Frères musulmans

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le logo de la confrérie
Le logo de la confrérie

Les Frères musulmans (جمعية الأخوان المسلمون, jamiat al-Ikhwan al-muslimun, littéralement association des Frères musulmans) est une organisation panislamiste fondée en 1928 en Égypte dans le but d'instaurer un grand état islamique fondé sur la charia basée sur la sunna débarrassée des influences culturelles locales. Elle a rapidement essaimé dans les pays musulmans du Moyen Orient, au Soudan et dans une moindre mesure en Afrique du Nord, établi des têtes de pont jusqu'en Europe. Certains groupes de partisans se sont constitués en mouvements indépendants (Jama'a al-Islamiya et Hamas, par ex.).

Son opposition fondamentale et parfois violente aux États laïcs arabes a amené son interdiction ou la limitation de ses activités dans certains pays (Syrie, Égypte). La lutte contre l’État d’Israël est au cœur du mouvement depuis sa fondation, et le théoricien du djihad armé, Sayyid Qutb (1906-1966), fut l’un de ses membres égyptiens les plus en vue. Néanmoins, ses différentes branches ont depuis condamné le recours à la violence en dehors du combat palestinien en Terre Sainte. Le mouvement entretient avec les institutions promouvant le wahhabisme saoudien des relations alternant entre la coopération et la rivalité.

La nébuleuse des Frères musulmans serait coordonnée par la Muslim Association of Britain sise à Londres, qui s’appuie sur la banque Al-Taqwa. Néanmoins, selon X. Ternisien, elle ne constitue pas une structure pyramidale centralisée mais une mouvance hétérogène, labile et multiforme.

Sommaire

[modifier] Historique

L'association fut fondée en 1928 par Hassan el Banna en Égypte après l'effondrement de l'Empire ottoman. Déterminé à lutter contre l'emprise laïque occidentale et l'imitation aveugle du modèle européen, son but était d'instaurer un grand état islamique fondé sur l'application de la charia.

Lors du premier congrès du parti en 1933, l'organisation ne comptait que 2.000 militants, un an plus tard ils sont 40.000, et en 1943 la confrérie compte plus de 200.000 militants. La croissance exponentielle du mouvement laisse penser que le Royaume-Uni a directement soutenu le développement de la confrérie.

En 1935, l'organisation rentre en contact avec Haj Amin al Husseini, le grand mufti de Jérusalem, et participe à l'insurrection palestinienne de 1936. En 1945, Saïd Ramadan crée une branche palestinienne du mouvement qui a pour objectif de combattre les organisations sionistes. Les Frères musulmans connaissent ainsi un succès fulgurant et de nombreux militants participent à la guerre de 1948 contre l'État d'Israël.

En 1948, le 28 décembre, l'organisation assassine le Premier ministre égyptien de l'époque, Mahmud Fahmi Nokrashi. En guise de représailles, son fondateur Hassan el Banna est assassiné par les agents du gouvernement le 12 février 1949. Au début des années 50, les États-Unis s’intéressent aux Frères musulmans comme alliés potentiels contre Nasser et l’établissement de régimes communistes ou socialistes au Moyen-Orient. Talcott Seelye, diplomate en poste en Jordanie, rencontre Saïd Ramadan en 1953.[1] Selon un document des renseignements allemands, les Américains lui obtiennent un passeport diplomatique jordanien pour faciliter ses déplacements.[2] Dès 1954, la confrérie est dissoute par les autorités égyptiennes. En 1957, Nasser, qui craint pour sa personne, décide à nouveau d'interdire l'organisation. Près de 20.000 militants sont incarcérés, dont le numéro deux actuel d'Al-Qaida, Ayman al-Zawahiri. Certains, dont Saïd Ramadan, après avoir tâté le terrain dans les pays arabes avoisinants, optent finalement pour l’Europe comme lieu d'implantation de leurs nouvelles bases, avec l’aide financière des Saoudiens.

À partir du milieu des années 60, les Frères musulmans redeviennent actifs en Israël. Dans les territoires occupés, la branche palestinienne engendre l'Al-Moujamma al-Islami, qui deviendra en 1987 le Hamas. Al-Moujamma al-Islami inscrit dans sa Charte la destruction de l'État d'Israël comme objectif central. L'organisation se consacre ouvertement aux œuvres sociales et à la construction de mosquées, dont le nombre augmente sans cesse en Cisjordanie et dans la bande de Gaza entre 1967 et 1987. Elle recourt aux actions armées et aux attentats, y compris attentats suicides. Ses sources de financement proviennent en grande partie de l'Arabie saoudite.

En Égypte dans les années 70, El-Sadate utilise les Frères musulmans pour faire contrepoids à l'extrême gauche et leur promet l’intégration future de la charia dans les lois égyptiennes. En 1978, l’année de Camp David, ils renoncent officiellement au soutien des actions violentes, à l'exception du combat palestinien en Terre Sainte. Néanmoins, leurs partisans qui ne partagent pas cette position se regroupent dans d’autres structures, comme la Gama'a al-Islamiya (Groupe Islamique) dont un des membres assassinera El-Sadate en 1981.[3] Les Frères entretiendront des contacts plus ou moins étroits selon l'époque avec cette organisation qui commettra des attentats contre des touristes occidentaux en 1992 et en 1993. Par ailleurs, un bras armé clandestin se constitue dès le début des années 80. Certains de ses membres tentent d'infiltrer les institutions gouvernementales, mais le régime séculier d'Hosni Moubarak fait obstacle à la plupart des manigances politiques, à l'exception notable de certains syndicats stratégiques actuellement infiltrés de toute part par les frères musulmans, par exemple celui des avocats. En 1982, les organes de presse des Frères sont détruits et la quasi-totalité de leurs publications saisies

Cette même année, le président syrien Hafez el-Assad élimine le bras armé des Frères musulmans, l'al-Talia al-Mukatila (Avant-garde Combattante) dont les militants se dispersent en Arabie saoudite, en Jordanie, au Koweït ainsi qu'en Afghanistan. Les Frères musulmans restent en 2007 hors-la-loi dans ce pays où l'appartenance à l’organisation est punie de la peine de mort.

En 1984, le pouvoir égyptien reconnaît les Frères en tant qu’organisation religieuse mais leur refuse l’inscription en tant que parti politique. Les candidats frèristes participent aux élections comme indépendants ou comme représentants d’autres partis. Leurs militants manifestent souvent avec d'autres mouvements d'opposition égyptiens contre le pouvoir en place pour la mise en place de réformes constitutionnelles et pour la fin de l’état d’urgence. L'organisation s'efforce d'être présente sur le terrain en aidant les classes défavorisées autant sur le plan social que financier, leur fournissant, entre autres, des médicaments ou des prêts d'argent.

Dans les années 90, en Égypte, la confrérie s'affiche publiquement comme un mouvement respectueux de la démocratie. Elle publie trois manifestes importants : l'un plaidant en faveur de « l’indispensable démocratie », l’autre portant sur les droits des minorités notamment de « nos frères et compatriotes coptes » et le troisième concernant « le statut de la femme ». Ces manifestes, en majorité écrits par de jeunes membres du mouvement, sont adoptés par la confrérie, mais sans grande conviction de la part de la vieille direction dont la plupart des membres sont âgés de plus de soixante-dix ans. Pour les jeunes, la vieille garde apparaît comme trop conservatrice. En 1996, dix-sept d’entre eux demandent officiellement la création d'un nouveau parti politique, Al Wasat. Ses fondateurs ont à peu près le même âge (entre 35 et 45 ans) et appartiennent pour la plupart aux professions libérales : avocats, médecins, pharmaciens ou encore ingénieurs. Ils ont participé aux luttes estudiantines puis syndicales de l'époque. Réceptifs aux évolutions planétaires grâce à leurs déplacements à l’étranger où ils participent à maints colloques et conférences, ils ont acquis une expérience qui a creusé le fossé entre eux et les aînés de la confrérie, mais leur profond conservatisme religieux en comparaison d'autres jeunes musulmans reste un de leurs traits saillants.

Les fondateurs de ce nouveau parti politique reprochent aux dirigeants des Frères musulmans leur manque de modernité et leurs concepts archaïques. Ils proposent, comme solution de rechange, l'adoption d' « une vision moderniste fondée, certes, sur les acquis du passé, mais axée sur les défis du vingt-et-unième siècle ». En opposition avec leurs aînés, ils établissent un programme plutôt libéral, fondé sur le Coran mais reconnaissant les évolutions de la société. Ils sont en faveur d'un système gouvernemental à l' occidentale qui respecte toutes les libertés collectives et individuelles, des élections pluralistes, l’alternance politique et la primauté de la loi. Un copte, Rafiq Habib, fils du président de la communauté anglicane d’Égypte, est membre du comité fondateur du parti. Mais Al Wasat ne verra finalement jamais le jour : le 13 mai 1996, les autorités égyptiennes déclarent irrecevable sa demande de légalisation. Deux jours après ce rejet, les fondateurs sont arrêtés et déférés devant la Haute Cour militaire.

Les années 80 et 90 voient également un déploiement d’activité au sein de la mouvance européenne des Frères musulmans, qui crée plusieurs organisations (UOIE, UOIF, CEFR...) visant à placer les communautés musulmanes en pleine croissance sous leur influence, et s’efforce d’être reconnue par les gouvernements comme représentante officielle de ces communautés. Les Frères musulmans se dotent d’institutions financières propres (banque Al-Taqwa, Fonds européen), le soutien direct des institutions saoudiennes comme la LIM étant devenu aléatoire.

En 2007, reconnaissant leur poids au Proche-Orient, le gouvernement américain s’intéresse de nouveau à une alliance avec les Frères. Le Département d'État approuve une politique de contacts futurs entre des diplomates américains et des leaders du mouvement dans les pays arabes. [4]

[modifier] Les Frères musulmans aujourd'hui

[modifier] En Égypte

Bien que disposant officieusement de 88 députés (sur 454) à l'Assemblée du peuple (ce qui fait d'eux le premier groupe d'opposition), les Frères musulmans font face à un grave problème de stratégie politique. La confrérie, qui fait passer un message religieux (islamisation des mœurs, de l'habillement et de la culture) largement adopté par la société, ne parvient pas à transformer en succès politique cette sympathie ainsi que son important réseau de membres. Son principal obstacle est son statut au sein de l'état égyptien qui fait d'elle une association tolérée mais non légale. Cela lui permet de présenter des candidats indépendants aux élections législatives mais jamais sous son étiquette. Ce handicap résulte de deux facteurs : le refus du pouvoir égyptien d'assister à la création d'un parti politique des Frères musulmans et le rejet des règles du jeu démocratique de la part de certains membres de la confrérie. Malgré des efforts, l'association des Frères musulmans est en pleine stagnation, incapable de prendre l'initiative face à un pouvoir qui les manipule aux gré de ses besoins. En effet, le pouvoir égyptien tend à miser sur la politique de la carotte et du bâton, relâchant de temps en temps la pression pour l'utiliser comme soupape à la colère populaire contre les politiques israéliennes et américaines au Proche-Orient, puis en resserrant la vis en arrêtant, en torturant ou en éliminant plusieurs des membres de la confrérie.

Depuis quelques années, pour conquérir le pouvoir les frères musulmans ont appliqué une véritable métamorphose. La plupart des membres de la confrérie ont fait un important travail au niveau de leur apparence vestimentaire et physique. Habillé en costume à l'occidentale, ils sont soit complètement rasés, soit portent une barbe finement taillée. Ils sont pour beaucoup issus des hautes écoles, parlent tous plusieurs langues étrangères et se présentent désormais en démocrates. D'après l’une des membres de la confrérie, Makram al-Deiri, tous les candidats aux élections législatives du mouvement ont bénéficié d'une formation intensive aux techniques de communication, aux stratégies de persuasion et à l'art des négociations. Officiellement, le mouvement a abandonné tout projet d'État théocratique, ils disent prendre comme modèle les mouvements islamistes marocains qui sont connus pour leur pragmatisme. Ce, même si beaucoup de politologues et de journalistes en doutent, et émettent l'idée qu'ils aient mis fin momentanément à leur projet de république théocratique pour ne pas faire peur aux Égyptiens et prendre le pouvoir sans trop de violence. La nouvelle garde se déclare respectueuse de la souveraineté du peuple, de l’alternance démocratique et des droits des minorités. Néanmoins, les Frères musulmans d'Égypte ont décidé en novembre 2007 que les Coptes et les femmes n'avaient pas qualité à être président de la République[5].

Le logo de la confrérie qui était constitué de deux sabres croisés a été momentanément abandonné au profit d'un logo moins agressif, deux mains jointes autour d'une motte de terre où prend racine une pousse verte.

Le mouvement a aussi choisi de ne plus combattre directement le régime de Moubarak. Ils ont ainsi voté pour la reconduction de Fathi Sorour (l’un des hauts responsables du régime) au perchoir de l'assemblée du peuple. Ils ont également applaudi le discours du président Moubarak au parlement, et sont en contact régulier avec le gouvernement américain.

L'European Strategic Intelligence and Security Center accuse en février 2006 la confrérie des Frères musulmans d'avoir organisé l'escalade dans l'affaire des caricatures de Mahomet du journal Jyllands-Posten.[6]

[modifier] Dans le monde

Le mouvement des Frères musulmans est un mouvement panislamique, la confrérie a donc des ramifications dans la plupart des pays musulmans, ainsi que dans de nombreux pays ayant une minorité musulmane.

[modifier] Syrie

En Syrie, le mouvement a été fondé dans les années 30 par des étudiants syriens, anciens membres des Frères musulmans égyptiens. Le mouvement ne se considère pas comme un parti politique, car pour eux, tous les partis politiques sont des rassemblements d'athées. La confrérie joue un grand rôle en Syrie, c'est la principale force d'opposition au régime baathiste, elle est surtout présente dans les grandes villes du pays, Hama, Homs et Damas, les classes populaires forment le gros des effectifs du parti.[7]

La confrérie est interdite en Syrie depuis la rébellion de Hama qui s'est produite en 1982. Les Frères musulmans ont tenté de soulever la population contre le président Hafez el-Assad, mais ils ont échoué, et l'armée a durement réprimé cette révolte.

Depuis la loi d'urgence votée en 1980, toute personne membre du mouvement encourt la peine de mort ou la prison à perpétuité.

La confrérie n'est plus une force politique en Syrie, mais elle maintient néanmoins un réseau d'appui mené depuis Londres et Chypre.

Comme en Égypte, le mouvement a officiellement abandonné la violence, et demande l'installation d'une démocratie en Syrie, où le multipartisme serait assuré. Le leader syrien des Frères musulmans est Ali Sadr ad-Din al-Bayanouni, qui vit en tant que réfugié politique à Londres.

[modifier] Palestine

Voir article détaillé Hamas

Les membres de la confrérie ont combattu aux côtés des armées arabes pendant la guerre israélo-arabe de 1948.

Logo du Hamas
Logo du Hamas

La confrérie se développe dans la Bande de Gaza, met en place un réseau d'aide social et fait construire l'Université islamique de Gaza.

Le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) est crée en 1987, il est précisé dans la charte du Hamas que "le Mouvement de la Résistance Islamique est l'une des ailes des Frères musulmans en Palestine".

Le mouvement s'attire la sympathie d'une partie de la population, grâce à son programme d'aides sociales, ils construisent des écoles, des cliniques…

Le parti participe aux élections législatives de 2006 et promet de rétablir la sécurité, et de débarrasser le pays de la corruption. Le Hamas gagne les élections avec 74 sièges contre 45 pour le Fatah. Un nouveau gouvernement est formé, et Ismaël Haniyeh en devient son premier ministre. Néanmoins, celui-ci ainsi que son gouvernement est évincé par le président Mahmoud Abbas en juin 2007, lorsque les forces armées du Hamas prennent par la force le contrôle de la bande de Gaza.

[modifier] Jordanie

La branche jordanienne des Frères musulmans a été créée en 1942. C'est le principal parti d'opposition du pays. C'était le seul parti politique jordanien toléré par le roi Hussein. Vingt députés des Frères musulmans ont été élus au parlement en 1989.

La confrérie jordanienne a formé son propre parti politique, le Front islamique d'action. Le parti refusera de participer aux élections législatives du 4 novembre 1997, pour protester contre la réforme du mode de scrutin. Aux dernières élections législatives du 17 juin 2003, le parti a obtenu 20 sièges sur les 84 à pourvoir. Et comme en Égypte, le parti milite pour que des réformes constitutionnelles soient mises en place, le parti demande l'indépendance du parlement jordanien, l’abolition du scrutin majoritaire, des réformes économiques et l'adoption de la liberté d’expression.

[modifier] Irak

Parti islamique d'Irak
Parti islamique d'Irak

La branche irakienne des Frères musulmans est le Parti islamique d'Irak créé à la fin des années 1950. Le groupe est entré en clandestinité après l'accession du parti Baas (laïc) au pouvoir.

A la chute de Saddam Hussein, le parti revoit le jour, et se fait le porte parole de la communauté sunnite du pays. Le parti après avoir présenté 275 candidats pour les élections législatives de janvier 2005, fait un appel au boycott, pour protester contre les opérations militaires menées par l'armée américaine à Falloujah. Ensuite, le parti s'implique plus fortement dans la vie politique nationale, pour promouvoir la communauté sunnite dans les instances gouvernementales. Le parti a appelé à voter "Oui" lors du référendum pour la ratification de la nouvelle constitution irakienne. Le mouvement possède également une chaîne de télévision, nommé "Bagdad". Le leader du parti est Târiq al-Hâchimî.

[modifier] Arabie saoudite

Les Frères musulmans, ont des dissensions politiques avec le pouvoir wahabbite saoudien. Le parti est toléré par le régime, et maintient sa présence dans le pays.

[modifier] Soudan

Les Frères musulmans existent au Soudan depuis 1949. Hassan al-Tourabi, le leader de la confrérie s'était rapproché du pouvoir dictatorial soudanais, mais est maintenant opposé au président Omar el-Béchir.

[modifier] Kurdistan

Des partis islamiques kurdes sont plus ou moins proches des Frères musulmans, en fonction de leur pays d'origine. Dans le Kurdistan irakien, l'Union islamique du Kurdistan est présente au parlement kurde, mais reste minoritaire face à des partis séculiers comme l'Union patriotique du Kurdistan et le Parti démocratique du Kurdistan.

[modifier] Europe

C’est dans les années 50, à la suite de leurs déboires en Égypte et au Moyen-Orient, que les Frères musulmans débarquent en Europe, toujours avec le projet de constituer des bases d’islamisation. Le plus connu d’entre eux, Saïd Ramadan, obtient pour cela du prince Fayçal l’assurance d’un soutien financier. La guerre froide favorise la bienveillance de certains gouvernements vis-à-vis des ennemis du socialisme et ils ne sont pas inquiétés, parfois même discrètement soutenus.[8] Ils vont s’ implanter et se développer - sans toutefois se constituer en association portant leur nom - en synergie, mais aussi en rivalité avec d’autres factions idéologiquement proches, les wahhabites et les partisans de Maududi. Les premiers financent une grande partie de leurs entreprises. Ils s’appuient aussi sur une base de musulmans issus des Proche et Moyen-Orient venus en Europe faire leurs études.

En 1961, S. Ramadan, assisté de Pakistanais, fonde le Centre islamique de Genève et prend vers la même période la tête d’un organisme islamique münichois (futur Islamische Gemeinschaft in Deutschland) destiné à des transfuges musulmans de l’armée rouge. Les destinataires d’origine abandonnent le terrain aux partisans arabophones de Ramadan, qui dirigera l’organisme jusqu’en 1968, lorsqu’il sera évincé par son partenaire Ghaleb Hammit. Genève et Münich sont les deux premières bases européennes des Frères.[9] Une autre tentative de reprise d’un projet existant, destiné cette fois-ci à des vétérans indiens, a lieu en 1964 à Londres, avec moins de succès semble-t-il. Le terrain est occupé par les Pakistanais partisans de Maududi et leur Mission islamique.[10] Toujours représentés par Saïd Ramadan, les Frères musulmans jouent un rôle important dans la fondation en 1962 de la Ligue islamique mondiale, organisme saoudien qui les financera en grande partie.

A partir des années 70, les Saoudiens interviennent directement dans l’islam européen, établissant leurs propres centres et mosquées financés par la Ligue mondiale, parfois aux dépens des institutions fréristes. En 1973, les Frères musulmans participent à la fondation du Conseil islamique d’Europe, mais c’est surtout dans les années 80 qu’ils reviennent sur le devant de la scène avec la fondation de l’UOIE et de l’UOIF (1983), émanation de la précédente [11] Bien que ces deux organisations ne se reconnaissent pas officiellement comme satellites des FM, elles s’appuient essentiellement sur les idéologies d’Al Banna, Qutb et Maududi, ainsi que sur les fatwas d’Al Qardawi.[12] Fouad Alaoui reconnait souvent rencontrer Al-Houweidi, 'ambassadeur' des Frères en Europe. Par ailleurs, l’UOIF partage le projet panislamique des Frères musulmans.[13]

En 1988 est fondée la banque Al Taqwa basée aux Bahamas, en Suisse et au Liechtenstein, qui comprend comme actionnaires, entre autres, G. Hammit et Youssef Al Qardawi ; elle devient le principal organisme financier du mouvement. Discrète, son rôle est mis en évidence à partir de 2001 où elle fait partie des organismes financiers soupçonnées d’aider le terrorisme. En 1996, les difficultés de financement en provenance du Golfe, conséquence d’une plus sévère surveillance, amènent la création du Fonds européen (European Trust) dont six administrateurs appartiennent à l’UOIE. Les deux organismes ont pendant une période le même directeur, Ahmed Al Rawi.[14]

En 1997 voient le jour le Conseil européen de la fatwa (Dublin) dirigé par Al Qardawi et l’Association musulmane de Grande-Bretagne. Le premier organisme, sur lequel s’appuient l’UOIE et l’UOIF, s’est donné pour mission d’émettre des fatwas spécialement destinées aux musulmans vivant en Europe afin qu’ils puissent rester intégralement gouvernés par la charia. Le second a pour but de renforcer la présence frèriste face aux autres organisations islamiques britanniques puissantes comme le British Muslim Council. Deux instituts de formation d’imams liés à l’UOIE et à l’UOIF sont créés : l'Institut européen des sciences humaines de Château-Chinon (1990) et l’European Institute for Humanitarian and Islamic Studies au Royaume-Uni. Par ailleurs, deux fils de Saïd Ramadan, non officiellement membres des FM mais disciples déclarés de Hassan el Banna, exercent comme prédicateurs et activistes. Hani Ramadan, directeur du centre islamique de Genève depuis 1995 et employé par l’UJM est actif en Suisse et en France, Tariq Ramadan a une grande audience en Suisse, France et Grande-Bretagne.

Depuis leur résurgence, les Frères musulmans rivalisent avec d’autres groupes islamistes pour être reconnus comme interlocuteurs privilégiés des gouvernements européens et sous-traitant officiels des affaires islamiques. Ils cherchent à se positionner en modérés en comparaison de leurs concurrents (wahhabites, néo-salafis, tablighs, deobands), tout en s’alliant avec eux dans certaines entreprises. Suivant une technique qui a fait ses preuves dans d’autres régions, les associations frèristes s’efforcent d’être les plus présentes sur le terrain.

[modifier] Idéologie

Le principal objectif des Frères musulmans est l'instauration de régimes religieux ultra-conservateurs au sein des pays musulmans. L'organisation prône la création de républiques islamiques en Égypte, en Libye, en Syrie, ou encore en Tunisie en combattant violemment les régimes en place. Les Frères musulmans s'opposent ainsi aux courants laïques et séculiers des nations musulmanes et préconisent un retour aux préceptes du Coran, impliquant autant un rejet des influences occidentales que des influences soufies qui elles préconisent une adaptation du Coran au temps. Le mot d’ordre de l’organisation est : « Allah -Dieu en arabe- est notre objectif. Le prophète Mahomet est notre chef. Le Coran est notre loi. Le djihad -guerre 'juste', appelé improprement guerre sainte- est notre voie. Mourir dans les voies d’Allah est notre plus grand espoir ». Il existe depuis 1944 une branche féminine : les dames musulmanes.

[modifier] Bibliographie

  • Frères musulmans : Dans l'ombre d'Al Qaeda, Emmanuel Razavi, Editions Jean Cyrille Godefroy, 2005
  • Les Frères musulmans, Xavier Ternisien, Fayard, 2005
  • Géopolitique de l'Égypte, Christophe Ayad, Bruxelles, Complexe, 2002
  • Frères musulmans, frères féroces : Voyages dans l'enfer du discours islamiste, Latifa Ben Mansour, Editions Ramsay, 2002
  • Le Sabre et le Coran, Tariq Ramadan et les Frères Musulmans à la conquête de l'Europe, Paul Landau, Editions du Rocher, 2005.

[modifier] Notes

  1. R. Dreyfuss, Cold war, holy warrior, Mother Jones, janv.-fev. 2006
  2. How a Mosque for Ex-Nazis Became Center of Radical Islam, The Wall Street Journal, 12.7.05
  3. Pacific News Service 25-7-2003
  4. Worldtribune.com28-6-2007
  5. AHN 7-11-2007
  6. Caricatures de Mahomet : Histoire et conséquences d’une manipilation mondiale - Par Claude Moniquet, Président de l’ESISC
  7. Hafez El Assad et le parti Baath en Syrie, Pierre Guingamp, p.46
  8. Selon un document des renseignements allemands, les États-Unis obtiennent de la Jordanie un passeport diplomatique pour Saïd Ramadan : How a Mosque for Ex-Nazis Became Center of Radical Islam, The Wall Street Journal, 12.7.05 ; Lorenzo Vidino Die Eroberung Europas durch die Muslim-Bruderschaft Middle East Quarterly, Winter 2005
  9. How a Mosque for Ex-Nazis Became Center of Radical Islam, The Wall Street Journal, 12.7.05
  10. Robert Dreyfuss Devil's Game: How the United States Helped Unleash Fundamentalist Islam New York: Henry Holt and Company, 2005 Lire le résumé en ligne
  11. La majorité des cadres de l’UOIE sont membres de l’UOIF.
  12. Fiammetta Venner OPA sur l’Islam de France : Les ambitions de l'UOIF, Calmann-Lévy, mai 2005
  13. Selon l’un de ses cadres Ahmed Djaballah, le premier stade du travail de l’UOIF se fera suivant la démocratie, le second sera l’instauration d’une société islamique ; cité par Mohamed Sifaoui, La France Malade de Islamisme, Paris, Le Cherche Midi, 2002, pp. 49-50.
  14. Islamic group's ties reveal Europe's challenge Ian Johnson The Wall Street Journal 29 12 2005

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes