Devoir de mémoire

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Le devoir de mémoire est le devoir qu'aurait un État d'entretenir le souvenir des souffrances subies dans le passé par certaines catégories de la population, surtout lorsque il en porte la responsabilité. Il s'oppose au devoir d' amnistie. Il fait l'objet de débats entre les associations représentant les populations victimes et les historiens. Le devoir de mémoire a trouvé une reconnaissance officielle dans certains cas à travers des déclarations officielles et des textes de loi (lois mémorielles) à partir de la fin du XXe siècle.

le devoir de mémoire concernant la Shoah :  stèle commémorative sur le site de Dachau.
le devoir de mémoire concernant la Shoah : stèle commémorative sur le site de Dachau.
Mémorial aux juifs morts durant la Seconde Guerre mondiale à Budapest
Mémorial aux juifs morts durant la Seconde Guerre mondiale à Budapest
Élément d'une médaille officielle à la mémoire des victimes de Tchernobyl, évoquant les rayons alpha, beta et gamma traversant une goutte de sang
Élément d'une médaille officielle à la mémoire des victimes de Tchernobyl, évoquant les rayons alpha, beta et gamma traversant une goutte de sang

Sommaire

[modifier] L'objet du devoir de mémoire

Le devoir de mémoire consiste d'abord à reconnaître la réalité de l'état de victime et /ou de persécutions subies par des populations et leur environnement ; pour des raisons éthiques, pour répondre aux besoins de l'Histoire, et parce que la psychologie a montré combien cette reconnaissance était essentielle à la résilience, pour la reconstruction des individus et des sociétés après les crises, afin que ces crises n'en engendrent pas d'autres. Il suppose que les groupes et les États analysent et donc reconnaissent leurs responsabilités, ou celle de la nation, dans ces persécutions ou crises majeures.

Le fait que l'état français n'a pas encore reconnu le statut de pollution de la zone rouge montre le travail que l'état n'a pas encore fait.

Une des difficultés est que les victimes d'actes graves ont souvent dans un premier temps, voire toute leur vie des difficultés à parler de ce qu'elles ont vécu, sans pour autant que le traumatisme, non-dit ou profondément refoulé, puisse être réellement oublié ou ne pas avoir de conséquences sociopsychologiques durables, conscientes et inconscientes, individuelles et collectives.

Les associations et représentants des populations concernées estiment qu'une reconnaissance officielle des crimes passés de l'État, voire une demande de pardon, permet aux populations victimes ou à leurs descendants de mieux trouver leur place au sein de la nation[1]. En particulier, le racisme et les discriminations actuelles seraient en partie dus à la permanence dans la mentalité nationale de sentiments de supériorité anciens. De plus, le souvenir des événements passés devrait permettre d'éviter de les répéter à l'avenir.

Les historiens reconnaissent la nécessité de la mémoire, mais certains mettent en garde contre l'abus d'une « injonction à se souvenir » [2]. Le devoir collectif et officiel de mémoire ne doit pas, selon eux, se substituer au travail personnel de mémoire, ni devenir un « raccourci moralisant » qui éluderait « l'extrême complexité des questions » qu'il soulève [3].

Par exemple, l'antisémitisme peut avoir des racines religieuses dans l'histoire, sous la forme de l'antijudaïsme notamment chrétien, qu'il est nécessaire d'approfondir. De plus, « l'histoire n'est pas la mémoire » [4] : il ne faut pas confondre la mémoire des victimes, qui résulte d'une vision subjective et prend une valeur propre à chacun, avec le travail critique de l'historien qui vise à dégager une vérité commune.

[modifier] Application du devoir de mémoire

Le devoir de mémoire peut prendre la forme de déclarations officielles aussi bien que de textes de loi. Il peut aussi s'appliquer dans le cadre des programmes d'enseignement.

[modifier] France

Le devoir de mémoire a été d'abord invoqué en France pour demander à la nation de reconnaître la responsabilité de l’État français (Régime de Vichy) dans les persécutions et la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, qui a conduit à la Shoah. C'est en 1993 que le président Mitterrand a instauré une Journée nationale de commémoration des persécutions racistes et antisémites. Deux ans plus tard, le 16 juillet 1995, le président Chirac reconnaissait la responsabilité de l'État dans les persécutions anti-juives de la période 1940-1944. Jusqu'alors, la théorie gaullienne, en refusant d'admettre la légalité du régime du maréchal Pétain, considérait que la France n'était pas responsable de ses actes. Cette reconnaissance a été confirmée par les Premiers ministres Lionel Jospin et Jean-Pierre Raffarin.

Entre temps, la loi du 13 juillet 1990, dite loi Gayssot, a fait un délit de la contestation de l'existence des crimes contre l'humanité. Puis la loi du 29 janvier 2001 a reconnu officiellement le génocide des Arméniens par les forces turques en 1915 [5]. Enfin, par la loi Taubira du 21 mai 2001, la France a reconnu comme crimes contre l'humanité la traite négrière et l'esclavage. Elle impose aux programmes scolaires et aux programmes de recherche d'accorder à ces sujets « la place conséquente (sic) qu'ils méritent », point contesté par des chercheurs qui estiment que la loi ne peut définir le cadre des recherches historiques. Enfin, la loi Taubira a mené à l'institution en 2006 d'une journée commémorant l'esclavage et son abolition. Cette journée est fixée au 10 mai, date d'adoption de la loi.

La SNCF était directement concernée par la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, et a demandé qu'un livre soit écrit pour éclaircir le rôle de l'entreprise pendant l'occupation (voir bibliographie de l'histoire de la SNCF pendant l'occupation).


[modifier] Autriche

Le Service autrichien en mémoire de l'holocauste, créé en 1991-1992, est une alternative au service militaire.

La Recherche des Racines (ou Spurensuche en allemand) est un projet d'échange qui a été initié par la République d'Autriche en 1994. 15 jeunes Israéliens ayant des ancêtres autrichiens sont donc invités à rester en Autriche pendant 10 jours pour un mener projet avec 15 jeunes Autrichiens. Ils essaient donc d'apprendre ce qui est arrivé à leurs ancêtres, visitant les endroits où ils habitaient et cherchant à retrouver leurs traces.

Bien que l'accent du projet soit mis sur la recherche des racines familiales l'aspect de créer des amitiés austro-israéliennes est important aussi, car les jeunes visitent des villes autrichiennes typiques et ont aussi assez de temps libre à leur propre emploi.

Le but de ce projet est d'établir des meilleures relations entre les deux pays et de découvrir l`Autriche par la vue des autres. (Articles dans Wikipedia sur ce service, en allemand, en anglais et en espagnol)

[modifier] Références

  1. (fr) Rapport au Premier ministre du Comité pour la mémoire de l'esclavage [pdf] du 12 avril 2005 : « la très grande majorité de nos concitoyens du monde issu de l’esclavage sont convaincus que, malgré la loi du 21 mai 2001, l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions continue d’être largement ignorée, négligée, marginalisée. Ces concitoyens perçoivent cet état de fait comme un déni de leur propre existence et de leur intégration dans la République. »
  2. Paul Ricœur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, 2000.
  3. (fr) Travail de la mémoire, politique mémorielle : enjeux des interdits et des refoulés de l'histoire contemporaine, conférence de Alain Brossat donnée le 11 avril 2002.
  4. (fr) Entretien avec Françoise Chandernagor pour le magazine Histoire, février 2006.
  5. (fr) Dossier sur la loi reconnaissant le génocide arménien (Sénat).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes


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