Kwashiorkor

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Kwashiorkor
CIM-10 : E40

Le kwashiorkor est un syndrome de malnutrition protéino-calorique sévère de la première enfance. Le terme, qui signifie enfant (kwashi) rouge (orkor) dans la langue des Ashanti du Ghana, se réfère à la rougeur de peau des enfants qui en sont frappés. Le kwashiorkor touche principalement le jeune enfant qui, agé de 18 mois à trois ans, à l'arrivée d'un second enfant, est brutalement sevré et passe à une alimentation trop pauvre en protéines.

Sommaire

[modifier] Historique

En 1929, Lieurade[1], médecin de brousse au Cameroun, écrit : « Je fus frappé de rencontrer presque constamment [des enfants] dont l’aspect très particulier m’était jusqu’alors inconnu [et affectés de ce] que je prenais d’abord pour des anomalies congénitales de pigmentation. L’enfant est "rouge et blond". Il a deux à cinq ans, il est souffreteux et hébété ; en raison d’un œdème des joues et des paupières, sa tête paraît plus volumineuse ; l’abdomen, distendu par une ascite, contraste lui aussi avec des membres graciles ; la peau est amincie, vernissée, craquelée ou saignotante, la diarrhée fréquente, etc. »

Lieurade élimine une cause parasitaire mais ne retrouve pas l'étiologie de ce tableau. Il est le premier à donner la description clinique parfaite d’une maladie qui sera décrite plus tard au Ghana sous le nom de « kwashiorkor ».

Cette origine carentielle fut déjà évoquée en 1925 par Normet, en Indochine, chez les enfants atteints de la « bouffissure d’Annam », décrite par Guillon en 1913.

L’origine alimentaire et pluricarentielle de ces troubles est éclaircie en 1950 par des missions en Afrique (Brock et Autret) et en Amérique centrale (Autret et Béhar). Raoult et Bergeret mettent au point des procédés cliniques et biochimiques de détection précoce de ces malnutritions. Rapidement entrepris, le traitement approprié fait chuter la mortalité de 80 à 20 %.

[modifier] Origine

Le kwashiorkor fait partie des malnutritions protéino-caloriques et touche annuellement des millions d'enfants, essentiellement africains.

Cette pathologie résulte d'une alimentation hypoprotéique — n'apportant pas les quelque 50 grammes par jour recommandés — alors même que l'apport calorique global peut être suffisant. Le régime alimentaire équilibré doit comporter, en joules, environ 65 % de glucides, 20 % de lipides et 15 % de protéines).

Le kwashiorkor touche les enfants de deux ou trois ans, quelques mois après un sevrage brutal. Contrairement au lait maternel, riche en protéines, le régime adulte ne couvre plus les besoins en protéines de l'enfant. En effet, dans les pays touchés, l'alimentation des jeunes enfants est essentiellement constituée de bouillie de céréales comme le manioc, le mil, le maïs ou le riz. Ces repas sont insuffisamment riches en protéine, surtout par rapport aux besoins importants de l'enfant à cet âge.

Le kwashiorkor n'est pas uniquement du au seul déficit protidique. On a également constaté une baisse des taux sanguins de magnésium, de potassium, de fer, de zinc, des vitamines.

En fait, la maladie est due à une insuffisance de certains acides aminés dont la lysine, la méthionine et le tryptophane. Cette carence en acides aminés peut être traitée par une alimentation riche en produits laitiers. Malgré les traitements, le taux de mortalité des enfants atteints de formes avancées de la maladie reste important.

[modifier] Répartition géographique

Cette maladie se rencontre presque toujours chez des enfants habitant dans des pays pauvres ou en voie de développement, où les conditions de vie sont précaires, les populations sous-alimentées et le niveau d'éducation très bas. Ces pays sont situés dans l'hémisphère sud : Afrique, Amérique du Sud, Inde ainsi que la Corée du Nord. L'Afrique tropicale et équatoriale est particulièrement touchée.

[modifier] Épidémiologie

Tous les ans, plus de 12 millions d'enfants vivant dans des pays en voie de développement meurent à cause de pathologies infectieuses, bactériennes ou parasitaires.

Sur ces 12 millions, 56 % - soit 6,7 millions d'enfants - décèdent de la malnutrition, en raison d'une plus grande fragilité aux infections. Au Gabon, la malnutrition est la première cause de décès chez les enfants de un à quatre ans. Dans certaines régions défavorisées, le kwashiorkor est responsable de la mort de 30 % des enfants de moins de 5 ans.

[modifier] Facteurs de risque

La prévalence de la maladie dépend de plusieurs facteurs :

  • L'accès à l'eau potable : l’eau polluée véhicule des bactéries (Salmonella, Vibrio…), des parasites (Entamoeba, Fasciola, Giardia…) et des virus (hépatite), susceptibles de s’attaquer aux enfants affaiblis ;
  • L'efficacité de l'agriculture : qualité des sols, importance des précipitations ;
  • La fréquence des catastrophes naturelles : inondations, sècheresses, invasions de locustes
  • Le poids des coutumes : les femmes enceintes de certaines ethnies doivent arrêter d’allaiter leur enfant. Un sevrage précoce peut entraîner un kwashiorkor. Parfois, afin que les enfants n'y prennent goût, on leur interdit de manger des œufs ou de la viande. Après le sevrage, alors qu'ils ont besoin de protéines animales, leur alimentation devient alors essentiellement végétale ;
  • Les conflits ethniques ou religieux et les guerres : rationnement alimentaire, raréfaction des denrées, mort des parents ;
  • Le niveau de vie : la pauvreté et le prix élevé des protéines animales entraînent de mauvaises pratiques alimentaires ;
  • L’économie de la nation : l'instabilité politique nuit au développement du pays.

[modifier] Symptômes

Un enfant avec signes de kwashiorkor et de marasme, au Nigeria. Notez l'abdomen ballonné et les œdèmes des pieds, caractéristiques.
Un enfant avec signes de kwashiorkor et de marasme, au Nigeria. Notez l'abdomen ballonné et les œdèmes des pieds, caractéristiques.

Les symptômes précoces sont très généraux : anémie, apathie, fatigue, irritabilité, léthargie.

Si la carence perdure, on constate une hypoprotéinémie et de nombreux troubles surviennent :

À un état avancé, les fonctions vitales sont atteintes, ce qui entraîne un état de choc, le coma puis la mort.

[modifier] Pronostic

Les troubles disparaissent habituellement après un traitement précoce. Si le traitement est tardif, la santé générale de l'enfant est améliorée mais des séquelles physiques (taille réduite) et intellectuelles (incapacités mentales) sont à craindre. Sans traitement ou si le traitement survient trop tard, la mort est inévitable.

Un haut risque de décès est identifié par un périmètre brachial < 11 cm ou par un seuil de l’indice poids-taille < à –3 écart type. En pratique les enfants malnutris avec des œdèmes sont atteints de malnutrition grave potentiellement mortelle.

[modifier] Traitement

Afin d'éviter des problèmes, l’organisme doit être réadapté avec de rations petites mais fréquentes, données toutes les deux à quatre heures. Durant une semaine, l'alimentation, hyperglucidique, est progressivement enrichie en protéines ainsi qu'en éléments essentiels : lait sucré avec sels minéraux et vitamines. Le régime peut comporter des lactases — pour que les enfants ayant développé une intolérance au lactose puissent ingérer des produits laitiers — et des antibiotiques — pour compenser l'immunodéficience. Après deux à trois semaines, le lait est remplacé par des bouillies de céréales enrichies en minéraux et vitamines, jusqu'à ce que sa masse atteigne au moins 80 % de la masse normale. La nourriture traditionnelle peut alors être réintroduite. L’enfant est considéré guéri lorsque sa masse atteint 85 % de la normale.

[modifier] Prévention

L’éducation et l’alphabétisation peuvent éviter le kwashiorkor.

  • alphabétisation des filles : diffusion d'informations sur les moyens de lutte (dépliants, affiches...) ;
  • éducation des parents : connaissance des besoins alimentaires des enfants en fonction de l'âge ; contrôle des naissances afin de différer les maternités et, ainsi, d'éviter un sevrage trop rapide.
  • surveillance : la pesée régulière de l’enfant permet de juger de la normalité de sa masse et de sa croissance. Un périmètre brachial (circonférence du bras mesurée sous l’épaule) nettement inférieur à 13 cm, signe la maladie.

[modifier] Voir aussi

  • Marasme nutritionnel

[modifier] Bibliographie

  • LIEURADE M., 1932, Les ”Enfants Rouges” du Cameroun., BULL.SOC.PATH. EXOT.,1, pp. 46-48.

[modifier] Liens externes

[modifier] Réferences

  1. ASNOM - Pédiatrie