David Feuerwerker

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David Feuerwerker, né le 2 octobre 1912 à Genève et décédé le 20 juin 1980 à Montréal, était un rabbin et professeur d'histoire juive français.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Né à Genève

Il est né à Genève, 11 rue du Mont-Blanc,[1] dans une famille juive nombreuse (il est le septième d'une famille de onze enfants).

Son père Jacob Feuerwerker est né a Sighet dans la région de Marmatie, Hongrie aujourd'hui Roumanie.

Sa mère Regina Neufeld est née a Lakenbach, une des fameuses sept communautés juives ["Sheva Kehillos"][2] dans le Burgenland, [3] Hongrie aujourd'hui Autriche.

[modifier] Etudes à Paris

En 1925, il termine ses études au Talmud Torah de la rue Vauquelin, à Paris.

Après un baccalauréat de sciences, lettres et philosophie à Paris, il entre en 1932 à l'Ecole Rabbinique de France (Séminaire israélite de France) (SIF)[4], où il devient rabbin le 1er octobre 1937.

Il est également diplômé de Langues sémitiques anciennes (Langue sémitique) à la Sorbonne. Parmi les langues qu'il parle on note l'Araméen et le Syriaque.

[modifier] Sur le front

Du 15 octobre 1937 au 1er septembre 1939, il passe deux ans sous les drapeaux en Alsace.

A la déclaration de la guerre Seconde Guerre mondiale, il n'est pas démobilisé.

Il est chef des transmissions d'un groupe d'artillerie du 12e R.A.D. (Régiment d'Artillerie Divisionnaire) et Aumônier de la 87e D.I.A.

Il reçoit la Croix de guerre(1939-1945) avec Etoile de Bronze.

La citation à l'Ordre de la Brigade se lit ainsi:

"Comme chef des transmissions d'artillerie a participé de septembre 1939 à février 1940 aux engagements en Alsace dans la région de Bitche. A fait preuve d'allant, de courage et de compétence en assurant sous le feu le fonctionnement des liaisons téléphoniques et radio." "S'est à nouveau distingué au cours des combats de juin 1940 sur l'Ailette, l'Aisne et la Seine, comme aumônier israélite de sa Division (militaire). A contribué à maintenir l'esprit combatif autour de lui et à soutenir le moral des unités engagées."

Il est démobilisé à Châteauroux le 25 juillet 1940. Une deuxième citation pour la Croix de guerre (1939-1945), est à l'Ordre de l'Armée, avec palme.

[modifier] Rabbin de Brive et de trois départements

En 1940, il est nommé rabbin pour les départements français de la Corrèze, de la Creuse et du Lot, et basé à Brive-la-Gaillarde.

Il demeure Villa du Mont-Blanc, avenue Turgot, à Brive. Il crée son premier cercle d'études.

La population juive comprend alors de nombreux réfugiés, incluant un large segment provenant d'Alsace et d'autres régions occupées par l'envahisseur nazi.

Il aide nombre d'entre eux à trouver un pays de refuge, avec l'aide de la plus ancienne agence s'occupant de réfugiés aux États-Unis, la HIAS [5]. Parmi les destinations, Cuba. Il ne songe pas à quitter lui-meme le pays, vu qu'il est le leader de cette communauté.

Il réussit à libérer nombre de détenus dans les camps de transit, incluant le camp de Gurs.

[modifier] Dans la Résistance

A Brive avec Edmond Michelet il participe activement à la Résistance intérieure française dans le mouvement Combat (résistance) contre l'occupation nazie. Son nom dans la Résistance intérieure française est Jacques Portal.

Croix du combattant volontaire 1939-1945, Médaille Commémorative de la Guerre 1939-45 avec barrette "France", il est fait chevalier de la Légion d'honneur à titre militaire.

Voici ce que dit sa citation dans l'Ordre National de la Légion d'honneur :

" Malgré les risques exceptionnels qui s'attachaient à son ministère, a participé d'une façon active, permanente et désintéressée à l'organisation de la résistance dans toute la région. N'a pas hésité, au péril de sa liberté et sans aucun doute de sa vie à être pour le Mouvement "Combat" un auxiliaire particulièrement sérieux. C'est à lui que plusieurs centaines de résistants ont dû les faux papiers qui leur ont permis d'échapper aux recherches de la Gestapo."

Son épouse, Antoinette Feuerwerker (née Gluck), qui avait fait ses études à la Faculté de Droit, à l'Université de Strasbourg avant la guerre, et qu'il avait épousée en novembre 1939, participa à ses côtés à la Résistance intérieure française. Combattant Volontaire de la Résistance, à l'égal de son époux, elle fut décorée de la Médaille de la France Libérée (1944), pour sa participation à la libération de la France.

[modifier] Jacques Soustelle et la filière vers la Suisse

Six mois avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands finissent par se douter que le rabbin de Brive est un membre actif de la Résistance.

Mais le rabbin devance l'occupant. Après avoir reçu l'information fiable qu'il est sur la liste d'arrestation de la Gestapo, il décide de prendre les devants. Son arrestation et sa probable disparition n'avanceraient pas la cause qu'il défend, jour après jour. Il prend la decision difficile, en accord avec son épouse Antoinette Feuerwerker, de quitter Brive. Une seule destination est possible, la Suisse.

Antoinette Feuerwerker obtient de Jacques Soustelle, qui est alors un des dirigeants de la Résistance, la filière pour le passage clandestin vers l'état neutre, qui se fera à Divonne-les-Bains.

Une fois en Suisse, dans sa ville natale de Genève, il est emprisonné par les autorités suisses. Mais sa vie n'est plus en danger immédiat.

[modifier] Aide à l'OSE

Le médecin d'enfants à l'OSE, Gaston Lévy (1902-1990) [6]témoigne de l'aide du rabbin David Feuerwerker[7]:

La communauté juive de Genève avait été avertie par l'OSE de la présence d'un pédiatre parisien à Champel [camp d'accueil de réfugiés en Suisse]. Elle mit d'urgence à ma disposition beaucoup de fortifiants pour les enfants. En plus elle m'envoya le rabbin Feuerwerker que je connaissais bien de Paris et qui était lui-meme réfugié à Genève dans sa propre famille, pour voir ce qu'on pourrait faire en plus pour ces enfants. Nous avons decidé de profiter d'un Oneg Shabath que le Rabbin allait organiser au Bout du Monde pour faire défiler les enfants devant mon oeil de pédiatre, et reconnaître parmi eux les plus déficients. Parmi ces enfants il y en avait beaucoup que je connaissais de nos homes en France. Je savais qu'ils étaient biens nourris mais qu'ils couchaient dans des conditions fort primitives. Un temps merveilleusement chaud du mois de juin permettait de ne pas se faire des soucis sur ce dernier point [...].

[modifier] Le retour à Lyon

Dès la libération de Lyon, à laquelle il participe, il reprend la tache de rebâtir la communauté juive de Lyon et celle de France, en désarroi.

Antoinette Feuerwerker était restée en France les six derniers mois de la guerre. Elle a un jeune bebé, sa fille Atara. Pour échapper aux Allemands et à la déportation, elle entre dans la clandestinité avec sa petite fille.

La guerre finie, les époux se retrouvent à Lyon, pour l'aventure de reconstruction du judaïsme français d'après-guerre.

[modifier] Grand-Rabbin de Lyon à la Libération

Il participe à la libération de Lyon en tant que Capitaine-Aumônier des Forces françaises de l'intérieur (F.F.I.) à Lyon en 1944.

Il devient le Grand Rabbin de Lyon à la Libération, rabbin de la Grande Synagogue du 13, quai Tilsit, [8] Lyon 2e.

Il est également Capitaine-Aumônier de la Place de Lyon et de la Division Alpine (27e brigade d'infanterie de montagne).

Dans le cadre de ses activités, il est en relation avec l'ancien Président du Conseil et Maire de Lyon Édouard Herriot ainsi qu'avec le Primat des Gaules, le Cardinal Pierre Gerlier. Ce dernier recevra à titre posthume la médaille de Juste parmi les nations du Yad Vashem à Jérusalem, Israël, le 15 juillet 1980.

Il publie à Lyon le premier hebdomadaire juif depuis la guerre, appelé «L'Unité ».

[modifier] A Neuilly-sur-Seine

En 1946, il est élu rabbin à Neuilly-sur-Seine.

Il crée là, au 12 rue Ancelle, un cercle d'études.

L'argent destiné au fameux bateau l'Exodus (Exodus 1947) est caché, à son insu, par son épouse, sous son lit, car personne ne viendrait à le soupçonner.

[modifier] Au 14, Place des Vosges

En 1948 il devient rabbin de la grande synagogue parisienne, la Synagogue de la rue des Tournelles [9].

Au cercle d'études qu'il anime au 14 Place des Vosges, parmi les participants nous trouvons : Raymond Aron, Robert Aron, Henri Baruk, le Père Marie-Benoît, Jean Cassou, Georges Duhamel, Marcel Dunan, Edmond Fleg, Henri Hertz, l'amiral Louis (Louis-Lazare) Kahn (1895-1967) [10], Joseph Kessel, Jacques Madaule, Arnold Mandel[11], Szolem Mandelbrojt, François Mauriac, Edmond Michelet, Pierre Morhange, François Perroux, le Père Michel Riquet (1898-1993)[12], Pierre-Maxime Schuhl (1902-1984)[13], André Spire, Jean Wahl, et bien d'autres.

La communauté juive de France lui rend hommage, le 23 décembre 1956, à l'occasion de sa vingtième année de rabbinat et de la deux cent cinquantième séance du Cercle d'Etudes du Marais, pour comme elle le précise, honorer le guide et le maître dont l'activité est féconde et efficiente pour la La communauté juive de France.

Il était directeur de l'instruction religieuse (Paris) (1952), et vice-président du Conseil pour l'Education et la Culture Juive en France (CECJF) (1953).

La Ville de Paris, et en son nom, le Bureau du Conseil Municipal, en sa séance du 14 décembre 1957, lui décerna la grande Médaille de Vermeil de la Ville de Paris.

[modifier] Orateur renommé

En diverses occasions, il est fait appel à ses qualités d'orateur.

Il participe ainsi, régulièrement, à la commémoration annuelle au Mémorial du Martyr Juif Inconnu, [14] en présence des autorités civiles et militaires.

Il fait l'oraison funèbre du Rabbin Chmouel Yaakov Rubinstein, [15] le seul discours fait en français pour le célèbre Rabbin de la Synagogue de la rue Pavée à Paris.

Il contribue à la commémoration sur le site du camp de Drancy.

Il parle également à la Grande Synagogue de Paris rue de la Victoire dans le 9e arrondissement de Paris.

[modifier] Enseignement à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes

Parallèlement à ses activités de rabbin, il obtient une licence ès lettres et un doctorat d'histoire de la Sorbonne. Il intègre la VIe section de l'École Pratique des Hautes Études (EPHE) de 1962 à 1965 [16]. Parmi ses nombreuses communications, notons celles données à la Société de l'Histoire de Paris [17] , ou à l'Institut Napoléon de Paris[18]. Il publie des articles, notamment dans la "Revue des Annales", "Evidences", "Bulletin de nos communautés", et le "Journal des communautés"

[modifier] Premier Aumônier Général de la Marine

Il crée la fonction d'Aumônier Général dans la Marine nationale française.

Il est basé au Centre Marine Pépinière, 15 rue de Laborde, à Paris 8e.

Il effectue des missions en Algérie et en Tunisie ( à la base navale de Bizerte).

Il représente la Marine nationale à des Congrès internationaux à Amsterdam en Hollande et à Milan en Italie.

Il était également aumônier de prisons (Prisons de la Roquette|La Petite Roquette) [19], de lycées (Lycée Henri-IV, Lycée Fénelon) et d'hôpitaux (l'Hôtel-Dieu de Paris).

En 1963, le général de Gaulle le nomme officier de la Légion d'honneur pour son travail au sein de la Marine nationale.

[modifier] Il introduit l'hébreu au baccalauréat

Il introduit l'hébreu comme langue étrangère au baccalauréat, en 1954, et est l'examinateur pour la ville de Paris. Parmi ceux qui se font examinés par lui, se trouve Haim Brezis, [20] le futur membre de l'Académie des sciences (France) et de la National Academy of Sciences (U.S.A).

[modifier] Proche de Pierre Mendès-France

Il fut proche de Pierre Mendès-France, l'ancien Premier ministre français. Il officia aux obsèques de ses deux parents.

[modifier] Rencontres importantes

Parmi les nombreuses personnalités juives qu'il rencontra, deux firent une forte impression sur lui, le Rabbin Avrohom Yeshaya Karelitz (1878-1953), le Chazon Ish[21], de Bnei Brak, Israël, et le Maitre Hassidique de Belz, le Rabbin Aharon Rokeach (1877-1957), connu comme Reb Arele[22], aussi vivant en Israël.

[modifier] Sous l'Arc de Triomphe

Après la guerre du Sinaï et la Crise du canal de Suez (en 1956), il représente La communauté juive de France à une cérémonie sous l'Arc de triomphe de l'Étoile [23] lors de la visite de Moshe Dayan en France.

[modifier] Amitié avec Aimé Pallière

Il se lia d'amitié et donna refuge à Aimé Pallière (1868-1949), considéré comme le Noahide (Lois noahides) par excellence [24].

[modifier] Rabbin de Chasseloup-Laubat

Il devint le Rabbin de la Synagogue du 15 rue Chasseloup-Laubat (Synagogue Chasseloup-Laubat), à Paris XVe.

[modifier] Professeur à l'Université de Montréal

En 1966, il émigre avec sa famille (six enfants: Atara, Natania, Elie, Hillel, Emmanuel, et Benjamine) à Montréal, au Canada.

Il demeure au 5583 Avenue Woodbury à Montréal, à quelques pas de l'Université de Montréal.

Son voisin de l'Avenue Woodbury, René Lévesque, futur premier ministre du Québec, lui rendra hommage en son nom personnel et au nom du Gouvernement du Québec, à son décès.

Il devient professeur de sociologie à l'Université de Montréal, de 1966 à 1968, et il crée dans cette université le département des études juives.

[modifier] Juge à la Cour rabbinique de Montréal

Il devient juge à la Cour rabbinique de Montréal (Beth din) et membre du Vaad Hair [25] (Conseil de la Communauté Juive de Montréal), aux côtés du Grand Rabbin de Montréal Pinchas Hirschprung (1912-1999) [26].

Il introduit le Rabbin Moshe Feinstein (1895-1986), [27] l'autorité halachique (lois religieuses) de son temps, au Maire de Montréal, Jean Drapeau, à l'Hôtel de ville de Montréal.

Il est l'éditeur des pages françaises du Journal "Voice of the Vaad", la "Voix du Conseil".

[modifier] Son livre sur l'Emancipation devient un classique

Pour son livre sur l'émancipation des juifs en France, L'Emancipation des Juifs en France. De l'Ancien Régime à la fin du Second Empire (Albin Michel, Paris, 1976), devenu un classique, et qui continue année après année à être cité, il reçoit le Prix Broquette-Gonin d'histoire [28] de l'Académie française. À sa parution, un compte rendu figure en première page du journal Le Monde.

[modifier] Diverses activités

Il participe à de nombreux programmes de radio et de télévision en France et au Canada, est consulté comme expert, et donne de nombreuses conférences.

Il porte un intérêt particulier à la musique juive.

Il organise la venue du célèbre Hazzan Moshe Koussevitzky, [29] à la Synagogue de la rue des Tournelles.

Il participe à diverses reprises à l'émission "La musique des nations", animée par Alain Stanké à Radio-Canada.

[modifier] Décès à Montréal et enterrement à Jérusalem

Il est décédé à Montréal le 20 juin 1980 et a été enterré à Sanhedria [30], à Jérusalem, Israël.

[modifier] Bibliographie

De nombreux ouvrages mentionnent ses activités, en particulier celles dans la Résistance:

Parmi les articles sur David Feuerwerker, on trouve :

  • Elie Feuerwerker. Le Rabbin Dr. David Feuerwerker, ZT"L (2 Octobre 1912-20 Juin 1980/ 21 Tichri 5673-6 Tamouz 5740). Le Combat d'Une Vie. [avec une Introduction de Henri Baruk, de l'Académie nationale de médecine]. Revue d'Histoire de la Médecine Hébraïque, Paris, 1980. [Réimprimé in Gad Freudenthal & Samuel S. Kottek, editors, Mélanges D'Histoire De La Médecine Hébraïque: Etudes Choisies De La Revue D'Histoire De La Médecine Hébraïque ( 1948-1985). Brill: Netherlands, 2003]. ISBN 978-900-412-522-3
  • François Perroux. « Souvenir de David Feuerwerker ». Revue d'Histoire de la Médecine Hebraïque, Paris, 1981.
  • Catherine Poujol. David Feuerwerker, Rabbin, Résistant, Enseignant, Historien. Archives Juives, Paris, 2002.

[modifier] Notes et références

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes