Roman Polanski

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Roman Polanski
Roman Polanski en 2004, prenant le globe de Cristal du Festival international du film de Karlovy Vary pour l'ensemble de sa carrière
Roman Polanski en 2004, prenant le globe de Cristal du Festival international du film de Karlovy Vary pour l'ensemble de sa carrière

Nom Raymond Roman Liebling
Naissance 18 août 1933 (1933-08-18) (74 ans)
France Paris (France)
Nationalité France française Pologne polonaise
Profession(s) Réalisateur
Scénariste
Producteur
Metteur en scène
Comédien
Films notables Répulsion
Cul-de-sac
Rosemary's Baby
Chinatown
Le Pianiste
Conjoint(e) Barbara Lass (1959-1962)
Sharon Tate (1968-1969)
Emmanuelle Seigner (1989-present)
Enfant(s) Morgane Polanski, Elvis Polanski
Site internet http://www.rp-productions.com/roman.html
Récompense(s) Ours d'Or de la Berlinale
1966 Répulsion
Palme d'Or du Festival de Cannes
2002 Le Pianiste
Oscar du meilleur réalisateur
2003 Le Pianiste
César du meilleur film et du meilleur réalisateur
1980 Tess
2003 Le Pianiste
Fiche IMDb

Roman Polanski (né Raymond Roman Liebling le 18 août 1933 à Paris) est un comédien, metteur en scène de théâtre et d'opéra, producteur, scénariste, réalisateur de cinéma puis un auteur français d'origine polonaise[1]. Il a notamment réalisé Répulsion, Cul de sac, Le Bal des vampires, Rosemary's Baby, Chinatown, Le Locataire et Le Pianiste. Parlant couramment le polonais, l'anglais, le français, l'espagnol, l'italien et le russe, il s'est forgé une carrière cosmopolite et prestigieuse, balancée entre Europe et États-Unis, régulièrement ébranlée par des drames de vie privée, des démêlés avec la justice (alimentant les gros titres de la presse à scandale) et un parcours professionnel chaotique, oscillant entre échecs cuisants et succès retentissants.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Enfance : de Paris au ghetto de Cracovie

Roman Polanski est né Raymond Roman Liebling le 18 août 1933 à Paris. Son père, Ryszard Liebling, était un juif polonais peintre et fabricant en matières plastiques. Sa mère, Bula Liebling (née Katz-Przedborska), était une judéo-catholique d'origine russe. Raymond Roman Liebling, futur Roman Polanski, vit à Paris jusqu'à l'age de quatre ans. Il passe son enfance et son adolescence en Pologne avec sa sœur Anette (issue d'un premier mariage de sa mère). Il garde la nationalité française, acquise par le droit du sol, ses parents n'ayant jamais suivi les démarches administratives pour qu'il devienne officiellement polonais. Ses parents, tous deux agnostiques, ne l'élèvent dans quelque culte que ce soit. Après l'invasion du territoire ouest-polonais par les troupes allemandes en septembre 1939, il est contraint de vivre dans le ghetto de Cracovie mais évite la déportation qui emmène ses parents. Sa mère mourra à Auschwitz. Échappé du ghetto, il se réfugie à la campagne chez des fermiers avant de revenir sur Cracovie où, devenu vagabond, il détourne la vigilance allemande et arrive à survivre grâce à l'entraide souterraine avec des habitants et d'autres enfants et grâce au marché noir. Il ne reverra son père qu'après la guerre mais la relation sera conflictuelle après que celui-ci eut ramené du camp de Mauthausen une belle-mère avec laquelle le jeune garçon ne s'entend pas, d'autant qu'il se retrouve seul face au couple, sa sœur étant repartie vivre à Paris.

[modifier] Débuts artistiques

C'est après la guerre dans les camps de scouts puis avec son ami d’enfance Piotr Winowski avec lequel il fréquente plus assidûment les salles de cinéma que les cours d'école, échafaude quelques farces et invente plusieurs histoires, que l'adolescent découvre sa vocation d'artiste et de comédien, prise peu au sérieux par son père. En 1945, il rate sa matura (bac polonais) mais grâce à ses talents de dessinateur entre à l’École des Beaux-Arts dont il est renvoyé en 1950. En 1946, il intègre la troupe de la Joyeuse Bande, destinée à enregistrer des spectacles radiophoniques à coloration communiste pour les enfants. Deux ans plus tard, après une audition, il est choisi pour le rôle principal du Fils du régiment, mis en scène par Josef Karbowski. Il s'agissait d'un personnage de jeune paysan, coqueluche de l'Armée rouge, fait prisonnier par les Allemands durant la guerre. La pièce devient, au fil des représentations, un véritable triomphe national. Ce succès lui ouvre les portes d'une carrière de comédien qu'il débute en jouant dans les films de jeunes auteurs encore peu connus (futurs pierres angulaires du cinéma polonais) comme Andrzej Wajda, son ami, qui le dirige notamment en 1955 dans Génération, œuvre rompant avec l'académisme et le ton exalté, lié à l'exercice de propagande, des productions de l'époque. En 1953, Polanski entre à l'école de cinéma de Łódź où il réalise huit courts-métrages remarqués à l'international pour leur inventivité, leur anticonformisme et leur causticité étonnante. En 1958, il gagne plusieurs récompenses pour Deux hommes et une armoire et épouse en parallèle l'actrice principale de la majorité de ses films courts : Barbara Kwiatkowska (divorcée quatre ans plus tard).

[modifier] Le Couteau dans l'eau : naissance, découverte et succès d’un jeune réalisateur venu de Pologne

En 1962, il réalise son premier long-métrage, Le Couteau dans l'eau, co-écrit avec Jerzy Skolimowski et dont la musique est composée par son ami Krzysztof Komeda (mort en 1969). Il y met en scène les rapports de forces entre un journaliste sportif brutal et un étudiant arrogant sur un voilier. Le film est mal accueilli en Pologne bien qu'il ne soit pas un réquisitoire explicite du mode de vie socialiste. Mais il laisse en suspens l'idée d'un climat d'insécurité permanent où les antagonismes sociologiques mêlés à des enjeux plus personnels et à la lutte de classes semblent encore bien palpables dans un système politique porté par une idéologie d'« unification » sociale et collectiviste qui prétend avoir complètement aboli ces oppositions. Après un succès international et un prix obtenu à la Mostra de Venise, Le Couteau dans l'eau est projeté officiellement au Festival de New York et se voit choisi pour faire la couverture du Time Magazine et est nominée pour l'Oscar du meilleur film étranger. Polanski de fait, qui croule sous les propositions, part s'installer à Londres où il réalise le thriller schizophrénique Répulsion avec Catherine Deneuve. Un an après, il se rend en Irlande afin d'y tourner une comédie loufoque à l'humour absurde et décalé mais au ton grinçant : Cul-de-sac, interprétée notamment par Donald Pleasance et Françoise Dorléac. Ces deux œuvres lui permettent de remporter respectivement un Ours d’Argent et un Ours d’Or au festival de Berlin en 1964 et 1965. Produites toutes deux par Gene Gutowski, elles marquent par ailleurs le début de la longue collaboration du cinéaste avec le scénariste Gérard Brach. En 1966, il retrouve ses deux collaborateurs et son compositeur fétiche pour écrire, produire et mettre en scène la comédie horrifique Le Bal des vampires qui dynamite les codes et ridiculise la mythologie du genre. Il y tient le haut de l'affiche avec celle qui sera bientôt sa nouvelle femme, la comédienne américaine Sharon Tate (épousée le 25 janvier 1968).

[modifier] Rosemary's Baby, le triomphe d’un jeune cinéaste européen à Hollywood

Après ces succès critiques et commerciaux, Roman Polanski réalise son premier film hollywoodien en 1968, le thriller fantastique Rosemary's Baby adapté du best-seller éponyme d'Ira Levin, chef-d’œuvre cauchemardesque où Mia Farrow interprète, au côté de John Cassavetes, une jeune femme victime d'une conjuration menée à son endroit par une société secrète de sorciers octogénaires adorateurs de Satan qui fera d'elle la mère de l’Antechrist en personne. Évitant les effets grand-guignolesques, mais happé par le souci de cerner la peur, de la suggérer dans son aspect le plus matériel, le plus commun (donc le plus significatif), Polanski soigne chaque détail (un secrétaire déplacé devant un placard à balais, un gant perdu, une cravate échangée…) qui, exposé de manière anodine dans une séquence, fera mouche plus tard dans la gradation dramatique du récit, mettant le spectateur, qui oscille sans cesse entre doute sur la santé mentale de l'héroïne et conviction quant à ses soupçons de complot diabolique, dans une permanente situation d'inconfort. Alors que l'industrie hollywoodienne, depuis la fin des années 1950 semble se scléroser par manque d'innovation, Polanski s'impose vite comme un sang neuf et comme la tête de proue à la sensibilité toute « européenne » d'un modèle en panne de renouvèlement. Produit avec deux millions de dollars, ce film d'épouvante, également lisible comme une cruelle allégorie sur le conflit entre générations, en rapporte plus de seize et se hisse au sommet du box-office de 1968. Ce beau succès est en large partie dû à la rencontre du cinéaste avec le producteur Robert Evans. Ce dernier marque les années triomphales de la Paramount dans les années 1970 grâce notamment au premier opus de la saga des Parrain réalisée par Francis Ford Coppola ou à Love Story d'Arthur Hiller, qu'il a tous deux financés[2]. Le travail d'Evans consiste à laisser une très grande liberté au metteur en scène, contrairement à l'ensemble des majors américaines[3]. Il a d'ailleurs supporté les colères du réalisateur sur le plateau, l'a soutenu dans ses altercations avec Cassavetes et accepté des prolongations de tournage jusqu'à se brouiller personnellement avec Mia Farrow, engagée sur un autre projet avec son mari de l'époque Franck Sinatra, projet qu'elle abandonne finalement pour finir le film. Ce sera l'une des nombreuses causes de leur divorce[4]. Reconnu comme l'un des meilleurs (si ce n'est le meilleur) films fantastiques de tous les temps, Rosemary's Baby glane au passage deux nominations aux Oscars puis vaut à Ruth Gordon qui joue le rôle de Minnie Castevet, figure tutélaire du film (vieillarde mi-intrusive mi-luciférienne, à la sollicitude exagérée et douteuse), la statuette du meilleur second rôle féminin. Polanski semble être devenu le nouveau jeune roi d'Hollywood. Mais cette immense réussite est contrecarrée par un nouveau drame surgi dans sa vie : l'année suivante, le 9 août exactement, alors qu'il s'était absenté au Royaume-Uni, sa femme, Sharon Tate, enceinte de huit mois, est sauvagement assassinée ainsi que quatre de leurs amis proches dans leur demeure californienne à la demande du criminel Charles Manson, gourou de « la Famille ».

[modifier] Les années noires puis l’embellie grâce à Chinatown

Anéanti par ce malheur, il s'enfonce dans la dépression mais revient tout de même en Grande-Bretagne pour tourner le très violent et désespéré Macbeth, d’après Shakespeare, produit en partie par Hugh Hefner et la filiale de production du groupe Playboy. La crudité des images, la rudesse, le grotesque et la noirceur affichés de la réalisation déroutent la critique et les spectateurs. En 1972, le réalisateur, qui décide de tenir bon, s'en retourne vers ses premières amours burlesques. Il part un temps pour l'Italie afin d'y tourner une comédie grinçante à l'humour absurde avec Marcello Mastroianni : Quoi?. Malgré le plébiscite de la presse, le film peine à remplir les salles. En 1974, Polanski, très éclectique, s'attèle à la mise en scène du plus célèbre opéra d'Alban Berg : Lulu pour le Festival de Spolète en Italie. La même année, revenu à Hollywood, il goûte, malgré les deux échecs précédents, à la plus belle réussite critique et publique de sa carrière grâce à Chinatown, hommage teinté d'ironie et de pessimisme à l'âge d'or du film noir américain dont il reprend les codes narratifs et esthétiques qu'il malmène de bout en bout jusqu'à la vertigineuse apothéose finale qui scelle la victoire de l'immoralité, de la violence et du mal. Le film marque ses retrouvailles avec son ami producteur Bob Evans qui réalise lui aussi l'un de ses plus beaux succès professionnels, tant sur le plan artistique que financier : triomphe international, Chinatown qui a couté six millions de dollars en rapporte trente rien qu'aux États-Unis. Dans ce qui semble être une modernisation des recettes de la tragédie antique et même classique, s'esquisse le visage au nez pansé de Jack Nicholson, interprétant un détective privé fanfaron : J.J Gittes, intrigué par le secret dissimulé par Evelyn Mulwray. Celle-ci est campée par Faye Dunaway dont les relations avec le metteur en scène ont été plus que désastreuses durant le tournage[5]. Les deux stars principales se font cependant voler la vedette par le rôle secondaire de Noah Cross offert au cinéaste John Huston (beau-père de Nicholson à ce moment-là) qui prend un malin plaisir à jouer un grand manitou capitaliste sans scrupule : ogre vieillissant, cupide, répugnant, brutal, cynique et incestueux (figure qui engloutira d'ailleurs toutes les autres). Grand vainqueur des Golden Globes en 1975, le film reçoit également onze nominations aux Oscars, devenant ainsi le grand favori dans la course aux statuettes. Mais seul le trophée du meilleur scénario original (signé Robert Towne) lui échoit, les votants ayant préféré cette année-là se tourner vers le deuxième opus de la série des Parrain réalisée par Francis Ford Coppola. Polanski revient ensuite un temps en France, à Paris pour concrétiser un vieux projet d'adaptation pour le grand écran du roman de Roland Topor: Le Locataire chimérique, dont le script a été co-écrit par son vieux compère Gérard Brach (coscénariste entre autres de Répulsion, Cul de sac, Le Bal des vampires et Quoi? et qui le sera désormais, de manière attitrée, jusqu'à Lunes de fiel). Le Locataire, qu'il fait éclairer par Sven Nykvist (le chef-opérateur fétiche d'Ingmar Bergman) puis qu'il joue et réalise aux côtés notamment d'Isabelle Adjani et de Shelley Winters, voit le jour en 1976. Mais même si l'étrangeté paranoïaque et cauchemardesque du récit séduit encore une fois les critiques (qui considèrent encore aujourd'hui cette œuvre comme l'une de ses plus abouties) et malgré une sélection au Festival de Cannes, cette fable sur l'aliénation urbaine et l'anomie sociale, d'un réalisme sec et froid mêlé à une fantaisie noire proche du délire hallucinatoire, effraie de nouveau les spectateurs. Polanski toutefois, encore auréolé du succès de Chinatown reste l'un des cinéastes les plus en vogue du moment ce qui ne l'empêche pas de s'en retourner à des activités extra-cinématographiques puisqu'il assure la même année la direction scénique du Rigoletto de Giuseppe Verdi pour l'Opéra de Munich.

[modifier] Accusation de viol et fuite vers la France

En 1977, Polanski est accusé de viol sur une jeune fille de treize ans : Samantha Geimer[6]. Cette dernière avait été choisie par le cinéaste pour une campagne de photos sur les adolescentes commandée par l'édition française du magazine Vogue[7]. Pendant la séance, sur les hauteurs de Los Angeles, aux abords de la propriété de Jack Nicholson, le 10 mars, il l'aurait saoulée avec de l'alcool (et peut-être droguée avec d'autres substances, mais les résultats de l'enquête n'ont pas été rendus publics) puis l'aurait prise de force. À la suite d'un procès extrêmement médiatique et rocambolesque (auquel le réalisateur n'a pas toujours assisté pour raison, officielle, de projets professionnels en Europe avec le producteur Dino de Laurentiis), il plaide coupable aux principaux chefs d'accusation retenus contre lui par le tribunal californien où il était assigné à comparaître. Parmi eux, on comptait entre autres : « viol par pénétration avec utilisation de drogues et de substances illicites », « perversion », « sodomie », « actes lubriques, lascifs et dégradants sur mineure de moins de quatorze ans » et « approvisionnement avec injection préméditée de substances médicamenteuses à risque »[8]. L'accusé passe finalement, avec consentement, plusieurs mois en prison. Mais il s'enfuit des États-Unis le 1er avril 1978 après libération conditionnelle et s'installe définitivement en France. Il risquait cinquante ans de prison dans la mesure où le juge chargé de l'affaire avait voulu revenir sur les termes du plaidoyer de marchandage. Étant de nationalité française (car né à Paris), les autorités du pays ne peuvent l'extrader par protection de ses ressortissants[9]. La famille de la victime ne demandera pas l'ouverture d'un nouveau procès Outre-Atlantique et décide même de régler l'affaire à l'amiable, et à distance, avec le cinéaste en exil représenté auprès d'elle par ses avocats. Mais l'avis d'incarcération prononcé en Californie reste toujours en vigueur sur le sol américain où Polanski n'a jamais pu remettre les pieds, au risque d'être arrêté et de devoir attendre la promulgation d'une nouvelle sentence. Aussi doit-il faire preuve de prudence dans ses voyages à l'étranger car dans un autre pays, une extradition peut être exécutée, notamment dans les États proches diplomatiquement des États-Unis tels que le Royaume-Uni où les opérations sont même promptes à être accélérées (le cinéaste ne s'y est d'ailleurs presque plus jamais rendu). Depuis vingt ans au moins, cette affaire alimente régulièrement les gros titres de la presse et entraîne plusieurs polémiques après évocation et demande d'éventuels aménagements spécifiques voire de grâce. Mais les autorités américaines se sont toujours refusées à quoi que ce soit. Cela dit, celles-ci auraient pu exiger de la part de l’État français l'application d'une peine prononcée chez elles par contumace s'il y avait eu nouveau procès [10], mais elles n'ont jamais rien demandé, ni tenté, ni ouvert de nouvelles procédures. Polanski a bénéficié du soutien permanent de ses grands amis d'Hollywood parmi lesquels Harrison Ford, Mia Farrow, Jack Nicholson et Bob Evans. Même Samantha Geimer, devenue mère de famille, a été pour beaucoup dans l'obtention de son Oscar en 2003 après avoir publiquement annoncé qu'elle était favorable à son éventuel retour aux États-Unis et après avoir déclaré à propos de son film Le Pianiste qu'il « fallait juger l'œuvre et non l'homme en lui-même. ».[11] Dans son autobiographie[12], le réalisateur affirme avoir été la victime d'une machination montée contre lui par la mère de Geimer qui aurait scénarisé l'affaire en manipulant sa fille à laquelle elle aurait bien appris les ficelles du harcèlement sexuel. Elle l'aurait même, paraît-il, fait chanter. Dans ce livre, il y soutient également la thèse selon laquelle il ne vivait pas uniquement aux États-Unis au moment des faits. À cette époque, il logeait à l’hôtel et possédait un visa de travail. Il n'avait jamais suivi les démarches officielles pour être naturalisé.

[modifier] 1979-1999

À peine, revenu à Paris, le metteur en scène s'attèle à une entreprise de grande ampleur dont Claude Berri est le principal producteur : en mémoire de sa défunte épouse Sharon Tate, il réalise en effet un mélodrame rural et romantique, de facture conventionnelle : Tess. Il s'agit en réalité d'une adaptation du roman de Thomas Hardy : Tess d'Urberville qui évoque les malheurs d'une jeune paysanne sous l'ère victorienne. Auréolé d'un beau succès en salles au cours de l'année 1979, le film croule bientôt sous une avalanche de prix en tout genre, parmi lesquels trois Césars en 1980 (ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur et de la meilleure photographie pour Ghislain Cloquet et Geoffrey Unsworth) et trois Oscars techniques en 1981 (gagnés sur six nominations). La presse se fera largement l'écho de l'idylle, très controversée, entre le cinéaste et la juvénile comédienne, star du film (dix-huit ans à l'époque) : Nastassja Kinski. Polanski passe ensuite par le théâtre avec Amadeus de Peter Shaffer, qu'il met en scène et interprète aux côtés de François Périer. Il publie en 1984, aux éditions Robert Laffont, son autobiographie très remarquée : Roman par Polanski où il revient sur des anecdotes truculentes de tournage, son parcours atypique, ses drames intimes, ses traumatismes personnels et ses mésententes professionnelles notoires (avec John Cassavetes et Faye Dunaway entre autres). Il s’attaque par la suite au projet Pirates (financé par le producteur tunisien Tarak Ben Hammar) en hommage aux films d'aventures hollywoodiens des années 1930 qui ont bercé son enfance : ceux entre autres de Michael Curtiz avec Errol Flynn. En plus d'un tournage cauchemardesque, Pirates est un gouffre financier. Il devient un film qui échappe complètement à son réalisateur et qu'il finit par renier. Ce sera un véritable fiasco aussi bien sur le plan artistique que commercial. Le film, pour un budget de quarante millions de dollars, en rapportera à peine cinq. Après s'être rebiffé sur scène dans l'adaptation théâtrale du grand classique de l'un de ses auteurs favoris : Franz Kafka pour La Métamorphose, il assure la réalisation en 1988 d'un thriller parisien avec Harrison Ford : Frantic qui lui permet de renouer un temps avec le succès, mais Lunes de fiel, La Jeune Fille et la Mort et La Neuvième Porte, par ailleurs globalement peu épargnés par la critique, sont tous des revers au box-office. Même ses apparitions conséquentes en tant qu'acteur au cinéma ne sont pas de franches réussites comme le prouve le huis-clos policier Une pure formalité (1994) de Giuseppe Tornatore, où il campe un commissaire bourru face à un interpelé excentrique joué par Gérard Depardieu.

Le 30 août 1989, il épouse en troisième noce sa nouvelle actrice fétiche de trente-trois ans sa cadette : Emmanuelle Seigner. Ils ont deux enfants ensemble : Morgane (née en 1993) et Elvis (né en 1998). Ils se sont rencontrés lors du tournage de Frantic. La comédienne, encore débutante, avait à l'époque dix-neuf ans.

Président du jury au Festival de Cannes en 1991, il a fait de Barton Fink des frères Coen l'œuvre la plus primée de toute l'histoire de la manifestation, lui permettant de cumuler la Palme d'Or, le prix de la mise en scène et le prix d'interprétation masculine pour John Turturro. Un triplé inédit qui a obligé Gilles Jacob, alors délégué général du festival, à prendre des mesures drastiques concernant l'élaboration des palmarès pour empêcher qu'un seul film ne concentre sur lui trop de récompenses.

Il a également présidé le jury de la Mostra de Venise en 1996, trois années après y avoir été honoré pour l'ensemble de sa carrière. Mais son palmarès est sujet à controverse après que la biographie de Neil Jordan sur l'artisan de l'indépendance irlandaise : Michael Collins, jugée trop académique par la critique, a obtenu le Lion d'Or ainsi qu'un prix d'interprétation pour son acteur principal Liam Neeson et que la toute jeune héroïne de Ponette de Jacques Doillon : Victoire Thivisol, trois ans à ce moment-là, ait été récompensée par le trophée (Coupe Volpi) de la meilleure actrice, certains trouvant bien difficile, en vue de son jeune âge, d'évaluer potentiellement son travail d'interprétation, la rigueur de sa composition et les qualités professionnelles de son jeu.

En 1998, il est élu membre de l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut de France où il côtoie notamment, dans la catégorie Création artistique pour le cinéma et l'audiovisuel (créée en 1985) Jeanne Moreau, Pierre Schoendoerffer, Régis Wargnier puis y a rencontré feus Henri Verneuil et Gérard Oury.

Durant les années 1990, son travail au théâtre et à l'opéra a été prolifique ; après avoir dirigé pour la scène de l'Opéra Bastille une nouvelle version des Contes d'Hoffmann d'Offenbach en 1992 avec José Van Dam et Natalie Dessay, il met en scène quatre ans plus tard la pièce de Terrence McNally : Maria Callas, la leçon de chant qui lui vaut une nomination aux Molières. En 1997, il s'attèle à la mise en scène et à la supervision de la comédie musicale tirée de son classique Le Bal des vampires qui démarre à Vienne et entame une tournée triomphale qui l'emmènera de Stuttgart à Hambourg.

[modifier] Le Pianiste, rebond et consécration internationale

Il revient sur le devant de la scène et connaît un triomphe critique et public en 2002 grâce à son film Le Pianiste, une grosse production franco-germano-polonaise (adaptée de l'autobiographie du pianiste et compositeur polonais Wladyslaw Szpilman) dans laquelle il évoque un sujet plus personnel, celui de l’occupation de la Pologne et du ghetto de Varsovie pendant la Seconde Guerre mondiale, sujet qu’il s’était toujours refusé à filmer au point de décliner, dix ans auparavant (en 1993), l’offre de Steven Spielberg de mettre en scène La Liste de Schindler. Le film remporte la Palme d'Or du Festival de Cannes 2002, sept Césars dont ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur acteur pour Adrien Brody ainsi que trois Oscars en 2003 (obtenus sur sept nominations) : ceux de la meilleure mise en scène, du meilleur premier rôle masculin pour Brody et de la meilleure adaptation pour le scénariste Ronald Harwood. Malgré les demandes, Polanski n'a pu se rendre à Los Angeles pour la Cérémonie des Oscars où il a reçu malgré tout un standing ovation d'une bonne partie de la salle à l'annonce de son nom. Remettant du prix, Harrison Ford s'est engagé à lui transmettre personnellement le trophée ce qu'il a fait devant la presse en septembre de la même année au Festival du film américain de Deauville.

[modifier] Le tumulte des années 2000

Après ce coup de maître, le cinéaste s'attèle à la mise en scène d’Hedda Gabler, le drame d'Henrik Ibsen, avec Emmanuelle Seigner dans le rôle-titre, au Théâtre Marigny puis supervise à Stuttgart une nouvelle fois la comédie musicale tirée de son classique : Le Bal des vampires. Il retrouve ensuite les coproducteurs et scénariste du film précédant : Alain Sarde, Robert Benmussa et Ronald Harwood ainsi que tous les chefs techniciens (Pawel Edelman pour la photographie, Allan Starski pour le décor, Anna B. Sheppard pour les costumes ou encore Hervé de Luze pour le montage) afin de produire et de réaliser en 2005 une nouvelle reconstitution historique, cette fois adaptée du chef-d'œuvre de Charles Dickens : Oliver Twist. Mais le film est un semi-échec ; une déception toutefois nuancée et rendue moins amère par une victoire devant les tribunaux. Polanski avait en effet assigné en justice, l'année précédente, la direction du magazine Vanity Fair pour diffamation à propos d'un article publié en 2002 par A. E. Hotchner, reprenant une réclame de Lewis Lapham (rédacteur en chef de la revue Harper's Magazine) qui affirmait que le cinéaste avait fait des avances sexuelles explicites à une jeune top model norvégienne pendant le voyage qui l'emmenait aux funérailles de Sharon Tate en 1969. Durant tout le procès, débuté le 18 juin, Polanski s'est exprimé en vidéoconférence de peur d'être extradé aux États-Unis en cas de voyage pour Londres. Après une forte médiatisation et quelques effets de manche (avec le témoignage, par exemple, de Mia Farrow et d'autres), le cinéaste obtient réparation et se voit verser la somme de cinquante mille livres sterling par Vanity Fair en dommage et intérêt (sentence prononcée par la Haute Cour de Justice d'Angleterre et du Pays de Galles). En 2006, après cette revanche, il opère un retour remarqué sur les planches pour le Théâtre Hébertot où il met en scène Thierry Frémont dans Doute (écrit par John Patrick Shanley). La même année, il entreprend de financer et de réaliser le péplum Pompeii, d'après un roman de Robert Harris, avec Orlando Bloom et Scarlett Johansson dans les rôles principaux. Mais il abandonne le projet suite à des problèmes d'emploi du temps, de financement et de conséquents retards de production tous dus à la grève des scénaristes à Hollywood entamée dès l'été 2007 et terminé en 2008 (au moment même où le tournage avait été fixé). En mai 2007, son intervention à la conférence de presse pour le soixantenaire du Festival de Cannes (pour lequel il a réalisé un court métrage dans le cadre d'un projet collectif : Chacun son cinéma ou Ce petit coup au cœur quand la lumière s'éteint et que le film commence avec d'autres réalisateurs mythiques de l'histoire de la manifestation tels que les frères Coen, les frères Dardenne, David Cronenberg et David Lynch) a largement fait sensation. Celui-ci, réuni avec des confrères et consœurs comme Wim Wenders, Pedro Almodovar, Takeshi Kitano, Jane Campion ou encore Alejandro González Iñárritu, a déclaré devant l'assemblée de journalistes présents pour l'occasion, avant de partir brutalement : « Je crois que c'est une occasion unique, vraiment rare, d'avoir une telle assemblée de metteurs en scène importants, assis, faisant face à un public de critiques... et avoir des questions tellement pauvres ! (...) Alors franchement, allons bouffer ! »[13]. Il va bientôt assurer la réalisation d'une autre adaptation de Robert Harris, un thriller intitulé provisoirement (The Ghost) dont on ignore la distribution.

[modifier] Le style de Polanski : apport cinématographique et importance artistique

Dès ses premiers courts métrages, on sent Polanski tenté à la fois par l'avant-garde et les conventions. Le cinéaste, si l'on privilégie la piste psychanalytique, a toujours cherché à figurer ses propres angoisses venues de l'enfance. Le traumatisme de la guerre, l'expérience des luttes pour la survie et le manque d'affection hantent en effet toute son œuvre. Cette dernière, qui trahit des penchants pour le baroque, le fantastique et le parodique et pour le récit kafkaïen, obsessionnel, paranoïaque, misanthropique et pessimiste, n'aura de cesse que d'illustrer la perte de l'innocence et la violation de l'enfance renvoyée, de manière sous-jacente, à ses peurs primaires. Elle est confrontée au mal et à la barbarie, au travers de leurs manifestations les plus évidentes et les plus sombres, à savoir : la folie, l'aliénation, la torture physique et psychique, la déshumanisation, la perversion, le complot, la victimisation ou encore le sado-masochisme. Le fait que Polanski interprète en grande partie ses films, apparaissant soit comme une figure maléfique (l'homme au couteau dans Chinatown qui entaille la narine de Jack Nicholson), soit comme un aliéné ou la victime d'une conjuration secrète et diabolique (Le Bal des vampires, Le Locataire) n'est, dans ce sens, absolument pas anodin. Ayant plutôt réalisé des huis-clos, véritables thrillers psychologiques à la maîtrise technique confondante et au récit simple et fluide, le metteur en scène y a intégré un sens inégalé du macabre et de l'humour noir. Polanski a su évoluer du point de vue de la forme tout en préservant une certaine unité thématique : cette dernière naît d'un appel constant à la dialectique maître-esclave et aux relations équivoques qui en découlent. Cette idée trouve son plus haut point d'expression fantasmatique et de lisibilité dans Lunes de fiel et La Jeune Fille et la Mort.

Mais avant toute chose, le réalisateur privilégie un art de la précision très organique, qui naît chez lui de l'extrême minutie avec laquelle il compose son décor. Dans Répulsion, Rosemary's Baby et Le Locataire qui constituent réunis un genre de trilogie sur les appartements maléfiques, il s'agit de faire de ces derniers le vecteur d'une imagerie cauchemardesque : mutation de l'espace, déformation matérielle, décentrement des intérieurs par rapport à leur valeur usuelle quotidienne, transformation en labyrinthe où en lieu de sabbat avec apparition et disparition mystérieuse, bras sortant des murs, dent dissimulée dans la cloison, camouflage d'objets, découverte de passages secrets… D'abord montré sous son aspect le plus protecteur, le plus matriciel, le logement s'avère être la manifestation d'une folie née de fantasmes refoulés, ou les coulisses d'un complot occulte. Le Pianiste se veut une sorte de synthèse de ces recherches esthétiques puisque le personnage principal qui connaît la faim, le froid affronte en quelque sorte un danger suprême dans les studios qui lui sont prêtés par les habitants engagés dans la résistance et dans l'aide aux juifs dans le Varsovie occupé. D'abord rendus chauds et douillets par le soin accordé aux éclairages, ces intérieurs deviennent très vite plus menaçants et dangereux encore que le ghetto : un bruit en trop, un craquement de plancher, un éternuement, une assiette brisée vont en effet être fatals. La dégradation physique de Szpilman provient d'ailleurs du dernier appartement qu'il occupe, après qu'il a été spolié et affamé par un profiteur de guerre et avant que la déflagration d'une bombe ne l'oblige à s'enfuir. C'est à ce moment-là que s'établit un processus de dépersonnalisation et de déshumanisation où, comme une bête sauvage, blessée et affaiblie et boîteuse, le pianiste sans plus de piano doit chercher seul sa nourriture. En ce sens, le classicisme du film que l'on a beaucoup reproché à son metteur en scène disparaît, laissant de côté le réalisme historique au profit d'une représentation allégorique et quasi-fantasmagorique de l'Histoire, aussi bien officielle que personnelle car elle invoque tous les fantômes du passé (ceux de Szpilman bien sûr mais aussi ceux du cinéaste). Le plan panoramique, où l'on voit le héros marcher dans les allées labyrinthiques de la capitale polonaise complètement détruite, métaphorise effectivement plus une apocalypse aussi bien physique que mental ou un effondrement intérieur qu'un témoignage de guerre « objectif », vu par le prisme de la fiction didactique.

En tous les cas, dès Le Couteau dans l'eau apparaît bien un « style Polanski », au moins dans le choix des cadrages : dans une succession de longs plans fixes, moyens, généralement latéraux, au noir et blanc velouté, transcendés par un contraste lumineux de contre-jour et de clairs-obscurs saisissants, le réalisateur fait sourdre l'angoisse par l'emploi de la profondeur de champ et par le mouvement simple des acteurs dans un axe qui ne change guère, sans qu'aucun travelling ne soit réalisé ni aucun changement de focale opéré. Polanski sera toujours fidèle à cette manière de filmer. Il s'en est expliqué dans un entretien sur Chinatown accordé en 1994 et en anglais pour la télévision[14] : « Je fais en sorte que ma caméra soit un témoin à part entière de la séquence, comme si elle se déroulait réellement sans préparation. Cette façon tortueuse d'utiliser le mouvement me semble inappropriée puisque j'essaie de trouver la manière la plus simple et la plus signifiante de filmer ». Le pessimisme des histoires et leur fin dramatique n'est que le corollaire de ce qui est auparavant signifié par l'élaboration de la forme. Le montage chez Polanski occupe une fonction très rudimentaire, évitant la logique du champ-contrechamp ou l'apposition simultané de nombreux angles de prises de vue pour une même scène. Il n'intervient généralement que pour grader dramatiquement le récit ou raccorder des séquences narratives différentes, sauf lorsqu'il s'agit de mettre en opposition une même situation vécue différemment par les caractères invoqués. La représentation imaginaire, individuelle ou propre au héros, généralement monstrueuse, outrancière et cauchemardesque se mêle, dans un rythme rapide, à une réalité ressentie par d'autres personnages. Dans ce sens, le coït diabolique de l'héroïne dans Rosemary's Baby où s'entrechoquent le rituel satanique et le songe de Rosemary ou encore le suicide final de Trelkowski dans Le Locataire, qui perçoit ses voisins comme des créatures proprement grotesques : entre animalité en humanité (avec des langues de serpents et des pupilles réfractées), en sont des exemples frappants. Le dernier des deux films préconise en quelque sorte les expérimentations visuelles et dramaturgiques opérées plus tard par un David Lynch, à savoir la volonté de briser les lignes claires d'un récit trop exposé de manière « réaliste » ou conventionnelle. Le début en effet prend pour cadre un urbanisme bien reconnaissable : celui de Paris où évolue une personne sociologiquement identifiable (l'employé de bureau dans le secteur tertiaire). À partir d'une base dramatique qui consiste à le faire s'installer dans un studio mystérieux, la narration glisse progressivement vers une représentation proche de l'hallucination perpétuelle.

L'« art du concret » qui caractérise son cinéma, comme l'évoque Yannick Rolandeau, consiste, lui, à reconstituer fidèlement une époque (l'ère victorienne dans Tess, la seconde guerre mondiale dans Le Pianiste, le Londres préindustriel des bas-fonds dans Oliver Twist). Ce principe se heurte soudainement une rhétorique de la « subjectivation » : poétique narrative qui consiste à singulariser la représentation: à la rendre propre à l'imaginaire du metteur en scène, bousculant les conventions. Là en l'occurrence, chez Polanski, il s'agit de rendre cette reconstitution outrancière pour rappeler la nature première du travail de réalisation : celle d'une construction virtuelle, d'un artifice. À cela s’ajoute tout un réseau de citations cinéphiliques: comment ne pas penser au cinéma expressionniste allemand où au film de studio hollywoodiens des années 1930-1940 tels que ceux entre autres de Rouben Mamoulian, d'Albert Lewin ou de Victor Fleming dans Oliver Twist ? La caméra y caresse des impasses sans perspectives, scrute des ponts sur la Tamise aux pavés humides désertés et brumeux dans un Londres essentiellement nocturne, aux façades ténébreuses et menaçantes. La cinéphilie est l'un des autres ressorts du cinéma « polanskien » : avec Pirates, il tente de ressusciter le Michael Curtiz de Capitaine Blood. Mais ce qui frappe dans la référence donnée de départ est la manière dont elle est utilisée, c'est-à-dire une manière irrévérencieuse. Cette dernière, pour beaucoup de critiques, est un sens une entreprise de destruction. Le Bal des vampires horrifia, il est vrai, en son temps les vampirologues les plus avertis: jamais on n’avait osé intégrer auparavant la dimension de l'homosexualité (le fils du comte von Crollock, avatar de Dracula) et l'incroyance chez les morts vivants (l'aubergiste nouvellement vampirisé qui rit devant le crucifix tendu devant lui par une jeune fille). Visant plus les films de la Hammer que ceux de Friedrich Murnau, la bouffonnerie et la parodie naissent de la fonction du réalisateur-acteur lui-même qui s'octroie le rôle essentiel d'Alfred, sorte de valet à la Zanni dans la commedia dell'arte ou à la Sganarelle chez Molière, dont la naïveté et la maladresse naturelles mettent en échec le projet de son maître, le professeur Abronsius. Pour Chinatown, le film noir est remis au goût du jour avec l'ironie toutefois de la réalisation dans la caractérisation décalée des personnages : la vulgarisation de la figure du privé aux blagues grasses et au nez pansé, sa victimisation (Nicholson passe son temps à se prendre des coups dans le film) et le dédouanement de la culpabilité qui échoit généralement à la femme fatale amènent en toute logique à la fin dramatique. Ses deux comédies (Cul-de-sac et Quoi?) s'avèrent en revanche plus respectueuses du Théâtre de l'absurde et son film le plus théâtral fut mal compris : Macbeth rappelait le grand-guignolesque des mises en scènes élisabéthaines, trop gommées par des versions d'un académisme empesé : il s'agissait plus d'être fidèle à une tradition que d'en déroger.

Au final, seul Tess évite les excès baroques ce qui a été assez décrié. Beaucoup pensent qu'il ne s'agit là qu'un beau livre d'images de plus de trois heures (évoquant les peintures de Thomas Gainsborough et John Reynolds), où le spectateur se détache de toute possibilité de compassion face à l'héroïne happée par la roue du destin, victime toute trouvée des appétits masculins et de la vilénie morale. Mais le souci de Polanski est de coller à l'ironie très élaborée et savante de Thomas Hardy mêlant les préciosités d'une langue cultivée à l'étude féroce d'une société (en l'occurrence victorienne), ballotée entre une violence, née de son rapport à la hiérarchie, et son attachement à des rigorismes aussi dangereux qu'inexorables. Ce moralisme brutal prohibe en effet toute éventualité d'ascension sociale et creuse l'écart entre l'aristocratie vieillissante et la bourgeoisie d'une part et de l'autre le monde ouvrier et la paysannerie. Dans cette optique, il est clair que le cinéaste reste fidèle à sa propre logique narrative puisqu'il prend la fiction prolétarienne comme le prisme d’écriture d'une histoire lue du côté des perdants, des petits, des dominés et non des vainqueurs.

[modifier] Filmographie

[modifier] Réalisateur

[modifier] Courts métrages

  • 1955 : La Bicyclette (Rower)
  • 1956 : Meurtre (Morderstwo)
  • 1956 : Rire de toutes ses dents (Uśmiech Zębiczny)
  • 1957 : Cassons le bal ! ou Les trouble-fête (Rozbijemy Zabawę)
  • 1957 : Kirk Douglas (documentaire)
  • 1958 : Deux hommes et une armoire (Dwaj Ludzie z Szafą)
  • 1959 : La Lampe (Lampa)
  • 1959 : Quand les anges tombent (Gdy Spadają Anioły)
  • 1960 : Le Gros et le maigre
  • 1962 : Les Mammifères ou Les Bipèdes familiers (Ssaki)

[modifier] Longs métrages

[modifier] Acteur

acteurs et actrices

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

[modifier] Scénariste

Scénaristes

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

[modifier] Producteur

[modifier] Auteur (bibliographie)

  • Trois scripts de films : Le Couteau dans l'eau [scénario original de Jerzy Skolimowski, Jakub Goldberg et Roman Polanski] Repulsion [scénario original de Roman Polanski et de Gérard Brach]. Cul-de-sac [scénario original de Roman Polanski et Gérard Brach] (introduction et traduction par Boleslaw Sulik). New York : Fitzhenry and Whiteside. 275p. ISBN 0064300625 (ouvrage en anglais)
  • Polanski, Roman. (1973). Roman Polanski's What? From the original screenplay. Londres : Lorrimer. 91p. ISBN 0856470333
  • Polanski, Roman. (1973). What?. New York: Third press. 91p. ISBN 089388121X
  • Le Locataire. Paris: Avant-Scène [scénario adapté par Gérard Brach et Roman Polanski, d'après le roman de Roland Topor : Le Locataire chimérique] (1976)
  • Roman par Polanski (1984, édition Robert Laffont)
  • Le Pianiste. Paris: Avant-Scene ISBN 2847250166

[modifier] Théâtre

[modifier] Opéra

[modifier] Décorations, honneurs, nominations et récompenses

[modifier] Notes et références

Cet article a été remanié et retravaillé sur la base d'une traduction tirée de l'article anglais Roman Polanski

  1. Polanski, Roman - culture.pl
  2. Un documentaire surtout en salles en 2005 lui a d'ailleurs été consacré : The Kid stays in the picture
  3. Polanski s'en ait expliqué dans plusieurs entretiens, et notamment le dernier en date accordé à la chaîne franco-allemande Arte en décembre 2006
  4. Cet épisode est raconté par Evans dans The Kid stays in the picture
  5. Selon les dires de l'actrice, Polanski en aurait fait l'objet de ses jeux sadiques sur le plateau, lui collant par exemple l'objectif de la caméra sur le visage ou lui arrachant des cheveux rebelles censés importuner la disposition préétabli des plans, histoire sur laquelle revient l'émission Hollywood Stories consacré au cinéaste
  6. Toute l'affaire est relatée par une édition spéciale du New York Times de janvier 1978
  7. Explication donnée dans le numéro de l'émission télévisée Hollywood Stories consacrée au réalisateur en mars 1998
  8. http://news.corporate.findlaw.com/hdocs/docs/polanski/capolansk31977iind.pdf California v Roman Raymond Polanski (PDF)
  9. Précisé dans les textes de lois avec l'article sur la protection des ressortissants français
  10. Selon le droit pénal international
  11. Interview accordée sur la chaîne Fox News en janvier 2003
  12. Roman par Polanski (Robert Laffont, 1984)
  13. Propos filmés et recueillis par les médias du monde entier et retransmis complètement en France par le Le Grand Journal de Michel Denisot du 15 mai 2007
  14. Voir l'extrait sur le site de Youtube : taper "Roman Polanski, interview on Chinatown"

[modifier] Voir aussi

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