Louis-Ferdinand Céline

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Louis-Ferdinand Céline
Naissance 27 mai 1894
Décès 1er juillet 1961
Activité romancier, essayiste, médecin
Nationalité Français
Genre roman, essai
Œuvres principales Voyage au bout de la nuit, Mort à crédit, D'un château l'autre
Éditeurs Gallimard
Récompenses Prix Renaudot

Louis Ferdinand Destouches, plus connu sous son nom de plume Louis-Ferdinand Céline (prénom de sa grand-mère et l'un des prénoms de sa mère), généralement abrégé en Céline (18941961), est un médecin et écrivain français, le plus traduit et diffusé dans le monde parmi ceux du XXe siècle après Marcel Proust.

Sa pensée nihiliste est teintée d’accents héroïcomiques et épiques. Controversé en raison de ses pamphlets contenant des propos antisémites, il n’en demeure pas moins un des plus grands écrivains de la littérature française du XXe siècle. Il est le créateur d’un style qui traduit toute la difficulté d’une époque à être et à se dire et qui exprime sa haine du monde moderne. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands prosateurs de son temps, aux côtés d’autres connaisseurs de l’absurdité humaine comme Sartre, Albert Camus et Beckett[1].

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Jeunesse en région parisienne

Céline est né le 27 mai 1894 à Courbevoie, département de la Seine, au 11, rampe du Pont-de-Neuilly (aujourd'hui chaussée du Président-Paul-Doumer), ainsi qu’il le répète avec insistance dans D'un château l'autre. Issu d'une famille de petits bourgeois relativement aisée, d’un père employé d’assurances qui était « correspondancier » selon les propres mots de l’écrivain et avait des prétentions nobiliaires (parenté revendiquée plus tard par son fils avec le chevalier Destouches, immortalisé par Barbey d'Aurevilly), et d’une mère commerçante en dentelles, il reçoit une instruction assez sommaire, malgré deux séjours linguistiques en Allemagne et en Angleterre. Il occupe de petits emplois durant son adolescence, notamment dans des bijouteries, et s’engage dans l’armée française en 1912 par devancement d’appel.

[modifier] Première guerre mondiale et Afrique

Il rejoint le 12e régiment de cuirassiers à Rambouillet. Il utilisera ses souvenirs d’enfance dans Mort à crédit et ses souvenirs d’incorporation dans Casse-pipe (1949). Il est promu maréchal des logis le 5 mai 1914. Son régiment participe aux combats de la Première Guerre mondiale. Pour avoir accompli une liaison risquée dans le secteur de Poelkapelle (Flandre Occidentale), au cours de laquelle il est blessé au bras droit et non à la tête, contrairement à une légende tenace (engagé dans l'armée en 1912, il fut grièvement blessé à l'épaule droite et en 1914, il eut le tympan abîmé[2]). Il sera décoré de la la Croix de guerre avec étoile d’argent, ce qui lui conférera la Médaille militaire, le 24 novembre 1914 . Il est d’abord affecté comme auxiliaire au service des visas du consulat français à Londres (dirigé par l’armée en raison de l’état de siège) puis réformé à 70 % en raison des séquelles de sa blessure. Il contracte alors un engagement avec une compagnie de traite qui l’envoie en Afrique. L’expérience de la guerre jouera un rôle décisif dans la formation de son pacifisme et de son pessimisme.

Rencontre importante qui complète sa formation intellectuelle : il travaille en 1917-1918 auprès du savant-inventeur-journaliste-conférencier Henry de Graffigny. Embauchés ensemble par la mission Rockefeller, ils parcourent la Bretagne en 1918 pour une campagne de prévention de la tuberculose.

[modifier] La formation du médecin

Après la guerre, il se fixe à Rennes. Ayant épousé Edith Follet la fille du directeur de l'École de médecine de Rennes, il prépare le baccalauréat, qu’il obtiendra en 1919, puis poursuit des études de médecine de 1920 à 1924 en bénéficiant des programmes allégés réservés aux anciens combattants. Sa thèse de doctorat, La Vie et l’œuvre d’Ignace Philippe Semmelweis (1924), est aujourd'hui considérée comme sa première œuvre littéraire. Il publie La Quinine en thérapeutique (1925). Après son doctorat, il est embauché à Genève par la fondation Rockefeller qui subventionne un poste de l'Institut d'hygiène de la SDN, fondé et dirigé par le Dr Rajchman. Sa famille ne l’accompagne pas. Il accompagnera plusieurs voyages de médecins en Afrique et en Amérique. Cela l’amène notamment à visiter les usines Ford au cours d'un séjour à Détroit qui durera 36 heures.

[modifier] La formation de l'écrivain

Comme beaucoup d’écrivains, Céline a su habilement bâtir toute une série de mythes sur sa personnalité. En même temps que Voyage au bout de la nuit, Céline écrivait des articles pour une revue médicale (La Presse médicale) qui ne correspondent pas à l’image de libertaire qu'on s’est faite de lui[3]. Dans le premier des deux articles qu’il donna à cette revue en mai 1928, Céline vante les méthodes de l’industriel américain Henry Ford, méthodes consistant à embaucher de préférence « les ouvriers tarés physiquement et mentalement » et que Céline appelle aussi « les déchus de l’existence ». Cette sorte d’ouvriers, remarque Céline, « dépourvus de sens critique et même de vanité élémentaire », forme « une main-d’œuvre stable et qui se résigne mieux qu’une autre ». Céline déplore qu’il n’existe rien encore de semblable en Europe, « sous des prétextes plus ou moins traditionnels, littéraires, toujours futiles et pratiquement désastreux ».

Dans le deuxième article, publié en novembre 1928, Céline propose de créer des médecins-policiers d’entreprise, « vaste police médicale et sanitaire » chargée de convaincre les ouvriers « que la plupart des malades peuvent travailler » et que « l’assuré doit travailler le plus possible avec le moins d’interruption possible pour cause de maladie ». Il s’agit, affirme Céline, d’« une entreprise patiente de correction et de rectification intellectuelle » tout à fait réalisable pourtant car « Le public ne demande pas à comprendre, il demande à croire. » Céline conclut sans équivoque : « L’intérêt populaire ? C'est une substance bien infidèle, impulsive et vague. Nous y renonçons volontiers. Ce qui nous paraît beaucoup plus sérieux, c'est l’intérêt patronal et son intérêt économique, point sentimental. » On peut toutefois s’interroger sur la correspondance entre ces écrits et les réels sentiments de Céline, sur le degré d’ironie de ces commentaires « médicaux » (ou sur une éventuelle évolution) car, quelques années plus tard, plusieurs passages de Voyage au bout de la nuit dénonceront clairement l’inhumanité du système capitaliste en général et fordiste en particulier[4].

Contrairement à la légende souvent reprise, il ne sera jamais conseiller médical de la société des automobiles Ford à Detroit[réf. nécessaire]. Son contrat à la SDN n’ayant pas été renouvelé, il sera engagé, après avoir envisagé d'acheter une clinique en banlieue parisienne et un essai d'exercice libéral de la médecine, par le dispensaire de Clichy où il effectuera quatre vacations de deux heures par semaine pour lesquelles il sera payé 2 000 F par mois. Pour compléter ses revenus, il occupera un poste polyvalent de concepteur de documents publicitaires, de spécialités pharmaceutiques et même de visiteur médical dans trois laboratoires pharmaceutiques.

C’est toute cette partie de sa vie qu’il relate à travers les aventures de son antihéros Ferdinand Bardamu, dans son roman le plus connu, le premier, Voyage au bout de la nuit (1932), pour lequel il reçoit le prix Renaudot, après avoir manqué de peu le prix Goncourt.

[modifier] L'épisode vichissois

Après le débarquement du 6 juin 1944, Céline, craignant pour sa vie, quitte la France le 14 juin 1944. Il se retrouve d'abord à Baden-Baden, en Allemagne, avant de partir pour Berlin, puis pour Kraenzlin (le Zornhof de Nord) d’où il ne put rejoindre le Danemark… Apprenant que le gouvernement français se formait à Sigmaringen, Céline proposa alors à Fernand de Brinon, le représentant de Vichy pour la France occupée, d'y exercer la médecine ; celui-ci accepta. Voilà comment Céline gagna par le train Sigmaringen, voyage qu'il relate dans Rigodon ; là-bas il côtoie le dernier carré des pétainistes et des dignitaires du régime de Vichy (D'un château l'autre). C’est seulement après, le 22 mars 1945, qu'il quitte Sigmaringen pour le Danemark, occupé par les Allemands, afin de récupérer son or qui y était conservé. Chronologiquement, la « trilogie » allemande commence ainsi par Nord, se prolonge par D'un château l'autre, et finit par le livre posthume Rigodon. Céline, dans Nord, fait plusieurs clins d’œil au lecteur censé avoir déjà lu D'un château l'autre. Bref, toute considération littéraire passée, il atteignit enfin le Danemark pour y vivre en captivité : près d’une année et demie de prison, et plus de quatre ans dans une maison au confort rudimentaire près de la mer Baltique.

Il vit dans un taudis qu’il ne peut chauffer, boycotté par le monde littéraire « alors qu'il est le seul écrivain valable et qu'il n'a écrit ses pamphlets que pour empêcher la guerre ». Lors de l’Épuration, condamné à une année d’emprisonnement (qu’il a déjà effectuée au Danemark) et à l’indignité nationale,

[modifier] Le retour en grâce

Céline est amnistié en 1951 grâce à son nouvel avocat Tixier-Vignancour. Il signe alors un contrat avec Gallimard. Désireux de bénéficier de la retraite, il s’inscrit à l'Ordre des médecins, mais demande une dispense de cotisations, « car il n’a pas de clientèle ». Il doit apposer une plaque de médecin à l’entrée de son pavillon, mais ne semble pas avoir aménagé d’emplacement où il aurait pu recevoir ses patients éventuels. À 65 ans, il retire la plaque et obtient le bénéfice de sa retraite.

La tombe de Céline au cimetière de Meudon
La tombe de Céline au cimetière de Meudon

L'écrivain veut récupérer son prestige perdu à cause de son antisémitisme virulent, et retrouve le succès à partir de 1957 avec la « trilogie allemande », dans laquelle il romance son exil. Publiés successivement et séparément, D'un château l'autre (1957), Nord (1960) et Rigodon (1969) forment en réalité trois volets d’un seul roman. Céline s’y met personnellement en scène comme personnage et comme narrateur.

Louis-Ferdinand Destouches décède en 1961 à Meudon (Hauts-de-Seine), laissant veuve la danseuse Lucette Destouches (née Almanzor), pour laquelle il écrivit ses arguments de ballets. Il est enterré au cimetière des Longs Réages, à Meudon.

[modifier] Le style Céline

Céline révolutionne le récit romanesque traditionnel, jouant avec les rythmes et les sonorités, dans ce qu’il appelle sa « petite musique ». Le vocabulaire à la fois argotique et scientifique, familier et recherché, est au service d'une terrible lucidité, oscillant entre désespoir et humour, violence et tendresse. Révolution stylistique et réelle révolte (le critique littéraire Gaétan Picon est allé jusqu'à définir le Voyage comme « l’un des cris les plus insoutenables que l’homme ait jamais poussé »).

C’est en 1936 que, dans Mort à crédit, cette révolution stylistique prend un tour beaucoup plus radical, notamment par l'utilisation de phrases courtes, très souvent exclamatives, séparées par trois points de suspension. Cette technique d'écriture, conçue pour exprimer et provoquer l'émotion, se retrouvera dans tous les romans qui suivront. Elle décontenancera une bonne partie de la critique à la publication de Mort à crédit. Dans ce roman nourri des souvenirs de son adolescence, Céline présente une vision chaotique et antihéroïque, à la fois burlesque et tragique, de la condition humaine. Le livre, cependant, connaît peu de succès, et se trouve même critiqué par les partisans de Voyage au bout de la nuit. Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir y voient « Un certain mépris haineux des petites gens qui est une attitude préfasciste[5] » tandis qu'Élie Faure, qui avait encensé le Voyage, juge simplement que Céline « piétine dans la merde[6] ».

Sur le plan stylistique, la progression qui apparaît entre son premier roman et son ultime trilogie est marquée par une correspondance de plus en plus nette entre le temps du récit (ou temps de l'action) et le temps de la narration (ou temps de l’écriture). C’est ainsi que le présent de narration envahit l’espace romanesque au point que l’action ne semble plus se dérouler dans le passé, mais bien au contraire au moment même où le narrateur écrit. Le texte se rapproche ainsi progressivement du genre de la chronique, donnant à son lecteur l’impression que les événements se déroulent « en direct », sous ses yeux.
Il est intéressant de le rapprocher de son contemporain Ramuz, qu’il disait être « l’initiateur du transfert de la langue parlée dans la langue écrite ».

C’est dans son deuxième roman, Mort à crédit, mettant en scène l’enfance de Ferdinand Bardamu, alter ego littéraire de Céline, qu’il développe son véritable style, dont les points de suspension sont caractéristiques, style que l’on retrouve dans les romans suivants. Ces fameux points de suspension ont fait l’objet de nombreuses thèses. Ils peuvent s'expliquer par la volonté de l’auteur de combiner langue écrite et orale.

[modifier] Politique

La violente critique du militarisme, du colonialisme et du capitalisme qui s'exprime dans ses livres, fait apparaître Céline comme un écrivain proche des idées de la gauche. En 1936, il est invité en URSS, notamment sous l'influence d'Elsa Triolet, à valider ses droits d'auteurs pour Voyage au bout de la nuit (en Union Soviétique les droits d'auteurs étaient bloqués sur un compte en banque qu'on ne pouvait utiliser que dans le pays même). Il écrit à son retour son premier pamphlet, Mea culpa, charge impitoyable contre une Russie soviétique bureaucratique et barbare, la même année que Retour de l'URSS d’André Gide.

Céline s’exprime alors par une série de pamphlets violemment antisémites. En 1937, paraît Bagatelles pour un massacre puis, en 1938, L'École des cadavres. Ces livres connaissent un grand succès : il y étale un racisme et un antisémitisme radicaux, mais aussi le désir de voir se créer une armée franco-allemande et une apologie de Hitler qui n’aurait aucune visée sur la France : « Si demain Hitler me faisait des approches avec ses petites moustaches, je râlerais comme aujourd’hui sous les juifs. Mais si Hitler me disait : “Ferdinand ! c’est le grand partage ! On partage tout !”, il serait mon pote ! »[7]

Et dans L'École des cadavres (1938) :

« Les juifs, racialement, sont des monstres, des hybrides, des loupés tiraillés qui doivent disparaître. […] Dans l’élevage humain, ce ne sont, tout bluff à part, que bâtards gangréneux, ravageurs, pourrisseurs. Le juif n’a jamais été persécuté par les aryens. Il s’est persécuté lui-même. Il est le damné des tiraillements de sa viande d’hybride. » (L’École des cadavres, Paris, Denoël, 1938, p. 108).

Après la défaite et l’occupation de la France, Céline rédige un troisième pamphlet : Les beaux draps, où il dénonce non seulement les Juifs et les francs-maçons mais aussi la majorité des Français, soupçonnés de métissage. Le pamphlétaire demande également, entre autres considérations, une réduction du temps de travail (à 37 heures, pour commencer) et prédit un avenir noir à l’Allemagne et à la collaboration, cela déplaît tant au régime de Vichy (critiqué dans l’ouvrage) que le livre est mis à l’index. L’écrivain adresse ensuite une quarantaine de lettres ouvertes publiées par les organes les plus virulents de la collaboration tout en restant en marge. Dans ces lettres, il se présente comme le pape du racisme, déplore l’insuffisance de la répression contre les Juifs, les francs-maçons, les communistes et les gaullistes. Il publie en 1944 Guignol's band, récit de son séjour de 1915 en Angleterre.

Plusieurs interprétations ont été données de l’antisémitisme célinien, qui se déchaîne dans cet extrait d’une lettre à sa secrétaire littéraire :

« Je veux les [les Juifs] égorger... […] Lorsque Hitler a décidé de “purifier” Moabit à Berlin (leur quartier de la Villette) il fit surgir à l’improviste dans les réunions habituelles, dans les bistrots, des équipes de mitrailleuses et par salves, indistinctement, tuer tous les occupants ! […] Voilà la bonne méthode. » (Lettres à Marie Canavaggia, Du Lérôt éd., 1995).

Ainsi, selon l'historien Philippe Burrin : « Ses pamphlets de l’avant-guerre articulaient un racisme cohérent. S’il dénonçait en vrac la gauche, la bourgeoisie, l’Église et l’extrême droite, sans oublier sa tête de Turc, le maréchal Pétain, c’est pour la raison qu’ils ignoraient le problème racial et le rôle belliciste des juifs. La solution ? L’alliance avec l’Allemagne nazie, au nom d’une communauté de race conçue sur les lignes ethnoracistes des séparatistes alsaciens, bretons et flamands. » (La France à l’heure allemande, 1940-1944, Seuil, 1995, p. 63.)

Burrin écrit encore : « Autant qu’antisémite, il [Céline] est raciste : l’élimination des juifs, désirable, indispensable, n’est pas le tout. Il faut redresser la race française, lui imposer une cure d’abstinence, une mise à l’eau, une rééducation corporelle et physique. […] Vichy étant pire que tout, et en attendant qu’une nouvelle éducation ait eu le temps de faire son œuvre, il faut attirer par le “communisme Labiche” ces veaux de Français qui ne pensent qu’à l’argent. Par exemple, en leur distribuant les biens juifs, seul moyen d’éveiller une conscience raciste qui fait désespérément défaut. » (ibid., p. 427.)

[modifier] Analyse de l’œuvre

Son premier roman, Voyage au bout de la nuit, se construit autour de deux axes principaux qui correspondent aux deux grandes parties de l’œuvre. Le premier axe concerne la découverte et la condamnation par Ferdinand Bardamu de la guerre, de la colonisation, de l’exploitation industrielle : partout des hommes en asservissent d'autres. Le deuxième axe, quant à lui, est un prolongement du premier. Il en confirme l'essentiel : « l'amour est impossible aujourd'hui ». Cependant, ce thème est désormais exploré plus intimement. C'est ainsi que le couple formé par Robinson et Madelon investit progressivement le centre de la narration. Céline dissèque alors la volonté de domination et d'asservissement qui sont à l’œuvre dans les relations les plus idéalisées que sont les relations amoureuses. Le roman progresse ainsi du général au particulier afin de vérifier un des aphorismes présents dès son ouverture : « l'amour, c'est l'infini mis à la portée des caniches ». Les « caniches » que sont les êtres humains, ne pouvant prétendre à cet idéal abstrait qu'est l'amour du fait de leur nature définitivement bestiale ; Céline rejoignant ici la pensée d'Arthur Schopenhauer. Toutefois, certains (minoritaires), tel Pierre Lainé, voient en Céline un auteur humaniste en dépit de ses outrances et de sa crudité[8] ; des bribes d'humanité persistant dans l'œuvre célinienne, comme lorsque, dans le Voyage, Bardamu s'apitoie sur l'enfant Bébert.

Son dernier roman, Rigodon, à considérer plutôt comme une chronique, puisqu'il s'y qualifie lui-même de : « Moi, chroniqueur des grands guignols », fut écrit à Meudon en 1960 et 1961. Son dernier livre fait figure de testament littéraire. En effet, le 1er juillet 1961, Céline prévient sa femme que l'ouvrage en question est achevé, écrit par ailleurs une lettre à Gaston Gallimard, et meurt le soir même, à 18 heures. De ce roman on retiendra le rejet intégral de l’Occident face au dégoût que peut inspirer son Histoire : les guerres, la colonisation, la décadence de l'Europe :

« Vous aimez trop les paradoxes ! Céline ! les Chinois sont antiracistes !... les noirs aussi !

- Cette fouterie ! qu'ils viennent ici seulement un an ils baisent tout le monde ! le tour est joué ! plus un blanc ! cette race n'a jamais existé... un “fond de teint” c'est tout ! L'homme vrai de vrai est noir et jaune ! l'homme blanc religion métisseuse ! des religions ! juives catholiques protestantes, le blanc est mort ! il n'existe plus ! qui croire ? »

« … mais on a vu pire, bien pire… et on verra je vous assure encore bien plus chouette… les Chinois à Brest, les Blancs en pousse-pousse, pas tirés ! dans les brancards !… que toute cette Gaule et toute l'Europe, les yites avec, changent de couleur, qu'ils ont bien fait assez chier le monde !… elle et son sang bleu prétentieux, christianémique ! »

[modifier] Œuvres

[modifier] Romans

[modifier] Pamphlets

À l'exception de Mea Culpa, les pamphlets n'ont jamais été réédités, à la demande de sa veuve. Ils sont de toute manière concernés par le décret-loi Marchandeau de 1939 et la loi Pleven de 1972, qui interdisent la provocation à la haine raciale. Les exemplaires d'origine se négocient aux alentours de 150 € (2008) pour une édition ordinaire.

[modifier] Autres textes

  • La Vie et l'œuvre de Philippe Ignace Semmelweis, Simon, Rennes, 1924
  • Entretiens avec le professeur Y, Ed. Gallimard, Paris, 1955
  • Arletty, jeune fille dauphinoise, La flûte de Pan, Paris, 1983
  • Préfaces et dédicaces, Du Lérot, Tusson, 1987
  • Histoire du petit Mouck, Editions du Rocher, 1997
  • L'Église, Ed. Denoël & Steele, Paris, 1933
  • Foudres et flèches, Ed. F. Chambriand, Paris, 1948
  • Carnet du Cuirassier Destouches rédigé en 1913
  • Scandale aux abysses, Ed. F. Chambriand, Paris, 1950
  • Ballets sans musique, sans personne, sans rien, Ed. Gallimard, Paris, 1959. Ce volume contient les ballets La Naissance d'une fée, Voyou Paul, brave Virginie et Van Bagaden qui figuraient déjà dans Bagatelles pour un massacre, ainsi que Foudres et flèches et Scandale aux abysses.
  • Progrès, Ed. Mercure de France, Paris, 1978
  • Céline vivant, anthologie des entretiens audiovisuels avec LF Céline, Ed. Montparnasse, Paris, 2007

[modifier] Correspondances

  • 1979 : Cahiers Céline 5 : Lettres à des amies. Ed. Gallimard
  • 1981 : Cahiers Céline 6 : Lettres à Albert Paraz 1947-1957. Ed. Gallimard
  • 1984 : Lettres à son avocat : 118 lettres inédites à Maître Albert Naud. Paris : La Flûte de Pan
  • 1985 : Lettres à Tixier : 44 lettres inédites à Maître Tixier-Vignancour. Paris : La Flûte de Pan
  • 1987 : Lettres à Joseph Garcin (1929-1938). Paris : Librairie Monnier
  • 1988 : Lettres à Charles Deshayes, 1947-1951. Paris : Bibliothèque de Littérature Française Contemporaine
  • 1989 : Le questionnaire Sandfort, précédé de neuf lettres inédites à J.A. Sandfort. Paris : Librairie Monnier
  • 1991 : Lettres à la NRF 1931-1961. Paris : Gallimard
  • 1991 : Lettres à Marie Bell. Aigre : Du Lérot
  • 1991 : Céline et les éditions Denoël, 1932-1948. Paris : IMEC
  • 1995 : Lettres à Marie Canavaggia, 1 : 1936-1947. Tusson : Du Lérot
  • 1995 : Lettres à Marie Canavaggia, 2 : 1948-1960. Tusson : Du Lérot
  • 1998 : Lettres de prison à Lucette Destouches et à Maître Mikkelsen (1945-1947). Paris : Gallimard
  • 2002 : Lettres à Antonio Zuloaga (1947-1954), texte établi, présenté et annoté par Eric Mazet, préface de Philippe Sollers, La Sirène, Paris, 2002 (imprimerie Du Lérot, Tusson).
  • 1979 :Pierre Monnier:"Ferdinand furieux" (avec 313 lettres inédites de Louis-Ferdinand Céline).Lettera,L'Age D'Homme.
  • 1999 :Milton Hindus:"L-F Céline tel que je l'ai vu",L'Herne.

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

  • Philippe Alméras, Les Idées de Céline, Berg international, 1992 ;
  • Philippe Alméras, Céline : entre haines et passion, Robert Laffont, 1993 ;
  • Philippe Alméras, Dictionnaire Céline, Plon, 2004 ;
  • Maurice Bardèche, Louis-Ferdinand Céline, La Table Ronde, 1986 ;
  • Michel Bounan, L'Art de Céline et son temps, Allia, 1997 ;
  • Annick Duraffour, Céline, un antijuif fanatique in L'antisémitisme de plume - 1940-1944 , études et documents, Berg International Editeurs , 1999 ;
  • François Gibault, Céline, Mercure de France, Paris (3 tomes) ;
  • Nicholas Hewitt, The Life of Céline. A Critical Biography, Blackwelll critical biographies, Blackwell, Oxford, 1999 ;
  • Hanns-Erich Kaminski, Céline en chemise brune ou le Mal du présent, Les Nouvelles Éditions Excelsior, 1938 (rééditions aux éditions Plasma en 1977, puis aux éditions Champ Libre en 1983 et enfin aux éditions Mille et une nuits en 1997 (avec une postface de Jean-Pierre Martin, Kaminsky scandale, et une notice biographique de Joël Gayraud sur Kaminsky , Portrait partiel d'un proscrit) ;
  • Alice Yaeger Kaplan, Relevé des sources et citations dans « Bagatelles pour un massacre », Tusson, Ed. du Lérot, 1987 ;
  • Jean-Pierre Martin, Contre Céline, ou d'une gêne persistante, José Corti, 1997 ;
  • Philippe Muray, Céline, Seuil, Paris, 1981 (réédition chez Gallimard, 2001) ;
  • André Rossel-Kirschen, Céline et le grand mensonge, Éd. Mille et une nuits, 2004 ;
  • François Richard, L'Anarchisme de droite dans la littérature contemporaine, Collection littératures modernes, PUF, Paris, 1988 ;
  • Pol Vandromme, Céline, Editions Pardès, 2001 ;
  • Frédéric Vitoux, Bébert, le chat de L.-F. Céline, Grasset, Paris, 1976 ;
  • Frédéric Vitoux, Céline, Belfond, Paris, 1987 ;
  • Frédéric Vitoux, La Vie de Céline, Grasset, 1988 ;
  • Jean-Pierre Dauphin et Jacques Boudillet, Album Céline (iconographie réunie et commentée), Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1977 ;
  • Éric Mazet et Pierre Pécastaing : Images d'exil, Louis-Ferdinand Céline 1945-1951, préface de Claude Duneton, Éditions du Lérot, 2004.

[modifier] Enregistrements audio

Paul Chambrillon , Céline/ Anthologie officielle en 2 CD avec Louis-Ferdinand Céline, Michel Simon, Arletty, Pierre Brasseur, Albert Zbinden et Louis Pauwell. livret 32 pages avec des textes de Paul Chambrillon, Jean d'Ormesson et Albert Zbinden. Direction artistique : Paul Chambrillon. Label : Fremeaux & Associés, 2000.

[modifier] Auteurs faisant référence à Céline

  • Charles Bukowski, fait référence à Céline dans son roman Pulp (1994) alors que le personnage de la Grande Faucheuse demande au protagoniste et détective Nicky Belane de le retrouver pour pouvoir enfin l'attraper. En fait, comme le mentionne Sounes, Bukowski était un grand fan de Céline et de son roman Voyage au bout de la nuit[9].

[modifier] Citation à propos de Céline

  • Charles Berling : « La force, l'intelligence d'une écriture, un vrai style. De l'instinct pur. »
  • Michel Bounan : « La bonne question n'est pas de savoir comment un libertaire en vient à s'acoquiner avec des nazis mais pourquoi ce genre de personnage croit bon de se déguiser en libertaire. » L'Art de Céline et son temps, Ed. Allia, 1997
  • André Gide: « Je considère Bagatelles pour un massacre trop grotesque pour pouvoir être pris au sérieux. » Article intitulé « Les juifs, Céline et Maritain », publié dans les colonnes de la NRF (no 295, 1er avril 1938).
  • «Le 7 décembre 1941, Ernst Jünger, alors capitaine de l'état-major de l'armée allemande à Paris, rencontre Céline à l'Institut allemand. Il note dans son journal : « II [Céline] dit combien il est surpris, stupéfait, que nous, soldats, nous ne fusillions pas, ne pendions pas, n'exterminions pas les Juifs — il est stupéfait que quelqu'un disposant d'une baïonnette n’en fasse pas un usage illimité : “Si les Bolcheviks étaient à Paris, ils vous feraient voir comment on s’y prend ; ils vous montreraient comment on épure la population, quartier par quartier, maison par maison. Si je portais la baïonnette, je saurais ce que j’ai à faire.” »[10] . Jünger est frappé par le regard de l'écrivain : « Il y a chez lui ce regard des maniaques tourné en dedans qui brille au fond d'un trou. Pour ce regard aussi, plus rien n'existe ni à droite ni à gauche, on a l'impression que l'homme fonce vers un but inconnu».[11]

[modifier] Citations de Céline

  • « La guerre en somme c’était tout ce qu'on ne comprenait pas. Ça ne pouvait pas continuer. », Voyage au bout de la nuit, 1932
  • « L'amour, c'est l'infini mis à la portée des caniches. » Voyage au bout de la nuit, 1932
  • « La médecine, c’est ingrat. Quand on se fait honorer par les riches, on a tout du larbin, par les pauvres, on a tout du voleur » Voyage au bout de la nuit, 1932
  • « Ça ne vous servira à rien ici vos études, mon garçon ! Vous n’êtes pas venu ici pour penser, mais pour faire les gestes qu’on vous commandera d’exécuter… Nous n’avons pas besoin d’imaginatifs dans notre usine. C’est de chimpanzés dont nous avons besoin.», Voyage au bout de la nuit, 1932.
  • « Ah ! s’amuser avec sa mort tout pendant qu’il la fabrique, ça c’est tout l’Homme, Ferdinand ! » Mort à crédit, 1936
  • En 1949 : « Que lira-t-on en l'an 2000 ? Plus guère que Henri Barbusse, Paul Morand, Ramuz et moi-même, il me semble. »
  • « Il me manque encore quelques haines. Je suis certain qu'elles existent. » Mea Culpa, 1936
  • « Et il nie qu'il pisse. » Entretiens avec le professeur Y
  • « En matière de roman, il n'y a rien de plus vulgaire qu'une idée. »
  • « Exactement [à la question d'Albert Zbinden qui lui demande s'il a été antisémite]. Dans la mesure où je supposais que les sémites nous poussaient dans la guerre. Sans ça je n'ai évidemment rien - je ne me trouve nulle part en conflit avec les sémites ; il n'y a pas de raison. Mais autant qu'ils constituaient une secte, comme les Templiers, ou les Jansénistes, j'étais aussi formel que Louis XIV. Il avait des raisons pour révoquer l'édit de Nantes, et Louis XV pour chasser les Jésuites... Alors voilà, n'est-ce pas : je me suis pris pour Louis XV ou pour Louis XIV, c'est évidemment une erreur profonde. Alors que je n'avais qu'à rester ce que je suis et tout simplement me taire. Là j'ai péché par orgueil, je l'avoue, par vanité, par bêtise. Je n'avais qu'à me taire... Ce sont des problèmes qui me dépassaient beaucoup. Je suis né à l'époque où on parlait encore de l'affaire Dreyfus. Tout ça c'est une vraie bêtise dont je fais les frais. » (Entretien avec Albert Zbinden, 1957)
  • « Le philosémitisme délirant de Bagatelles a été très mal compris par la plupart des Juifs qui, entre nous, sont de sacrés cons quand ils s'y mettent. Pour certains d'entre eux, au contraire, surtout parmi les Sionistes, Bagatelles est un livre de chevet ; un monument élevé à la gloire d'Israël. C'est absolument exact. » (Le gala des vaches, Albert Paraz, les éditions de l'Élan, 1948, p.88)
  • « Ecoute la fin ! le sang des blancs ne résiste pas au métissage !... il tourne noir, jaune !... et c'est fini ! le blanc est né dans le métissage, il fut créé pour disparaître ! sang dominé ! Azincourt, Verdun, Stalingrad, la ligne Maginot, l'Algérie, simple hachis!... viandes blanches! » Rigodon
  • « Qui nous juge ? Est-ce donc cette humanité nietzschéenne ? Fendarde ? Cornélienne ? Stoïque ? Conquérante de Vents ? Tartufienne et Cocoricote ? Qu'on nous la prête avec son nerf dentaire et dans huit jours on ne parlera plus de ces cochonneries. Il faut que les âmes aussi passent à tabac. » (Postface à « Voyage au bout de la Nuit », 1933)
  • « L'écrivain est un bouc émissaire. Il pue pour tout le monde. »

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Tiré de l'encyclopédie alphabétique : Alpha , éditions Hachette, ISBN 2245026934
  2. Louis-Ferdinand Céline - EVENE
  3. Si, en 1933, dans une lettre à Élie Faure, Céline s’est déclaré « anarchiste jusqu’au bout des ongles », c’était pour rejeter l’engagement dans l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR, organisation communisante et anti-fasciste) que lui proposait son correspondant, ainsi que « notre dégueulasserie commune de droite et de gauche d’homme ». Mais il ne s’engagera pas non plus avec les anarchistes, alors même que certains d’entre eux l’y incitaient après la guerre. Dans une lettre à Albert Paraz, il écrira même : « J’aime bien les anarchistes mais cette idolâtrie des “grandes figures” est niaise. C’est de l’impuissance mentale. Ils remarquent ceux qui ont souffert pour la cause deux siècles “trop tard” et encore “tout de travers” ! Ou pas souffert du tout. On est dans la connerie. »
  4. Citons ces deux passages relevés dans l’édition Folioplus de l’œuvre maîtresse de l’écrivain : « On est tous assis sur une grande galère, on rame tous à tour de bras, […] On travaille ! qu’ils disent. C’est ça encore qu’est plus infect que tout le reste, leur travail. On est en bas dans les cales à souffler de la gueule, puants, suintants des rouspignolles, et puis voilà ! En haut sur le pont, au frais, il y a les maîtres [qui s’engraissent] et qui s’en font pas, avec des belles femmes roses et gonflées de parfums sur les genoux. » (p. 13) « Un patron [avare] se trouve toujours rassuré par l’ignominie de son personnel. L’esclave doit être coûte que coûte un peu et même beaucoup méprisable. Un ensemble de petites tares chroniques et physiques justifie le sort qui l’accable. La terre tourne mieux ainsi puisque chacun se trouve dessus à sa place méritée. L’être dont on se sert doit être bas, plat, voué aux déchéances, cela soulage, surtout qu’il nous payait tout à fait mal Baryton. Dans ces cas d’avarices aiguës les employeurs demeurent un peu soupçonneux et inquiets. Raté, débauché, dévoyé, tout s’expliquait, se justifiait et s’harmonisait en somme. Il ne lui aurait pas déplu à Baryton que j’aye été recherché par la police. C’est ça qui rend dévoué. » (p. 454) On lira aussi, sur le sujet, cette analyse personnelle d'un étudiant.
  5. La Force de l'âge, Gallimard, p. 142
  6. Élie Faure, O. C., Jean-Jacques Pauvert, t. III., p. 1127
  7. (Bagatelles pour un massacre, Denoël, 1937, p. 83)
  8. À ce sujet, on lira cet extrait du Céline de Pierre Lainé (Pardès, 2005).
  9. Howard Sounes, Charles Bukowski. Une vie de fou, traduit de l'anglais par Thierry Beauchamp, Monaco, Éditions du Rocher, coll. « Biographie », 2008, p. 315.
  10. Ernst Jünger, Premier journal parisien, Christian Bourgois, 1995, p. 73-74.
  11. Annick Duraffour , Céline un antijuif fanatique - in L'antisémitisme de plume, sous la direction de P.-A. Taguieff , Berg International Editeurs , 1999