Antisémitisme en France

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l’antisémitisme

Définitions

Antijudaïsme Antisémitisme Judéophobie

Allégations

« Peuple déicide, perfide et usurier, profanateurs, buveurs de sang, empoisonneurs et négriers » • Cochon de Juif

Théorie du complot juif

Cosmopolites sans racines Lobby juif Judéo-bolchevisme Sionologie Zionist Occupation Government Affaire Rosenthal Taxe juive

Affaires

Petit St Hugues de Lincoln (1255) • Anderl von Rinn (1462) • Simon de Trente (1475) • St Enfant de La Guardia (~1480) • de Damas (1840) • Mortara (1858) • de Tiszaeszlár (1882) • Dreyfus (1894) • Hilsner (1899) • Beilis (1913) • ...

Persécutions
Discriminations

Spatiale : Juiverie · Ghetto · Zone de Résidence Juridique : More Judaïco Lois de mai Signes distinctifs : Rouelle · Chapeau juif Étoile jaune

Violences

Pogroms Inquisition espagnole
Persécution pendant les croisades
Complot des blouses blanches
Shoah : Nazisme Aryanisation Spoliation Négationnisme

Publications
Publications antisémites : en France

Des Juifs et leurs Mensonges (1543) • Les Protocoles des Sages de Sion
et leurs dérivés (~ 1903) •
Mein Kampf (1923) •

Publications sur l'antisémitisme

Réflexions sur la question juive (1946) • Les Origines du totalitarisme (1951) • L'Enseignement du mépris (1962) • La Guerre contre les Juifs (~ 1975) •

Voir aussi
Catégories Articles
Antisémitisme

Génocide juif

Juifs
Histoire des Juifs
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Cet article traite des manifestations de l'antisémitisme en France dans les écrits et dans les actes.

Avant le XIXe siècle, il est plus difficile qu'aujourd'hui de dissocier dans l'analyse, l'hostilité aux Juifs, d'un point de vue communautaire et culturel, l'antisémitisme, de l'hostilité aux Juifs en raison de leur religion, l'antijudaïsme. Ceci car religion et politique étaient plus imbriquées qu'aujourd'hui, et que c'est la version racialiste de l'antisémitisme qui a surtout été étudiée ; l'antisémitisme "moderne", comme idéologie raciste, date de la seconde moitié du XIXe siècle. En France, l'antisémitisme est puni par la loi [1].

Sommaire

[modifier] Historique

[modifier] L'antijudaïsme en France, avant la Révolution

La conversion des Wisigoths et des Francs rendit difficile la situation des juifs : une succession de conciles diminua leurs droits jusqu'à ce que Dagobert Ier les force à se convertir ou à quitter la France en 633[2].

On peut commencer à dater l'antisémitisme français avec le Concile de Clermont de 1095. Même si le pape n'appelle pas à l'antisémitisme, et le condamnera fermement par la suite, des bandes populaires se joignent à la croisade populaire et se livrent à des exactions vis à vis des Juifs, aussi bien pour les convertir de force que pour se procurer les sommes nécessaires pour le voyage en Terre Sainte.

Comme lors des conciles d'Elvira (305), de Vannes (465), des trois conciles d'Orléans (533, 538, 541), avec le concile de Clermont (535), l'Église interdit aux Juifs de faire des repas en commun avec des chrétiens, de faire des mariages mixtes et proscrit la célébration du sabbat. Le but étant de limiter l'influence du judaïsme sur la population. Mais l'Église va plus loin ; elle s'engage dans une politique de conversion forcée. Ainsi, en 576, l'évêque Avit de Clermont exige des 500 Juifs de sa ville qu'ils se convertissent avant d'exiler à Marseille les récalcitrants.

En juillet 1306, le roi Philippe le Bel expulse les juifs de France, en confisquant aux passages leurs biens et possessions. (Notons sur ce dernier fait, qu'il s'empara aussi des biens des Lombards bien avant ceux des juifs -1277 pour les premiers et 1306 pour les seconds-, opéra des altérations financières dans le même temps, ce qui provoqua des émeutes durement réprimées et s'en prit à l'ordre des Templiers de 1307 à 1312 pour remplir les caisses vides de l'État.)

Il faut ainsi mentionner:

  • l'existence de « juiveries », ou quartiers juifs, à Paris et d'autres villes (voir ghetto), créés à des dates différentes
  • l'histoire des Juifs du pape, de Carpentras
  • le Code noir qui ordonne l'expulsion des juifs des colonies en 1685 [3]. Les protestants, eux, n'ont jamais eu le droit d'émigrer vers les colonies, en effet de l'époque de Louis XIII à 1789 la loi a toujours été plus dure pour les protestants que pour les membres d'autres religions non-catholique et il était plus facile d'obtenir l'autorisation de construire une synagogue qu'un temple. Il ne s'agit donc pas là d'antisémitisme mais plus d'interdiction ou de restriction de pratiquer une religion autre que celle du roi.

[modifier] Avec la Révolution

Adolphe Willette, candidat antisémiteAffiche pour les élections législatives du 22 septembre 1889.
Adolphe Willette, candidat antisémite
Affiche pour les élections législatives du 22 septembre 1889.

Avec la Révolution qui reconnait le droit à la liberté de conscience l'antisémitisme semble avoir disparu.

  • L'Essai sur la régénération physique et morale des Juifs, de l'abbé Grégoire, en 1788, s'attaque à l'antisémitisme ambiant.
  • La République, puis l'Empire, accordent aux Juifs les mêmes droits qu'à tous les citoyens, attisant par là les sentiments antijuifs de la noblesse catholique française et de la grande bourgeoisie de l'époque.

[modifier] Un antisémitisme populaire à la fin du XIXème siècle

Icône de détail Article détaillé : Affaire Dreyfus.

L'antisémitisme français à la fin du XIXe siècle est remarquable par son activisme et sa popularité, comme le prouve le nombre impressionnant et la virulence des publications antisémites en France. Il imprègne peu à peu presque toute la droite française, comme on va le voir au moment de l'affaire Dreyfus, mais la gauche fut aussi concernée (voir citation de Jaurès).

[modifier] Les droites en France dans les années 1930

Les antisémites les plus virulents se situent dans l’extrême droite. L’écrivain Louis-Ferdinand Céline est par exemple très impliqué et virulent. Les antisémites extrêmes sont attirés par l’idéologie hitlérienne et par le personnage d’Hitler lui-même. Beaucoup d’entre eux préfèrent Hitler à Léon Blum comme Salomon-Kœchlin :

« mieux vaut mille fois, pour un peuple sain, la férule d’un Hitler que la verge d’un Léon Blum ».

Mais cette admiration n’est pas unanime. L’Action française et les Maurrassiens sont méfiants vis-à-vis de Hitler. La plupart des antisémites, même Rebatet, ne souhaitaient pas que la France imite les méthodes allemandes. Ils estiment ne pas être influencés par le nazisme car l’antisémitisme français repose selon eux sur des arguments traditionnels.

Cette extrême-droite est organisée en partis et groupements dits ligues. À partir de 1930 celles-ci se multiplient. L’Action française est toujours active, fondée pendant l’affaire Dreyfus elle est royaliste, antiparlementaire, nationaliste, xénophobe et en 1934 elle rassemble 60 000 adhérents.

La Solidarité Française est une ligue fasciste dirigée par le commandant Renaud, elle est fondée en 1933, la même année que le Francisme dirigé par Marcel Bucard. Ces deux ligues regroupaient chacune 10 000 personnes. Le francisme est devenu antisémite à partir de 1936. le parti populaire français est fondé en 1936 et dirigé par Jacques Doriot. Ce parti compte à son apogée 100 000 adhérents.

Certains partis qui n’étaient pas antisémites à l’origine le devinrent dans les années 1930 ainsi les Comités de défense Paysanne dirigés par Henri Dorgères penchèrent vers le fascisme puis l’antisémitisme dès le début des années 1930. Ce parti comptait 150 000 à 200 000 adhérents.

D’autres ligues agissaient, elles étaient plus petites mais surtout beaucoup plus violentes. Notamment la Ligue Franc-Catholique, formée en 1927 et dirigée par le chanoine Schaeffer.

[modifier] Les mesures à prendre selon les antisémites.

Les antisémites considéraient non seulement qu’il était désormais devenu indispensable de fermer les frontières mais ils pensaient également qu’il fallait refouler les Juifs.

Citons encore un exemple de Louis-Ferdinand Céline qui clamait «  Faut les renvoyer chez Hitler ! En Palestine ! En Pologne ! ». Quelques antisémites sortaient des chiffres, ainsi Laurent Viguier évaluait la communauté juive à 800 000 personnes et il estimait que 300 000 restait un nombre tolérable. Mais justement ses calculs sont exagérés puisque dans les années 1930 on ne dénombre que 300 000 personnes de confession juive en France.

D’autres antisémites prônaient davantage des mesures légales et un statut juridique. Ils voulaient dissocier une nationalité juive de la nationalité française sans faire de différences entre les israélites depuis longtemps intégrés et les nouveaux arrivés. Ils ne ménageaient pas non plus les anciens combattants juifs, tout en sachant que la communauté juive avait perdu presque une génération dans la Grande Guerre. Ces mesures légales qu’ils proposaient consistaient à priver les juifs de droits publics et à les proscrire de la fonction publique. René Gontier affirmait qu'« ils ne seront ni électeurs ni éligibles ».

Les organisations juives telles que l’Alliance Israélite Universelle, La Ligue Internationale contre l’antisémitisme seraient interdites. Les plus extrémistes voulaient interdire le travail aux juifs, ce qui en somme rejoignait l’idée d’expulser les juifs puisque ces derniers sans travail seraient obligés de partir. Ils voulaient limiter les activités exercées par les juifs comme la presse, la banque, l’industrie du commerce, les professions libérales, la culture et le spectacle.

Des groupes de théoriciens antisémites demandaient même que les biens des juifs leur soient confisqués.

Il y a une grande hostilité envers les mariages mixtes, mais aucune mesure légale ne fut jamais prise. Pourtant quelques lois furent promulguées en réponse à des manifestations venant notamment du milieu de la médecine ou des avocats. Nous avons abordé précédemment la question des flux d’immigrés venus par exemple d’Allemagne et tout particulièrement des étudiants qui viennent étudier en France et s’y installent définitivement.

Les avocats en premier lieu déposèrent face à la peur de cette concurrence, un projet de loi le 22 juin 1934 qui fut promulguée le 19 juillet 1934. Les médecins portèrent leur problème à la presse, à l’Académie de médecine. Les organisations étudiantes se mobilisaient. Ils obtinrent gain de cause puisque fut promulguée la loi du 21 avril 1933 ou loi Armbruster. Elle indiquait que pour exercer la médecine en France il fallait être français et avoir le doctorat d’État français.

[modifier] Les Juifs en France pendant le Régime de Vichy

[modifier] Chronologie

  • 22 juillet 1940 : création par Alibert, ministre de la justice, d'une commission de révision des 500 000 naturalisations prononcées depuis 1927. Retrait de la nationalité pour 15 000 personnes dont 40% de juifs.
  • dès Juillet 1940 les Allemands expulsent plus de 20 000 Juifs alsaciens-lorrains vers la zone libre.
  • 27 septembre 1940, Zone occupée : recensement des juifs, écriteau "Juif" sur les magasins tenus par des juifs.
  • 27 septembre 1940 : Une loi de Vichy permet d'interner tout étranger "en surnombre dans l'économie française" dans les groupements de travailleurs étrangers
  • 3 octobre 1940 : premier « statut des Juifs ». Les citoyens juifs français sont exclus de la fonction publique, de l'armée, de l'enseignement, de la presse, de la radio et du cinéma. Les juifs "en surnombre" sont exclus des professions libérales.
  • 4 octobre 1940 : les préfets peuvent interner les étrangers de race juive dans des camps spéciaux ou les assigner à résidence.
  • 7 octobre 1940 : abrogation du décret Crémieux de 1871. La nationalité française est donc retirée aux juifs d'Algérie.
  • 18 octobre 1940, Zone occupée : "aryanisation" des entreprises.
  • 29 mars 1941 : création du Commissariat général aux questions juives (CGQJ). Xavier Vallat premier commissaire.
  • Mai 1941, Zone occupée, premières rafles de juifs étrangers : 3700 sont parqués dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, sous administration française.
  • 2 Juin 1941, deuxième statut des juifs (Loi du 2 juin 1941): par rapport au premier statut, durcissement de la définition du juif, allongement des interdictions professionnelles, numerus clausus à l'Université (3%), et les professions libérales (2%). Les juifs sont obligés de se faire recenser en zone libre.
  • 21 juillet 1941 : « aryanisation » des entreprises en zone libre.
  • Août 1941, Zone occupée : internement de 3200 juifs étrangers et 1000 juifs français dans divers camps dont celui de Drancy.
  • Décembre 1941, Zone occupée : 740 juifs français membres des professions libérales et intellectuelles sont internés à Compiègne.
  • janvier 1942 Conférence de Wannsee : les officiels nazis définissent les modalités pratiques de la « Solution finale », c'est-à-dire l'extermination complète des juifs d'Europe, enfants compris.
  • 27 mars 1942 : le premier convoi de juifs déportés quitte Compiègne (Frontstalag 122), en direction d'un camp d'extermination.
  • 29 mai 1942, zone occupée : port de l'étoile jaune obligatoire. (application le 7 juin)
  • 6 juin 1942 : nouvelles mesures antisémites (Décret du 6 juin 1942).
  • 2 juillet 1942 : Accords Bousquet-Oberg pour la collaboration des polices françaises et allemandes, en présence d'Heydrich, adjoint de Himmler.
  • 16-17 juillet 1942 : Paris Rafle du Vel' d'hiv, arrestation de 12 884 juifs "apatrides" (3031 hommes, 5802 femmes et 4051 enfants).
  • août 1942, Envahissement de la Zone libre par l'armée allemande.
  • 26-28 août 1942, Zone libre : série de rafles aboutissant à la déportation de 7000 personnes
  • Janvier 1943 : Rafle de Marseille
  • Février 1943 : Rafle de Lyon dans les locaux de l'UGIF
  • 8 septembre 1943 : capitulation de l'Italie conduisant à l'occupation de la zone italienne (Nice) jusqu'alors épargnée par les rafles.
  • Avril 1943 : Rafles de Nîmes et d'Avignon
  • Septembre 1943 : Rafles de Nice et de l'arrière-pays niçois
  • Août 1944 : dernier convoi de déportation depuis Clermont-Ferrand

[modifier] Un antisémitisme d'État : 1940-44

L'État français de Pétain va hisser l'antisémitisme au rang d'idéologie officielle avec :

Si le déferlement des campagnes antijuives semble influencer la population au départ, l'antisémitisme sera rejeté comme toute la propagande du régime. Les nazis ne considèrent jamais les français comme de véritables antisémites : Louis-Ferdinand Céline est une exception, puisqu'il voyait dans les Juifs l'origine de tous les maux, et dans leur extermination, qu'il recommanda explicitement, la solution à tous les problèmes.

Le haut-clergé catholique (archevêques, cardinaux) est hostile aux persécutions, mais estime que l'État est en droit de « protéger ses nationaux », dont les Juifs ne font pas partie. Cependant, ce n'est qu'à partir de 1942 que l'Église catholique s'émeut des arrestations. Il y a en 1940 environ 300 000 Juifs en France, parmi lesquels 150 000 citoyens français et 150 000 étrangers. Les deux tiers de l'ensemble, mais la très grosse majorité des Juifs étrangers vivent en région parisienne. Sur les 150 000 Juifs français, 90 000 sont de vieille souche et parmi les 60 000 Juifs étrangers, souvent immigrés de l'Europe de l'Est, la moitié a été naturalisée dans les années 1930.

Les Juifs de France vont vivre une situation d'oppression depuis juillet 1940 jusqu'à la mi-1942. À partir du printemps 1942, ils devront faire face à la politique de la "Solution finale" décidée par les nazis dans l'Europe occupée depuis la conférence de Wannsee. Cette tentative d'extermination des Juifs dans toute l'Europe occupée est maintenant connue sous le nom d'Holocauste ou de Shoah. Il s'agissait pour les nazis de déporter tous les Juifs d'Europe vers des camps d'extermination situés en Pologne. Jusqu'en novembre 1942, date de l'occupation de la "zone libre", la situation des Juifs n'est pas exactement la même en zone libre et en zone occupée. Les lois françaises anti-juives s'appliquent sur l'ensemble du territoire, mais en zone occupée s'ajoutent des décrets allemands.

Le gouvernement de Vichy va mener une politique de restriction des droits des juifs dés son installation, sans que les Allemands n'aient exprimé la moindre demande. Dès Juillet 1940, le ministre de la justice Alibert, crée une commission de révision des 500 000 naturalisations prononcées depuis 1927. le retrait de la nationalité concernera 15 000 personnes dont 40% de juifs. L'abrogation du décret Crémieux privera 100 000 Juifs d'Algérie de la citoyenneté française. En octobre 1940, le conseil des ministres promulguera le premier statut des Juifs : les citoyens juifs français sont exclus de la fonction publique, de l'armée, de l'enseignement, de la presse, de la radio et du cinéma. Les Juifs "en surnombre" sont exclus des professions libérales. Le deuxième statut des juifs, de juin 1941 est encore un peu plus restrictif : il allonge la liste des professions d'où sont exclus les Juifs et établit un "Numerus clausus" limitant la proportion de Juifs à 3% dans l'Université et 2% dans les professions libérales. Enfin, en juillet 1941, les Juifs doivent céder leurs droits sur les entreprises à des "Aryens". Les Allemands avaient appliqué cette mesure en zone occupée depuis octobre 1940. Un Commissariat général aux questions juives, est créé en mars 1941, sous la direction de Xavier Vallat. Sa mission est de veiller à l'application de la législation antijuive. Selon les mots d'Asher Cohen :

« Sans cette législation sanctionnée par un gouvernement français respecté parce que légitime, les déportations ultérieures étaient presque impensables, en tous cas, bien plus compliquées à exécuter… l'aryanisation semble être le domaine où une certaine efficacité fut obtenue et où les résultats furent impressionnants. Les Juifs furent effectivement écartés de la vie économique de la nation, apparemment sans grande difficulté. »

Quant aux Juifs étrangers, ils sont considérés comme des déchets qui n'ont pas vraiment leur place en France. À partir du 4 octobre 1940, les préfets peuvent interner les étrangers "de race juive" dans des camps spéciaux ou les assigner à résidence. En février 1941, 40 000 Juifs étrangers croupissent dans une série de camps : Les Milles, Gurs, Rivesaltes… En juillet 1940, alors que la "Solution finale" n'était pas encore à l'ordre du jour, les Allemands avaient expulsé 20 000 juifs d'Alsace et de Lorraine vers la zone non occupée. Plus tard, à partir de 1942, lorsque des pressions commencent à s'exercer pour pouvoir mettre en œuvre la "Solution finale", le gouvernement français saura toujours se montrer conciliant pour livrer aux Allemands des juifs étrangers. La collaboration entre les polices allemandes et françaises sera renforcée par ce qu'on appelle les accords Bousquet-Oberg, du nom du chef de la police française et du représentant en France de la police allemande. Les Allemands pourront compter sur la police française pour rafler les juifs étrangers, du moins jusqu'à la fin 1942.

[modifier] L'administration antisémite

D'après certains historiens (Tal Bruttmann, Robert Paxton[4]) l'administration fit preuve d'un zèle particulier dans l'antisémitisme pendant la période pétainiste.

[modifier] Mise en œuvre de la solution finale

Les Allemands commencent à mettre en œuvre en France leur politique d'extermination massive des juifs d'Europe dès mars 1942, où un convoi de déportés juifs quitte Compiègne, plaque tournante vers les camps de concentration et d'extermination. Officiellement, il s'agit de les regrouper dans une région mal définie (on parle de la Pologne) que les Allemands auraient décidé de mettre à la disposition des juifs. Parmi eux se trouvent des juifs français. Le gouvernement de Vichy n'exprime pas de protestation. En zone occupée, les juifs sont obligés de porter l'étoile jaune à partir de mai 1942. Cette mesure ne sera jamais imposée en zone sud, même après son occupation par les allemands. La déportation des juifs va prendre une grande ampleur à partir de la Rafle du Vel' d'hiv, les 16 et 17 juillet 1942 : 12 884 juifs apatrides (3031 hommes, 5802 femmes et 4051 enfants) sont arrêtés par la police française, rassemblés au Vélodrome d'Hiver dans des conditions sordides, puis à Drancy, d'où ils seront acheminés vers les camps d'exterminations. Fin août 42, en zone libre, 7000 juifs étrangers sont raflés et livrés aux Allemands.

Les deux trains de mesures antijuives, celui d'octobre 1940 et celui de juin 1941 n'avaient guère soulevé de protestations de la part des autorités religieuses, depuis la condamnation solennelle de l'idéologie raciste du National-Socialisme par le pape Pie XI. Le cardinal Pierre Gerlier, primat des Gaules, remet au chef de l'État, en septembre 1941 une note exprimant des réserves sur la politique antisémite. Son homologue protestant, le pasteur Boegner, avait adressé une lettre personnelle à l'amiral Darlan un peu plus tôt, en mars 1941. De même, les conditions très dures d'internement des juifs étrangers n'avaient guère ému l'opinion publique. Seules quelques organisations charitables, soit juives soit protestantes (la CIMADE), rejointes par quelques membres du clergé catholique, s'étaient préoccupées de porter secours aux internés des camps de Gurs, Noë, Récébédou etc.

A partir de la mi-1942, on assiste à un revirement de l'opinion publique. Le port de l'étoile jaune, d'abord, avait suscité la réprobation de beaucoup de Français ainsi qu'une nouvelle protestation du pasteur Boegner. Ce sont enfin les rafles de l'été 1942 qui provoqueront un tournant décisif. Non seulement parmi les chrétiens de base, mais également parmi la hiérarchie catholique. En plus des démarches confidentielles, cinq prélats catholiques de la zone sud feront connaître publiquement, en chaire, leur désapprobation. La protestation la plus célèbre est celle de Mgr Jules Saliège, archevêque de Toulouse, dont la lettre est lue en chaire le 23 août.

Dorénavant, Laval et Bousquet mettront en avant l'opposition de l'Église dans les pourparlers avec Oberg pour réduire l'implication de la police française dans le processus de déportation des juifs. Selon les mots de Serge Klarsfeld, « la fin de cette coopération massive ne se situe pas en 1943 [...] mais en septembre 1942 ». Ce tournant ne veut pas dire arrêt : la police française, toujours sous les ordres de Bousquet, arrête dans la région parisienne 700 personnes en octobre, 600 en novembre et 835 en décembre, dont la plupart étaient françaises.

En novembre 1942, les Allemands envahissent la zone sud. Aussitôt, le Höherer SS und Polizeiführer s'installa dans toutes les préfectures pour développer ses activités antijuives. La police allemande montre sans doute moins d'efficacité que la police française, mais elle traque aussi bien les juifs français que les étrangers, et beaucoup de juifs français de la zone sud, se croyant protégés ou oubliés par le gouvernement de Vichy, n'avaient pas pris l'habitude de se cacher. De novembre 1942 à septembre 1943, la zone d'occupation italienne, à savoir les deux départements de la Savoie et surtout les Alpes-Maritimes, devient le refuge final pour les juifs. On en trouve près de 30 000, en septembre 1943 dans ce qui s'avèrera être une souricière, lorsque les Allemands envahissent la zone après la capitulation de l'Italie. Sous la conduite d'Alois Brunner, la police allemande et une unité de Waffen-SS ratissent jusqu'en décembre 1943 les trois départements méditerranéens, mais faute de l'appui des autorités françaises, l'opération n'aboutit qu'à l'arrestation de 2000 juifs, déportés à Drancy puis à Auschwitz. Le ratissage mené par Brunner se poursuit ensuite, à partir de Grenoble, en Isère et en Savoie jusqu'en mars 1944 et se solde par l'envoi d'un peu plus de 400 personnes à Drancy.

[modifier] Sauvetage des Juifs

Les 75 000 Juifs déportés vers les camps de la mort le furent par les autorités allemandes, une grande partie d'entre eux avec la participation de la police du gouvernement de Vichy. Une partie des 225 000 juifs qui échappèrent à la déportation bénéficièrent du silence, de la complicité ou de l'aide active d'un très grand nombre de français qui sont restés, pour la plupart anonymes. Les institutions religieuses, catholiques, protestantes ou israélites jouèrent un rôle de premier plan pour l'accueil, la production de faux papiers et l'organisation de filières d'évasion. Les protestants, bien que très minoritaires en France, se sont souvent montrés d'une grande efficacité dans ce sauvetage. Ainsi, sous la conduite du pasteur André Trocmé et de sa femme Magda, Le Chambon-sur-Lignon, village de Haute-Loire, accueille, de 1941 à 1944, pour des périodes plus ou moins longues, un total de 2500 juifs. Plusieurs prélats de l'Église catholique, tels le Cardinal Pierre Gerlier, primat des Gaules, ou Monseigneur Jules Saliège, adressèrent des protestations publiques contre l'arrestation arbitraire des juifs.

De nombreuses personnalités firent preuve d'un courage remarquable; on peut citer René Carmille, chef du service national de la statistique, qui refusa de fournir aux autorités les fichiers de cartes perforées Hollerith qui permettaient d'identifier les Juifs [5]. La plupart des congrégations religieuses utilisèrent leurs cloîtres pour cacher des fugitifs et recueillir des enfants. On estime que ces actions permirent de sauver la plus grande partie des Juifs, par rapport à d'autres pays. Aujourd'hui, on constate que la proportion de Juifs en France est quatre fois supérieure à celle de tous les autres pays d'Europe.

[modifier] Après la guerre

L'antisémitisme, qui était principalement limité à l'extrême droite française (voir par exemple l'affaire de Carpentras), ou encore la déclaration de Jean-Marie Le Pen selon laquelle "les chambres à gaz seraient un détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale"[6] a connu une recrudescence vers la fin du XXe siècle, sous l'influence du conflit israélo-arabe[7] [8].

Les actes considérés comme antisémites, dès qu'ils sont connus, provoquent souvent l'indignation publique des hommes politiques.

Il arrive cependant que des actes dénoncés comme antisémites soient montés de toute pièce[9], ou soient soupçonnés d'être montés de toutes pièces[10], ou encore, bien que les faits soient réels, que l'on s'aperçoive que leur motivation n'est pas l'antisémitisme. En août 2004, le président du consistoire de Paris, Moïse Cohen, a déclaré que « c'est une erreur de réagir à un fait divers sans appliquer le principe de précaution » ; pour Esther Benbassa, historienne du judaïsme, « l'extrême sensibilité de la communauté juive devrait être canalisée par les responsables communautaires, et les politiques devraient pouvoir attendre de savoir avant de réagir »[11]. À la suite de l'affaire « Marie L. », Dominique de Villepin a déclaré vouloir « tirer les leçons de cette affaire », « tirer tous les enseignements des enquêtes et adopter la stratégie la mieux adaptée », « mieux connaître les causes [des actes racistes et antisémites] pour mieux les combattre »[12].


[modifier] L'antisémitisme contemporain

L'antisémitisme est interdit en France. Néanmois, certains se voient poursuivis pour antisémitisme, alors qu'ils dénoncent le sionisme, sujet différent mais qui peut donner lieu à des amalgames.

[modifier] Statistiques

[modifier] Pendant la guerre

Il y avait en 1940 330 000 juifs en France, toutes nationalités confondues.

Entre le printemps 1942, époque de l'invasion de la zone libre par les Allemands, et la Libération de 1944, 76 000 juifs sont déportés vers les camps de concentration ou d'extermination, en 79 convois. 2500 seulement reviendront. Un quart étaient des juifs français, et trois quart des juifs étrangers réfugiés. 14 % avaient moins de dix-huit ans, et 12 % plus de soixante ans. Parmi ceux-ci, en 1943, 17 000 juifs avaient été déportés en 17 convois dont 14 pour Auschwitz et 3 pour Sobibor. De mars à décembre 1944, 43 000 juifs avaient été déportés en 43 convois, à destination d'Auschwitz. Les trois quarts venaient de la zone Nord et un quart de la zone Sud.

On a estimé une proportion de survie d'environ 72 % très supérieure à la moyenne des autres pays européens (33 %).

Il y a eu, pendant toute la guerre, 200 000 Français déportées par les Allemands, toutes confessions confondues.

[modifier] Actuellement

D'après Dominique de Villepin, 75 « actions violentes à caractère antisémite » ont été recensées pendant les sept premiers mois de l'année 2003, et 160 pendant les sept premiers mois de 2004, dont 11 attribuées à l'extrême droite, 50 commises par des « individus d'origine arabo-musulmane », et 99 qui ont obéi à des motivations floues[13].

Le ministère de la justice a recensé, entre le 1er janvier et le 6 juin 2004, 180 cas d'antisémitisme: 104 d'atteintes aux biens, 46 d'atteintes aux personnes, 30 infractions de presse[14].

D'après L'Express du 30/08/2004 et du 02/03/2006 (La sous-culture antisémite, Les derviches tourneurs), on a recensé en France les nombres suivants cas d'injures, menaces et violences antisémites :

[modifier] En littérature

L'antisémitisme a laissé quelques traces dans la littérature française.

[modifier] Notes et références

  1. Lois contre la racisme et l'antisémitisme
  2. (en) Esther Benbassa, The Jews of France: A History from Antiquity to the Present, Princeton University Press (ISBN 0691090149)
  3. Cf article 1 : « enjoignons à tous nos officiers de chasser de nosdites îles tous les juifs qui y ont établi leur résidence, auxquels, comme aux ennemis déclarés du nom chrétien »
  4. La France de Vichy 1940-1944
  5. IBM et l'Holocauste, Edwin Black, Robert Laffont, 2001.
  6. invité du « Grand jury RTL- Le Monde », le 13 septembre 1987
  7. L'antiracisme, un combat qui divise, L'Express du 31/05/2004
  8. L'Express du 30/08/2004 La sous-culture antisémite : 2/3 des actes antisémites sont le fait de fils d'immigrés.
  9. Reuters, « Les soupçons d'antisémitisme souvent levés par la justice », 31 août 2004.
  10. Laurent Chabrun, « Les mystères de Gagny », L'Express du 19 janvier 2004 ; Michelle Toledano, droit de réponse relatif à l'article « Les mystères de Gagny » du 19 janvier 2004, L'Express du 22 mars 2004.
  11. Martine Nouaille, « Antisémitisme en France : des affaires qui jettent le trouble », Agence France-Presse, 30 août 2004 ; Olivia Recasens, Christophe Labbé, Jean-Michel Décugis, « Incendie du centre juif ; Ce n'était qu'un fait divers », Le Point, 2 septembre 2004.
  12. « M. de Villepin  : "Confondre 2004 avec 2007, c'est l'échec assuré », Le Monde, 28 août 2004.
  13. « M. de Villepin  : "Confondre 2004 avec 2007, c'est l'échec assuré" », Le Monde du 28 août 2004.
  14. Dominique Perben cité par Reuters, « France - 180 actes antisémites recensés depuis le 1er janvier », 9 juin 2004.

[modifier] Sources

  • Olivier Guland, Le Pen, Mégret et les Juifs, L'obsession du "complot mondialiste", La Découverte, 2000.
  • Esther Benbassa, La République face à ses minorités. Les juifs hier, les musulmans aujourd’hui, Mille et Une Nuits, 2004.
  • Tal Bruttmann, La logique des bourreaux, 1943-1944. Hachette Littératures. 2003.
  • Tal Bruttmann, Au bureau des affaires juives. L'administration française et l'application de la législation antisémite. La Découverte. 2006.
  • Marc Crapez, L’antisémitisme de gauche au XIXe siècle.
  • Laurent Joly, Xavier Vallat, 1891-1972 : du nationalisme chrétien à l'antisémitisme d'État, Grasset, 2001.
  • Laurent Joly, Darquier de Pellepoix et l'antisémitisme français, Berg International, 2002.
  • Laurent Joly, Vichy dans la « solution finale ». Histoire du Commissariat général aux questions juives (1941-1944), Grasset, 2006, 1014 pages.
  • André Kaspi, Les juifs pendant l'occupation, Le Seuil, 1991
  • Serge Klarsfeld, La shoah en France, le calendrier des déportations (septembre 1942-aout 1944) , Paris, 1978
  • Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz, 1942, Fayard, 1983
  • Asher Cohen, Persécutions et sauvetages, Cerf, 1993
  • Pierre-André Taguieff (sous la dir. de), L'antisémitisme de plume, 1940-1944, Étude de documents, Berg International, Paris, 1999 ISBN 2-911289-16-1

[modifier] Voir aussi

[modifier] Autres liens internes

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