Sacre

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Le sacre est une cérémonie religieuse conférant à un souverain un caractère sacré (parfois même divin), le distinguant ainsi des autres laïcs. C'est une cérémonie distincte du couronnement.

Sommaire

[modifier] Antiquité

L'onction de David par Samuel, Psautier du XIIIe siècle
L'onction de David par Samuel, Psautier du XIIIe siècle

Le roi David reçut une onction. Le sacre est donc un rite hébraïque.

Le sacre était inconnu de la Rome antique et de Byzance.

[modifier] Restauration du sacre au Moyen Âge

[modifier] Espagne

Le sacre fut pratiqué par les souverains wisigothiques d'Espagne au VIIe siècle, le premier étant daté de 672 avec le roi Wamba à Tolède, mais seul le royaume d'Aragon en conserva l'usage par la suite. Les autres royaumes préférèrent le simple couronnement, de façon à être moins soumis à l'emprise du clergé.

[modifier] Angleterre

Les souverains anglais sont couronnés, et non sacrés, à Westminster.

[modifier] France

[modifier] Les sacres de Pépin le Bref (752 et 754)

Les rois mérovingiens (Ve-VIIIe siècles) n'accédaient pas au pouvoir après un sacre ; ils étaient choisis (élus) par les aristocrates dans la famille mérovingienne. Leur pouvoir provenait de leur charisme et de leurs victoires militaires. Le baptême du premier roi mérovingien Clovis, vers 496, n'a jamais été un sacre.

Au milieu du VIIIe siècle, c'est le maire du palais Pépin le Bref, fils de Charles Martel, qui inaugura la pratique du sacre religieux pour les rois de France ; au préalable, il voulut s'assurer du soutien de la plus haute autorité spiritiuelle de l'Occident : le pape. Il envoya d'abord Burchard, évêque de Wurzbourg, et Fulrad, l'abbé de Saint-Denis en ambassade auprès du pape Zacharie. Celui-ci répondit que l'ordre divin était troublé car le maire du palais disposait de la réalité du pouvoir alors qu'il n'en avait pas la légitimité. Les derniers rois mérovingiens n'exerçaient en effet plus aucune autorité effective (image d'Epinal des rois fainéants).

L'Église affirme alors qu'elle doit donner la légitimité du pouvoir par le rituel du sacre. Le modèle est l'onction que reçut le roi David par Samuel dans l'Ancien Testament. Le sacre de Pépin le Bref eut lieu en mars 752 à Soissons où « les évêques présents l’oignirent du saint chrême » en plusieurs endroits du corps. L'élection par le peuple et les grands (aristocrates) du royaume demeure, mais avec les successeurs carolingiens, elle perdra de son importance.

En échange de son accord de principe, le pape avait espéré l'appui armé du carolingien face aux menaces lombardes. En 753, le pape Étienne II est contraint de se réfugier en Gaule où il demande l'intervention de Pépin le Bref. Ce dernier lui donne alors la promesse d'une intervention armée contre les Lombards. En échange, le pape lui confère le titre de « patrice des Romains » (c'est-à-dire protecteur de Rome) et le sacre une seconde fois à Saint-Denis le 28 juillet 754. Cette fois-ci, les deux fils de Pépin dont le futur Charlemagne) sont sacrés des mains même du pontife qui bénit aussi Berthe, la mère de Pépin. Par la suite, Pépin Le Bref tient sa promesse et engage plusieurs expéditions en Italie. Les territoires abandonnés par les Lombards forment l'embryon des états pontificaux, le temporal de Saint-Pierre.

Le sacre de Pépin le Bref a plusieurs implications fondamentales :

  • un changement dynastique : les Carolingiens règnent en France jusqu'en 987. Le dernier roi mérovingien, Childéric III, est enfermé dans un monastère.
  • les Carolingiens ont obtenu le soutien du pape et de l'Église. Ils doivent, en retour assurer leur défense.
  • avec le sacre de 754, toute la dynastie carolingienne est sacrée.
  • par le sacre, le roi se trouve au-dessus de tous les autres laïcs.

[modifier] Le sacre sous les Carolingiens

Pendant l’empire carolingien, l’élection est tombée en désuétude, sans pour autant disparaître : elle est rappelée lors du sacre par une acclamation, mais elle n’est plus qu’une formalité. Le couronnement impérial, remis à l'ordre du jour par Charlemagne en 800, est distinct du sacre. Il a lieu en général à Rome, en présence du pape.

Le premier sacre qui eut lieu à Reims fut celui de Louis le Pieux en octobre 816. Ce fils de Charlemagne, devenait par cette cérémonie, l'élu de Dieu et défenseur de l'Église. L'archevêque de Reims Hincmar sacra Charles le Chauve en 869. Pourtant Reims ne garda la prééminence sur les autres sièges métropolitains qu'au cours du XIIe siècle car elle était la ville du baptême de Clovis pendant lequel apparut la sainte Ampoule. Aussi le Capétien Louis VI se fit-il sacrer à Orléans en 1108.

[modifier] Le sacre des Capétiens

couronnement de Louis X
couronnement de Louis X

Le déclin des Carolingiens est patent au IX et Xe siècle : le Robertiens Eudes est choisi par les Grands en 888. Après avoir proclamé la déchéance du carolingien Charles le Simple, Robert est élu le 29 juin 922 et sacré roi à Reims le lendemain dimanche 30 juin 922 par l'archevêque Gautier de Sens, son cousin.

Au Xe siècle, les princes territoriaux (marquis, ducs, comtes) ont acquis une telle puissance politique qu’ils peuvent poser leurs conditions avant de consentir à l’élection du roi. L’élection du roi est donc redevenue déterminante, surtout pendant les crises dynastiques.

En 987, le carolingien Louis V meurt sans enfant. Hugues Capet est élu par les Grands à Senlis puis sacré à Noyon le dimanche 3 juillet 987 : c'est la fin de la dynastie carolingienne. Hugues Capet prend le soin de faire sacrer son fils de son vivant. Cet usage sera perpétué jusqu'à Philippe Auguste : à la fin du XIIe siècle, le pouvoir et la légitimité des Capétiens sont définitivement assurés.

[modifier] L'évolution du rituel

Le rituel du sacre ne se fixa que progressivement : la description des gestes et des paroles prononcées au cours du sacre se nomme ordo ; les clercs en ont rédigé plusieurs :

  • ordo d'Hincmar (IXe siècle) : onction, couronnement, serment : le roi s'engage à respecter et défendre l'Église, assurer la paix et rendre justice ainsi que la miséricorde
  • ordo de Fulrad (Xe siècle)
  • ordo de saint Louis (XIIIe siècle) : remise des éperons et d'une épée en présence des 12 pairs de France. Les acclamations du peuple présent dans la cathédrale de Reims remplacent l'ancienne élection. Baiser de paix. Au cours du sacre, le roi reçoit ses insignes de pouvoir (regalia). Si le roi est marié, le sacre de la reine a lieu juste après.
  • À partir du XIe siècle, on attribue au roi de France le pouvoir thaumaturgique (de guérisseur). Après son sacre, intervient la cérémonie du toucher des écrouelles[1].


[modifier] Voir aussi

[modifier] Références/Bibliographie

  • Ordre pour Oindre et Couronner Le Roi de France, Lyon 1575, éd. mod. par Jean Goy, Reims 1987.
  • Jean Goy, La Sainte Ampoule au Sacre des Rois de France, Reims 1994.
  • Jean-Pierre Bayard, Sacres et couronnements Royaux, Éd. Guy Trédaniel, Paris 1984, ISBN 2-85-707-152-3.
  • Aimé Bonnefin, Sacre de Rois de France, Éd. Imp. Touron & Fils, Limoges 1988, ISBN 2-9500695-2-5.
  • Josef J. Schmid, Sacrum Monarchiae Speculum – der Sacre Ludwigs XV. 1722: monarchische Tradition, Zeremoniell, Liturgie, Éd. Aschendorff, Munster 2007, ISBN 3-402-00415-1.

[modifier] Notes et références

  1. * Histoire du prieuré Saint-Marcoul de Corbeny, et de la guérison des écrouelles par Mme Suzanne Martinet