Hérésie

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Les Écritures triomphant sur l'Hérésie, dans l'église Gustaf Vasakyrkan de Stockholm.
Les Écritures triomphant sur l'Hérésie, dans l'église Gustaf Vasakyrkan de Stockholm.

Une hérésie (du grec αἵρεσις haíresis, choix, préférence pour une doctrine) est d'abord une école de pensée. Le jardin d’Épicure était une telle haíresis. La traduction latine en est secta, secte. L’Antiquité n’attache pas de valeur péjorative à ces termes.

La valeur péjorative est née en milieu chrétien avec les premières controverses théologiques dont témoignent Justin de Naplouse et Irénée de Lyon qui ont écrit "contre les hérésies" au IIe siècle. Au IVe siècle les empereurs prendront des mesures contre les hérétique, volonté de monopole religieux qui a interdit la libre opinion.

Dans un contexte chrétien, et par analogie dans d'autres contextes, l'hérésie qualifie une situation complexe de conflit et de rupture, qui superpose généralement l'hérésie proprement dite (doctrinale : déviance sur le contenu de la foi) et le schisme (disciplinaire : insoumission à l'autorité ecclésiastique légitime). L'hérésie naît d'une divergence entre écoles sur ce qu'est la vérité (formulée par le dogme). Elle se développe à la fois sur le plan intellectuel, par l'opposition irréductible des thèses, et sur le plan communautaire, par l'impossibilité pratique de "vivre en frères" avec les tenants de l'autre école. Enfin, elle s'achève par une situation de rupture sociale paradoxale: de part et d'autre, on reconnaît que la communion entre les parties antagonistes est à la fois impossible en pratique, mais resterait nécessaire.

La foi étant nécessaire au salut, l'orthodoxie est capitale et l'hétérodoxie fait risquer les peines infernales. L'hérésie est le drame des frères ennemis, à la fois frères et ennemis, chacun revendiquant l'héritage authentique du Père. En ceci elle se distingue radicalement des conflits inter-religieux.

Dans l'Antiquité chrétienne, l'association de certaines de ces doctrines au pouvoir politique (après Constantin Ier par exemple) va donner également une importance temporelle à ces questions.

Sommaire

[modifier] Dans le judaïsme

Le concept d'hérésie s'attache aux nombreux faux Messies qui parsèment l'histoire du judaïsme. La plus importante d'entre elles est celle de Sabbataï Tsevi, fondateur de la communauté appelée les Sabbatéens. Il est contemporain des parents de Baruch Spinoza.

Au XVIIIe siècle, cette hérésie fit la révolution dans les communautés juives d'Europe où prédominaient les Marranes, comme Amsterdam ou Venise. Elle atteignit donc plus les communautés sépharades que les communautés askhénazes.

Voir (en) Messies

Culturellement, le judaïsme valorise les discussions et divergences doctrinales, comme l'évoque le dicton "quand deux talmudistes se rencontrent, il y a immédiatement trois opinions qui s'affrontent". La divergence d'interprétation est admise voire encouragée comme en témoignent les discussions enregistrées dans le Talmud. Après une longue discussion, destinée à passer tous les cas en revue, la décision de jurisprudence est votée ; l'avis minoritaire est préservé pour le cas où il pourrait se révéler utile.

Icône de détail Article détaillé : responsa.

D'une façon générale, une hérésie, dans le judaïsme aboutit à une scission, sans véritable conséquence pour les minoritaires, qui sont toujours considérés comme appartenant au judaïsme, sauf dans les congrégations ultra-orthodoxes contemporaines. Ceci vient de ce que l'appartenance au "peuple élu" se manifeste beaucoup plus, en pratique, par le partage de valeurs sociales (culture et pratique religieuse) et la conscience que ce peuple vit sous le regard de Dieu, que par la référence à un dogme particulier.

Spinoza est un cas extrême. Baruch Spinoza, fut déclaré Herem, i.e. hérétique par la communauté d'Amsterdam. Toutefois, cette condamnation tient plus à l'histoire de ladite communauté, essentiellement composée de marranes venue du Portugal qu'à l'hétérodoxie des positions de Spinoza, au moins jusqu'à son exclusion.

[modifier] Dans le christianisme

Dès les premiers temps du christianisme, un certain foisonnement de conceptions théologiques et de pratiques liturgiques donne lieu à des conflits qui donnent lieu à des mises au point. Le concile de Jérusalem en est un premier exemple, mais on peut aussi citer la question plus prosaïque de la fixation de la date de pâques pour laquelle Irénée de Lyon doit intervenir.

À partir de l'édit de Constantin Ier en 313, et plus particulièrement à partir du concile de Nicomédie 317 érigé en tribunal, destiné à imposer à Arius une première confession de foi sous peine d'excommunication. Le dogme a donc été défini comme norme de la "vraie foi" par réaction aux "déviances" des hérétiques.

Saint Augustin a combattu les hérésies chrétiennes
Saint Augustin a combattu les hérésies chrétiennes

Plus tard, avec le Ier concile de Nicée, est hérétique une doctrine divergente à l'enseignement officiel d'une Église et à ses dogmes, tel que consacré par son autorité (évêque, concile) sur la base de l'Écriture et de la Tradition.

Certains pensent pouvoir généraliser en disant qu'une hérésie est toute doctrine contraire à des conceptions jugées établies sans qu'elles nécessitent la moindre "preuve" : le pouvoir de condamner en tient lieu.

L'hérésie (quasi-synonyme d'hétérodoxie) est l'occasion de créer une nouvelle forme d'orthodoxie. Dans le contexte du développement des hétérodoxies des IIe siècle et IIIe siècle, une hétérodoxie devient une hérésie à partir du moment où un concile la condamne.

Voir Raoul Vaneigem La résistance au christianisme. Les hérésies des origines au XVIIIe siècle. 1993

[modifier] Dans le catholicisme romain

La bulle Gratia Divina (1656) définit l'hérésie comme « la croyance, l'enseignement ou la défense d'opinions, dogmes, propos, idées contraires aux enseignements de la sainte Bible, des saints Évangiles, de la Tradition (christianisme) et du magistère. » L'Inquisition, tribunal d'exception chargé de la combattre, est l'œuvre du pape Grégoire IX (1231).

Voir aussi : exemplum.

[modifier] Dans l'islam

[modifier] Introduction

« Les interprétations du Coran sont multiples et souvent contradictoires. Jamais les commentateurs et les interprètes du Saint Livre ne sont parvenus à l'unanimité sur les lectures possibles. Car le Coran se prête à des interprétations toujours neuves. De nombreuses interprétations qui ont été presque « sacralisées » par la Tradition sont, en réalité, des productions de l'époque médiévale. Et les interprétations qui s'appuient sur les hadiths demandent à ce que soit vérifiée l'authenticité de ceux-ci, certains entrant en contradiction avec le texte même du Coran.»

Ali Asghar Engineer, « À propos de la méthodologie d'interprétation du Coran », Études Musulmanes, 2003

Le penseur indien Asghar Ali Engineer plaide pour que chaque génération se voit reconnu le droit d'interpréter le Coran avec son propre éclairage, à la lumière de ses propres expériences.

[modifier] Kâfir

La Charte de Yathrib connue sous le nom Constitution de Médine quoique les mots al Medîna n'y apparaissent pas, définit le kâfir ou récalcitrant.

Il est exclu des garanties de sécurité et d'assistance prévue par ce pacte. Entre autres, il ne peut exercer la vengeance selon la loi du Talion.

Un affidé ne tue pas un autre affidé pour venger un kâfir

La raison invoquée est que le kâfir ne se fie ni en Dieu, ni en Mahomet.

Icône de détail Article détaillé : Apostasie dans l'islam.

[modifier] Exception à la règle

« Ceux des Juifs qui nous suivent ont droit à l'assistance en parité : on ne les lèse pas et on ne s'allie pas contre eux »

Formule identique en Coran IX:71-73

Plus loin dans la charte :

« Aux Juifs, leur loi religieuse (dîn) et aux affidés leur loi religieuse qu'il s'agisse de leurs alliés ou d'eux-mêmes »

Toutefois, le document ne désigne jamais ces Juifs alliés de leur nom propre de tribu, mais seulement par leur relation aux tribus affidées et manifestes une vigilance méticuleuse à leur égard. Au VIIIe siècle, les Juifs de Yathrib faisaient l'objet de discussions et polémiques plutôt que d'un accord tranquille.

[modifier] Zandaqua

Le terme zandaqua désigne aussi bien, en Perse,

Seront condamnés sous ce chef d'accusation :

et quelques ulémas dont :

[modifier] Fitna

  1. la Fitna signifie la beauté avec désordre et confusion
  2. la fitna, c'est l'innovation
  3. la fitna est ce qui est condamnable.

En conséquence, il est recommandé de ne pas juger ce qu'Allah a révélé depuis la fermeture des portes de l'ijtihad (*) afin d'éviter d'égarer le croyant. Récemment, ces dispositions ont conduit un caricaturiste marocain à être condamné par un tribunal religieux excessif.

(*) fermée au IXe siècle dans le sunnisme, ré-ouverte au XVIIe siècle dans le chiisme

Lire aussi condamner le rire est une dérive totalitaire

On se trouve donc devant une aporie car chaque croyant doit s'approprier personnellement le texte du Coran

« Le questionnement des sciences humaines comme les diverses utilisations idéologiques qui sont faites du texte coranique, invitent à une réflexion sur la manière dont le croyant s'approprie la Parole de Dieu. Trop souvent, celle-ci est considérée comme un texte « figé », « passif », alors qu'une foi vivante doit susciter un véritable dialogue entre le lecteur (ou l'auditeur) et le texte. C'est ce que rappelle Rachid Benzine dans un article que vient de publier la revue Islam, et que nous vous proposons avec l'accord des responsables de cette publication. » Rachid Benzine, Lire le Coran Autrement)

La Foi bahá'íe, fondée sur une base hétérodoxe musulmane shiite, née en iran en 1844, est persécutée par l'islam au titre d'apostasie.

[modifier] Liste des principales hérésies :

Voir : Liste interreligieuse des hérésies

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes


[modifier] Bibliographie

  • « Le Moyen Âge des hérétiques » dans Les collections de l’Histoire, janvier-mars 2005
  • Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink, Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, PUF, 2002 : articles « hérésies » (p.667-671), « inquisition » (p.718-719)