Eschyle

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Buste d'Eschyle, musées du Capitole
Buste d'Eschyle, musées du Capitole

Eschyle (en grec ancien Αἰσχύλος / Aiskhúlos), né à Éleusis en 526 av. J.-C., mort à Géla (Sicile) en 456 av. J.-C., est le plus ancien tragique grec dont l'œuvre ait survécu.

Sommaire

[modifier] Biographie

Eschyle, fils d'Euphorion, dème des mystères d'Eleusis, naît à Éleusis en Attique dans une famille aristocratique. Dans sa jeunesse, il est témoin de la fin de la tyrannie des Pisistratides à Athènes.

Il est l'un des « Marathonomaques » : il prend part, dans le cadre des guerres menées contre les Perses, à la bataille de Marathon (490) ainsi qu'à celle de Salamine en 480. Certaines de ses œuvres, comme Les Perses ou Les Sept contre Thèbes, doivent beaucoup à cette expérience de la guerre[réf. nécessaire].

Il est le seul des grands poètes grecs de l'âge classique à être témoin du développement de la démocratie athénienne. Les Suppliantes contiennent ainsi la première référence qui nous soit parvenue à un « pouvoir du peuple ». De même, la représentation de la création de l'Aréopage, tribunal chargé de juger des homicides, dans les Euménides, paraît un soutien à la réforme d'Éphialtès (462) : transfert des pouvoirs politiques de l'Aréopage au conseil des Cinq-Cents.

À une certaine époque, dit-on, il est poursuivi pour avoir divulgué les mystères d'Éleusis, mais il réussit à se disculper parce qu'il n'était pas initié.

Après la représentation de l'Orestie, il se rend à Syracuse, sur l'invitation du tyran Hiéron, il y fait jouer ses Perses, et il écrit Les Etnées en l'honneur de la nouvelle cité.

Il est à l'origine des bouleversements de la tragédie qui était une sorte de mélopée, où un seul personnage narrait ou mimait quelque exploit héroïque. Eschyle innove en mettant en scène deux acteurs et rend possible le drame proprement dit. Par la suite, il suit Sophocle en mettant en scène trois acteurs.

Selon la légende, il meurt à Géla en Sicile en recevant une tortue sur la tête, lancée par un gypaète barbu qui aurait confondu son crâne chauve avec une pierre[réf. souhaitée].

Les magistrats accordèrent de jouer ses pièces après sa mort, honneur exceptionnel.

[modifier] Son génie

La prédominance de la forme trilogique chez Eschyle, qui apparaît seulement dans la dernière partie de sa vie et de son oeuvre, n'est sans doute pas un hasard. On s'est demandé si cette structure, loin d'être une obligation traditionnelle imposée aux poètes et dont ils auraient progressivement cherché à se dégager, ne fut pas au contraire une invention d'Eschyle, créée par lui et disparue avec lui. En tout cas elle convient parfaitement à son génie : elle fournit un cadre privilégié à l'expression de sa conception dialectique, où deux tragédies opposent les aspects d'un problème, la troisième résolvant et "dépassant" l'antinomie, conciliant les contraires. Le seul exemple clair pour nous en est l'Orestie, puisque c'est la seule trilogie complète que nous possèdons.

La dialectique

Cette dialectique s'exerce sur deux plans : le plan divin et le plan humain. D'une part en la réconciliation des vieilles divinités et des dieux nouveaux, et l'intégration des cultes archaïques dans les cérémonies de la cité démocratique ; d'autre part en la recherche d'un idéal politique et social qui assure une justice capable de dépasser et de rendre inutile les anciennes justice de sang fondées sur la vengeance, sans en abolir toutefois les rites. L'organisation humaine est le reflet d'un ordre cosmique ; la liberté des hommes est d'accomplir la volonté des dieux ; et cette volonté n'est pas un pouvoir arbitraire mais l'incarnation de cet équilibre du monde qui exclut et réprime tout dépassement (l'hybris) susceptible de la compromettre. L'erreur humaine (atè), génératrice de déséquilibre, comporte son propre châtiment. Tout excès entraîne un excès contraire, et la juste répression des crimes elle-même, si elle dépasse la mesure, entraîne un renversement du droit, jusqu'à ce que des institutions mieux pondérées assure le règne de l'équité (l'Orestie). Les empires sont soumis aux mêmes lois (Les Perses). Certes, il est difficile, pour notre logique moderne, de concilier cette conception grandiose, où l'ordre religieux et cosmique sublime l'organisation politique et sociale, avec l'image traditionnelle des dieux de la mythologie que l'on voit reparaître dans certaines oeuvres ; mais la religion antique est coutumière de ces "amalgames", les mêmes dieux prennent des figures différentes selon les cités, les esprits ou les circonstances et ces images diverses peuvent se superposer sans que la contradiction paraisse aussi choquante qu'elle le serait pour nous.

Les impressions

Les impressions crées par les oeuvres d'Eschyle ne répondent pas exactement aux conception de la dramaturgie classique. La psychologie individuelle n'en est pas le ressort, non qu'elle soit absente du théâtre d'Eschyle : des caractères comme celui d'Etéocle ou de Clytemnestre ont une grandeur et une vérité étonnantes ; mais ce ne sont pas eux qui déterminent l'action. Les personnages incarnent de grandes forces plus qu'ils n'obéissent à des réactions personnelles. Même quand les mobiles humains, comme la jalousie ou l'orgueil, les poussent, ce n'est que comme agents de ces puissances supérieures. Cela ne veut pas dire qu'ils soient des "marionnettes" dans la main des dieux ; mais, comme nous l'avons dit, l'action humaine et la volonté divine se doublent ou se confondent.

Un tel théâtre n'a que faire des péripéties et des revirements. Cette simplicité de composition avait été aussi reconnue dans l'antiquité. L'émotion est créée par l'atmosphère plus que par les événements. Lorsque ceux-ci éclatent, si imprévus soient-ils, ils ont été préparés moins par le rappel d'autres faits ou d'allusions que par des pressentiments et des attentes. Le rôle du choeur(notamment dans les Perses et Agamemnon) est capital à cet égard. La montée continue de l'angoisse contribue à la progression dramatique plus que la succession des faits. Ceux-ci ne viennent qu'en confirmation de celle-là. C'est un grand crescendo aboutissant à une chute, plus qu'un enchaînement d'actions qui se combinent ou se croisent.

[modifier] Œuvre

Eschyle a écrit 73 pièces (ou 90, suivant les sources) et gagné sa première victoire en composition dramatique en 484. Il remporte 13 victoires au cours de sa vie. À ses débuts, il est le rival de Pratinas, Phrynichos et Choerilos d'Athènes, et à un âge plus avancé de Sophocle qui le bat en 468.

Sept pièces seulement nous sont parvenues ; nous savons que six d'entre elles proviennent de tétralogies qui ont gagné des prix :

D'autres pièces ne nous sont malheureusement pas parvenues mais nous savons qu'elles ont existé :

  • trilogie de 467 : Phinée, GlaucosSphinx (drame satyrique) ;
  • trilogie de 463 : Les Danaïdes, Les Égyptiens ;
  • trilogie de 458 : Protée (drame satyrique) ;
  • trilogie de Prométhée : Prométhée délivré, Prométhée porte-feu.
  • Niobé
  • Les Pélerins
  • Les Pécheurs
  • Les Édoniens
  • Les Cariens ou Europe
  • L'Achilléide : Les Myrmidons et Les Phrygiens

De nombreux fragments ont également été conservés. Ils ont été rassemblés par Stefan Radt dans le troisième volume des Tragicorum Græcorum Fragmenta (Göttingen, 1984).

[modifier] Le fondateur de la tragédie

On considère généralement Eschyle comme le « créateur de la tragédie », suivant l'expression de G. Murray. Il a rendu possible un véritable dialogue et une action dramatique en :

  • donnant à la tragédie des lois rigoureuses ;
  • dégageant le théâtre du lyrisme choral ;
  • introduisant le dialogue et l'action ;
  • introduisant un 2e personnage ;
  • innovant sur le plan du masque, du costume et de la mise en scène en les simplifiant ce qui leur donne plus de puissance expressive.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

Éditions
Études
  • Paul Demont et Anne Lebeau, Introduction au théâtre grec antique, Livre de Poche, coll. « Références », Paris, 1996.
  • Alain Moreau, Eschyle. La Violence et le Chaos, Les Belles Lettres, Paris, 1985.
  • (en) Gilbert Murray, Æschylus, The Creator of Tragedy, Clarendon Press, Oxford, 1940.
  • Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige », Paris, 1997 (ISBN 2-13-053916-5).
  • Jacqueline de Romilly, La Crainte et l'Angoisse dans le théâtre d'Eschyle, Les Belles Lettres, Paris, 1971.
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