, la confrontation aurait très certainement eu lieu sur la Somme[7].

[modifier] L'importance de Verdun

Panorama de Verdun, vue prise du Fort de la Chaume
Panorama de Verdun, vue prise du Fort de la Chaume
Panorama de Verdun,1919, côté Meuse
Panorama de Verdun,1919, côté Meuse


C’est un saillant des lignes françaises, cerné de tous les côtés, la Meuse compliquant la défense du secteur. Dans le saillant, se trouvent plusieurs forts dont ceux de Douaumont et de Vaux. Mais depuis la destruction des fortifications de Liège, Namur et Maubeuge par les obusiers allemands, le commandement français ne croit plus aux places fortes. Les canons des forts de Verdun sont retirés par décret du 5 août 1915, diminuant ainsi très fortement leur capacité opérationnelle[8]. Joffre a besoin de ces canons pour l’offensive qu’il projette. De même, les garnisons occupant les forts sont réduites bien souvent à quelques dizaines de combattants, voire moins.

Le système de défense est lui aussi parfois ramené à une tranchée au lieu de trois. Les barbelés sont en mauvais état. Les effectifs sont réduits et moins organisés. Tout cela laisse penser qu'une attaque allemande chercherait à gagner du terrain.

Le calme relatif dont a bénéficié le secteur au cours de ces derniers mois pourrait expliquer le peu d’intérêt porté par le commandement français pour cette section du front.

Pour ravitailler le secteur, il ne reste plus qu’une voie de chemin de fer reliant Bar-le-Duc à Verdun, la prise de Saint-Mihiel par les Allemands en 1914 coupant définitivement la ligne reliant Verdun à Nancy. Véritable tortillard, il est impropre au transport de matériel lourd. Parallèlement au chemin de fer se trouve une route départementale que Maurice Barrès appellera « la voie sacrée »[9]. Ce manque de voies de communication avec l’arrière rend encore plus fragile cette partie du front.

[modifier] L’attaque fut-elle une surprise ?

Carte de Verdun et de ses environs
Carte de Verdun et de ses environs

Le général allemand Falkenhayn choisit donc Verdun pour sa vulnérabilité et aussi du fait qu’il n’aura pas à déplacer beaucoup de troupes. Comptant sur la supériorité allemande en artillerie lourde, il va employer la méthode du «Trommelfeuer» : une préparation d’artillerie en « roulement de tambour » qui devrait permettre de niveler le terrain à conquérir.

Les Allemands amassent face à Verdun quelque 1 225 pièces d’artillerie de tous calibres dont 542 obusiers lourds. En moyenne, on peut compter un mortier rapide de 210mm tous les 150m. Ils déploient 13 obusiers Krupp de 420mm, 17 obusiers Skoda de 305mm (Skoda deviendra plus tard tchécoslovaque), 2 pièces de marine de 380mm et les munitions en conséquence, environ 2 500 000 obus. Ils massent 72 bataillons d’infanterie dans des abris enterrés (stollen)[10].

Sur les 20 divisions affectées à l'opération, 10 sont prévues pour la bataille proprement dite, les 10 autres étant réservées pour une éventuelle bataille décisive sur un autre secteur dégarni en conséquence.

Tous ces préparatifs ne peuvent échapper à l’attention des défenseurs de Verdun qui ne manquent pas de rapporter le renseignement aux plus hautes instances militaires.

Ainsi le lieutenant-colonel Driant, commandant des 56e et 59e bataillons de chasseurs, profite de sa qualité de parlementaire, membre de la commission de la défense nationale, pour attirer l’attention du commandement sur le secteur[11].

Joffre envoie un détachement du génie, mais il est bien tard. Le général Herr, chef de la région fortifiée de Verdun, dit lui-même « chaque fois que je demande des renforts d’artillerie, le GQG répond en me retirant deux batteries ! »

Depuis la mi-janvier, les préparatifs allemands sont confirmés par le 2e bureau des services de renseignements français, par la reconnaissance aérienne qui prend des photographies inquiétantes et par des déserteurs alsaciens et lorrains. Joffre reste sourd à ces renseignements.

[modifier] L’apocalypse sur la rive droite de la Meuse

Le lundi 21 février 1916 vers 7 heures, un obus de 380 explose dans la cour du palais épiscopal de Verdun. C’est le début d’une bataille inhumaine — opération baptisée Gericht (tribunal) par les Allemands — qui durera dix mois et fera plus de 300 000 morts et 400 000 blessés[12].

Un déluge de fer et de feu s’abat sur un front de quelques kilomètres (le bombardement est perçu jusque dans les Vosges, à 150 km). Deux millions d’obus — un obus lourd toutes les trois secondes — tombent sur les positions françaises en deux jours[13].

À 16 heures, le même jour, 60 000 soldats allemands passent à l’attaque sur un front de 6 km au bois des Caures, croyant s'attaquer à des troupes à l'agonie, totalement désorganisées[14]. L’infanterie allemande effectue une progression limitée, aménage immédiatement le terrain afin de mettre l’artillerie de campagne en batterie. La portée ainsi augmentée, les canons allemands menacent directement les liaisons françaises entre l’arrière et le front.

Les forces françaises sont écrasées par cette pluie d’acier. Le lieutenant-colonel Driant trouve la mort le 22 février dans le bois des Caures. Avec lui, 1 120 hommes tombent. Il n’y aura que 110 rescapés parmi les 56e et 59e bataillon des chasseurs à pied[15]. Sur le reste du secteur, les défenses sont broyées, disloquées, écrasées. En quelques heures, les massifs forestiers disparaissent, remplacés par un décor lunaire. Les massifs de Haumont, de Herbebois et des Caures sont déchiquetés, hachés, nivelés. Derrière le feu roulant, le 7e corps rhénan, le 18e hessois et le 3e brandbourgeois avancent lentement.

Le fort de Douaumont, qui n’est défendu que par une soixantaine de territoriaux, est enlevé dans la soirée du 25 février 1916 par le 24e régiment brandbourgeois. Ce succès fut immense pour la propagande allemande et une consternation pour les Français. Par la suite, 19 officiers et 79 sous-officiers et hommes de troupes de cinq compagnies différentes occuperont Douaumont qui deviendra le point central de la défense allemande sur la rive droite de la Meuse. Par cette prise, les allemands ne se retrouvent plus qu'à 5km de la ville de Verdun, se rapprochant inextricablement des troupes françaises[16].

Malgré tout, la progression allemande est très fortement ralentie. En effet, la préparation d’artillerie présente des inconvénients pour l’attaquant. Le sol, labouré, devient contraignant, instable, dangereux. Bien souvent, la progression des troupes doit se faire en colonne, en évitant les obstacles.

Contre toute attente, les Allemands trouvent une opposition à leur progression. Chose incroyable, dans des positions françaises disparues, des survivants surgissent. Des poignées d’hommes, souvent sans officiers, s’arment et ripostent, à l’endroit où ils se trouvent. Une mitrailleuse suffit à bloquer une colonne ou la tête d’un régiment. Les combattants français, dans un piteux état, résistent avec acharnement et parviennent à ralentir ou à bloquer l’avance des troupes allemandes.

Un semblant de front est reconstitué. Les 270 pièces d’artillerie françaises tentent de rendre coup pour coup. Deux divisions françaises sont envoyées rapidement en renfort, le 24 février 1916, sur ce qui reste du front. Avec les survivants du bombardement, ils arrêtent la progression des troupes allemandes[17].

C’est la fin de la première phase de la bataille de Verdun. Manifestement, les objectifs de Falkenhayn ne sont pas atteints. Un front trop limité, un terrain impraticable et la hargne du soldat français semblent avoir eu raison du plan de l’Allemand.

[modifier] Le commandement français réagit

Soldats français
Soldats français

Le 25 février 1916, Joffre décide de l'envoi à Verdun de la 2e Armée, qui avait été placée en réserve stratégique, et dont le général Pétain était le commandant depuis le 21 juin 1915. Il lui confie le commandement en chef du secteur de Verdun.

C'est dans l'hôtel où il se trouve avec sa maîtresse que Pétain est averti de sa nomination par son ordonnance. Il rejoint aussitôt son affectation.

Philippe Pétain est un fantassin de formation qui a le respect du feu. Ne répète-t-il pas sans cesse « le feu tue » ? Pour lui la progression de l'infanterie doit s'effectuer avec l’appui de l’artillerie. L’année précédente, la justesse de sa tactique a été démontrée. Il est économe des efforts de ses hommes. Il veillera à adoucir au maximum la dureté des épreuves pour ses troupes.

Dans un premier temps, le général Pétain réorganise la défense. Elle s’articule sur les deux rives de la Meuse. Une artillerie renforcée dans la mesure des disponibilités couvre les unités en ligne. Les forts sont réarmés. Pour ménager ses troupes, il impose « le tourniquet ». Les troupes se relaient pour la défense de Verdun. En juillet, 70 des 95 divisions françaises auront participé à la bataille.

Dans un second temps, il réorganise la logistique. La seule voie de ravitaillement possible consiste en une voie ferrée sinueuse doublée d’une route départementale. La route ne fait que sept mètres de large et se transforme en bourbier dès les premières pluies. Sur ces 56 km de piste, va circuler une succession ininterrompue de camions roulant jour et nuit.

Cette artère vitale pour le front de Verdun sera appelée « La Voie Sacrée » par Maurice Barrès. Il y circulera plus de 3 000 camions, un toutes les quinze secondes. 90 000 hommes et 50 000 tonnes de munitions seront transportés chaque semaine.

Des carrières sont ouvertes dans le calcaire avoisinant. Des territoriaux et des civils empierrent en permanence la route. Des milliers de tonnes de pierres sont jetées sous les roues des camions qui montent et descendent du front. Les deux files font office de rouleau compresseur et dament les pierres.

Un règlement draconien régit l’utilisation de cette route. Il est interdit de stationner. Le roulage se fait pare-choc contre pare-choc, de jour comme de nuit. Le flot ne doit s’interrompre sous aucun prétexte. Tout véhicule en panne est inexorablement poussé au fossé.

Enfin, il réorganise l’artillerie. L’artillerie lourde restante est récupérée. Un groupement autonome est créé et directement placé sous ses ordres. Cela permet de concentrer les feux sur les points les plus menacés. Ces changements apportés à cette partie du front font remonter le moral de la troupe qui sent en Pétain un véritable chef qui les soutient dans l’effort et la souffrance.

Pour la première fois depuis le début de la guerre, l'aviation va intervenir de manière véritablement organisée avec la création de la première grande unité de chasse, chargée de dégager le ciel des engins ennemis, et de renseigner le commandement sur les positions et les mouvements de l'adversaire : « Je suis aveugle, dégagez le ciel et éclairez-moi », leur dira-t-il. Les Allemands sont arrêtés à 4 km de leurs positions de départ, avance très faible eu égard aux moyens qu'ils ont engagés.

[modifier] Les combats se livrent sur les deux rives de la Meuse

Le Kronprinz supplie Falkenhayn d’attaquer la rive gauche pour faire taire les canons français. Les Allemands attaquent autour du Mort-Homme, du côté de la rive gauche, du bois des Bourrus, du bois de Cumière et du bois des Corbeaux. Puis ils attaquent sur la rive droite autour du fort de Vaux, de la Côte du Poivre et d’Avocourt. Ce sont à chaque fois des boucheries pour les deux camps. En ces lieux, ces hommes ont fait preuve tout à la fois de courage, de désespoir, de sacrifice et d’abnégation.

Sur ces positions, l’armée française est impitoyablement usée et saignée à blanc. Nombreuses sont les unités qui doivent être entièrement reconstituées à plusieurs reprises ou qui disparaissent.

Le 6 mars 1916, les Allemands pilonnent et attaquent le Mort-homme sur la rive gauche. Mais le feu français les arrête. Cette « bataille dans la bataille » va durer jusqu’au 15 mars. Au cours de ces 10 jours, le secteur est transformé en désert. Les combattants des deux bords y connaissent toutes les souffrances. Simultanément, le 7 mars, les Allemands lancent une offensive sur la rive droite, à partir de Douaumont. On se massacre dans les ruines de Douaumont qui est pris et repris 13 fois. Le saillant de Verdun se transforme en une innommable boucherie où la sauvagerie l’emporte sur toute sorte de compassion.

Le fer, le feu et la boue forment la triade infernale composant la vie du « poilu », mais aussi celle du « feldgrau » allemand.

Pétain réclame des renforts à Joffre. Mais ce dernier privilégie sa future offensive sur la Somme. Cela fait dire à Pétain « Le GQG me donne plus de mal que les Boches ».

La 11e division bavaroise investit, le 20 mars, la cote 304 qui couvrait de son feu le Mort-Homme. Malgré ces succès, l’offensive générale allemande sur les deux rives de la Meuse est arrêtée par les Français. « Les assauts furieux des armées du Kronprinz ont partout été brisés. Courage… on les aura! » dira Pétain.

Au début de la bataille les effectifs français étaient de 150 000 hommes. En avril,ils s'élèvent à 525 000 hommes. Cette concentration humaine sur une si faible surface pourrait expliquer dans une certaine mesure le bain de sang que constitue Verdun. Cependant, les Allemands étant arrêtés, Joffre veut quelqu’un de plus offensif. Il nomme Pétain chef du Groupe d’Armées Centre et Nivelle à Verdun.

Ce dernier charge le général Mangin de reprendre le fort de Douaumont. La bataille s’engage par six jours de pilonnage du fort par les Français. L’infanterie prend pied sur le fort le 22 mai, mais en est chassée le 24.

Durant ce temps, 10 000 Français tombent pour garder la cote 304 où les Allemands sont accrochés sur les pentes.

L’artillerie, pièce maîtresse de ce champ de bataille, est toujours en faveur du côté allemand avec 2 200 pièces à ce moment là pour 1 800 pièces côté français. On dirait que Verdun agit comme catalyseur. Les belligérants ne semblent plus pouvoir renoncer et sont condamnés à investir de plus en plus de forces sur ce champ de bataille qui a déjà tant coûté.

Falkenhayn reprend l’offensive sur la rive droite de la Meuse. Sur un front de 6 km, les Allemands sont à quatre contre un. Ils mettent les moyens pour emporter la décision qui tarde depuis si longtemps. À 3 km au sud-est de Douaumont se trouve le fort de Vaux. Il est défendu par une garnison de 600 hommes. L’eau, les vivres et l’artillerie sont en quantité insuffisantes. Après une intense préparation d’artillerie, le 1er juin, l’infanterie allemande se lance à l’attaque du fort. Le 2 juin, ils pénètrent dans l’enceinte. Toutefois, il faut encore « nettoyer » la place. Les combats se livrent couloir par couloir. Il faut gazer la garnison pour la réduire. Une expédition de secours est anéantie le 6 juin. Finalement, le commandant Raynal, chef de la place, capitule. Les honneurs sont rendus par l’ennemi aux défenseurs de la place.

Les Allemands sont tout près de Verdun dont ils peuvent voir le clocher. Falkenhayn croit la victoire à sa portée. Le 18 juin 1916 il fait bombarder le secteur avec des obus au phosgène. Mais, les 70 000 Allemands doivent attendre, l’arme à la bretelle, que le gaz se dissipe pour attaquer. Ce temps précieux est mis à profit par les forces françaises pour renforcer la position. Lorsque l’assaut a lieu le 23 juin, les Allemands sont contenus.

[modifier] Le sort de la bataille bascule

En effet, les alliés ont attaqué sur la Somme. Les Russes avancent sur le front oriental. Les Italiens font reculer les Autrichiens. Des troupes et de l’artillerie ont été prélevées sur le front de Verdun. Ces conditions compliquent la situation du commandement allemand pour continuer les opérations à Verdun.

Le 11 juillet, Falkenhayn lance l’offensive de la dernière chance. Elle est bloquée par le fort de Souville, à 3 km de la ville de Verdun. À ce moment, les Allemands perdent l’initiative.

Du 21 au 24 octobre les Français pilonnent les lignes ennemies. Écrasés et gazés par des obus de 400, les Allemands évacuent Douaumont le 23 octobre. Les batteries ennemies repérées sont détruites par l’artillerie française.

Puis, le 24 octobre, trois divisions françaises passent à l’attaque sur un front de 7 km. Douaumont est repris et 6 000 Allemands capturés.

Le 2 novembre, le fort de Vaux est évacué par les Allemands. À la mi-décembre, les troupes allemandes sont refoulées sur leurs positions de départ. Après dix mois la bataille est terminée.


[modifier] Amère victoire

Les pertes ont été effroyables, pour un gain en territoires conquis nul. Après 10 mois d’atroces souffrances pour les deux camps, la bataille aura coûté 378 000 hommes (62 000 tués, plus de 101 000 disparus, et plus de 215 000 blessés, souvent invalides) aux Français, 337 000 aux Allemands, 22 millions d’obus, dont un quart au moins n'ont pas explosé[réf. nécessaire]. Les hommes ont fait preuve de la pire des sauvageries durant dix longs mois. Ils ont subi la pluie, le froid, la neige, le feu et le fer. Nombreux sont ceux qui ont témoigné que seuls devant la mort, ils se sont sentis ravalés à l’état de bêtes. Tout cela pour rien ? Tout cela pour quelques kilomètres carrés d'une terre devenue morte et sans vie.

A elle seule cette bataille pourrait symboliser toute l'absurdité de cette guerre, toute l'absurdité et le gâchis de toutes les guerres. 90 ans après la bataille de Verdun, si la forêt a repoussé, on constate que les séquelles de guerre sont loin d'être réglées. Les sols de la zone rouge sont pollués, et pour longtemps.

[modifier] Verdun symbole de l'héroïsme et de la résistance à l'envahisseur

La résistance des combattants français à Verdun est relatée dans le monde entier. La petite ville meusienne, surtout connue pour le traité de Verdun signé en 843, acquiert une réputation mondiale.[réf. nécessaire] Cette victoire défensive est considérée par les combattants comme la victoire de toute l'armée française, dont la plus grande partie du contingent a participé aux combats. «Verdun, j'y étais!» affirment, avec un mélange de fierté et d'horreur rétrospective, les poilus qui en sont revenus. Pour la nation tout entière, Verdun devient le symbole du courage et de l'abnégation[réf. nécessaire].

Diplôme décerné au lieutenant Brébant du  48e R.I
Diplôme décerné au lieutenant Brébant du 48e R.I

[modifier] Lieux importants

[modifier] À visiter

Les restes d'une tranchée dans une zone débroussaillée du champ de bataille (probablement la Tranchée de Londres)
Les restes d'une tranchée dans une zone débroussaillée du champ de bataille (probablement la Tranchée de Londres)

[modifier] Ils se sont battus à Verdun

Un certain nombre d'acteurs célèbres de la Seconde Guerre mondiale ont servi à Verdun, et les témoignages et les récits allemands sur la Seconde Guerre mondiale sur le front de l'Est se réfèrent fréquemment aux souvenirs et à l'expérience de la campagne de Verdun.

Dès 1942 certains officiers allemands notent ainsi que l'armée rouge est capable de réunir des concentrations d'artillerie (comme on n'en à plus vu depuis la bataille de Douaumont). Futurs experts du Blitzkrieg, Guderian et von Manstein ont l'un et l'autre servi à Verdun, le premier à l'état-major de la 5e Armée, ou il était officier de renseignement adjoint, le second au sein de l'état-major de von Gallwitz.

Vingt-deux ans avant de présider au destin tragique de la 6e Armée allemande à Stalingrad, ce Verdun de la Volga, Friedrich Paulus a vécu la véritable bataille, en 1916, il était Oberleutnant au 2e régiment de chasseurs prussiens, et il a participé à la bataille de Fleury au mois de juin. Gouverneur de Paris en 1942, le général Karl-Heinrich von Stülpnagel commandait un bataillon à Verdun. Membre de la conspiration qui tenta de tuer Hitler en juillet 1944, il tenta de se suicider près du Mort-Homme, mais ne parvint qu'à s'éborgner. Il fut pendu quelques semaines plus tard.

L'un des meilleurs généraux de Hitler, le général Hans von Kluge, qui commandait le groupe d'armée B, et participa lui aussi au complot, avait été artilleur à Verdun en 1917. Il parvint à se suicider avant que les SS ne l'arrêtent.

Le chef d'état-major de Hitler, le Generaloberst Wilhelm Keitel, servait à l'état-major du 10e corps de réserve, sur la rive droite de la Meuse, pendant l'été 1916. Citons encore, parmi les autres participants allemands à la bataille, le chef de la SA, Ernst Röhm, et son adjoint, Rudolf Hess.

Outre le Maréchal Pétain lui-même, on relève parmi les noms des vétérans français celui de son futur protégé, puis adversaire, Charles de Gaulle. Le futur président fut blessé et capturé début mars 1916, lorsque sa compagnie dut se rendre.

L'amiral Darlan, commandant de la flotte française et vice-président du Conseil du gouvernement de Vichy, était quant à lui, lieutenant en 1916 ; il servait au sein d'une batterie d'artillerie navale déployée à Verdun.

Le général Raoul Salan, qui devait mener le putsch des généraux à Alger, passa également par Verdun en 1918. Enfin le plus célèbre maréchal de la Seconde Guerre mondiale, Jean de Lattre de Tassigny (maréchal à titre posthume, bien après 1945, contrairement à Juin), participa lui aussi à la bataille. C'est lui qui arrêta l'ancien Kronprinz, en 1945.

[modifier] Le champ de bataille aujourd'hui

Le champ de bataille de 1916 conserve encore aujourd'hui la trace des impacts d'obus
Le champ de bataille de 1916 conserve encore aujourd'hui la trace des impacts d'obus
médaille de Verdun au lieutenant Brébant du  48e R.I
médaille de Verdun au lieutenant Brébant du 48e R.I

Le champ de bataille a changé d'aspect avec le temps. La " vaste bande brune " décrite par James McConnell a disparu sous une forêt de conifères dans les années 1920. Certaines zones ont depuis été déboisées et rendues à l'agriculture, le travail y reste éprouvant, car les socs des charrues continuent d'arracher à la terre d'impressionnantes quantités d'obus non explosés. Ces derniers sont maintenant complètement rouillés, leur contenu s'échappe peu à peu dans la terre, mais le "pop" sourd d'un obus à gaz laissant échapper sa charge reste un rappel saisissant de ce qu'a pu être la bataille. Lorsqu'on se promène dans la forêt, on distingue encore nettement les bords des cratères qui se chevauchent. Mais c'est sans doute les emplacements des villages détruits qui constituent les vestiges les plus poignants : pratiquement aucune trace ne subsiste de leur existence, seule une petite chapelle s'élève à l'endroit ou se trouvait autrefois l'église.

La construction du fameux ossuaire de Douaumont à débuté en 1923. Les premiers corps y ont été déposés à partir de 1926, et le président Doumergue l'a inauguré en 1929. Un mémorial juif y a été ajouté en 1938, mais il a fallu attendre 1971, pour qu'un mémorial aux soldats musulmans morts pour la France soit également érigé (16 142 soldats musulmans reposent dans le cimetière de Fleury, tournés en direction de la Mecque)

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur la bataille de Verdun.

[modifier] Bibliographie

Alexandre Niess « Du Chemin des Dames à Verdun. Caractéristiques de la mémoire de la Première Guerre mondiale dans les monuments aux morts de la Zone Rouge» in Dan Brewer, Patricia Lorcin (dir.), Spaces of War. France and the Francophone World, University of Minnesota, à paraître en 2008.

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. 1914-18, la Der des Ders
  2. Portrait de Robert Georges Nivelle
  3. Serge Berstein & Pierre Milza, Histoire de la France au XXe siècle, Editions Complexe, 1999. Voir un aprçu de la page
  4. 1916, l'année de Verdun
  5. Bataille de Verdun : un tournant de la Première guerre mondiale
  6. Traité de Verdun
  7. Attaque allemande du 23 juin 1916 sur Verdun
  8. DES TRAVAUX EN COURS A L’EPREUVE DU FEU,1914-1918. IIe partie - La faillite de la fortification (1914-1915)
  9. Cette ligne renommée « Voie sacrée » après la guerre par Maurice Barrès en référence à la Via Sacra, route romaine menant au triomphe, immatriculée aujourd'hui RD1916 était la seule route permettant de ravitailler les soldats français au front participant à la bataille de Verdun. Pour plus d'informations voir Voie sacrée.
  10. L'histoire de Verdun
  11. Emile Driant, gendre du général Boulanger mourra le 22 février 1916 touché par une balle allemande en plein conflit de Verdun tandis qu'il briguait le siège vide d'Albert de Mun à l'Académie Française. Pour plus d'informations, voir aussi Émile Driant
  12. Verdun découverte - en 1916
  13. L'héroïsme des poilus à Verdun, symbole de la guerre industrielle
  14. La bataille de Verdun
  15. Émile Driant
  16. Le fort de Douaumont
  17. Ce jour du 24 février, l'ennemi est proche. Joffre fait appeller en urgence le général de Castelnau à qui il donne les pleins pouvoirs afin d'éviter la rupture des lignes françaises et une éventuelle retraite des troupes en catastrophe. Le général donne l'ordre le 24 février de résister sur le rive droite de la Meuse, du côté du fort de Douaumont, au nord de Verdun. La progression des troupes allemandes sera ainsi stoppée grâce aux renforts demandés par Castelnau jusqu'au lendemain, jour de la prise du fort de Douaumont.