Delphes

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Localisation de Delphes
Localisation de Delphes

Delphes est le site d'un important « sanctuaire panhellénique », c'est-à-dire d'un sanctuaire commun à toutes les cités de la Grèce antique. Il est dédié au dieu Apollon Pythien et caractérisé par la présence d'un oracle. Delphes se trouve en Phocide.

Il est important de rappeler que les sanctuaires panhelléniques (de « Hellènes », synonyme de « Grecs ») étaient des complexes architecturaux extérieurs aux cités : ils constituaient les seuls lieux où tous les anciens Grecs prenaient part à des célébrations à caractère religieux « communes ».

Sommaire

[modifier] Histoire du site

Le nom de Delphes (pluriel Δελφοί / Delphoí) vient du mot dauphin (δελφίς / delphís) : dans la poésie homérique, Apollon aurait pris la forme de cet animal pour attirer les marins crétois chargés d'instaurer son culte sur le site.

Les traces les plus anciennes d'une occupation humaine dans la région de Delphes remontent au paléolithique.

Sur le site du sanctuaire, un village modeste est connu vers 1400 av. J.-C. environ : ce site, nommé Pythô (Πυθώ, οῦς (ἡ) et Πυθών, ῶνος (ἡ)) dans l'Iliade (cf. II, 519 et IX, 405) et dans l'Odyssée (cf. VIII, 80), est abandonné entre 1100 av. J.-C. environ et 800 av. J.-C. Le sanctuaire se développe probablement à partir de cette date, avec l’apparition d’un premier autel et d'un premier temple, que la tradition delphique et la tradition antique placent sur une pente où se serait trouvée une fissure naturelle exhalant des gaz (notamment Strabon, IX, 3, 5).

C'est surtout entre le milieu du VIIIe siècle av. J.-C. et le milieu du VIIe siècle av. J.-C., qu'Apollon Pythien gagne une notoriété importante : il est le patron des entreprises coloniales effectuées durant cette période.

En 373 av. J.-C., un tremblement de terre endommage gravement le sanctuaire : il ne s'en remettra jamais. C'est en effet à partir de sa reconstruction difficile, durant la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., que le site entame un long déclin, marqué par les troubles politiques qui agitent la Grèce. Dès la période romaine, au Ier siècle, plus aucun édifice n'est construit à Delphes.

En 392, l'interdiction des cultes païens dans l'empire romain par l'Édit de Théodose marque la fin officielle du culte d'Apollon Pythien. Les ruines du site, un temps occupées par un village au début de l'époque chrétienne, sont abandonnées et redécouvertes au XVe siècle seulement.

[modifier] L'oracle d'Apollon Pythien

Vue du sanctuaire de Delphes (au premier plan, le théâtre, au second, le temple d'Apollon)
Vue du sanctuaire de Delphes (au premier plan, le théâtre, au second, le temple d'Apollon)

L'origine mythologique du sanctuaire de Delphes mérite d'être citée : celui-ci aurait été fondé par Apollon lui-même après avoir construit le temple de Délos. À son arrivée dans la région, le sanctuaire était gardé par un serpent nommé « Python », fils de Gaïa (la Terre) et gardien d'un oracle consacré à Thémis. Apollon, désireux d'établir un oracle pour guider les hommes, tua Python avec son arc et s'appropria l'oracle. (cf. Hymnes homériques) Pour faire venir ses prêtres, il détourna un bateau crétois (cf. section supérieure).

Ce mythe fait donc d'Apollon Pythien un conquérant-fondateur, ce qui explique son patronage de la fondation de colonies grecques et le fait que son culte se répandit dans l'ensemble des colonies ; il place aussi l'oracle au cœur du sanctuaire.

À noter aussi qu'existait une autre tradition de l'origine de l'oracle : selon celle-ci, que suit Eschyle et dont la musique a été gravée sur un mur du Trésor des Athéniens (à Delphes), l'oracle était d'abord celui de la Terre, puis celui de divinités féminines successives pour enfin être transmis à Apollon.

Le sanctuaire de Delphes, en effet, est « oraculaire » : la parole du dieu y est transmise aux hommes par l'intermédiaire de la Pythie, dont la tradition antique fait une jeune vierge inculte, installée sur un trépied placé dans une fosse oraculaire (l'adyton) juste au-dessus d'une fissure d'où les Anciens pensaient qu'émanaient des gaz toxiques ; la Pythie tient une « phiale » (récipient plat et sans anses servant aux libations) et une branche de laurier (l'arbre du dieu Apollon).

Le temple d'Apollon
Le temple d'Apollon

La consultation de l'oracle était au départ annuelle : elle avait lieu le sept du mois Byzios (février-mars), jour de la fête d'Apollon. Elle se fit ensuite le sept de chaque mois durant la période de neuf mois où Apollon était censé occuper le site : ce jour fut nommé polyphthoos (« jour des multiples questions »).

Des rites précédaient la consultation : ils étaient accomplis en fonction de la prophétesse et requéraient la présence de deux prêtres. Ces derniers exerçaient leur charge à vie et étaient secondés par cinq hosioi qui maintenaient le culte, et deux prophètes.

Un de ces derniers assistait la Pythie, notamment en traduisant ses paroles afin que l’oracle rendu soit compréhensible. Les réponses du dieu étaient transmises en prose et sous forme d’hexamètres (en vers).

Dans le détail, on ignore si la Pythie était visible, aucun témoignage digne de confiance n'étant explicite sur la question. La tradition la plus courante rapporte cependant que la Pythie aurait été cachée par un voile et que le consultant ne pouvait pas la voir.

Une partie de l'historiographie moderne a cherché, à la suite de la tradition antique probablement d'origine delphique, à expliquer les transes et les paroles incompréhensibles prêtées à la Pythie lors des séances de l'oracle.

L'explication qui en a longtemps été donnée était l'inhalation par la prophétesse de gaz s'échappant des entrailles de la terre (cause physique) ; en réalité, une telle explication est fausse comme l'ont montré les fouilles des soubassements du temple d'Apollon menées par l'École française d'Athènes : aucune fissure n'a été trouvée et la nature du sol (du schiste) ne laisse aucune chance à des exhalaisons de gaz.

Il est certain que le déroulement même de l'oracle dut subir des changements notables au cours du temps. Parmi les témoins les plus proches, Plutarque – qui a été prêtre d'Apollon à Delphes – a transmis de nombreuses considérations sur le culte : il relate qu'à son époque (au Ier siècle) une unique Pythie ne recevait plus qu'une fois par mois alors que trois prophétesses devaient se relayer dans le passé. Dans un autre sanctuaire d’Apollon, l'oracle se passait mentalement (celui qui venait discutait seul avec le Dieu, et recevait les réponses à ses questions directement dans son esprit, ce qui autorisait une plus libre interprétation).

À l'époque chrétienne, la figure de la Pythie fut associée à celle d'une femme possédée par le démon (Jean Chrysostome) ; ce dernier entrait dans le corps de la prophétesse depuis les profondeurs de la terre au-dessus desquelles le trépied était censé être installé.

Il faut ajouter que Delphes était, selon la mythologie grecque, le centre du monde. Aussi, l'« omphalos » (littéralement le « nombril ») y était-il représenté par une pierre de forme conique, directement placée dans l'adyton, entourée de tissu et surmontée de deux aigles en or. Dans la mythologie grecque, en effet, Zeus avait fait partir deux aigles, chacun d’un côté du disque terrestre et ces oiseaux de proie s'étaient rencontrés au centre du monde.

Durant l'absence d'Apollon, il n’y avait pas d’oracle : ce qui explique qu'à son retour de nombreux fidèles attendaient. Dès lors, la « promantie » (ordre de passage déterminé par les prêtres) fut instaurée. Des cadeaux étaient faits à la divinité, puis les prêtres jetaient des gouttes d’eau sur une chèvre qui, si elle ne tremblait pas, faisait perdre son tour au pèlerin. Ce dernier, en cas d'acceptation, entrait dans l'adyton où il pouvait poser sa question : celle-ci entraînait une réponse de la Pythie ou non, selon la volonté du dieu.

Article complémentaire : oracle grec.

[modifier] Le culte de Dionysos

Le Parnasse, peinture d'Andrea Mantegna (1497)
Le Parnasse, peinture d'Andrea Mantegna (1497)

Pendant les mois d'hiver, Apollon était réputé quitter le sanctuaire de Delphes pour aller se purifier en Hyperborée. Il était alors remplacé à Delphes par Dionysos. Ce dernier était présent durant trois mois et faisait l'objet d'un culte rendu sur le Parnasse (les libations des Thyades omophages). Enfin, dans l'adyton, se trouvait la tombe de Dionysos.

Le statut de ce dernier changea peu à peu en raison de son rapport avec l'Apollon Pythien : au départ inférieur au dieu solaire, grâce à son rôle d'opposé il devint progressivement indissociable de la divinité apollinienne ; ainsi, le culte de Dionysos profita probablement pleinement de la renommée de Delphes dans l'ensemble du monde grec.

[modifier] Composantes et organisation du sanctuaire panhellénique

Un sanctuaire se caractérise principalement par la présence d’un autel (bomos) qui est l’élément le plus important pour le culte : il permet de pratiquer le sacrifice.

Le temple est un bâtiment abritant la statue de la divinité : le dieu est réputé l'habiter par moments. Le temple d'Apollon a, à Delphes, une importance particulière alors qu'il n'est en principe qu'un élément secondaire du sanctuaire : cette importance est due à la présence de l'oracle en son sein.

Il est construit, selon la tradition, sur une faille volcanique qui plonge dans les entrailles de la Terre et grâce à laquelle Apollon est réputé communiquer avec les hommes ; l'oracle de Delphes, rendu par l'intermédiaire de la Pythie qui transmet la voix du dieu, est donc cœur du rôle privilégié du temple.

Il y a une recherche préalable de la meilleure place pour le temple afin qu’il soit vu par tous d'où qu‘ils se trouvent sur le site : c'est l' « epiphanestatos topos ». Le temple d’Apollon à Delphes est situé sur les flancs du Parnasse, sommet qui culmine à 2 459 mètres d'altitude et qui domine la Grèce centrale. Aussi, il se trouve sur une pente très raide ; plus bas se trouve un deuxième temple, dédié à Athéna Pronaia (la divinité qui « protège » ou « précède » le sanctuaire).

Les visiteurs entrent dans le sanctuaire de Delphes par la « Voie sacrée », chemin bordé de monuments divers offerts par les cités : une vingtaine de ces bâtiments divers, dont la plupart sont des « trésors », servent à présenter les offrandes faites au dieu (ex-voto), soit par piété, soit pour des raisons politiques. Ces chapelles votives, contiennent généralement des dépôts d’objets représentant les divinités.

Un autre type de dépôt votif présent à Delphes est une fosse, creusée à même le sol de l'« Aire », c'est-à-dire dans le périmètre sacré.

Stade, hippodrome et gymnase font également partie du sanctuaire : ils sont les lieux où se déroulent les célébrations panhelléniques dédiées au dieu, selon un calendrier religieux très précis : ces compétitions de gymnastique, de lutte ou de chant correspondent aux jeux olympiques dont la célébrité a aujourd'hui éclipsé celle du sanctuaire d'Olympie.

Pour ce qui est de l'organisation de ces fêtes et, plus généralement, de l'administration du sanctuaire panhellénique, les Grecs sont regroupés en « amphictionie », c'est-à-dire une association de cités, de peuples autour du sanctuaire. Celle de Delphes, nommée « amphictionie pylaio-delphique » regroupe, à partir de 590 av. J.-C., une douzaine de cités. C'est cette amphictionie qui finance les travaux par souscription et supervise les éventuelles reconstructions du temple, comme à la fin du VIe siècle av. J.-C.

Enfin, à l'instar des lieux touristiques modernes, le site de Delphes, a accueilli une véritable petite ville, vivant principalement grâce aux visiteurs du sanctuaire à partir du VIe siècle av. J.-C.

[modifier] Le temple d'Apollon Pythien

Pausanias mentionne que six temples dédiés au dieu Apollon se succédèrent au cours du temps : le premier d'entre eux put être une hutte de laurier. L'archéologie en ignore tout, comme des deux suivants construits en matériaux périssables.

Le quatrième temple, dont la structure était en stuc, fut construit par Trophonios et Agamède et détruit lors d'un incendie en 538 av. J.-C.

Les cinquième et sixième temples, de plan similaire, sont les mieux connus : le premier d'entre eux, bâti en pierres, présentait un décor de style archaïque dont certains éléments furent réemployés dans les soubassements du sixième temple.

C'est ce dernier temple, daté du IVe siècle, qui subsiste aujourd'hui. Il est rectangulaire, de forme allongée, et mesure 23,82 mètres sur 60,32 mètres de côté, soit six colonnes doriques à l'avant et à l'arrière et quinze colonnes doriques sur chaque côté. Son architecte est Spintharos de Corinthe qui se contenta dans une large mesure de rebâtir l'édifice précédent. Au final, le sixième temple est relativement modeste, probablement pour les raisons d'économie qui dictèrent sa reconstruction.

L'autel sur lequel étaient pratiqués les sacrifices, situé devant le temple, a fait l'objet d'une restauration au début du XXe siècle, offerte par la municipalité de Chios parce que l'autel antique était un don de la cité de Chios, probablement lors de la construction du sixième temple, après que le cinquième eut été détruit par un tremblement de terre en 373 av. J.-C.

[modifier] Autres monuments

Le Tholos (ou temple d'Athéna Pronoia) à Delphes
Le Tholos (ou temple d'Athéna Pronoia) à Delphes
Le Tholos (ou temple d'Athéna Pronoia) à Delphes
Le Tholos (ou temple d'Athéna Pronoia) à Delphes

Le site du sanctuaire de Delphes comprend nombre d'autres monuments, certains étant plus imposants que le temple d'Apollon : la plupart d'entre eux avaient un caractère votif ou commémoratif. L’occupation du site fut extrêmement longue et il faut noter que ces nombreux monuments ne furent pas présents en même temps (sur la plupart des représentations modernes, l'ensemble des bâtiments est généralement figurée).

Aussi, pour expliquer l'évolution de l'occupation du site, il faut prendre en compte la topographie qui dicta l'aménagement du sanctuaire en trois étages (théâtre, temple, autres monuments), mais aussi les cataclysmes (incendies, tremblement de terre, etc.) et les événements politiques qui modelèrent l'espace delphique au gré des offrandes et des (re)constructions.

La répartition des édifices sur le site est hétérogène : certaines zones sont densément construites, d'autres laissées presque vides ; et encore, la taille même de ces édifices varie considérablement avec une prédominance des monuments de taille modeste, en raison de leur coût moins élevé et de problèmes d'espace.

Enfin, il faut avoir à l'esprit qu'un calendrier quasi-liturgique déterminait, à travers un certain nombre de célébrations communes (les « Panégyries »), l'occupation de l'espace : rites, concours musicaux et théâtraux peuvent expliquer, aussi, dans une certaine mesure l'implantation des monuments.

[modifier] Dépôt votif de l'« Aire »

Dans l'« Aire » du temple d'Apollon, deux fosses ont été creusées à même le sol de l'esplanade au Ve siècle av. J.-C., soit parce que les Grecs ne savaient plus où placer les offrandes personnelles, soit parce qu'un bâtiment occupant cet espace fut incendié : un grand nombre d'ex-voto qui y étaient entreposés ont été mis-au-jour au


Ceux-ci sont des offrandes datant de la période faste du sanctuaire, aux IXe-Ve siècle av. J.-C., parmi lesquelles il faut noter la présence de nombreux bronzes : cet alliage était rare au VIIIe siècle av. J.-C. ; aussi constituait-il une matière prestigieuse, offerte en grandes quantités à Delphes, notamment sous la forme de statuettes et de trépieds.

  • Les statuettes en bronze du IXe et VIIIe siècles av. J.-C. ont été réalisées à la cire perdue  : cette technique encore utilisée en bijouterie notamment consiste a fabriquer un modèle en cire sur lequel le moule en argile était enduit ; le moule était vidé de sa cire par chauffage ; le bronze en fusion y était coulé et le moule était cassé pour extraire la statuette ; ce dernier n’était donc utilisable qu’une seule fois, faisant de chaque œuvre un produit unique. Ces statuettes révêlent qu'il n’y a pas, à cette époque, de représentations des divinités, mais seulement d’hommes, de femmes et de guerriers : c'est ainsi qu'on interprète la présence de statuettes d'hommes sur des chars et de chevaux ; leurs formes sont parfois très proches des représentations picturales.
  • On retrouve aussi de nombreuses offrandes de trépieds en bronze (la Pythie était assise sur un trépied). À l’origine, le trépied portait un chaudron utilisé pour faire de la cuisine de prestige : il a une image très symbolique. Parfois le trépied et le chaudron sont offerts ensemble, parfois séparément. Les chaudrons peuvent être munis d'anses appelées « protomes » : en forme de parties avant d’animaux fantastiques, comme, par exemple, des griffons. Ces éléments fantastiques sont des images orientales (venant de Babylone) ; elles sont reproduite par les artisans grecs, dans un « phénomène orientalisant ».

D'autres offrandes notables ont été extraites du dépôt :

  • une statuette en ivoire d’une divinité masculine (Apollon ?) de stature droite, tenant une lance, et l’autre main posée sur la tête d’une fauve qu’il domine. Ceci est emprunté à l’iconographie orientale. Le dieu est d’une taille très importante. En partie basse, une petite ceinture où l’on retrouve un décor typiquement grec : le « méandre » (VIIe siècle av. J.-C.) ;
  • une représentation d’Ulysse d'Ithaque aveuglant le cyclope Polyphème ;
  • une représentation de « kouros » (pluriel kouroi : garçon) : jeune homme représentés dans une nudité absolue, debout avec le pied gauche légèrement avancé (en mouvement) ;
  • des statues chryséléphantines (noyau en bois ; recouvertes de plaques d‘or et d‘ivoire), parmi lesquelles se trouvent :
    • des griffons (tête et ailes de rapace, corps de félin) ;
    • une sphinge (le Sphinx existe dans la tradition orientale. La figure est adoptée sous sa forme féminine par les Grecs. Elle comporte une tête de femme, des ailes et un corps de félin. On lui prête généralement des vertus divinatoires).
  • les restes d'un taureau en argent de taille réelle.

Les offrandes les plus récentes (à partir du Ve siècle av. J.-C.) offrent un rendu des traits physiques et des vêtements plus réaliste.

[modifier] Monuments commémoratifs et votifs

Dans la partie basse du sanctuaire, un chemin permet d'accéder à la terrasse du temple : de part et d'autre de ce chemin étroit (la « Voie sacrée ») se trouvent plusieurs monuments hétéroclites conçus pour abriter des offrandes au dieu, pour lui exprimer des remerciements ou pour commémorer un événement heureux.

À partir du VIe siècle av. J.-C. et jusqu'au IVe siècle av. J.-C., trois types d'édifices de taille modeste peuvent être évoqués :

  • les trésors ;
  • les colonnes et piliers votifs ;
  • les bases de statuaire.

[modifier] Les trésors

Trésor des Athéniens
Trésor des Athéniens

Les trésors sont des édifices de taille généralement modeste, implantés sur le site sans réel schéma directeur. Érigés par les cités à l'occasion d'un événement heureux, ils servaient de « chapelles votives » en présentant des offrandes ou en glorifiant un exploit. Particulièrement nombreux à Delphes qui en comptait une vingtaine, des trésors existaient dans tous les grands sanctuaires grecs. Si les offrandes qu'ils contenaient ont généralement été perdues, ils valent surtout aujourd'hui par leur architecture.

Les plus anciens, tel le trésor des Corinthiens, érigé à l'initiative du tyran Cypsélos vers 600 av. J.-C., sont de simples chambres. Mais, à partir de 530 av. J.-C., le porche à deux colonnes – ioniques ou doriques – prédomine.

Les trésors les mieux connus sont :

  • Le trésor de l'île de Siphnos (vers 525 av. J.-C.) élevé par les habitants de l'île, véritable écrin architectural où le goût de l'ordre ionique pour le décor ornemental et sculpté est porté à son comble : la frise est continue, chaque coté de l'édifice étant consacré à un épisode : l'un des plus vivants montre les Olympiens décidant du sort de Troie, assis, bavardant, gesticulant, tandis que, devant eux, les Grecs et leurs ennemis se battent furieusement. Mentionné par Hérodote puis par Pausanias dans sa Périégèse, il fut redécouvert par l'École française d'Athènes au XIXe siècle.
  • Le trésor des Athéniens à Delphes (érigé vers 485 av. J.-C.) a fait l'objet d'une recherche du meilleur emplacement : il se trouve dans un virage de la montée vers le temple d'Apollon. On le voit donc de l’entrée du sanctuaire mais aussi du temple. Il mesure 6,5 m × 9,5 m et commémore la victoire de Marathon. Le décor est composé de métopes d’ordre dorique représentant, entre autres, le demi-dieu Héraclès. Sur l'avant, il présente une « amazonomachie » (combat de Grecs contre le peuple des Amazones). Sur la gauche, une « théséide » (scène renvoyant au mythe de Thésée : héros spécifiquement athénien, puisqu’il est considéré comme le fondateur de cette cité). Sur la droite, une « héracléide » (scène renvoyant au mythe d'Héraclès et aux combats de ce dernier contre la sauvagerie : héros péloponnésien); à l'arrière, enfin, se trouve la « géryonide » (épisode du mythe d'Héraclès dans lequel le héros rammène les bœufs de Géryon à leur propriétaire). Ainsi, le monument proclame que les Athéniens ont sauvé la Grèce de la sauvagerie : c’est une motivation politique placée sous l’égide d’Apollon. La démesure du propos est à la limite de l’« hybris » (fait de dépasser son statut d’homme et de se substituer aux dieux).

Les trésors les plus récents étant le trésor de Thèbes (vers 370 av. J.-C.) et le trésor de Cyrène (350-325 av. J.-C.), il faut en déduire que la mode de ce type de bâtiment dura un peu moins de deux siècles à Delphes.

[modifier] Colonnes et piliers votifs

À partir du IVe siècle av. J.-C., une autre forme d’offrandes devient populaire, sans doute pour des raisons d'économie d'espace : il s'agit des nombreux piliers et colonnes votives.

Des colonnes (simples ou doubles) et des piliers étaient dressées pour mettre en valeur une offrande qui les surmontait : souvent des statues en bronze représentant des souverains.

  • La colonne offerte par les habitants de Naxos vers 575 av. J.-C. est le plus ancien de ces monuments : très élevé, son sommet atteint le niveau de la terrasse du temple d'Apollon, alors qu'elle est située au pied de cette dernière dans la zone des cultes chthoniens primitifs. Pour être visible de tous côtés, elle est constituée d’un fût et d’un imposant chapiteau d’ordre ionique, lui-même surmonté par une sphinge de deux mètres de haut (le « Sphinx des Naxiens »). Il est possible que ce monstre gardait la tombe de Dionysos, patron des Naxiens. Une inscription secondaire témoigne du fait que les Naxiens ont reçu, sans doute en remerciement de cette offrande, le privilège de promantie, c’est-à-dire le droit de consulter en priorité l'oracle.
  • Semblable à celui qui fut érigé à Olympie, le pilier triangulaire en marbre blanc des Messéniens était surmonté d'une statue de victoire. Son pendant en calcaire sombre est peut-être également une offrande des Messéniens alors réfugiés à Naupacte.
  • La colonne des danseuses est datée d'environ 330 av. J.-C. Elle est ornée de feuilles d'acanthe et offre un couronnement original : trois jeunes filles suportaient la cuve d'un trépied dans laquelle était posé l'omphalos, « nombril du monde » et symbole de Delphes.
  • Le pilier des Rhodiens ou « char du Soleil de Lysippe» est un monument offert par Rhodes entre 325 et 300 av. J.-C. Ce pilier supporte une statue très importante en métal doré et brillant : un quadrige, c'est-à-dire quatre chevaux tirant un char qui supporte le soleil Hélios, au milieu d'un décor marin. La composition fait face au temple d'Apollon.
  • A partir de l'époque hellénistique, les piliers quadrangulaires se multiplient, en général pour honorer des princes. Les rois de Pergame Attale 1er et Eumène II ont leur effigie dressée sur des piliers marquant l'angle de la terrasse attalide. Le roi Persée, dont la défaite marque le début de l'hégémonie romaine en Grèce, avait érigé un pilier, ainsi que son vainqueur le général Paul-Emile. La frise qui décorait ce pilier figurait des épisodes de la bataille de Pydna. Un seul de ces piliers est visible sur le site : celui qui portait la statue équestre de Prusias II, roi de Bythinie. Plutarque, prêtre à Delphes au second siècle de notre ère, déplore cette surenchère de monuments militaires à la gloire de princes.

[modifier] Groupes de statues

Dans la partie basse du sanctuaire de Delphes, à gauche de l’entrée, était présente une imposante statuaire commémorative aujourd’hui disparue : celle-ci était répartie en plusieurs ensembles, dressés par les cités rivales au gré des événements. Deux monuments symboliques débutaient cette série : le monument de Miltiade et le monument de Lysandre (ou monument des Navarques).

  • Le monument de Miltiade, offert par Athènes, commémorait la bataille de Marathon, célèbre victoire des Grecs sur les Perses : il était composé de seize statues réalisées par Phidias (architecte et sculpteur rendu célèbre par l'attribution du Parthénon) qui représentaient Athéna, Apollon et Miltiade sur le même plan, ainsi que dix héros victorieux et trois magistrats d’Athènes ajoutés ultérieurement.

Lysandre était quant à lui un Spartiate qui se distingua en 405 av. J.-C. lors de la bataille navale d’Aigos Potamos, menée près du détroit du Bosphore ; il était l'un des dirigeants de la flotte spartiate et fit ériger à l'occasion de cette victoire un monument à sa gloire personnelle à l’entrée du sanctuaire, à côté du groupe de Miltiade.

  • Le monument de Lysandre était constitué d’un socle sur lequel reposait un ensemble de statues en bronze : vingt-huit statues à l’arrière représentaient l’ensemble des hommes qui avaient contribué à la bataille et dix statues à l’avant représentaient les Dioscures : ensemble mythologique réunissant Castor et Pollux, Zeus, Apollon, Artémis, et Poséidon, représenté couronnant Lysandre, un héraut et le pilote du vaisseau amiral.

La répartition des statues est éminemment politique et se veut supérieure à celle du monument de Miltiade, dont le propos est pourtant similaire : Lysandre ne veut pas être accusé d’hybris, c’est pourquoi il met les dieux en avant, alors que le monument de Miltiade les place sur le même plan que les mortels.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • F. Lefèvre, L'amphictionie pyléodelphique : histoire et institutions, Paris, 1998.
  • (en) H. Parke et D. E. W. Wormell, The Delphic Oracle, Oxford, 1956, 2 vol.
  • G. Roux, Delphes, son oracle et ses dieux, Belles Lettres, Paris, 1976.
  • École française d'Athènes, Guide de Delphes, De Boccard, Paris, 1991, 2 vol. (I. « Le Site », II. « Le Musée »).

[modifier] Liens externes

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