Réforme grégorienne

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Au Moyen Âge, la réforme grégorienne est une politique menée sous l'impulsion de la papauté. Si les historiens admettent que le pape Léon IX a commencé le redressement de l'Église, c'est pourtant le pape Grégoire VII qui a laissé son nom à la réforme. De plus, les efforts pour sortir l'Église catholique d'une crise généralisée depuis le Xe siècle se poursuivent bien après le pontificat de Grégoire VII. Ainsi l'expression "réforme grégorienne" peut paraître impropre puisqu'elle ne s'est pas limitée à quelques années mais a concerné au total près de trois siècles.

Elle comporte trois projets principaux :

  • Affirmation de l'indépendance du clergé : les laïcs ne peuvent plus intervenir dans les nominations. Mais il y a des conflits, notamment entre le pape et les empereurs germaniques qui se considèrent comme les représentants de Dieu sur terre (Querelle des Investitures).
  • Réforme du clergé : pour que le clergé suscite le respect. Le clergé est mieux instruit et l'Église impose le célibat des prêtres ainsi que le mariage chrétien pour les laïcs.
  • Affirmation du rôle du pape : à partir du XIe siècle, le pape met en place une structure centralisée autour de la papauté. En 1059, le pape Nicolas II crée le collège des cardinaux qui élit le nouveau Pape. De plus, on voit se développer la curie pontificale qui contrôle ce qui se fait dans l'Église. Enfin, le pape multiplie les interventions pontificales. L'une des plus connues est matérialisée par le Décret de 1059 réformant l'élection pontificale et interdisant le nicolaïsme et la simonie.

Sommaire

[modifier] La crise de l'Église (Xe - XIe siècles)

Avec le déclin du pouvoir carolingien et les invasions scandinaves en Occident, l'Église souffre à divers degrés de maux et de désordres :

  • La féodalisation du clergé : de nombreux évêques et abbés sont devenus des seigneurs ; cela implique une insertion des prélats dans le système féodo-vassalique. Des principautés ecclésiastiques se sont formées à l'est de la France actuelle. L'archevêque de Reims est très puissant et possède des prérogatives comtales (ban, pouvoir de frapper monnaie, de lever les impôts). Ils doivent prendre en main la sécurité à l'intérieur de leur domaine.

Les paroisses rurales tombent aux mains des seigneurs ou de simples chevaliers qui nomment à leur tête des desservants peu instruits, parfois des serfs.

À l'ouest du royaume, les princes contrôlent leur clergé : par exemple, le duc de Normandie donne l'investiture aux évêques de sa principauté. Les évêques sont donc devenus des vassaux du duc et doivent par conséquent les mêmes services que les vassaux laïcs : l'ost, c'est-à-dire le service armé. Certains clercs participent donc aux combats. On voit des évêques normands prendre part à la bataille de Hastings en 1066 : l'évêque Odon de Bayeux, demi-frère du duc de Normandie, et Geoffroy de Montbray, évêque de Coutances. Les clercs s'éloignent ainsi de leurs fonctions pastorales et religieuses.

  • Le nicolaïsme atteint quelques évêchés : le principe du célibat et de la chasteté est battu en brèche en plusieurs endroits. En Normandie et en Bretagne, l'archevêque Robert d'Évreux, de la dynastie ducale, a eu un fils, comte d'Évreux.
  • La simonie : à quelques exceptions près (duché de Normandie par exemple), la simonie sévit partout. Les prêtres vendent les sacrements, s'adonnent au trafic des reliques et en tirent des revenus substantiels. Un des plus célèbres est Manassé de Reims.
  • Apparition d'hérésies : elles sont limitées et ne portent pas de nom précis. En 1022, le roi de France Robert le Pieux fait condamner au bûcher des hérétiques.

Face à tous ces problèmes, certains monastères essaient de remettre de l'ordre, dès les années 1020 (réforme clunisienne). Puis, la papauté décide d'intervenir, à partir de Léon IX.

[modifier] La réforme monastique

Icône de détail Articles détaillés : ordre de Cluny et Renaissance clunisienne.

[modifier] La réforme pontificale

[modifier] Léon IX: le début de la réforme

L'autorité de l'empereur est faible sur ses vassaux et pendant le règne d'Henri III,comtes de Tusculum une puissante famille romaine est maitresse de la ville. Habituée à faire élire le pape elle tente de reprendre ses prérogatives. Critiquant la faible moralité des papes désignés par l'empereur elle fait élire un pape concurrent, obligeant l'empereur à intervenir militairement, à réunir un grand concile le 20 décembre 1046 pour démettre les papes concurrents[1]. Mais cela ne suffit pas, coup sur coup deux papes désignés par l'empereur sont assassinés (Clément II et Damase II). Le nouveau candidat envoyé par l'empereur a la finesse de demander aux romains de l'élire, ce qui leur convient : il est élevé à la charge pontificale sous le nom de Léon IX le 1er février 1049[1]. Élevé dans l'esprit de la réforme monastique, il conclue que c'est l'indignité des papes précédents qui leur a valu leur désaveu par les romains et leur déchéance. Il s'entoure de réformateurs et en particulier il nomme un clunisien, Hildebrand (le futur Grégoire VII), sous-diacre et le charge de l'administration des revenus du saint-siège, proche de la faillite[2]. Hildebrand agissant en véritable éminence grise, est à l'origine des actes les plus importants de son pontificat et de ceux de ses successeurs (Victor II (1055-1057), Étienne IV (1057-1058), Nicolas II (1058-1061), Alexandre II (1061-1073))[3]. De fait Hildebrand lance la réforme grégorienne vingt cinq ans avant de devenir pape lui-même.

Léon IX meurt en 1054, mais une délégation romaine comprenant Hildebrand parvient à convaincre Henri III de choisir Victor II, le parti réformateur reste donc dans l'entourage du saint siège, mais le pape reste choisi par l'empereur. Victor II reste très fidèle à Henri III, mais son ministère ne dure que 2 ans et il décède quelques mois après l'empereur. Après avoir présidé aux obsèques impériales le 28 octobre 1056, Victor II est, le 5 novembre suivant, le principal artisan de l'élection du jeune fils de 6 ans d'Henri III comme empereur, sous le nom d'Henri IV, et met en place la régence d'Agnès d'Aquitaine, veuve de l'empereur.

[modifier] L'action du pape Nicolas II (1059 - 1061)

À la mort de Victor II, en 1057, le parti réformateur profite de la disparition de Henri III et de la minorité de Henri IV pour faire élire Étienne IX puis Nicolas II, en 1059, sans l'assentiment impérial[2]. En avril 1059, le nouveau pape décrète que seuls les cardinaux peuvent nommer le nouveau pape[2] et que ce choix serait ratifié par acclamation par le clergé et le peuple de Rome[2]. Il y a en fait 2 types de cardinaux : les cardinaux évêques (au nombre de 7), et les prêtres cardinaux (au nombre de 28 en théorie).l'élection est réservée uniquement aux cardinaux évêques .(les réformateurs sont majoritaires parmi eux , alors qu'ils sont minoritaires dans le collège des prêtres cardinaux)(En 1081 le décret est élargi aux prêtres cardinaux.)

Le décret élimine donc l'empereur dans le choix du pontife. Le même décret de Nicolas II interdit aux prêtres de se marier et ordonne aux mariés de répudier leur femme (nicolaïsme) et il interdit à ceux ci de revendre leur pouvoir spirituel (simonie).

[modifier] L'œuvre du pape Grégoire VII (1073-1085)

  • Voir l'article détaillé Grégoire VII
  • Les décrets de 1074 poursuivent la politique d'éradication de la simonie et du nicolaïsme dans le clergé occidental. Grégoire VII envoie des légats pour contrôler son application et déposer les clercs immoraux.
  • 1075 : Le Dictatus papae affirme la supériorité du pape sur les empereurs, rois et princes laïcs. Le pape dispose du pouvoir d'excommunication.
  • Mais les rois et les princes résistèrent à cette réforme. L'empereur Henri IV déposa Grégoire VII en 1076. Sa réponse fut l'excommunication. Devant les révoltes, Henri IV demanda finalement le pardon du pape lors de la pénitence de Canossa (janvier 1077). Mais la lutte ne s'arrêta pas car le pape renouvela ses excommunications et l'empereur fit élire un antipape, Clément III. Grégoire VII mourut en 1085, mais la querelle des Investitures se poursuivit.

Après de longues tractations, le conflit cessa à l'occasion d'une réunion organisée à Worms en 1122. Un Concordat fut établi entre le Saint-Office et l'empereur de Germanie Henri V et par conséquent les tensions s'apaisèrent.

[modifier] L'œuvre d'UrbainII (1073-1085)

Au terme du bref pontificat de Victor III, successeur de Grégoire VII, Eudes de Chatillon convoque les évêques partisans de la Réforme grégorienne à Terracina, dans le Latium : Rome est aux mains des partisans de Clément III. Là, il est élu pape puis consacré le 12 mars 1088 sous le nom d'Urbain II. Son premier acte est d'affirmer solennellement sa fidélité à l'œuvre de Grégoire VII ; il renouvelle les condamnations de ce dernier en matière de discipline ecclésiastique : simonie (trafic de biens spirituels), nicolaïsme (« incontinence » du clergé) ou encore investiture des clercs par les laïcs. En revanche, il se montre plus souple que Grégoire, notamment sur les cas de clercs ordonnés par des évêques simoniaques ou schismatiques : il considère leur ordination comme valide, s'attirant ainsi les critiques de théologiens comme Bonizo de Sutri, Deusdedit ou Bruno de Segni. Pour rendre plus souples les condamnations, il applique la doctrine de la dispense selon Yves de Chartres. Il ménage Guillaume II d'Angleterre en conflit avec Anselme, l'archevêque de Cantorbéry qui veut assurer l'indépendance de l'Église vis-à-vis du roi. Dans la même logique, il conforte la papauté en faisant des royaumes hispaniques et de la Sicile des États vassaux du Saint-Siège. Urbain II continue à s'appuyer sur l'Ordre de Cluny et les souverains.

Sa position est difficile. Il ne peut rentrer à Rome, occupée par Clément III. Il tente de la reprendre en 1089, mais est chassé par Henri IV l'année suivante. Par sa politique modérée en France et en Angleterre, il crée un parti romain en sa faveur, isole l'empereur. Il doit affronter personnellement le schisme du parti impérial, dont il triomphe avec l'aide de Conrad, fils d'Henri IV. En 1093, Urbain II peut regagner Rome. Il achète la reddition du palais du Latran l'année suivante, et fait tomber le château Saint-Ange en 1098, parachevant ainsi sa reconquête de la ville.

Sa politique devient alors plus rigoureuse. L'exemption, qui place les abbayes sous la responsabilité directe du pape, est largement pratiquée, concerne tous les établissements clunisiens. Les chanoines réguliers sont créés, les légats réutilisés, les primats instaurés. Il préside les conciles de Plaisance et de Clermont en 1095. Pendant le premier, il invalide toutes les ordinations effectuées par Guibert de Ravenne après sa condamnation. Il condamne également les thèses de Bérenger de Tours qui affirme, contre la thèse de la transsubstantiation, le caractère symbolique de la présence du Christ dans l'eucharistie. Enfin, répondant à l'appel de l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène, il exhorte les chrétiens d'Occident à défendre ceux d'Orient. La réforme grégorienne commence à aboutir, l'Église est indépendante et Clément III est isolé.

Les valeurs de l'Église s'affirment complètement dans la société féodale. L'action des rois est influencée par le serment du sacre: maintenir la justice, défendre les faibles. Les pillages, guerres privées sont combattues par la Paix de Dieu avec des ligues pour la paix, des forces de polices organisées par les évêques. Urbain II consacre la Trêve de Dieu au concile de Clermont en 1095, qui suspend la guerre aux temps consacrés.

À Clermont, le 18 novembre 1095, devant 13 archevêques et 225 évêques, Urbain II réitère la condamnation de l'investiture laïque et interdit aux clercs de rendre hommage à un laïc, même un roi. Il proclame solennellement la trêve de Dieu, déjà annoncée dans des synodes précédents. C'est aussi à cette occasion qu'il renouvelle l'excommunication prononcée par l'évêque Hugues de Lyon contre le roi de France Philippe Ier pour son remariage avec Bertrade de Montfort. Enfin, le 27 novembre, il prêche la Croisade, conçue par lui comme un moyen d'unifier la chrétienté occidentale sous l'autorité pontificale. Il en fixe le début au 15 août 1096 ; pour en assurer la direction spirituelle, il nomme Adhémar de Monteil, évêque du Puy, le commandement militaire revenant à Raymond IV de Toulouse. Parallèlement, il encourage la Reconquista ou reconquête de l'Espagne occupée par les Maures. Cet appel apparaît en contradiction avec les valeurs ancestrales de l'Église. C'est en réalité une évolution logique. La guerre sainte était apparue avec l'empereur, afin d'agrandir l'espace chrétien. Dans un monde féodal où les rapports de puissance se jouent par la force (la diplomatie est inexistante), la guerre sainte permet à la chevalerie d'aller faire la guerre ailleurs. La croisade est en fait une tentative de pacification et une continuation de la Réforme grégorienne sur l'émancipation du pouvoir religieux de celui des clercs. Pour la motiver, Urbain II accorde l'indulgence plénière, la rémission de tous les péchés. Il développe ses objectifs dans plusieurs lettres aux clergés de différentes régions d'Europe. L'engouement est grand, relayé par des prédicateurs comme Pierre l'Ermite, suivi par près de 150 000 hommes. Les armées partent au cri de « Dieu le veut ! ».

Urbain II meurt le 29 juillet 1099, avant d'apprendre la nouvelle de la conquête de Jérusalem, tombée le 15 juillet. Il est béatifié le 14 juillet 1881 par Léon XIII.

[modifier] Bilan de la réforme grégorienne

[modifier] En France

Le processus de féodalisation des clercs s'arrêta. Yves de Chartres distingue l'investiture temporelle (par le roi pour les biens matériels) et spirituelle ou par la crosse (accordé par le peuple, le clergé et conférée par le métropolitain).

[modifier] En Angleterre

Le roi exige un serment de fidélité de la part des clercs.

[modifier] Dans l'Empire

Après de longues discussions entre le pape et l'empereur Henri V, le compromis du concordat de Worms fut finalement accepté en 1122. C'est la fin de la querelle des investitures. Mais en 1152 débute la lutte du sacerdoce et de l'Empire dont l'enjeu est la domination sur la chrétienté occidentale.

[modifier] Relations entre l'Orient et l'Occident

Les relations avec le patriarcat de Constantinople se détériorent, car les chrétiens d'Orient y voient une forme d'autoritarisme spirituel et de renversement graduel des traditions.


[modifier] Notes et références

  1. ab Prosper Alfaric, Un pape alsacien: Léon IX d'Eguisheim, Annuaire de la Société Historique, Littéraire et Scientifique du Club Vosgien, volume I (1-2), Strasbourg Imprimerie Alsacienne 1933, Encyclopédie universelle
  2. abcd Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p. 176
  3. MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg et F.-Camille Dreyfus, Le pape Grégoire VII, La Grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts par une société de savants et de gens de lettres, Paris, Société anonyme de La Grande encyclopédie, 1885-1902, Encyclopédie universelle

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes