Ingmar Bergman

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Ingmar Bergman
Ingmar Bergman sur le tournage de Les Fraises sauvages (Smultronstället) (1957)
Ingmar Bergman sur le tournage de Les Fraises sauvages (Smultronstället) (1957)

Nom Ernst Ingmar Bergman
Naissance 14 juillet 1918
Suède Uppsala (Suède)
Nationalité Suède Suédoise
Mort 30 juillet 2007
Suède île de Fårö (Suède)
Profession(s) Réalisateur, scénariste et metteur en scène
Films notables Le Septième Sceau
Persona
Cris et chuchotements
Fanny et Alexandre
Scènes de la vie conjugale
Conjoint(e) Else Fisher (1953-1945)
Ellen Lundström (1945-1950)
Gun Grut (1951-1959)
Käbi Laretei (1959-1969)
Ingrid von Rosen (1971-1995)
Enfant(s) Linn Ullmann, Daniel Bergman, Mats Bergman, Anna Bergman, Eva Bergman, Jan Bergman, Lena Bergman, Ingmar Bergman Jr et Maria won Rosen
Site internet http://www.ingmarbergman.se/
Récompense(s) Festival de Cannes :
Prix du Jury
Palme des palmes
Prix de la mise en scène
Grand prix du Jury

Lion d'or

Ours d'or du Meilleur film

Golden Globe Award : Meilleur film étranger
Fiche IMDb

Ernst Ingmar Bergman, né à Uppsala le 14 juillet 1918 et mort le 30 juillet 2007 sur l'île de Fårö, est un metteur en scène de théâtre, scénariste, et réalisateur de cinéma suédois. Il s'est imposé comme l'un des plus grands réalisateurs de l'histoire du cinéma en proposant une œuvre s'attachant à des thèmes métaphysiques (Le Septième Sceau), à l'introspection psychologique (Persona) ou familiale (Cris et chuchotements, Fanny et Alexandre) et à l'analyse des comportements du couple (Scènes de la vie conjugale). Il est le seul cinéaste à avoir obtenu la Palme des Palmes au Festival de Cannes en 1997.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Enfance

Erik Bergman, père d'Ingmar Bergman
Erik Bergman, père d'Ingmar Bergman

Quand Ingmar Bergman naît en 1918, sa mère est atteinte de la grippe espagnole ; l'enfant est quasi mort-né. À force de soins, il se rétablit mais contracte encore plusieurs maladies. Il est le fils cadet d'une famille de trois enfants : un frère aîné, Dag, et une sœur plus jeune, Margareta, qui vient au monde quatre ans plus tard. Le jeune Ingmar Bergman vit une enfance tourmentée ; ses relations avec sa mère et son frère sont contrariées par les manipulations et les chantages affectifs[1]. Le père est un pasteur luthérien ambitieux. Le presbytère où vit la famille est ouvert à tous les paroissiens et se doit d'être modèle. Sans doute cédant à cette pression sociale, le père soumet sa famille à une discipline extrêmement rigide. Les enfants sont élevés dans la traque obsessionnelle du péché et du repentir. Les punitions corporelles sont courantes et ritualisées[2]. L’auteur conserve un traumatisme de cette éducation rigide qui affleure dans plusieurs de ses œuvres.

C’est au sein des proches de la famille qu’il s’épanouit. Il passe le meilleur de son enfance chez sa grand-mère à Uppsala qui l'emmène au cinéma. Lors d'un Noël, une riche parente offre au frère d'Ingmar Bergman un cinématographe. L'appareil est doté de lentilles et d'un système de projection. La bobine se tourne à la main et permet de voir un petit film en boucle. Les deux frères procèdent à un échange et le jouet passe entre ses mains. Un oncle, handicapé mental et inventeur fou, lui dessinera directement sur la pellicule des courts films d'animation. Ce cinématographe agit comme la madeleine de Proust pour le futur réalisateur[3]. Il baptisera plus tard sa société de production Cinematograph.

Alors qu'il a 12 ans, son père obtient qu'il puisse visiter les studios cinématographiques suédois de Rasunda, en banlieue de Stockholm. C'est, pour lui, comme « entrer au paradis »[4]. Quant au théâtre, où il se rend régulièrement depuis tout jeune, Ingmar Bergman a l’occasion de l’observer en coulisse grâce à un musicien qui joue derrière la scène pour une mise en scène du Songe d’August Strindberg qu’il mettra lui-même en scène à plusieurs reprises. Ses lectures l’emmènent vers l’auteur pour lequel il a une véritable vénération mais aussi Dostoïevski, Balzac, Flaubert, Nietzsche… Jeune adolescent complexé et solitaire, volontiers soupe au lait, Ingmar Bergman a une première liaison orageuse avec une de ses camarades de classe, elle-même recluse.

Dans le cadre d’un programme d’échange, il part pour l’Allemagne, dans la région de Thuringe, en 1934. Sa famille d’accueil est embrigadée par le national-socialisme et voue un culte à Adolf Hitler. Il assiste à une de ses prestations dans un stade sportif à Weimar. Sans doute trop jeune pour disposer d’un recul nécessaire, il se retrouve à son tour galvanisé par le discours du Führer. De retour en Suède, le milieu dans lequel il vit, essentiellement germanophile, est de la même façon imprégné par l’idéologie nazie. Son frère est un des fondateurs et membre actif du parti national-socialiste suédois[5]. Le traumatisme de la découverte des camps d'extermination par la suite le conduira à prendre ses distances avec la politique.

[modifier] Entrée en scène

Ingmar Bergman s'inscrit en 1937 en Histoire et Littérature à l'Université de Stockholm. Il y suit des cours de Martin Lamm, professeur réputé, spécialiste de Strindberg et d’Emanuel Swedenborg. Ses études, cependant, sont contrariées par un emploi du temps chargé, quasi entièrement dédié au théâtre. Il participe en effet bien vite à l’activité théâtrale d’une maison des jeunes, le Mäster Olofsgården, où il mettra en scène des pièces de Strindberg, de Shakespeare, de Suttone Vane et de Doris Rönnqvist. On lui offre épisodiquement la possibilité de travailler avec des professionnels au sein du Studio dramatique. Un temps acteur, il finit par définitivement se tourner vers la mise en scène. Il assurera aussi la direction de plusieurs pièces données au théâtre des étudiants dont Le Pélican de Strindberg. Il noue à cette occasion une relation amoureuse avec une jeune actrice érudite. Cette liaison parvient aux oreilles de ses parents, qui réprouvent la vie tumultueuse de leur fils. À la suite d’une explication violente, Ingmar Bergman quitte définitivement le presbytère pour s’installer avec sa maîtresse. La relation prend néanmoins fin lorsque Ingmar Bergman se voit proposer une tournée en province qui le conduit par la même occasion à précipiter la fin de ses études.

Au printemps 1939, dans la nécessité de trouver un emploi, il tente sans succès de se faire embaucher au Théâtre Royal Dramatique de Stockholm, et doit se rabattre sur un emploi d’assistant à la mise en scène à l’Opéra où il est occasionnellement souffleur. Son insertion dans le milieu lyrique s'avère difficile. Il fait néanmoins ses armes, notamment aux côtés de Ragnar Hyltén-Cavallius, à la fois cinéaste et metteur en scène reconnu. Lorsque la Seconde Guerre mondiale commence, Ingmar Bergman doit accomplir son service national mais il est aussitôt démobilisé suite à un ulcère[6]. En repos chez sa grand-mère en Dalécarlie, il écrit une douzaine de pièces de théâtre et un opéra. Il met en scène l’une d’elles, La Mort de polichinelle, largement inspirée de pièces de Strindberg. À la fin de la représentation, il est approché par Carl Anders Dymling, directeur de la Svensk Filmindustri, et Stina Bergman, directrice du service des scénarios, qui lui proposent un emploi pour un an pour écrire et revoir les scénarios produits par la société.

[modifier] Débuts de carrière

Intégré dans une équipe de six scénaristes, parfois appelé en urgence, il est envoyé sur des tournages pour corriger des dialogues. Les méthodes d’écriture sont empruntées aux méthodes américaines alors en vogue. Ingmar Bergman leur préfère pourtant les films français de l’époque : Jean Renoir, Marcel Carné, Julien Duvivier[7]. Il fait la connaissance de Gustaf Molander à qui il fait lire un scénario inspiré de ses années d’études. Le réalisateur recommande son adaptation à la production qui confie la réalisation à Alf Sjöberg. Ingmar Bergman fait des pieds et des mains pour assister au tournage ; il obtient finalement un poste de script-boy. Impatient d’en découdre et audacieux, il tente à plusieurs reprises de s’immiscer dans le travail du réalisateur. En vain. Le jeune scénariste est remis à sa place. Le film, Tourments (Hets, 1944) est sélectionné à la Mostra de Venise.

Dans le même temps, la commune de Helsingborg cherche à sauver son théâtre municipal et propose sa direction à Ingmar Bergman. Le théâtre est en piteux état mais il accepte. Il est alors marié à une jeune danseuse et chorégraphe, Else Fischer, qui a accouché d’une enfant à la fin de l’année 1943. Le bébé et sa mère sont atteints de la tuberculose et Ingmar Bergman enchaîne mises en scène et scénarios pour faire face aux frais d’hospitalisation. En 1945, la Svensk Filmindustri lui commande l’adaptation et la réalisation d’une pièce de théâtre. Ingmar Bergman est enthousiaste mais il pèche par orgueil et néglige son manque d'expérience. Le tournage a lieu en été dans des conditions catastrophiques. Il se fait un ennemi du chef opérateur, davantage porté sur le documentaire, il peine à maîtriser ses troupes, le mauvais temps se met de la partie lors des extérieurs, le laboratoire gâche les pellicules et la production du film doit souffrir d’un accident du travail lors d’une prise en studio. Tout au long de l’épreuve, il recueille les conseils du cinéaste Victor Sjöström et ceux, avisés, de son monteur expérimenté, Oscar Rosander qui l’aide à remettre le film sur pied - il collaborera par la suite à tous les films d’Ingmar Bergman jusqu’au Visage. Crise (Kris), premier film réalisé par Ingmar Bergman, sort en 1946.

Ingmar Bergman poursuit son travail au théâtre municipal de Helsingborg et continue à écrire des scénarios pour la Svensk Filmindustri. Il monte l’une de ses pièces, Rachel et l’ouvreuse de cinéma, qu’il adaptera plus tard pour L'Attente des femmes. Sa femme qui devait initialement pourvoir un poste de chorégraphe au sein du théâtre doit être remplacée en raison de sa maladie. Elle lui recommande une amie : Ellen Lundström. Ingmar Bergman noue avec celle-ci une liaison et décide de divorcer d’Else Fischer. À l’automne 1946, le nouveau couple déménage pour Göteborg où Ingmar Bergman obtient un poste de metteur en scène au théâtre municipal. L’endroit est sous la coupe de son directeur Torsten Hammarén qui devient son mentor et lui enseigne des techniques de mise en scène pour une pièce d’Albert Camus, Caligula, avec le comédien Anders Ek.

Après l’échec de Crise, la Svensk Filmindustri rechigne à renouveler l’expérience de la réalisation avec Ingmar Bergman. C’est donc avec le producteur Lorens Marmstedt, qu’il dirige ses trois prochains films : Il pleut sur notre amour (Det regnar på vår kärlek, 1946), L'Éternel mirage (Skepp till India land, 1947) et Musique dans les ténèbres (Musik i mörker, 1948). Ses premiers films sont très empreints de l’influence du cinéma français des années 1930 et notamment de Marcel Carné[8]. Il s’en dégage une violente révolte contre la religion et la famille[9]. À l’exception de Musique dans les ténèbres, son cinéma est éreinté par la critique qui le trouve volontiers subversif et immature[10]. Il écrit encore le scénario de La Femme sans visage (Kvinna utan ansikte, 1947), pour Gustaf Molander et entame une activité de metteur en scène à la radio avec un texte original, La Ville (1951), inspiré d’une dérive dans Berlin, lors de son séjour en Allemagne[11].

[modifier] Maturité

Entrée des studios de Råsunda, en banlieue de Stockholm. Ingmar Bergman tourne une grande partie de ses films dans les studios suédois.
Entrée des studios de Råsunda, en banlieue de Stockholm. Ingmar Bergman tourne une grande partie de ses films dans les studios suédois.

En 1949, Ingmar Bergman part à Cagnes-sur-Mer avec le comédien Birger Malmsten pour y écrire un scénario dans le cadre d’un nouveau contrat avec la Svensk Filmindustri. Le réalisateur est parvenu à réintégrer le giron de la célèbre société. Il a pour la première fois signé la réalisation ainsi que le scénario d’un film avec La Prison (Fängelse, 1949) et gagne en assurance[12]. Son activité artistique est débordante, alternant mises en scène théâtrales et cinématographiques ainsi que des allers-retours constants entre Stockholm et Göteborg, aux dépens de son ménage avec Ellen Lundström qui, lui, bat de l’aile. Le séjour dans la ville de la Côte d'Azur est solitaire ; Birger Malmsten est aussitôt absorbé par une relation sentimentale. Ingmar Bergman écrit donc seul son scénario. Vers la joie (Till glädje, 1950) est tourné durant l’été. Au cours du tournage, il reçoit la visite de Gun Hagberg, critique d’une revue cinématographique. Immédiatement séduit, le réalisateur entame une liaison et, sitôt le film achevé, s’envole avec elle à Paris, rompant avec son épouse. Lors de ce séjour, il découvre le théâtre de Molière lors d’une représentation du Misanthrope à la Comédie française. À son retour, il s’installe avec sa nouvelle maîtresse à Stockholm. La vie du couple connaît des hauts et des bas. En définitive, les enfants que Gun Hagberg a eu de son précédent mariage les rejoignent à la fin de l’année 1950 tandis qu’un autre naît de leur union. Ingmar Bergman se retrouve à devoir entretenir trois familles. Or, les engagements manquent.

Durant l’été 1950, l’industrie cinématographique suédoise se met en grève dans le but d’obtenir de meilleures conditions de travail. Le mouvement s’éternise. Ingmar Bergman traverse alors de graves difficultés financières et doit solliciter un important prêt à la Svensk Filmindustri qui le lui consent en échange d’une exclusivité sur plusieurs scénarios et des honoraires à la baisse. Il accepte de réaliser des films publicitaires pour des savons et une œuvre de commande, Une telle chose ne se produirait pas ici. Ce n’est qu’au printemps 1951 que la grève cesse. Le réalisateur enchaîne alors deux tournages, celui de L'Attente des femmes (Kvinnors väntan, 1952) qui comprend des extérieurs à Paris et Un été avec Monika (Sommaren med Monika, 1953) qui se déroule dans l’archipel de Stockholm. Le premier rôle de ce dernier film est confié à Harriet Andersson, une jeune danseuse de revue. Le tournage se prolonge à cause d’ennuis techniques et Ingmar Bergman tombe sous le charme de l’actrice. La liaison ne dure pas mais suffit à briser son ménage. Il doit quitter le foyer familial et se retrouve célibataire.

Pour le théâtre, Ingmar Bergman est nommé directeur artistique du théâtre municipal de Malmö en 1952. Il exécute plusieurs mises en scène, certaines puisant dans le répertoire classique (Peer Gynt, le Misanthrope), des opérettes (La Veuve joyeuse) ainsi que deux de ses propres pièces : Peinture sur bois et Meurtre à Bajärna. Il poursuit aussi ses adaptations radiophoniques avec des pièces de Strindberg et les Noces de sang de Federico García Lorca (1952). Le travail théâtral de l’auteur se double d’une intense activité cinématographique. Il sort successivement La Nuit des forains (Gycklarnas afton, 1953), Une leçon d'amour (En Lektion i kärlek, 1954) et Rêve de femmes (Kvinnodröm). À l’automne 1955, après le tournage de Sourires d'une nuit d'été (Sommarnattens leende, 1955), victime du surmenage et d’un ulcère qu’il traîne déjà depuis de nombreuses années, il est hospitalisé.

Déjà amorcée avec La Prison, la maturation du cinéma de Bergman est à la veille de la réalisation du Septième Sceau, déjà accomplie[13]. L’influence du cinéma français de l’avant-guerre s’est effacée au profit d’un style plus personnel. Ville portuaire (Hamnstad, 1948) ou Monika, sont encore influencés par le cinéma italien néoréaliste[14] mais son style personnel s’affirme. On trouve dans les films qu’il dirige entre 1948 et 1955, nombre de caractéristiques de l’empreinte personnelle du réalisateur : interrogations métaphysiques sur la vie et la mort (La Prison), érotisme prégnant (Monika, L’Attente des femmes, La Nuit des forains), désillusion conjugale (L’Attente des femmes, Une leçon d’amour, Sourires d’une nuit d’été), le spectacle (La Prison, Vers la joie, La Nuit des forains)[15] … Sa vision de la féminité notamment détonne. Dans cette thématique, son langage cinématographique se positionne davantage du côté de la femme ; c’est au travers de leur regard que l’attitude des hommes est brocardée : les personnages féminins sont nuancés quand les personnages masculins sont au contraire typés[16].

[modifier] Reconnaissance

Ingmar Bergman et Sven Nykvist lors du tournage de À travers le miroir
Ingmar Bergman et Sven Nykvist lors du tournage de À travers le miroir

La réputation d’Ingmar Bergman passe les frontières suédoises avec Sourires d’une nuit d’été qui est sélectionné au festival de Cannes en 1956. Le film y fait figure d'une surprise appréciable[17] et obtient d'ailleurs un « prix de l'humour poétique » (sic). Mais c’est lors de la sélection de l’année suivante, avec Le Septième Sceau qu’il fait sensation. Le film, plus grave, est adapté de l’une de ses propres pièces en un seul acte (Peinture sur bois). L’intrigue sous forme d’allégorie tourne autour de la mort et du jugement dernier. L’accueil critique est enthousiaste. Il en est de même avec Les Fraises sauvages dans lequel il fait jouer l’un des pionniers du cinéma suédois, Victor Sjöström - qui jouait déjà dans Vers la joie. Il décroche à cette occasion l’Ours d'or du meilleur film au Festival de Berlin.

La reconnaissance montante d’Ingmar Bergman aura plusieurs conséquences. La critique suédoise, jusque-là très réservée, se fera dorénavant moins sévère qu’elle n’était à l’égard de ses œuvres[18]. Les studios suédois lui laissent les coudées franches et une pleine liberté de création. Le réalisateur recevra plusieurs propositions et de plusieurs pays pour tourner des films. Néanmoins, il préfèrera continuer à tourner en Suède. Ingmar Bergman a désormais l’habitude d’alterner théâtre, le courant de l’année, et cinéma, l’été. Il aime s’entourer de sa propre équipe et redoute le sort de certains de ses compatriotes, tels Victor Sjöström ou Mauritz Stiller qui s’expatrièrent aux États-Unis pour finalement tomber en désuétude[19].

Ingmar Bergman et Ingrid Thulin durant le tournage du Silence
Ingmar Bergman et Ingrid Thulin durant le tournage du Silence

En août 1958, dans les studios suédois de Råsunda, Ingmar Bergman tourne son vingtième film, Le Visage (Ansiktet, 1958) dans lequel il explore à nouveau le monde de la représentation. En dépit du talent qui lui est désormais reconnu[20], les films suivants, La Source (Jungfrukällan, 1960) et L'Œil du diable (Djävulens öga, 1960) sont peu appréciés par la critique[21]. Il faut attendre À travers le miroir (Såsom i en spegel, 1961), pour que le cinéaste regagne ses lauriers[22]. Le film a des résonances métaphysiques, cherchant l'existence de Dieu par le truchement de la folie de son personnage principal, Karin, interprété par Harriet Andersson[23]. Il est aussi initialement annoncé par Ingmar Bergman comme le premier opus d'un triptyque de « films de chambre », complété par ses deux films suivants : Les Communiants (Nattvardsgästerna, 1963) et Le Silence (Tystnaden, 1963)[24]. Mais le cinéaste revient plus tard sur cette intention de constituer une trilogie. À travers le miroir marque selon lui la fin d'un cycle et Les Communiants, une rupture[25]. Ce dernier film, très inspiré de la figure de son père[26], règle ses comptes avec Dieu au travers d’un pasteur qui perd la foi ; l’existence de Dieu se trouve brusquement ébranlée et le monde apparaît aux yeux du personnage dans toute sa crudité[27]. Le Silence ne contient aucune thématique religieuse, contrairement aux deux précédents films. Il traite de la relation trouble qu’entretiennent deux sœurs sur fond d’état de siège dans un pays inconnu. Si, par ailleurs, le film choque une partie de l’opinion à cause de scènes explicites[28], il reçoit les éloges de la critique et fait figure de chef d’œuvre[29].

Ingmar Bergman se trouve alors dans une bonne situation financière. Il épouse une pianiste professionnelle, Käbi Laretei, dont il a un enfant (Daniel) et s’installe à Djursholm. Après l’échec d’une mise en scène théâtrale, il consacre davantage son temps au cinéma.

En 1963, il est nommé directeur du Théâtre royal dramatique de Stockholm.

En 1976, suite à des ennuis avec la police fiscale, il part s'installer à Munich.

En 1983, à la sortie de Fanny et Alexandre, il annonce qu'il prend sa retraite (mais il tournera quelques téléfilms, dont certains seront malgré tout présentés en salles).

Il meurt le 30 juillet 2007 à l’âge de 89 ans dans sa maison suédoise de l’île de Fårö, le même jour que Michelangelo Antonioni.

[modifier] Collaboration avec Liv Ullmann

Frappé par la ressemblance de Liv Ullmann avec Bibi Andersson, il écrit le scénario de Persona dans lequel il dirige les deux actrices. Ce film marque le début d'une longue et fructueuse collaboration entre le réalisateur suédois et Liv Ullmann. L'Heure du loup, Une passion, Scènes de la vie conjugale et surtout Cris et chuchotements sont à cet égard les films où les talents conjugués du réalisateur et l'interprétation de Liv Ullmann sont les plus notables. Cette collaboration se poursuit dans le temps, puisque le réalisateur la sollicite encore en 2003, avec Sarabande. Liv Ullmann et Ingmar Bergman ont aussi vécu ensemble pendant plusieurs années et ont eu une fille, Linn Ullmann qui jouera d'ailleurs, enfant, dans certains des films de son père. Il offre le scénario d' Infidèle à Liv Ulmann, qui réalisera en 2000 ce film dédié à leur couple, décrit avec franchise.

[modifier] Filmographie

[modifier] Réalisateur et scénariste

Studios de la Filmstaden, en Suède
Studios de la Filmstaden, en Suède

[modifier] Scénariste

Scénaristes

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

[modifier] Citations

[modifier] D’Ingmar Bergman

  • « Il faut tourner chaque film comme si c’était le dernier »[30]
  • « C’est l’ombre de la mort qui donne relief à la vie »[30]
  • « On naît sans but, on vit sans comprendre, et on meurt anéanti »[30]
  • « C’est quand je prie que je crois être croyant »[30]
  • « La vieillesse est comparable à l’ascension d'une montagne. Plus vous montez, plus vous êtes fatigué et hors d’haleine, mais combien votre vision s’est élargie ! »[30]
  • « La première chose que doivent apprendre les jeunes élèves d’art dramatique, ce n’est pas l’ivresse du théâtre mais bien ses exigences »[30]
  • « Rien de plus facile que d’effrayer un spectateur. On peut littéralement l’affoler, car la plupart des gens ont dans quelque partie de leur être une peur toute prête à éclore »[30]
  • « Le cinéma en tant que rêve, le cinéma en tant que musique. Aucun art ne traverse, comme le cinéma, directement notre conscience diurne pour toucher à nos sentiments, au fond de la chambre crépusculaire de notre âme »[31]

[modifier] Sur Ingmar Bergman

  • « Bergman est réellement l’exemple vivant de ce que j’entends par spectacle, c’est-à-dire qu'il démontre qu'en art tous les moyens sont licites… Sa façon de raconter, la richesse de son tempérament sont exactement ce qui convient à un homme de spectacle, c’est-à-dire un mélange de magicien et de prestidigateur, de prophète et de clown, de vendeur de cravates et de prêtre… » de Federico Fellini[32]

[modifier] Distinctions

Oscar du cinéma 
BAFTA Awards 
  • 1960 : Nommé au BAFTA Award du meilleur film pour Le Visage (Ansiktet)
  • 1984 : Nommé au BAFTA Award du meilleur film étranger pour Fanny et Alexandre (Fanny och Alexander)
Berlinale 
Bodil Awards 
Festival de Cannes 
César du cinéma 
Festival David di Donatello 
  • 1974 : David du meilleur réalisateur pour Cris et chuchotements (Viskningar och rop)
  • 1984 : David du meilleur réalisateur, du meilleur scénario, et du meilleur film étranger pour Fanny et Alexandre (Fanny och Alexander)
  • 1986 : Luchino Visconti Award
Mostra de Venise 
New York Film Critics Circle Awards 
National Society of Film Critics Awards 
Italian National Syndicate of Film Journalists 
Golden Globe Award 

[modifier] Notes et références

  1. Ingmar Bergman, Laterna magica, édition Folio, 2001, p. 12-13
  2. Ibid., p. 18-21.
  3. Ibid., p. 103
  4. Alain Bergala, Harriet Anderson regarde dans l'objectif de Bergman, Cahiers du cinéma, numéro spécial, 100 journées qui ont fait le cinéma, p. 70.
  5. Ingmar Bergman, Laterna magica, op. cit., p. 163 à 169
  6. Olivier Assayas et Stig Björkman, Conversation avec Bergman, Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, 2006, p. 16.
  7. Ibid., p. 25-28.
  8. Marcel Martin, Histoire du cinéma en 120 films, Cinéma 62, n°66, p. 108.
  9. Georges Sadoul, Histoire du cinéma, J'ai lu, 1962, p. 371.
  10. François Truffaut, L'œuvre d'Ingmar Bergman in Les films de ma vie, Flammarion, coll. Champs contre-champs, 1975, p. 264.
  11. Ingmar Bergman, Laterna magica, op. cit., p. 179-180
  12. Olivier Assayas et Stig Björkman, Conversation avec Bergman, op. cit., p. 45-46.
  13. Roger Boussinot, L’Encyclopédie du cinéma, Bordas, 1989, p. 184 ; Georges Sadoul, Histoire du cinéma, op. cit., p. 371.
  14. Olivier Assayas et Stig Björkman, Conversation avec Bergman, op. cit., p. 58 ; V. aussi : Roger Boussinot, L’Encyclopédie du cinéma, op. cit., p. 183-184.
  15. Raymond Lefèvre, Ingmar Bergman, La Nuit des forains, in Regards neufs sur le cinéma, Le Seuil, coll. Peuple et culture, p. 199.
  16. François Truffaut, L’œuvre d’Ingmar Bergman, op. cit., p. 265.
  17. Max Favalelli, Le silence de la honte, Paris-presse, avril-mai 1956, in Cahiers du cinéma, Histoires de Cannes, numéro spécial, avril 1997, p. 46-47.
  18. Stig Björkman, Torsten Manns et Jonas Sima, La mort à chaque aube, entretien avec Ingmar Bergman sur l’Heure du loup, trad. Kerstin L. Bitsch, Cahiers du cinéma, août 1968, n°203, p. 55-56
  19. Jean Béranger, Rencontre avec Ingmar Bergman, Cahiers du cinéma, octobre 1958, n°88, p. 18-20
  20. François Truffaut, L’œuvre d’Ingmar Bergman, op. cit., p. 263-268 ; Jean-Luc Godard, Bergmanorama in Ingmar Bergman, le cinéma, le théâtre, le livre, Gremese, 1999, p. 58-64.
  21. À propos de La Source : Jean Domarchi, Cannes 1960, Cahiers du cinéma, juin 1960, n° 108, p.42, et Louis Marcorelles, Au pied du mur, Cahiers du cinéma, février 1961, n° 116 p. 51-53 ; à propos de l’Œil du diable : Pierre Billard, L’Œil du diable, Cinéma 62, Février 1962, n°63, p. 102-103.
  22. Jacques Doniol-Valcroze, Ouvert sur ces oiseaux uniques, Cahiers du cinéma, novembre 1962, n°137, p. 48-50 ; Jean Béranger, Ouverture pour le cinéma de chambre, Cinéma 62, n°69, septembre-octobre 1962, p. 41-45 ; Gilbert Salachas, À travers le miroir, Téléciné, Octobre-Novembre 1962, n°107
  23. Jacques Doniol-Valcroze, Ouvert sur ces oiseaux uniques, op.cit., p. 48
  24. Jean Béranger, Ouverture pour le cinéma de chambre, op.cit..
  25. Olivier Assayas et Stig Björkman, Conversation avec Bergman, op. cit., p. 90-92.
  26. Ibid.
  27. Patrick Bureau, Il fait froid sur Mars, Les Communiants, Cinéma 65, n°97, p. 114.
  28. Des ciseaux en acier suédois, Cinéma 64, n° 82, p. 25
  29. Un éloquent silence, Cinéma 63, n°81, p. 17.
  30. abcdefg Citations tirées du site [1]
  31. Ingmar Bergman, Laterna Magica, édition Gallimard 1987, p 91
  32. Federico Fellini, Les Nouvelles Littéraires du 10 février 1983

[modifier] Voir aussi

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[modifier] Bibliographie

[modifier] Écrits de Bergman

[modifier] Scénarios

Ingmar Bergman, Œuvres 1 (la typographie du 1 est en fait une "étoile"), trad. et adapt. du suédois par C. G. Bjurström et Maurice Pons (avec une introduction d'Ingmar Bergman), 453 pages, Robert Laffont, 1962.
Ouvrage regoupant les scénarios de "Sommarlek", "La nuit des forains", Sourires d'une nuit d'été", Le septième sceau", "Les fraises sauvages" et "Le visage".

  • Ingmar Bergman, Une trilogie, trad. et adapt. J. Robnard, 271 pages, Robert Laffont, 1964.
    Ouvrage regroupant les scénarios de Comme dans un miroir, Les Communiants et Le Silence
  • Ingmar Bergman, L'œuf du serpent, trad. par C. G. Bjurström et Lucie Albertini, Gallimard, 1978
  • Ingmar Bergman, Les meilleurs intentions (ISBN 2070389502), édité par Gallimard, 496 pages, 1994
  • Ingmar Bergman, Fanny et Alexandre (ISBN 2070405648), édité par Gallimard, 274 pages, 1998

[modifier] Autour de Bergman

  • Ingmar Bergman : Mes films sont l'explication de mes images, Jacques Aumont, Cahiers du Cinéma/Auteurs, Paris, 2003
  • Ingmar Bergman, Le magicien du Nord, N. T. Binh, Découvertes Gallimard, Paris, 1993
  • Ingmar Bergman, Une poétique du désir, Joseph Marty, Les Editions du Cerf, 1991
  • Conversation avec Bergman, Olivier Assayas, Editions Cahiers du Cinéma, 1990
  • Ingmar Bergman, Francis Guyon et Jean Béranger, Premier Plan, Lyon, 1964
  • En présence d'un clown, de Bergman, Jean Narboni, Eds Yellow Now, Bruxelles, 2007

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