Représentations d'un groupe fini

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Ferdinand Georg Frobenius fondateur de la théorie de la représentation des groupes
Ferdinand Georg Frobenius fondateur de la théorie de la représentation des groupes

La théorie de la représentation des groupes finis est un cas particulier de représentation des groupes. Il traite du cas où le groupe étudié est d'ordre fini.

Sommaire

[modifier] Histoire

[modifier] Avant les représentations

[modifier] Théorie des groupes finis

Évariste Galois 1811-1832
Évariste Galois 1811-1832
Carl Friedrich Gauss
Carl Friedrich Gauss

La théorie des groupes trouve son origine dans l'étude du groupe des bijections d'un ensemble fini. Cette notion, appelée permutation date au moins du XVIIe siècle. Le japonais[1] Kowa Seki (1642-1708) et l'allemand[2] Leibniz (1646-1716) utilisent les permutations et la notion de signature pour définir un déterminant dans des espaces de dimension trois et quatre. Une utilisation plus systématique est l'œuvre de Lagrange[3] (1736 1813) et Vandermonde[4] (1735 1796) dans le cadre de l'équation polynomiale. En revanche, l'ensemble des permutations n'est, dans aucun des cas cités, considéré comme une structure disposant d'une loi interne.

L'aube du XIXe siècle voit un apport de première importance pour ce qui deviendra la théorie des groupes finis. En 1801, Carl Friedrich Gauss (1777-1855) utilise[5] les groupes cycliques pour fonder l'arithmétique modulaire et résoudre l'équation cyclotomique d'indice un nombre premier de Fermat. Un ensemble fini muni d'une opération interne conférant une structure de groupe est enfin utilisée. La connaissance d'une telle structure devient indispensable pour tout mathématicien étudiant l'arithmétique. Cependant, tout au long de sa vie, Gauss ne verra pas l'intérêt d'une formalisation.

Evariste Galois (1811-1832), à la suite des travaux[6] du mathématicien norvégien Niels Abel (1802 1829) permet la réalisation d'un bond prodigieux. A travers la problématique de l'équation algébrique, il découvre[7] non seulement la portée du champ applicatif de la structure, mais de plus, évoque un nouveau formalisme avec la notion de groupe abstrait. Ce n'est que quinze ans plus tard que la dimension de ses travaux est perçue par la communauté. La redécouverte[8] par Joseph Liouville (1809-1882) des écrits de Galois en 1846 place la théorie des groupes finis comme un sujet de premier plan. Augustin Cauchy (1789 1857) publie vingt-cinq articles sur la question dont un sur son célèbre théorème[9]. Arthur Cayley (1821 1895) donne une première définition abstraite d'un groupe[10]. Le domaine d'application s'étend, en 1877 Felix Klein (1849 1925) remarque[11] que le groupe des isométries laissant invariant l'icosaèdre est isomorphe au groupe de Galois d'une équation quintique, la géométrie algébrique naît et les groupes finis y jouent un rôle clé. La connaissance du sujet s'accroît, Ludwig Sylow (1832 1918) énonce ses célèbres théorèmes[12] et Heinrich Weber (1842 1913) donne la définition[13] moderne d'un groupe en 1895.

[modifier] Caractère et groupe d'automorphismes

Richard Dedekind fondateur de la théorie des déterminants de groupe, ancêtre des représentations
Richard Dedekind fondateur de la théorie des déterminants de groupe, ancêtre des représentations

Un outil essentiel aux représentations des groupes est celui du caractère. Il correspond, avec notre regard moderne à la trace des différents automorphismes correspondant au groupe représenté. Une fois encore, le sujet n'est pas vierge au moment de la naissance de la théorie des représentations.

On peut citer le symbole de Legendre du siècle précédent pour l'explicitation de la loi de réciprocité quadratique, comme premier exemple de caractère avant la lettre. Gustav Dirichlet (1805 1859) utilise pour la première fois le terme de caractère[14] pour une fonction multiplicative, proche du symbole précédent.

Richard Dedekind (1831 1916) transporte les idées associées aux groupes finis. Il définit formellement la notion de caractère comme un morphisme d'un groupe abélien à valeur dans le corps des nombres complexes non nulle. Les caractères sont parfaitement connus ainsi que leur relations d'orthogonalité, mais uniquement dans le contexte commutatif.

Enfin, l'idée de groupe fini d'automorphismes n'est pas non plus inconnue. Camille Jordan (1838 1922), étudie les groupes de Galois[15] comme un groupe de matrices en 1870 qu'il appelle le groupe linéaire. Il étudie le cas sur les corps finis premiers, c’est-à-dire de cardinal un nombre premier et traite le cas de la factorisation d'un unique automorphisme. Felix Klein, depuis son célèbre programme d'Erlangen est aussi un familier du concept. Leopold Kronecker (1823 1891) et Richard Dedekind développent les prémisses de la théorie des anneaux et des corps[16]. Le groupe de Galois n'est défini qu'à partir d'automorphismes et non plus comme un groupe de permutations de racines.

Si l'idée d'une incarnation d'un groupe fini comme une famille d'automorphismes est parfaitement comprise à la fin du siècle, elle se heurte à une difficulté réelle. Par exemple, pour une équation du quatrième degré, le groupe comprend déjà 24 éléments correspondant chacun à une matrice 24x24. Dedekind développe la méthode des déterminants de groupes[17]. S'il réussit à factoriser le groupe symétrique d'ordre trois, il est dans une impasse pour le cas général.

En 1896 la théorie des groupes finis, ainsi que les outils nécessaires à l'élaboration de la théorie des représentations sont largement développés. Cependant, la taille ainsi que la complexité calculatoire représentent une barrière que Dedekind ne voit pas comment franchir. Il envoie deux lettres à ce sujet[18] adressées à Georg Frobenius (1849-1917) le 25 mars et le 6 avril 1896. Le destinataire n'est pas un novice. Il a, par exemple, démontré les théorèmes de Sylow dans le cas des groupes abstraits[19] et déterminé la structure des groupes abéliens de type fini[20].

[modifier] Naissance de la théorie 1896

Lettre de Frobenius à Dedekind du 12 avril 1896
Lettre de Frobenius à Dedekind du 12 avril 1896

Peu de théories possèdent une date de naissance précise. Les groupes apparaissent par exemple petit à petit, depuis Lagrange jusqu’à la définition exacte de Weber, l'évolution est lente et continue. La théorie des représentation est une exception, les historiens associent systématiquement sa naissance au mois d'avril[21] 1896.

Frobenius répond à Dedekind par trois missives[22] daté du 12, 17 et 26 du mois. Il parvient à factoriser les groupes symétriques d'ordre quatre et cinq ainsi que leurs sous-groupes alternés et le groupe simple d'ordre 168. Il comprend que son approche est à la base d'une vaste théorie et rédige rapidement les traités fondateurs.

Le 16 juillet, il publie un premier article[23]. On peut y lire je développerai ici le concept (de caractère pour un groupe fini quelconque) avec la croyance que, à travers cette introduction, la théorie des groupes sera substantiellement enrichie. Les caractères ne se limitent plus au cas abélien, voilà la première clé de son succès.

Cette généralisation permet une factorisation de déterminant de groupe, ce qui amène une deuxième publication[24]. Enfin il existe une produit hermitien naturel pour lequel les caractères irréductibles forment une base orthonormale est le sujet d'un troisième article[25]. Tous ces résultats sont publiés la même année.

A la fin de l'année 1896, beaucoup reste à faire. La notion de représentation n'est pas apparente, l'objet d'étude reste le déterminant de groupe. La notion d'irréductibilité n'est pas là, aucune technique d'extension ne permet d'analyser un groupe à partir de ses sous-groupes, le rapport entre la représentation et l'arithmétique n'est pas établi et seul le cas des nombres complexes sont étudiés. Cependant, La généralisation des caractères a permis un saut important et laisse présager de la naissance d'une théorie aux conséquences riches.

[modifier] Essor 1897 1917

[modifier] Frobenius

L'idée fondatrice est fertile, les différentes questions associées à la théorie trouvent des réponses rapides et Frobenius reste un acteur majeur. Il publie jusqu'à la fin de sa vie vingt articles sur la théorie des groupes finis[26], essentiellement sur le sujet des représentations. En 1897, les notions de représentation et d'irréductibilité apparaissent[27] même si de nombreuses évolutions seront encore nécessaire pour que les caractères prennent notre définition moderne, à savoir la trace d'une représentation. L'enrichissement de la structure, à travers l'ancêtre de notion d' algèbre de groupe est aussi présente dans cet article, dans le cas des nombres complexes ou hyper-complexes. Frobenius l'emprunte aux travaux du mathématicien Theodor Molien (1861-1941) qui a, de manière totalement indépendante[28]et[29] travaillé sur le caractère semi-simple de l'algèbre associée. Si Frobenius reconnaît l'importance de ses travaux, Molien reste essentiellement dans l'obscurité. L'année suivante, Frobenius découvre une première méthode d'extension[30] correspondant à notre représentation induite, il établit la remarquable formule de réciprocité qui porte maintenant son nom. En 1899, il établit[31] les formules du produit tensoriel de caractères alors que la notion de produit tensoriel n'est pas encore formalisée, il parle de composition. En 1900 le mathématicien détermine[32] les caractères des groupes symétriques et l'année suivante ceux des groupes alternés[33].

Au début de XXe siècle, les travaux de Frobenius assurent à la théorie une base solide, les caractères sont généralisés aux groupes non abéliens, les théorèmes d'orthogonalité sont présents, et les techniques d'extension soit par produit tensoriel soit par induction sont comprises. Un regard rétrospectif y voit néanmoins encore trois lacunes. La théorie garde les traces de son origine, les déterminants de groupes forment toujours la structure fondamentale. L'aspect lourd et calculatoire reste inévitable. Les seuls corps véritablement étudiés sont de caractéristique nulle, évacuant ainsi un pan qui apparaît maintenant comme essentiel. Enfin, la dimension arithmétique est quasiment absente. Si le troisième point est juste esquissé et doit attendre les années 1920 avec les travaux d'Emil Artin (1898-1962) pour prendre son essor, les deux autres sont largement traités dans la période de temps du paragraphe. Cependant, les contributions majeures sur ces domaines sont le fruit d'autres mathématiciens.

[modifier] Université de Chicago

Université de Chicago en automne
Université de Chicago en automne

Une jeune école mathématique, l'école américaine influence la théorie naissante. Durant cette époque, l'Université de Chicago est à la pointe de la recherche sur le nouveau continent. R C Archibald écrit : Durant la période 1892-1908 l'Université de Chicago est insurpassable aux États-Unis comme institution pour l'étude des mathématiques avancées[34]. La théorie est étudiée à partir d'un autre angle, Leonard Dickson (1874-1954) écrit en 1896 sa thèse de doctorat à l'université de Chicago à propos des groupes linéaires sur des corps finis quelconques, généralisant ainsi les résultats de Jordan. Il démontre que tout corps fini commutatif est une extension de Galois d'un corps premier. Elle est publiée[35] en Europe en 1901. Heinrich Maschke (1853 1908), un élève de Klein, rejoint l'Université de Chicago en 1892, il démontre son théorème[36] qui stipule que toute représentation est somme directe de représentations irréductibles. En suivant l'esprit de l'école de Chicago, la démonstration est aussi donnée pour les corps finis (avec une inévitable condition sur l'ordre du groupe). Il est à noter qu'un mathématicien allemand Alfred Loewy avait, sans preuve, publié ce résultat deux ans auparavant en 1896. Enfin Joseph Wedderburn (1882 - 1948) rejoint l'université de Chicago durant les années 1904-1905 et travaille avec Dickson sur les structures d'algèbres semi-simples dont un exemple important est donné par les algèbres de groupes finis. C'est cependant en 1907 à Édimbourg qu'il publie son article[37], peut-être le plus célèbre, classifiant toutes les algèbres semi-simples et finalisant les travaux de Molien et Frobenius. L'apport de Chicago peut se résumer en deux points essentiels pour la théorie des représentations : l'approche par les déterminants de groupes tombe en désuétude au profit de la notion de représentation, simplifiant largement les calculs et la théorie est étudiée sur les corps de caractéristiques quelconques.

[modifier] Issai Schur

Une autre figure de la théorie de la représentation est essentielle pour la simplification des démonstrations et l'enrichissement de la théorie. Issai Schur (1875-1941) est un élève de Frobenius. En 1901 il soutient sa thèse[38] sur les représentations rationnelles d'un groupe fini sur un espace vectoriel complexe.

Il travaille sur le sujet entre les années 1904 et 1907 et utilise le lemme à son nom. Si quelques lignes suffisent à sa démonstration, il simplifie considérablement bon nombre de preuves, particulièrement sur les caractères et leur orthogonalité.

La thèse de Schur apporte, durant cette période une autre contribution majeure. L'analyse de l'aspect rationnel des représentations permet l'introduction des outils de l'arithmétique dans la théorie. Cet enrichissement est à l'origine de nombreuses démonstrations, on peut citer par exemple le fait que toute représentation irréductible possède un degré qui divise l'ordre du groupe.

[modifier] William Burnside

William Burnside
William Burnside

William Burnside (1852-1927), après Frobenius, est généralement considéré comme le deuxième fondateur[39] de la théorie des représentations. Son intérêt pour les groupes finis est antérieur aux travaux de Frobenius. On peut noter par exemple son article[40] de 1895 démontrant que tout groupe fini possèdant un 2-groupe maximal cyclique n'est pas simple.

Il comprend immédiatement l'apport de la théorie des représentations. Sa démarche est néanmoins différente de celle de Frobenius ou de Schur. Sur la cinquantaine[41] d'articles publiés sur la théorie des groupes, l'essentiel de son travail consiste à utiliser les résultats de la théorie pour établir les fondements d'une classification des groupes finis.

Il ouvre des conjectures comme le problème de Burnside sur les groupes de type fini et d'exposant fini[42] et utilise les représentations pour défricher[43] cette question. Cette conjecture, malgré de nombreux travaux, comme ceux[44] de d'Efim Zelmanov (né en 1955) qui lui apporte une médaille Fields en 1994, reste encore essentiellement ouverte en 2006.

On peut encore citer ses travaux[45] de 1905 sur le cardinal d'un groupe résoluble, généralisant les résultats de Ludwig Sylow (1832 - 1918). Il utilise, pour la démonstration de nombreuses facettes de la théorie des représentations. On peut citer par exemple les caractères de Frobenius, ou l'arithmétique de Schur. Une fois encore, ce théorème est à la base d'une grande question, largement étudiée au XXe siècle. Elle est finalement tranchée par John Thompson (né en 1932) qui reçoit la médaille Fields pour son article[46] écrit en commun avec Walter Feit et qui démontre que tout groupe d'ordre impair est résoluble.

Burnside écrit un livre de référence[47] sur la théorie des groupes. La seconde édition, datant de 1911 est toujours d'actualité.

[modifier] Introduction par l'exemple

[modifier] Groupe symétrique d'indice trois

Représentation de S3 comme groupe des isométries du triangle
Représentation de S3 comme groupe des isométries du triangle

Une première question associée à la théorie est la liste des morphismes de groupe par exemple, du groupe symétrique d'indice trois S3 vers le groupe spécial linéaire de V, c’est-à-dire des automorphismes de V. Ici V désigne un espace vectoriel sur le corps des nombres complexes noté ici C.

Il existe un premier cas aisé, celui où V est de dimension un et identifié à C et où le morphisme t associe à tout élément de S3 la valeur un. On parle alors de représentation triviale. Un deuxième cas σ utilise le même espace V, il associe à tout élément de S3 sa signature, c’est-à-dire -1 si la permutation est une transposition et 1 sinon.

Le troisième cas est illustré sur la figure de droite. L'espace vectoriel est de dimension deux et le morphisme θ associe aux trois transpositions les symétries orthogonales d'axes ceux représentés en rouge sur la figure. Les deux éléments d'ordre trois sont alors les rotations d'angles 2.π/3 et -2.π/3.

Une représentation de ce type apparaît naturellement avec, par exemple la théorie de Galois. Considérons le polynôme P[X] à coefficients dans les nombres rationnels Q défini par P[X] = X3 + X + 1. La théorie montre qu'il existe un espace vectoriel V sur Q de dimension six et que le groupe de Galois G opére sur V. Plus précisement, G est un groupe d'automorphismes de V isomorphe à S3. La difficulté réside maintenant dans le fait que la dimension de l'espace est égale à six. Le groupe se représente par six matrices carrées 6x6. Ce qui rend le problème plus ardu. Avant même la théorie de la représentation, ce problème était résolu. Il existe quatre sous-espaces vectoriel de V, tous stables par chaque automorphisme de G. Le premier sous-espace est une copie de la représentation triviale, le deuxième une copie de la signature et les deux autres sont de dimension deux et sont une copie du groupe des isométries du triangle.

Ce cas particulier est relativement simple, il fut résolu avant l'apparition de la théorie des représentations par une approche calculatoire. Les démonstrations sont présentes dans l'article associé.

[modifier] Groupe symétrique d'indice quatre

Représentation de S4 comme groupe des rotation du cube.
Représentation de S4 comme groupe des rotation du cube.

La même question se pose pour le groupe symétrique d'ordre quatre. Les deux premiers cas offrent encore une représentation t triviale et σ associée à la signature. On peut de plus remarquer que si H est le sous-groupe engendré par les éléments du groupe formé par deux cycles d'ordre deux, alors il est distingué et d'ordre quatre. Le quotient de S4 par H est isomorphe à S3. Il existe donc une représentation de S4 dans le groupe des isométries du triangle.

Il est aussi possible de remarquer que le groupe des rotations dans un espace de dimension trois laissant globalement invariant un cube de centre le vecteur nul est isomorphe à S4. Ce groupe est engendré par les trois rotations indiqués par les flèches sur la figure de droite. Cette remarque fournit une quatrième représentation du groupe. Enfin, le groupe d'automorphismes d'un espace de dimension trois formé par les 24 rotations du cube précédent multiplié par le scalaire signature représente une dernière représentation.

La difficulté est largement supérieure si l'on considère le groupe S4 comme un groupe de Galois. Dans le même contexte que celui du paragraphe précédent considérons maintenant le polynôme P[X] = X4 + X + 1 encore à coefficients dans Q. Son groupe G de Galois est isomorphe à S4. Il est composé de 24 matrices de dimension 24x24. Malgré des efforts répétés, le grand algébriste Dedekind ne fut pas capable de le factoriser.

La théorie de la représentation donne une réponse aisée à cette question. Il existe dix sous-espaces stables par chacun des automorphismes de Galois. Chaque représentation précédente possède une copie dans un des dix sous-espaces stables et le nombre de copies d'une représentation dans V est égal à sa dimension. Les démonstrations sont données dans l'article associée.

[modifier] Représentations, caractères et algèbre de groupe

[modifier] Représentations d'un groupe

Heinrich Maschke auteur du théorème portant son nom
Heinrich Maschke auteur du théorème portant son nom

Une représentation d'un groupe G d'ordre fini est la donnée (V, ρ) d'un espace vectoriel de dimension fini et d'un morphisme ρ de G dans l'ensemble GL(V) des automorphismes de V. On obtient les propriétés suivantes :

 \forall s, t \in G \quad \rho(s)\circ \rho(t) = \rho(st) \quad et \quad \rho(1) = Id_V

Comme le montrent les exemples précédents, une représentation peut apparaître de manière complexe. Le premier objectif est de la réduire par la recherche de sous-représentations. Une sous-représentation est la donnée d'un sous-espace vectoriel de V stable par chaque image de ρ. Si de tel sous-espace n'existe pas (à part l'espace vectoriel nul et l'espace entier V) on parle de représentation irréductible.

Il existe un résultat important, appelé théorème de Maschke annonçant que si la caractéristique du corps est première avec l'ordre du groupe G, alors l'espace V est somme directe de sous-espace irréductibles. La situation décrite dans les deux exemples n'est pas une exception.

Cette situation est différente, par exemple, de celle de la réduction d'endomorphisme. Par exemple, en dimension deux, un endomorphisme nilpotent d'ordre deux possède un noyau, qui comme tout noyau est stable par l'endomorphisme. Cependant il n'existe pas de supplémentaire stable, car tout supplémentaire est envoyé par l'endomorphisme sur le noyau.

Il n'existe qu'un nombre fini de représentations irréductibles pour un groupe fini donné, à un isomorphisme près. Les représentations isomorphes sont en général identifiées dans la théorie. Un isomorphisme τ entre deux représentations (V, ρ) et (V' , ρ') est un isomorphisme d'espace vectoriel de V dans V' tel que :

\forall s \in G \quad \rho'_s = \tau^{-1} \circ\rho_s \circ \tau \;

La logique suivie dans les exemples est celle de la théorie. Dans un premier temps, les représentations irréductibles sont déterminées. Une méthode simple permet de connaître le nombre de réprésentations irréductibles distinctes pour un groupe donné. Dans le cas des exemples, toutes les représentations irréductibles sont citées. Ensuite, pour une représentation donnée, une analyse permet de savoir quelles représentations irréductibles la contiennent.

[modifier] Caractères du groupe

Issai Schur l'auteur du lemme portant son nom
Issai Schur l'auteur du lemme portant son nom
Caractères du groupe symétrique d'indice trois.
Caractères du groupe symétrique d'indice trois.

Un des deux piliers de la théorie est celui des caractères des représentations. Le caractère d'une représentation (V, ρ) est la fonction qui à un élément s associe trace de ρs. Un caractère irréductible est le caractère d'une représentation irréductible. Dans le cas où le corps de l'espace V est de caractéristique première avec g l'ordre du groupe et si le polynôme Xg - 1 est scindé dans le corps, alors les caractères possèdent des propriétés remarquables.

Ce sont des fonctions centrales c’est-à-dire qu'elles sont constantes sur les classes de conjugaison du groupe. De plus, le lemme de Schur permet de démontrer que les caractères irréductibles forment une base orthonormale de l'espace des fonctions centrales.

Ces propriétés permettent simplement de factoriser l'exemple donné sur S3. L'espace des fonctions centrales est de dimension trois car il existe trois classes de conjugaison différentes. Si φ et ψ sont deux fonctions centrales, c la classe des cycles d'ordre deux et t la classe des transpositions, alors si \scriptstyle \overline a désigne le conjugué du complexe a, le produit hermitien (l'équivalent du produit scalaire pour les espaces vectoriels complexes) est donné par la formule :

< \varphi \, | \, \psi> = \frac 16 \Big( \varphi (1)\overline{\psi(1)} + 3.\varphi(t)\overline{\psi(t)}+ 2.\varphi(c). \overline{\psi(c)} \Big)

La norme de chacune des trois représentations t, σ et θ est bien égale à un et ils sont orthogonaux deux à deux, ce qui montre qu'ils forment la base des représentations et sont bien les trois représentations irréductibles. Il suffit de calculer le produit hermitien de la représentation de Galois pour déterminer sa factorisation.

La figure de droite illustre le groupe S3. Les caractères représentés par des boules oranges sont les trois irréductibles, la boule bleue représente le caractère de la représentation de Galois. Elle est combinaison linaire des trois caractères irréductibles avec les coefficient un pour la triviale, un pour la signature et deux pour celle des isométries du triangle.

[modifier] Algèbre du groupe

Icône de détail Article détaillé : Algèbre d'un groupe fini.
Joseph Wedderburn
Joseph Wedderburn

Le deuxième pilier est constitué par l'algèbre du groupe, en général notée K[G]. Le groupe est linéarisé, c’est-à-dire qu'il est identifié à une base d'un K espace vectoriel. Le prolongement de la représentation à la structure forme une algèbre sur un corps :

\forall (a_s)_{s\in G}\, , \, (b_t)_{t\in G}\in K^G \quad (\sum_{s\in G} a_s.s)(\sum_{t\in G} b_t.t)= \sum_{s\in G}\sum_{t\in G} a_sb_t.st

La structure est doublée d'une autre, celle de G-module sur l'anneau K[G]. Elle correspond au prolongement d'une représentation à l'algèbre K[G].

Cette algèbre possède une propriété importante, elle est semi-simple. En conséquence, une théorie algébrique entière, riche en théorèmes permet d'élucider d'autres aspect de la structure. Le plus important est probablement celui d'Artin-Wedderburn. Il indique, dans ce contexte, que l'algèbre est isomorphe à un produit direct d'algèbres connues : les endomorphismes d'un espace vectoriel de dimension finie sur K.

Un exemple est celui du centre de K[G]. Sous l'angle de l'algèbre du groupe, c'est un anneau semi-simple correspondant à un produit de la forme Khh est l'entier égal au nombre de sous-algèbres simples. Le centre s'avère être isomorphe aux fonctions centrales du paragraphe précédent. L'isomorphisme est suffisamment naturel pour que les deux structures soit souvent identifiées. Les propriétés d'orthonormalité s'expriment de manières différentes, sources de nombreux théorèmes comme la loi de réciprocité de Frobenius.

Un tel centre ouvre des perspectives nouvelles, c'est un anneau commutatif sur un corps K, il est donc possible d'utiliser les outils de l'arithmétique. Une démarche de cette nature permet par exemple de démontrer que le degré de toute représentation irréductible divise l'ordre du groupe.

Cette algèbre apporte enfin des outils essentiels dans le cas où l'ordre du groupe est un multiple de la caractéristique du corps. La théorie des anneaux, et plus particulièrement celle des idéaux, permet d'élucider la structure.

[modifier] Applications

[modifier] Classification des groupes finis

Icône de détail Article détaillé : Groupe fini.

La théorie des représentations est l'un des outils essentiels pour la classification des groupes. Pour les groupes d'ordre petits, les théorèmes de Sylow suffisent en général. En revanche, cette approche est trop limitée pour une étude générale. Les théorèmes de Burnside, sur le cardinal d'un groupe résoluble ou sur les groupes d'exposant fini et de type fini sont des exemples caractéristiques.

[modifier] Analyse harmonique sur un groupe abélien fini

Dans le cas d'un groupe abélien fini, les représentations irréductibles à valeur dans le corps des complexes prennent une forme particulièrement simple. Ce sont les morphismes du groupe dans l'ensemble des racines de l'unité. Ces représentations sont appelées caractères du groupe.

Les caractères permettent de généraliser simplement la théorie de l'analyse harmonique au cas des groupes abéliens finis. Il est ainsi possible de définir la transformée de Fourier et d'établir les principaux résultats comme l'égalité de Parseval, le théorème de Plancherel, la formule sommatoire de Poisson et de définir le produit de convolution

L'analyse harmonique sur un groupe abélien fini est utilisé en arithmétique. Le symbole de Legendre est par exemple un cas particulier de caractère. La théorie permet alors de déterminer les sommes de Gauss et les périodes de Gauss. Cette approche permet, par exemple la démonstration de la loi de réciprocité quadratique.

Un cas particulier est celui des espaces vectoriels sur un corps fini. Les propriétés des corps finis permettent d'établir les résultats de la théorie sous une forme légèrement différente (cf analyse harmonique sur un espace vectoriel fini). Ce cas est utilisé par exemple en théorie de l'information à travers l'étude des fonctions booléennes, correspondant au cas où le corps contient deux éléments. La théorie est utilisée pour résoudre des questions de cryptologie notamment pour les boîtes-S, ainsi que pour les chiffrements par flot. L'analyse harmonique sur un espace vectoriel fini intervient aussi dans le contexte de la théorie des codes et particulièrement pour les codes linéaires, par exemple pour établir l'identité de Mac Williams.

[modifier] Notes et références

Articles sur les Représentations d'un groupe d'ordre fini
Représentations d'un groupe fini | Théorie des représentations | Théorème de Maschke | Caractère | Lemme de Schur | Représentation régulière | Fonction centrale | Produit tensoriel | Algèbre d'un groupe fini | Représentation induite | Réciprocité de Frobenius | Critère d'irréductibilité de Mackey | Groupe symétrique d'indice trois | Groupe symétrique d'indice quatre | Groupe des quaternions | Théorème de Burnside (groupe résoluble)
Modifier

[modifier] Notes

  1. T Hamada, Y Michiwaki and M Oyama On the influence of the 'Seki's School versus the Saijo School controversy' in the provinces (Japanese) Sugakushi Kenkyu 64 1975
  2. L Couturat La logique de Leibniz (Hildesheim, 1961)
  3. Joseph-Louis Lagrange Réflexions sur la résolution algébrique des équations 1770
  4. Alexandre-Théophile Vandermonde Mémoire sur la résolution des équations 1771
  5. Carl Friedrich Gauss Disquisitiones arithmeticae 1801
  6. Niels Henrik Abel Mémoire sur les équations algébriques, où l'on démontre l'impossibilité de la résolution de l'équation générale du cinquième degré 1824
  7. Evariste Galois Sur les conditions de résolubilité des équations algébriques 1846 Journal de Liouville
  8. Joseph Liouville Œuvres Mathématiques d'Évariste Galois Suivie d'un avertissement de Liouville 1846 Journal des Mathématiques pures et appliquées Vol. XI
  9. Augustin Louis Cauchy Sur le nombre de valeurs égale ou inégales que peut acquérir une fonction de n variables indépendantes, quand on permute ces variables entre elles d'une manière quelconque 1845
  10. Arthur Cayley Sur la théorie des groupes comme dépendance de l'équation symbolique θn = 1. 1854
  11. Klein Conférences sur l'icosaèdre et les solutions de l'équation du cinquième degré 1877
  12. Ludwig Sylow Théorèmes sur les groupes de substitutions Mathematische Annalen Volume 5 (pages 584 à 594)
  13. Heinrich Weber Lehrbuch der Algebra Braunschweig 1924
  14. Johann Peter Gustav Lejeune Dirichlet Vorlesungen über Zahlentheorie 3e édition Vieweg Braunschweig 1879
  15. Camille Jordan Traité des substitutions et des équations algébriques 1870
  16. Richard Dedekind Sur la théorie des nombres entiers algébriques 1871
  17. K. W. Johnson, The Dedekind-Frobenius group determinant, new life in an old method Groups St Andrews 97 in Bath, II, London Math. Soc. Lecture Note Series 261 pages 417 à 428 1999
  18. T. Y. Lam Representation of finite groups : A Hundred years, Part I Notice of the AMS Vol 45 p 365
  19. Georg Frobenius Neuer Beweis des Syloschen Satzes Berlin Journal für die reine und angewandte Mathematik. 100 pages179 à 181 1887
  20. Georg Frobenius Über Gruppen von vertauschbaren Elementen 1879
  21. C. W. Curtis Representation theory of finite groups, from Frobenius to Brauer Math. Intelligencer p 48-57 1992
  22. T. Hawkins The origins of the theory of group characters Archive Hist. Exact Science 8 p143-287 1971
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