Affaire Mortara

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l’antisémitisme

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Publications
Publications antisémites : en France

Des Juifs et leurs Mensonges (1543) • Les Protocoles des Sages de Sion
et leurs dérivés (~ 1903) •
Mein Kampf (1923) •

Publications sur l'antisémitisme

Réflexions sur la question juive (1946) • Les Origines du totalitarisme (1951) • L'Enseignement du mépris (1962) • La Guerre contre les Juifs (~ 1975) •

Voir aussi
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Juifs
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L'affaire Mortara est nommée d'après Edgardo Mortara (1851 - 1940), un enfant juif de 6 ans, vivant à Bologne en Italie et qui fut enlevé par les autorités papales en 1858 pour être élevé au sein de la religion catholique. Cette affaire devint un scandale international et le catalyseur de profonds changements politiques. Son souvenir influe toujours sur les relations entre l'Église catholique et les organisations juives.

Sommaire

[modifier] Les faits

Le 23 juin 1858 à la nuit tombante, la police pontificale, accompagnée de représentants des forces de l'ordre de Bologne, fait irruption au domicile de la famille juive de Salomon et Marina Mortara. Ils réveillent les huit garçons et s'emparent d'Edgardo, six ans et dix mois, en annonçant aux parents que l'enfant a été baptisé secrètement par leur ancienne employée, Anna Morisi, lors d'une maladie. Il ne peut donc rester dans une famille juive car, en grandissant, il serait très probablement devenu Israélite. Or, ayant été au préalable baptisé, il aurait donc été apostat, et donc promis de façon certaine à l'Enfer, du point de vue catholique.

Afin de sauver son âme, l'Église avait alors le devoir moral d'empêcher cette apostasie. L'enlèvement a été orchestré par l'Inquisiteur Feletti, sur ordre de Rome, c'est-à-dire de Pie IX.
Le petit Mortara est conduit immédiatement à Rome et, au cours du voyage, est rebaptisé Pio. L'étrangeté apparente de ce baptême vient que du fait même de sa maladie, le jeune garçon avait seulement été ondoyé et des rites restaient encore à accomplir: l'ondoiement est en effet un baptême temporaire, réduit à l'effusion d'eau, réservé aux cas d'urgence. Canoniquement valide, il doit être si possible complété.

[modifier] Impact international

À cette époque, les juifs de Bologne connaissent de nombreuses restrictions :

  • ils n'ont pas de synagogue,
  • ils vivent en de petits ghettos,
  • il leur est interdit d'avoir des employés chrétiens.

La tragédie de la famille Mortara devient bientôt une « affaire » internationale, mais ne parvint jamais devant un tribunal impartial. Les Mortara accumulent les preuves de vices de forme et de machination, font d'innombrables tentatives pour rejoindre et récupérer leur fils, reçoivent des appuis de nombreux pays d'Europe:

  • Des princes et des souverains catholiques, le comte Cavour, Napoléon III, François-Joseph d'Autriche écrivent personnellement au pape, lui recommandant de ne pas défier l'Europe,
  • Guillaume, roi de Prusse, regrette auprès d'une association juive de ne pouvoir intervenir de crainte qu'une intercession protestante soit mal interprétée,
  • La congrégation Juive de Sardaigne invoque l'aide de divers gouvernements,
  • De nombreux rabbins allemands conduits par Ludwig Philippson envoient une pétition au pape,
  • Les Juifs anglais tiennent des meetings, et Sir Moses Montefiore porte à Rome leur pétition au pape pour la libération de l'enfant.
  • l'Alliance protestante,
  • la société de la Réforme écossaise,
  • l'Alliance chrétienne universelle.

Rien ne vient infléchir la décision de Rome qui, au contraire, multiplie les obstacles et les fins de non recevoir.

La création de l'alliance israélite universelle, en 1860, sera en partie lié à l'affaire Mortara. L'alliance participera également aux tentatives pour faire rendre le jeune Mortara à sa famille.

En 1867, à 16 ans, Pio Mortara est ordonné prêtre malgré la promesse du cardinal Antonelli à Sir Moses Montefiore de laisser la liberté de choix au jeune homme à ses dix-sept ans. En 1870, il prêche au Ier concile œcuménique du Vatican. Il est envoyé comme missionnaire dans de nombreuses villes d'Allemagne : Mayence, Breslau ; il prêchera aussi à New York. Son père meurt en 1871, après avoir été la cible du parti clérical, et faussement accusé d'avoir jeté une servante par la fenêtre ; après quelques mois de prison, il sera disculpé. En 1878, enfin, sa mère le rencontre à Paris et il tente de la convertir au catholicisme... Sa mère meurt en Suisse en 1895, et Pio assiste aux funérailles. Il meurt près de Liège, en 1940.

[modifier] Précédents et autres cas

Les enlèvements d'enfants non-chrétiens trouvent leur source dans les décisions du 4ème concile de Tolède en 633, dont le Corpus juris canonici reconnaissait à l'Église le droit d'arracher à des familles non chrétiennes des enfants oblats, offerts à l'Église en état d'inconscience invitis parentibus, c'est-à-dire sans l'accord explicite des parents ; il suffisait qu'un chrétien affirmât les avoir baptisés.
Ceci a entrainé à travers les siècles de nombreux rapts d'enfants juifs ou de familles infidèles. Lorsqu'en 1775, Léon XII (1760-1829) confirme l'édit sur les Juifs, une série d'enlèvements se produisent :

L'affaire Mortara n'est donc pas la première du genre. L'émotion internationale soulevée montre cependant que l'évolution des sociétés européennes rendait ces comportements anciens de plus en plus inacceptables. De fait, la pratique des enlèvements d'enfants non-chrétiens devient de plus en plus rare, même si l'affaire Finaly (en France)[1], à la fin de la Seconde Guerre mondiale, montre qu'elle restera longtemps considérée comme acceptable par une partie du clergé et de l'opinion catholique.

Si la position du pape fut critiquée, elle eut aussi ses soutiens. Le journaliste Louis Veuillot justifia ainsi avec violence, dans sa feuille l'Univers, qui soutient le parti clérical, l'attitude du Vatican. Il accusera les journaux qui défendent l'opinion contraire à la sienne d'être à la solde des juifs et les désignera comme étant la « presse juive » (c’est-à-dire au service des juifs). Ces articles constituent une des premières manifestations de l'antisémitisme moderne.

L'affaire Mortara s'est trouvée remise sous les feux de l'actualité lors de la béatification du pape Pie IX en 2000.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Lire aussi

  • Riccardo Calimani, L'errance Juive], Denoël : ...le lointain IVe concile de Tolède de 633 avait, après en avoir débattu, inscrit dans le Corpus juris canonici le droit de l’Église à arracher à des familles non chrétiennes les enfants "oblats", offerts à l’Église en état d’inconscience invitis parentibus, c’est-à-dire sans l’accord explicite des parents ; il suffisait qu’un étranger affirmât les avoir baptisés. Naturellement, I’Église ne manqua pas de discuter de cette question, avec des interprétations tantôt extensives, tantôt restrictives. Martin V avait fixé la limite d’âge à douze ans ; quant à Boniface VIII, tout en désapprouvant les baptêmes par traîtrise d’enfants juifs...

[modifier] Références

  1. Les enfants Finaly on été confiés à une catholique pendant la Seconde Guerre mondiale, qui les a fait baptiser de sa propre initiative. En 1945, elle refuse de les rendre à leur famille survivante. Il faudra plusieurs années de procès et un enlèvement en Espagne franquiste avant que les enfants Finaly soient rendus à leur famille, dans les années 1950. On verra s'affronter une partie du clergé et de l'opinion catholique aux institutions françaises et à l'opinion publique laïque.