Gestapo

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Insigne des SD (Sicherheitdienst, service de sécurité) utilisé par la Gestapo
Insigne des SD (Sicherheitdienst, service de sécurité) utilisé par la Gestapo

La Gestapo (acronyme tiré de l’allemand Geheime Staatspolizei signifiant « police secrète d'État ») était la police politique de l’Allemagne hitlérienne (1933-1945).

Elle fut condamnée comme organisation criminelle lors du procès de Nuremberg.


Sommaire

[modifier] Histoire

[modifier] Les origines (1918-1933)

Durant l'entre-deux-guerres, la police régulière est responsable du service d'ordre en Allemagne, mais dans les provinces une vague d'insécurité paralyse la vie quotidienne durant les années 1920. Le début de la décennie suivante est synonyme d'agitations politiques qui voient éclater les querelles de partis entre les radicaux et les nationalistes. Une majorité de la population allemande réclame un homme fort qui mettrait fin à l'anarchie ambiante et à la pauvreté économique et sociale qui fait rage depuis la crise de 1929-1930.

Dès 1933, lorsque Adolf Hitler est nommé chancelier d'Allemagne, les troupes de choc du NSDAP, les SA provoquent une vague de violences pour effrayer les opposants : en Prusse, 50.000 SA font régner la terreur. Dans la nuit du 27 au 28 février, le Reichstag est incendié. Les nazis présentent l'événement comme un complot communiste et lancent une nouvelle campagne de terreur et de répression contre les partis politiques. La police régulière est réquisitionnée pour prêter main forte aux SA. Beaucoup de policiers veulent servir jusqu'au bout la République de Weimar sans véritable idéologie (d'ailleurs le futur chef de la Gestapo, Heinrich Müller, n'adhèrera au parti nazi qu'en 1939). L'état d'urgence est prononcé par le président Paul von Hindenburg, les arrestations massives sont légalisées : 96 députés de l'opposition sont supprimés. Progressivement, la police devient un organe du parti nazi.

[modifier] Aux mains de la SS (1934)

La Gestapo prussienne est créée le 26 avril 1933 à Berlin, au 8 de la Prinz-Albrechtstrasse par Hermann Göring, premier ministre de Prusse. A cette époque, la Gestapo, qui n'emploie que 200 personnes, envoie les ordres à chaque commissariat de la province prussienne. À la différence des SA renommés pour leur brutalité gratuite et leur manque d'intelligence, les employés de la Gestapo, fraîchement sortis de l'université, sont triés sur le volet selon leur instruction et leur compétence méthodique. Göring veut faire d'eux les "guerriers de l'idéologie" au service de la Nation allemande.

Cependant Ernst Röhm, le dirigeant des SA, refuse que ses hommes soient ainsi mis au second plan. Deux proches de Hitler, le Reichsführer-SS Heinrich Himmler et son bras droit Reinhard Heydrich souhaitent une fusion entre la police et la SS au dépend de Röhm. En juillet 1932, Heydrich est nommé à la tête du service de sécurité du parti, le SD (Sicherheitsdienst) qu'il a mis en place. Il a pour objectif de dépister les opposants internes ou externes à la SS. Quelques mois plus tard, au printemps 1933, Heydrich est nommé à la tête de la police de Munich mais c'est Heinrich Müller le véritable exécutant. Les deux hommes contrôlent l'ensemble de l'organe policier en unissant le SD avec la police bavaroise.

Himmler et Heydrich créent le premier camp de concentration pour les opposants politiques en Bavière, à Dachau en mars 1933. Müller, le sous-directeur de la police de Bavière, met en place les Schutzhaft (littéralement "détention de protection") qu'il met au point depuis plusieurs années. Il s'agit d'arrêter sans motif légal ceux que la police suspecte d'être dangereux pour la population allemande. Himmler est devenu le maître de toutes les polices allemandes à l'exception de la Gestapo prussienne toujours aux mains de Göring. En 1934, ce dernier doit démissionner, Himmler (chef suprême de la Gestapo), Heydrich (chef d'administration) et Müller (vice chef d'administration) entrent au QG de la Gestapo à Berlin : la SS contrôle à cette date l'ensemble de la police du Reich.

[modifier] Le "nettoyage" des opposants se renforce (1934-1939)

Image:Polizeimarke Gestapo.jpg
Plaque numérotée

La police faisant désormais partie de la SS, il reste pour Himmler et Heydrich un dernier obstacle : les SA. En 1934, Röhm revient sur le devant de la scène en voulant faire de ses SA, un outil politique indispensable au Reich. Le 27 juin, Himmler, Heydrich et Müller coordonnent une réunion secrète pour liquider Röhm et durant laquelle on dénonce un pseudo "putsch de Röhm". La nuit du 30 juin au 1er juillet 1934, les responsables des SA, dont Röhm, et d'autres sont assassinés durant la Nuit des Longs Couteaux. La propagande fait figure d'une "condamnation des traîtres".

Désormais indépendante, la SS peut mener "à bien" sa besogne. Le parti nazi étant reconnu parti unique, la Gestapo continue à traquer sans relâche les opposants politiques, en particulier les membres du KPD. De même, ceux qui n'entrent pas dans l'idéal du parti que les nazis appellent la Volksgemeinschaft (la communauté du peuple), sont rapidement repérés et interceptés. On commence alors à s'intéresser aux minorités en particulier aux Juifs. Le parti va mettre à la disposition de la Gestapo une base légale pour multiplier les arrestations : le 19 septembre 1935, sont votées les lois de Nuremberg dans lesquelles il est stipulé que tout mariage entre juifs et allemands est strictement interdit.

[modifier] Le rôle dans les territoires occupés (1936-1939)

Un climat général de terreur s'est installé en Allemagne. Alors que la police apparaît lors des films de propagande comme proche du peuple, les dénonciations se multiplient. Durant l'été 1936, Himmler est nommé Chef der Deutschen Polizei (chef de toutes les polices d'Allemagne) mais c'est Heydrich, son bras droit qui la dirige véritablement. En outre, le ministère de l'Intérieur possède encore un contrôle important. Les intellectuels SS ont un rôle de plus en plus déterminant au sein de la machine nazie à partir de la fin des années 1930. Werner Best, juriste et technocrate SS, est l'un d'eux. Il assiste Heydrich à la tête de la Gestapo jusqu'en 1940. Franz Six est quant à lui le concepteur du Gegnerforschung (section de la Gestapo qui traque les ennemis du Reich) et recruté par Heydrich au sein du SD.

En 1938, suite à l'Anschluss, les dirigeants de la gauche autrichienne sont arrêtés. L'année suivante, la Gestapo établit une liste des opposants tchèques à supprimer. Au cours de l'année 1939, les dirigeants de la Gestapo forment leurs hommes à une prochaine entrée en guerre. Müller coordonne l'opération Tannenberg qui sera un prétexte pour attaquer sans scrupule la Pologne en septembre. Quant à Paris, c'est l'Obersturmbannführer Kurt Lischka qui dirige la Gestapo à partir de l'automne 1940 en s'installant rue des Saussaies (8e arrondissement). Le président du Conseil français, Pierre Laval, se met d'accord avec les nazis pour mener efficacement l'arrestation des Juifs par la police française : au total 80 000 Juifs français sont déportés.

Le 22 septembre 1939, Himmler crée pour Heydrich le Reichssicherheitshauptamt (Office central de la sécurité du Reich, RSHA) qui permet ainsi le regroupement sous une seule autorité du SD et de la SIPO, divisée en deux sections, la Gestapo et la Kriminalpolizei pour neutraliser les ennemis du Reich. La Gestapo devient le 4e département (Amt IV) du RSHA.

[modifier] Au coeur de la déportation (1941-1944)

Entre l'automne 1939 et le printemps 1940, Hitler veut gagner la guerre au plus vite. Il ordonne l'élimination de 70.000 personnes par les Einsatzgruppen (commandos SS) en Europe de l'Est en particulier en Ukraine et en Biélorussie. Les unités SS et la Gestapo prêtent main forte à ces unités mobiles pour exterminer les hommes en âge de combattre.

Avec la réquisition des moyens de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), c'est notamment au sein de la Gestapo dans le service IV.B.4 dirigé par Adolf Eichmann, que sont organisés tous les transports de prisonniers vers les camps de concentration. C'est également elle qui procède aux arrestations des Juifs - qui, désormais doivent porter l'étoile jaune - et des opposants politiques en Allemagne et dans les territoires conquis.

Le 31 juillet 1941, Heydrich établit un plan pour l'élimination des Juifs à "grande échelle" : l'opération Reinhard. L'objectif est de planifier l'extermination de 2 millions de Juifs polonais. Durant l'automne, Himmler ordonne sa mise en place. Le 20 janvier 1942, Müller est présent à la conférence de Wannsee, durant laquelle on coordonne la Endlösung (Solution finale). Le projet est diffusé au sein de la Gestapo, auxiliaire incontournable de sa mise en place. Heydrich veut faire de ses policiers non plus les modèles de la Volksgemeinschaft, mais "des policiers politiques", véritables acteurs de la Solution finale.

La Gestapo fonctionne sans aucun tribunal et décide elle-même des sanctions à appliquer. Elle s'est rendue célèbre, en Allemagne d'abord, puis dans toute l'Europe occupée, par la terreur implacable qu'engendrent ses procédés. Elle incarne l'arbitraire et l'horreur des forces nazies. La Gestapo est une police des esprits, ayant des informateurs dans toutes les couches sociales de la population. Aux policiers allemands ou aux 1500 policiers présents sur le territoire français, s'ajoutent 40.000 auxiliaires d'origines diverses, y compris le grand banditisme.

En avril 1942, Himmler obtient d'Hitler que les pouvoirs de police soient transférés des militaires au général de police SS Karl Oberg. La Gestapo peut alors appliquer à la France les méthodes employées en Allemagne et dans les autres territoires occupés. Dès le 10 juin, le pouvoir central nazi lui recommanda d'utiliser la torture lors des interrogatoires pour arracher des aveux et des informations aux prisonniers récalcitrants. C'est le cas notamment du chef de la Gestapo à Lyon, Klaus Barbie qui sera le bourreau de Jean Moulin.

[modifier] Vers la fin du conflit, la violence s'accentue (1942-1945)

Le 4 juin 1942, le n°2 de la Gestapo, Heydrich décède suite à un attentat à Prague. Cet événement intensifie la violence et les arrestations. Himmler reprend la direction du SD provisoirement. En représailles, près de la capitale tchèque, les SS et la Gestapo rasent de la carte le village de Lidice en fusillant tous les hommes et en déportant les femmes et les enfants. En Pologne, par exemple à Lublin, le chef de la Gestapo, Oswald Gudenlach fait assassiner des dizaines de milliers d'innocents et organise une gigantesque rafle antijuive entre le 3 et le 4 novembre 1943, plus de 43.000 personnes sont assassinées.

Durant l'hiver 1942-1943, la Wehrmacht est embourbée dans l'hiver russe à Stalingrad. En Allemagne, les villes sont bombardées par les alliés : Joseph Goebbels déclare "la guerre totale". En janvier 1943, Ernst Kaltenbrunner prend la tête du SD et de la Gestapo à la place de Himmler, un homme trop occupé. Les oppositions grandissent contre la brutalité du régime policier. L'association de la Rose blanche, dirigée par Sophie et Hans Scholl, critique la boucherie de Stalingrad ainsi que les déportations. Dénoncés, ils sont arrêtés par la Gestapo puis décapités le 22 février 1943 près de Munich.

La police secrète traque les auditeurs des radios étrangères, dont l'usage est strictement interdit, reconnu comme un acte de trahison. Les amateurs de musique américaine (jazz et swing) sont également pourchassés puisque le régime n'autorise pas l'écoute de la "musique nègre". Enfin, les mariages mixtes sont analysés au peigne fin. À Francfort, Heinrich Baab ordonne l'arrestation des Juifs mariés avec des Aryens : la ville va connaître des dizaines de milliers d'arrestations (1941-1943). Au mois d'août 1943, Himmler est nommé Reichs-und Preussischer Minister des Innern (Ministre de l'Intérieur) : il est désormais le maître incontesté du régime policier allemand.

Agents de la Gestapo arrêtés à Liège, 1944
Agents de la Gestapo arrêtés à Liège, 1944

Le 20 juillet 1944, des généraux allemands tentent en vain d'assassiner Hitler. Müller, se charge de les retrouver et de les exécuter. Toutes les personnes qui connaissent de près ou de loin les officiers sont déportées voire assassinées le lendemain. Néanmoins, c'est le début de la fin. À Paris, la Gestapo quitte la capitale française durant l'été 1944, puis Berlin au cours de l'automne. Afin de laisser un minimum de traces, la SS pratique la politique de la "terre brûlée" en incendiant les locaux. Beaucoup de responsables de la Gestapo ont réussi à s'enfuir à l'image de Müller dont le corps n'a jamais été retrouvé. Après 1945, de nombreux fonctionnaires ont repris leur travail de police, comme si de rien n'était...

[modifier] Organisation

En 1934, la Gestapo a été transférée à partir du ministère prussien de l'intérieur à la SS, et pendant les cinq années suivantes, la Gestapo a connu une expansion massive. La Gestapo est regroupée avec la Kripo, formant la Police de sécurité (Sipo). En 1939, la Sipo et le Sicherheitsdienst (SD) sont rassemblés pour former l'Office central de sécurité du Reich (RSHA). Dans le RSHA, la Gestapo a été connue en tant que Amt IV. La Gestapo était organisée selon les catégories ci-dessous :

[modifier] Département A (Ennemis)

  1. Communistes (A1)
  2. Sabotage (A2)
  3. Réactionnaires et Libéraux (A3)
  4. Assassins (A4)

[modifier] Département B (Sectes et Églises)

  1. Catholiques (B1)
  2. Protestants (B2)
  3. Francs-maçons (B3)
  4. Juifs (B4)
  5. Personnes de couleur (B5)

[modifier] Département C (Administration et Affaires internes)

[modifier] Département D (Territoires occupés)

  1. Opposants du régime (D1)
  2. Église et Sectes (D2)
  3. Affaires du Parti (D3)
  4. Territoires occidentaux (D4)
  5. Contre-espionnage (D5)
  6. Étrangers (D6)

[modifier] Département E (Contre-espionnage)

  1. En Allemagne (E1)
  2. Unités de police (E2)
  3. À l'Ouest (E3)
  4. En Scandinavie (E4)
  5. À l'Est (E5)
  6. Au Sud(E6)


[modifier] Opérations quotidiennes de la Gestapo

[modifier] Individus notables

[modifier] Agents et officiers de la Gestapo

[modifier] Personnes exécutées par la Gestapo

[modifier] Bibliographie

  • Philippe Aziz, Au service de l'ennemi. La Gestapo française en province, éd. Fayard, 1972
  • Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, éd. Fayard, 1996 [1re éd. 1963], (ISBN 2213020213)
  • Édouard Husson, "La vraie histoire des Bienveillantes", L'Histoire, n°320, mai 2007, p. 6-19.
  • Éric A. Johnson, La terreur nazie : la Gestapo, les Juifs et les Allemands ordinaires, Albin Michel, 2001.
  • Schultheis, Herbert / Wahler, Isaac E.: Bilder und Akten der Gestapo Wuerzburg ueber die Judendeportationen 1941 - 1943. Bad Neustadt a. d. Saale 1988. ISBN 978-3-9800482-7-9 (German-English Edition)
  • Jean-Louis Loubet del Bayle, Police et politique. Une approche sociologique, Paris, L'Harmattan, 2006.
  • Roger Manvel et Heinrich Fraenkel, Heinrich Himmler : The SS, Gestapo, His Life and Career, Skyhorse Publishing, 2007.

[modifier] Filmographie

  • Holger Hillesheim et Wolfgang Schoen, Die Gestapo (1) : Hitlers schärfste Waffe, Dokumentation der ARD/SWR, 2005.
  • Holger Hillesheim et Wolfgang Schoen, Die Gestapo (2) : Terror ohne Grenzen, Dokumentation der ARD/SWR, 2005.
  • Holger Hillesheim et Wolfgang Schoen, Die Gestapo (3) : Henker an der Heimatfront, Dokumentation der ARD/SWR, 2005.

[modifier] Liens externes