Code noir

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Le Code noir.
Le Code noir.

Le Code noir (texte intégral) est un recueil d'une soixantaine d'articles promulgués en 1685 sous le règne de Louis XIV, qui a été publié plusieurs fois, notamment au XVIIIe siècle. Il rassemble toutes les dispositions réglant la vie des esclaves noirs dans les colonies françaises des Antilles (en 1685), de Guyane (à partir de 1704) et de l'île Bourbon (en 1723). Il a servi de modèle à d'autres règlements utilisés dans d'autres colonies européennes. Il a également pour objet l'expulsion des juifs[1].

Le 4 février 1794, la Convention républicaine décrète l'abolition de l'esclavage, appliquée à l'archipel de la Guadeloupe mais ni en Martinique, occupée par les Britanniques, ni à la Réunion et à l'île Maurice par refus des autorités locales. Le 17 juillet 1802, Richepance rétabli de manière déguisée le Code noir à la Guadeloupe. Ce n'est que le 4 mars 1848 que l'esclavage est aboli définitivement, et le Code noir ipso facto caduc.

Louis XIV, monarque absolu, souhaitait étendre son pouvoir sur l'ensemble des colonies françaises. Le Code noir s'inscrit dans l'ensemble des ordonnances de son ministre Colbert, bien qu'il ait été mis en vigueur après la mort de celui-ci par son fils, Jean-Baptiste Colbert, Marquis de Seignelay.

Sommaire

[modifier] Origines du Code Noir

C'est à l'initiative de Madame de Maintenon, épouse de Louis XIV que le Code noir (mars 1685) et l'édit de Fontainebleau (octobre 1685) sont publiés la même année. Suite au décès de son père, Constant d'Aubignée en 1645, elle quitte la Martinique et retourne en France, où elle est prise en charge par Mme de Neuillant, sa marraine, qui la place immédiatement chez les Ursulines pour la reconvertir au catholicisme, et abjurer sa foi calviniste.

[modifier] L'esprit du Code

Le préambule du Code fait apparaître la notion d'« esclave » comme un fait, sans en donner ni l'origine ni la légitimation. De façon générale, le Code entérine l'esclave comme une personne de non-droit, voire très souvent comme un objet. Par exemple, l'article 44 déclare « les esclaves être meubles » (au sens notarial du terme).

Article 44 : « Déclarons les esclaves être meubles et comme tels entrer dans la communauté, n'avoir point de suite par hypothèque, se partager également entre les cohéritiers, sans préciput et droit d'aînesse, n'être sujets au douaire coutumier, au retrait féodal et lignager, aux droits féodaux et seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni au retranchement des quatre quints, en cas de disposition à cause de mort et testamentaire. »

L'esclave ne jouit d'aucune capacité juridique, à la différence des serfs du Moyen-Âge. C'est la mère qui transmet la condition juridique, d'où l'article 13 précisant que « Si le mari esclave a épousé une femme libre, les enfants tant mâles que filles suivent la condition de leur mère, et que si le père est libre et la mère esclave, les enfants soient esclaves pareillement » et donc, par évidence, l'article 12 « les enfants qui naîtront de mariage entre esclaves seront esclaves ». De plus, il interdit le mariage des esclaves sans le consentement des maîtres et, à partir de 1724, les mariages entre blancs et noirs.

L'écrasante majorité des articles concerne les devoirs des esclaves, et les punitions qui leur sont réservées s'ils les enfreignent. Parmi elles, la peine de mort pour avoir frappé son maître (article 33), pour vol de cheval ou vache (article 35), pour la troisième tentative d'évasion (article 38), ou enfin pour réunion (article 16).

Les articles semblant protéger l'esclave de l'arbitraire du maître sont à interpréter avec prudence. Par exemple, s'il est interdit de torturer les esclaves, le fouet, l'amputation d'une oreille ou d'un « jarret » (article 38), le marquage au fer chaud de la fleur de lys et évidemment la mort sont autorisés dans les conditions indiquées. Celles-ci sont souvent très librement laissées à l'interprétation du maître. Article 42 : « Pourront seulement les maîtres, lorsqu'ils croiront que leurs esclaves l'auront mérité, les faire enchaîner et les faire battre de verges ou de cordes ». Si le texte oblige le maître à nourrir et à vêtir ses esclaves (article 22), il interdit parallèlement (article 24) de cultiver pour leur propre compte un lopin de terre.

Par ailleurs, si l'esclave peut se plaindre officiellement (article 26), son témoignage n'a aucune valeur juridique (article 30). Concrètement, les condamnations des maîtres pour le meurtre ou la torture d'esclave seront très rares. L'article 43 est de toutes façons manifestement écrit pour encourager la clémence des magistrats : « et de punir le meurtre selon l'atrocité des circonstances ; et en cas qu'il y ait lieu de l'absolution, permettons à nos officiers [...] ».

L'article 27 tente de fournir un minimum de protection à l'esclave, notamment en cas de vieillesse ou de maladie.

Le Code encourage à baptiser les esclaves, à leur fournir une éducation et une sépulture catholique. Ses rédacteurs pensaient que les Noirs avaient une âme et qu'il fallait la sauver. L'article 2 leur interdit de pratiquer la foi protestante[2].

Les esclaves noirs n'avaient pas le droit de porter des armes, sauf pour la chasse. À la première tentative de fuite, le marron capturé avait les oreilles coupées et était marqué au fer rouge. La deuxième tentative aboutissait à l'amputation de la jambe. La troisième tentative était punie de mort.

L'affranchissement nécessite une autorisation publique et le paiement de taxes. On notera l'opposition flagrante de ces dispositions à la bulle Veritas ipsa datant pourtant de plus d'un siècle.

L'article 9 du Code noir dispose que toute esclave rendue enceinte par son maître acquiert immédiatement le statut de femme libre, et que par ailleurs son maître est tenu légalement de l'épouser. On peut penser à la situation qui sera bien plus tard celle de Thomas Jefferson.

Dans son livre d'analyse sur le Code noir et ses applications, publié en 1987, Manuel Aragon, professeur émérite de philosophie politique à Paris I, estime que le Code noir est « le texte juridique le plus monstrueux qu'aient produits les Temps modernes »[3]. Le Code noir sert selon lui un double objectif : à la fois réaffirmer « la souveraineté de l'État dans les terres lointaines » et créer des conditions favorables au commerce de la canne à sucre. « En ce sens, le Code noir table sur une possible hégémonie sucrière de la France en Europe. Pour atteindre ce but, il faut prioritairement conditionner l'outil esclave »[4].

Les peines et sévices de l'esclave étaient semblables à ceux du paysan moyen français de la même époque : la France n'étant pas alors dotée d'un droit écrit universel (elle ne le sera qu'avec le Code Napoléon), celui-ci était également soumis à l'arbitraire local. Les peines corporelles sont celles qui étaient également pratiquées en France à la même époque sur des sujets du roi, dès lors que des tribunaux en décidaient. Bien entendu, il convient de rappeler que cette comparaison formelle des peines ne signifie en aucun cas que les situations étaient comparables, puisque les délits n'étaient absolument pas les mêmes : le paysan était libre et était une personne juridique, alors que pour un esclave des colonies, recouvrer sa liberté était un délit punissable de mort[réf. nécessaire].

[modifier] Le texte de 1685

s:

Code noir est disponible sur Wikisource.

[modifier] Notes et références

  1. Cf article 1 : « enjoignons à tous nos officiers de chasser de nosdites îles tous les juifs qui y ont établi leur résidence, auxquels, comme aux ennemis déclarés du nom chrétien »
  2. Le protestantisme en Martinique dans un contexte d'exclusion.
  3. Le Code noir ou le calvaire de Canaan
  4. Entretien avec le magazine Historia

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Louis Sala-Molins , Le Code noir, PUF, Paris, 1988