Garde à vue en droit français

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Droit français / Droit pénal

La garde à vue est le statut d'une personne suspectée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction et gardée par des forces de police ou de gendarmerie dans le cadre d'une enquête judiciaire. C'est une mesure privative de liberté, d'une durée strictement limitée qui reste sous le contrôle permanent de l'autorité judiciaire.

La garde à vue est régie notamment par les dispositions des articles 63 et suivants, 77 et suivants, 154, 706-88 et 803-2 et suivants du Code de procédure pénale .

Le Procureur de la République « visite les locaux de garde à vue chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par an » (art. 41 du CPP).

Sommaire

[modifier] Placement en garde à vue

[modifier] Qui a le pouvoir de mettre en Garde à Vue ?

Seul un Officier de Police Judiciaire de la Police Nationale ou bien de la Gendarmerie, conformément au code de Procédure Pénale, dûment habilité par la Procureur Général près la Cour d'Appel a le pouvoir de placer en garde à vue : il doit être territorialement compétent, avoir recueilli à l'encontre de l'intéressé une ou plusieurs raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction punie d'une peine d'emprisonnement, et aviser ensuite le Procureur de la République dans les plus brefs délais (généralement par un appel téléphonique ou encore au moyen du fax, et cela après avoir fait les avis légaux : la jurisprudence considère que le délai de 3 heures ne doit pas être dépassé). Ce pouvoir grave - car privatif de liberté - est souvent malconnu du grand public : un maire, bien qu'officier de police judiciaire, ne peut pas placer une personne en garde à vue. Le procureur de la République ou son représentant (le substitut) ne prend pas de mesure de Garde à Vue : en revanche, il est garant des droits fondamentaux, et en vertu de l'opportunité des poursuites décide des suites à donner à cette mesure qu'il contrôle ainsi.

[modifier] Catégories de gardés à vue

  • les majeurs : toute personne peut être placée en garde à vue, s'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement.
- le témoin est la personne à l'encontre de laquelle " il n'existe aucun indice faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre un infraction " (art. 62 du CPP). Il ne peut donc être retenu que le temps strictement nécessaire à son audition, sans garde à vue.
- la garde à vue est impossible pour les agents diplomatiques, les ambassadeurs et consuls ainsi que leur famille même si elle ne vit pas sous le même toit, les membres d'organisations internationales, les auditeurs de justice et enfin, le Président de la République. C'est aussi le cas pour les parlementaires sauf en cas de flagrant délit ou si le Parlement vote la levée de l'immunité.
  • les mineurs : les règles varient selon leur âge.

L'article 4 de l'Ordonnance du 2 Février 1945 demeure le texte de référence.

- avant 10 ans : aucune mesure de garde à vue ou de rétention ne peut être prise
- de 10 à 13 ans : le mineur ne peut pas être placé en garde à vue, mais il peut être mis en retenue dans un local de police pour les nécessités de l'enquête après l'autorisation d'un magistrat et sous son contrôle en cas de crime ou de délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement et pour une durée de 12 heures maximum renouvelable une fois (NB : avant la loi Perben I du 9 septembre 2002, cette retenue était de 10 heures au plus, renouvelable une fois, en cas de délit ou crime punissable d'au moins 7 ans d'emprisonnement). Cette mesure de rétention n'est possible que s'il existe des indices graves ou concordants laissant présumer que le mineur a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit et après présentation de ce dernier devant le magistrat pour son renouvellement, sauf en cas de circonstances insurmontables.
- de 13 à 16 ans : la garde à vue est possible ; d'une durée de 24 heures, elle peut être prolongée de 24 heures si l'infraction commise est punie d'un emprisonnement supérieur ou égal à 5 ans. Le mineur doit obligatoirement être présenté préalablement au Procureur ou au Juge chargé de l'instruction.
- de 16 à 18 ans : les règles sont les mêmes que pour les majeurs.

[modifier] Durée de garde à vue

  • principe : la durée de la garde à vue est de 24 heures, avec possibilité de prolongation de 24 heures supplémentaires, soit 48 heures maximum, sur autorisation écrite du procureur de la République ou d'un juge d'instruction suivant le cas.
  • régime dérogatoire : la garde à vue peut durer jusqu'à 96h (24+24+24+24 ou 24+24+48) pour un certain nombre d'infractions mentionnées à l'article 706-73 du code de procédure pénale :
- Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8º de l'article 221-4 du code pénal ;
- Crime de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l'article 222-4 du code pénal ;
- Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal ;
- Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus par l'article 224-5-2 du code pénal ;
- Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal ;
- Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du code pénal ;
- Crime de vol commis en bande organisée prévu par l'article 311-9 du code pénal ;
- Crimes aggravés d'extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du code pénal ;
- Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée prévu par l'article 322-8 du code pénal ;
- Crimes en matière de fausse monnaie prévus par les articles 442-1 et 442-2 du code pénal ;
- Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;
- Délits en matière d'armes et de produits explosifs commis en bande organisée, prévus par les articles L. 2339-2, L. 2339-8, L. 2339-10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la défense ;
- Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée prévus par le quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance nº 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
- Délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 et 324-2 du code pénal, ou de recel prévus par les articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions mentionnées aux 1º à 13º ;
- Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1º à 14º ;
- Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, prévu par l'article 321-6-1 du code pénal, lorsqu'il est en relation avec l'une des infractions mentionnées aux 1º à 15º.
  • nouvelle exception : la garde à vue peut être encore prolongée et ainsi durer 6 jours:
- pour les besoins de l'enquête relative au terrorisme lorsqu'il y a un risque actuel d'actes de terrorisme ( la menace doit être avérée et actuelle)

- La garde à vue démarre au moment où la personne est privée de sa liberté (arrestation, audition, présence dans le local de police...) Attention à l'article 73 du code de procédure pénale : lors de l'interpellation par les forces de l'ordre, la garde à vue débute au moment de l'arrestation. Lorsque la personne est interpelée par un citoyen, la garde à vue débute au moment de la remise à l'officier de police judiciaire territorialement compétent.

[modifier] Statistiques

Il y a eu 336 718 gardes à vue en 2001, 530 994 en 2006 [1]. En 2007, il y a eu 562 083 gardes à vues.

[modifier] Droits du gardé à vue

[modifier] Information de l'infraction

La personne gardée à vue doit être informée de ses droits, de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, ainsi que de son droit, en cas de remise en liberté, de connaitre la suite de la procédure auprès du Procureur de la République.

  • Si la personne est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par une personne qualifiée maitrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec les personnes malentendantes.
  • La personne placée en garde à vue doit être immédiatement informée de ses droits. Toutefois, si elle n'est pas en mesure de comprendre ses droits (par exemple si elle est ivre), l'information lui sera donnée dès qu'elle sera en mesure de comprendre ce qui lui est notifié.
  • Toute personne placée en garde à vue doit être informée de ses droits dans une langue qu'elle comprend, au moyen si besoin d'un imprimé préalablement à l'assistance d'un interprète qui sera requis par l'officier de police judiciaire.

[modifier] Droit de faire prévenir une personne

Dans un délai de trois heures à compter du placement en garde à vue, la personne peut faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et sœurs ou son employeur de la mesure dont elle est l'objet.

Si l'officier de police judiciaire estime, en raison des nécessités de l'enquête, ne pas devoir faire droit à cette demande, il informe sans délai le procureur de la république qui décide.

[modifier] Examen médical

Le gardé à vue peut se faire examiner à tout moment par un médecin à sa demande, sur décision de l'officier de police judiciaire ou du procureur de la République (ou juge d'instruction). Le médecin requis doit mentionner sur son certificat médical si la mesure est compatible avec l'état de santé, y compris lors de la prolongation de la garde à vue. Si l'un des membres de la famille demande cet examen, il est de droit.

La personne placée en garde à vue ne doit pas être frappée, injuriée, ou humiliée. Dans les cas ici présents, le placé en garde-à-vue ne peut répondre aux coups et aux insultes; il peut porter plainte.

[modifier] Entretien avec un avocat

Le gardé à vue peut s'entretenir avec un avocat pendant 30 minutes, et cela, dès la première heure. En cas de prolongation, il revient dès le début de cette mesure. L'avocat peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité. Il est informé de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête. Dans le cadre d’une commission rogatoire, il devra être informé que la mesure de garde à vue intervient dans ce type d’enquête. L’avocat ne peut pas prendre connaissance des pièces ni participer aux auditions, néanmoins, il peut remettre, à l'issue de l'entretien, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.

Si la personne gardée à vue n'est pas en mesure de désigner un avocat ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats.

[modifier] Obligations légales

En dehors des cas où la police/gendarmerie agit sur « commission rogatoire du juge d'instruction » ou en cas de crime ou de flagrant délit :

  • le citoyen n'est pas tenu d'ouvrir sa porte aux enquêteurs ; non plus d'accepter une perquisition en enquête dite "préliminaire", qui requiert son assentiment expresse.
  • le citoyen n'est pas obligé non plus de les suivre dans les locaux de la police.

Dans tous les cas de refus, le procureur de la République peut contraindre le citoyen par la force publique. Concrétement, l'Officier de Police Judiciaire demande une réquisition prise en application de l'article 78 du code Procédure Pénal, par laquelle le Procureur de la République, lui donne la possibilité de contraindre la personne à suivre les agents de la Force Publique.

Enfin, quelles que soient les menaces ou les sollicitations dont il peut être l'objet, il n'est pas obligé de répondre à la police avant d'avoir été conduit devant un juge; c'est le droit fondamental de garder le silence.

[modifier] Sortie de garde à vue

À l'issue de la durée de la garde à vue, ou bien lorsqu'il est mis fin à la garde à vue avant le délai maximum autorisé, plusieurs possibilités peuvent se présenter.

[modifier] Sortie sans poursuite

La personne est relâchée sans qu'aucune suite ne soit donnée à l'affaire l'ayant amené à être placé en garde à vue. Cette décision est prise par le Procureur de la république qui juge n'y avoir lieu à engager des poursuites (voir : classement sans suite). Le gardé à vue peut aussi être relâché pour que l'enquête se poursuive. La personne pouvant être replacée plus tard en garde à vue dans la limite des délais maximum. Ainsi en droit commun un homme ayant déjà fait 38 heures de garde à vue pourrait dans la même affaire être replacé en garde à vue pour une durée maximum de 10 heures.

[modifier] Médiation pénale

Le procureur peut avant d'engager des poursuites décider d'organiser une médiation pénale qui, si elle échoue, peut l'amener à reprendre les poursuites. Dans le cas inverse, l'affaire sera close.

[modifier] Engagement des poursuites

Lorsqu'il décide d'engager des poursuites, le Procureur de la république peut prendre l'une des mesures suivantes :

  • ordonner le classement sans suite mais sous condition (voir : classement sous condition);
  • relâcher la personne et renvoyer l'affaire en composition pénale;
  • relâcher la personne sans convocation devant le Tribunal mais celle-ci lui est adressée plus tard (voir  :citation directe);
  • relâcher la personne en lui remettant une citation à comparaitre comprenant la date, l’heure et le lieu du procès, ainsi que les faits reprochés à la personne et les articles de loi correspondant à ces délits.
  • présenter la personne à un juge d'instruction. Cela est automatique en cas de poursuites pour crime. Dans le cas d’un délit, le procureur renvoie devant un juge d’instruction les affaires compliquées ou mettant en cause un grand nombre de personnes. Le juge décidera ensuite s'il y a lieu ou non d'ordonner la mise en détention provisoire (voir : instruction).
  • déférer la personne au parquet : dans ce cas, la personne est présentée au Procureur de la république qui lui fait connaitre les faits qui lui sont reprochés et éventuellement recueille ses déclarations. Le procureur a toujours la possibilité, à ce stade, de classer l’affaire sans suite, de décider d’une médiation ou d'une composition pénale. Sinon, il peut
- proposer la procédure de comparution par reconnaissance préalable de culpabilité
- décider le renvoi devant le tribunal en comparution immédiate
- décider le renvoi en comparution différée dans un délai compris entre dix jours et deux mois. Le procureur remet au prévenu une citation à comparaitre avec les faits retenus, le lieu, la date et l’heure de l’audience. (voir : citation directe)Il n’y a pas de détention provisoire possible mais éventuellement un contrôle judiciaire.

[modifier] Recours

Le 22 janvier 2008, la cour d'appel de Rennes "a admis qu'il y avait eu dysfonctionnement de la justice" et a condamné l'État à verser à cinq demandeurs, dont Philippe Bonnet, des indemnisations allant de 1 500 € à 4 000 €, au motif que, s'agissant de "simples témoins", la durée de leur audition ne pouvait "excéder le temps d'une simple déposition, puisque ces personnes ne savaient pas ce qu'on leur reprochait et ne l'ont jamais su"[2] [3]. L'État ne s'étant pas pourvu en cassation contre cet arrêt rendu au bout de six ans et huit mois et demi de procédure, celui-ci est maintenant devenu définitif. L'avocat des demandeurs a annoncé une nouvelle demande d'indemnisation devant le tribunal de grande instance pour durée abusive de la procédure.[4] [5].


[modifier] Controverses

Leur nombre s'est fortement accru en France durant les années 2000, atteignant 562 083 en 2007, soit 54,2% de plus qu'en l'an 2000, celles de plus de 24 heurs augmentant même de 73,8% et celles motivées par une infraction au droit de séjour des étrangers subissant une escalade de 179%. La Commission nationale de déontologie de la sécurité a déploré dans son rapport 2007 des gardes à vues sans que leurs droits soient signifiés aux personnes retenues, notamment pour des mineurs.[6]

[modifier] Bibliographie

  • Garde à vue : une histoire vécue, Christophe Mercier, Paris, éditions Phébus, 30p.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Notes

  1. Le Canard enchaîné, 7 février 2007, page 4
  2. "Ouest-France", vendredi 25 janvier 2008,"L'État devra indemniser des autonomistes bretons" et "Le Télégramme", jeudi 24 janvier 2008, "Attentats. La Justice de l'État jugée défaillante", [1]
  3. Arrêt de la Cour d'Appel de Rennes, [2]
  4. L'Etat condamné pour des gardes à vue abusives de militants bretons, Agence France Presse, 14 mai 2008
  5. Gardes à vue abusives: l'Etat condamné, Ouest-France, page Bretagne, 14 mai 2008
  6. Le nombre de gardes à vue a explosé en sept ans, Isabelle Mandraud et Alain Salles, Le Monde, 23 avril 2008