Voie Domitienne/Via Domitia

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La Voie Domitienne (Via Domitia) est une voie romaine construite à partir de 118 av. J.-C. pour relier l'Italie à la péninsule ibérique en traversant la Gaule narbonnaise.

Sommaire

[modifier] Historique

La Voie Domitienne a été créée à partir de 118 av. J.-C. à l'instigation du général romain Cneus Domitius Ahenobarbus dont elle porte le nom.

Cette route devait assurer les communications avec Rome et permettre l’installation et la circulation de garnisons protégeant des villes devenues romaines. La première colonie romaine du sud de la Gaule fut Narbo Martius (Narbonne).

Première route construite par les Romains en Gaule, elle franchit les Alpes au col de Montgenèvre (1850 m), suit la vallée de la Durance, longe le Luberon par le nord, franchit le Rhône à Beaucaire, passe par Nîmes (Nemausus) et suit la côte du Golfe du Lion jusqu'à l'Espagne, en reliant sur son chemin les principales cités gauloises de l'époque. Elle contourne donc le territoire de Massalia, cité grecque indépendante jusqu'en -48 (devenue Massilia en latin).

Bien que destinée à la circulation des légions romaines, les marchands empruntent rapidement cette voie. Plus tard, ce sont les fonctionnaires de la République puis de l’Empire qui l’utilisent (poste impériale ou cursus publicus). La construction de cette voie fut bénéfique à l'économie locale grâce aux échanges qu'elle permit entre les cités.

Le tracé de la Via Domitia nous est connu assez précisément par plusieurs sources : les gobelets de Vicarello, la Table de Peutinger et l'Itinéraire d'Antonin (la source la moins fiable). Elle est construite de manière presque rectiligne sur des terrains solides. L'observation des cartes topographiques montre très souvent le parcours qu'elle empruntait. Les routes modernes empruntent encore souvent le tracé de la Via Domitia (N85 - N100 - A9…)

Dans les villes qu’elle traverse, elle est pavée ou dallée, mais la plupart du temps, c’est un chemin en terre battue sur des couches stratifiées de gravier et de cailloutis.

Tous les milles (1 mille = 1481 mètres) était installée une borne milliaire (qui correspond plus à nos actuels panneaux indicateurs) indiquant les distances entre la borne et les villes voisines. Sur le tracé de la Via Domitia ont été recensées plus de 90 bornes de ce type.

Quand la voie entre dans une ville, elle traverse généralement une enceinte en passant sous une porte ou un arc de triomphe, comme à Nemausus avec la Porte d’Auguste ou à Glanum avec l'Arc de triomphe.

[modifier] Itinéraire

Venant d'Italie et de Segusio / Suse, la Via Domitia franchissait les Alpes, à plus de 1800 mètres, au col de Montgenèvre. C'était alors le passage le plus aisé à travers les montagnes. Une petite agglomération y était installée : Druantium ou Sommae Alpes, avec entre autres un sanctuaire dédié aux sources de la Durance.

  • Brigantio / Briançon, carrefour géographique au cœur de trois vallées. On a trouvé dans cette ville des vestiges de thermes, un amphithéâtre.

La voie suivait ensuite probablement la rive droite de la Durance pour aboutir à la station de Rama / La Chapelle de Rame. Le site a été occupé jusqu'au Moyen Âge.

  • Eburodunum / Embrun. Il y a peu de vestiges de ce chef-lieu de cité devenu chef-lieu de province des Alpes-Maritimes au IIIe siècle.
  • Caturigomagus / Chorges, poste-frontière entre les Alpes Cottiennes et la Narbonnaise. Jusqu'à Gap, la voie est bien visible sur les cartes car elle correspond aux limites des communes actuelles.
  • Vapincum / Gap était une ville modeste qui devint importante en prenant le titre de cité au IVe siècle. Elle était entourée d'un rempart.
  • Alabons / Monêtier-Allemont qui était à l'époque un mutatio. Cette portion de la voie a été appelée "l'ancienne route de Provence".
  • Segustero / Sisteron. La cité était un nœud routier. Aboutissaient ici des voies venant de Forum Julii / Fréjus et Cemenelum / Cimiez et Nice. Ce carrefour de routes était du au passage possible de la Durance, difficile à traverser partout ailleurs, en un point resserré de son cours (30 m seulement). C’était le seul pont en dur sur la Durance jusqu’au XIXe siècle. La cité occupait la vieille ville actuelle. La Via Domitia la traversait en son milieu, sur les actuelles rue Droite et rue de la Saunerie. Elle reste ensuite sur la rive droite de la Durance.

Elle gagnait ensuite Val Saint Donat et Ganagobie. Aux pieds du plateau de Ganagobie, un pont de pierre permet de franchir le Buès. Cet édifice à une seule arche, haut de 10 mètres existe encore aujourd'hui et est en parfait état.

  • Alaunium / Notre Dame des Anges. C'était la station la plus importante dans cette portion de route.

Elle passait ensuite au centre de la plaine de Mane. Au lieu-dit Tavernoure devait se trouver très probablement un relais (taberna). Elle franchit ensuite le col des Granons, décrit par le géographe Strabon. Au sud de Saint-Michel-l'Observatoire, elle franchit le Reculon grâce à un gué encore visible aujourd'hui. Construit en grand appareil, il mesure 25 mètres de long et six mètres de large.

  • Catuiacia / Céreste où on a retrouvé quelques vestiges de l'antique mutatio. Un pont franchissait le ruisseau de l’Aiguebelle. Le pont dit romain sur l’Encrême date en fait du XVIIIe siècle[1].
  • Apta Julia / Apt. Les vestiges de la ville se trouvent sous la ville moderne. On a repéré ainsi le théâtre sous le musée, un forum et de nombreuses maisons.

La Voie franchissait ensuite le Calavon grâce au pont Julien. C'est le plus bel ouvrage encore visible de la Via Domitia et c'est le pont le mieux conservé de France datant de cette époque. Il a une longueur de 80 mètres, est large de 6 mètres et haut de 11 mètres. Il est composé de trois arches dont la centrale est plus importante et plus élevée.

  • Ad Fines / Notre Dame des Lumières, limite administrative à l'époque. On y trouvait un relais.
  • Cabellio / Cavaillon. C'était un carrefour de voies antiques, aux pieds d'un oppidum. On trouve à Cavaillon de nombreux vestiges : un arc de triomphe et un aqueduc, particulièrement. C'est au sud-est de Cabellio que la voie franchissait la Durance.

Elle rejoignait ensuite le site de la Pierre Plantée (borne milliaire), à Plan d'Orgon et se dirigeait ensuite vers Saint-Rémy-de-Provence, par l'axe encore emprunté aujourd'hui.

  • Glanum / Saint-Rémy-de-Provence est un grand site gallo-romain. La ville a été fondée par les Grecs. Les vestiges visibles aujourd'hui mettent bien en avant ses différentes époques d'occupation. On y vénérait Apollon. On a mis au jour les restes de nombreuses maisons, fontaines, temples, basiliques, thermes répartis le long de la Via Domitia pavée. Elle quittait la cité en passant sous l'arc de triomphe des Antiques, à côté du mausolée des Jules.
  • Ernaginum / Saint-Gabriel. C'est le nœud routier le plus important de la Gaule romaine. C'est ici qu'elle rencontrait la Via Agrippa (Arles-Lyon) et la Via Aurelia (la voie Aurélienne, venant de Rome par le littoral). C'était une cité importante dont l'économie dépendait principalement de ces trois grandes routes.

La voie longeait ensuite les Alpilles et franchissait le Rhône, probablement par bac, à Tarusco / Tarascon pour passer à Ugernum / Beaucaire.

  • Ugernum / Beaucaire se développe autour d'un puissant castrum au IIe siècle. De nombreux vestiges ont été mis au jour, notamment au Mas des Tourelles, immense villa spécialisée dans la viticulture (on trouvait dans les bâtiments des fours spéciaux pour la fabrication des amphores).

À la sortie de Beaucaire, la Via Domitia existe toujours sous sa forme originale de chemin de terre renforcé. C'est le tronçon qui présente le plus de bornes milliaires, quelquefois deux ou trois au même endroit (au fur et à mesure des réfections de voie, chacun voulant marquer son passage).

  • Nemausus / Nîmes était l'étape suivante. La cité était une des plus grandes agglomérations de la Narbonnaise avec une superficie de plus de 200 hectares. La Via Domitia entrait dans la ville par la porte d'Auguste, encore visible à ce jour, puis se prolongeait par l'actuelle Rue Nationale.

Les vestiges de cette époque sont nombreux : la Tour Magne, la Maison Carrée, le sanctuaire de la Fontaine, l'Amphithéâtre (arènes), le théâtre et également le castellum (château d'eau) distribuant l'eau dans les quartiers, point final d'un aqueduc venant d'Uzès dont le point le plus connu est le Pont du Gard.

La voie repart vers le sud-ouest pour atteindre la station d'Ad Octavum / Uchaud puis Vergèze et Gallargues-le-Montueux. De nombreuses bornes milliaires sont visibles sur ce tronçon.

Elle passait ensuite le Vidourle sur le pont Ambroix, dont il reste une arche, avant d'entrer à Ambrussum.

Ambrussum: voie pavée marquée par le passage des chariots
Ambrussum: voie pavée marquée par le passage des chariots
  • Castries avec un castrum le long de la voie
La Voie Domitienne à Pinet
La Voie Domitienne à Pinet

Elle passait sur le site de l'actuelle Montpellier (la ville se développera plus tard, bien après la période gallo-romaine, le long de la Via Domitia cependant) pour rejoindre Forum Domitii / Montbazin, relais routier fondé par Domitius.

Pont Romain de St-Thibéry
Pont Romain de St-Thibéry
  • Baetiris / Béziers centre commercial important fondé par Octave. C'était un chef-lieu de cité. Le Pont Vieux, médiéval, a été reconstruit sur le pont romain.
  • La voie passe ensuite aux pieds de l'oppidum d'Ensérune, ville fondée par les Grecs. Chef d'œuvre d'urbanisme, son activité déjà florissante avant la présence romaine augmenta avec la présence de la Via.
  • Narbo Martius / Narbonne est la première colonie romaine en Gaule (-118 avant J.-C.). Elle devint une grande cité à partir du règne d'Auguste.

La voie arrivait par la rue de Lattre, traversait le forum romain (place Bistan) pour quitter la cité par le pont des Marchands, sur l'Aude. La richesse de Narbo Martius provenait de son activité économique liée au commerce maritime (exportation de céréales, vins, huiles, céramiques, amphores…).

  • Ad Viscensimum / Fitou. Station
  • Ad Salsulae / Salses. Station et castrum important, à proximité du célèbre fort de Salses.
  • Ruscino était une cité importante au sud de l'actuelle Perpignan, développée à partir du Ier siècle à partir d'un oppidum plus ancien.

De Ruscino, la voie se séparait en deux : la « voie terrestre » et la « voie côtière ».

  • Itinéraire côtier par Illiberis / Elne, Palol d'aval(emplacement supposé de Ad Stabulum) entre Elne et Latour-Bas-Elne, Collioure, Portus Veneris / Port-Vendres. Mais avant Collioure la voie passant les Pyrénées passait par l'ancienne voie dite d'Hérakles, passant par dans la vallée à l'Ouest de la Madeloc et par l'actuel col Banyuls.
  • Itinéraire intérieur par Bages, Saint Jean Laseille, Banyuls des Aspres, Nidolères, Fenollar (Ad Centuriones), Les Cluses (Castrum Clausurae : le goulet d'étranglement de Cluses était encadré de 2 forts au moins à partir du 4e siècle).

La voie arrivait près du Col du Perthus, au col de Panissards ( Summum Pyreaeum ), où elle est bien visible à ce jour, souvent taillée à même le roc. Un trophée immense fut dressé à cet endroit, pour célébrer les victoires de Pompée sur les peuples de l'Hispanie.

Deux informations complémentaires :

  • Côté Sud des Pyrénées la Via Domitia faisait place à la Via Augusta qui passait par la station de Deciana / La Junquera.
  • Une voie passant par Montescot, Ortaffa, Brulla, avec une bretelle entre Palol d'Amont et Illiberis/Elne permettait de relier cette cité importante d'Illiberis/Elne d'une part à la Via Confluentana qui remonte la vallée de la Tet, et d'autre part à Nidolères pour rejoindre la voie Domitia intérieure allant au col de Panissars et la Via Valespiriana remontant la vallée du Tech à partir de Fenollar.
  • Une autre thèse actuelle veut que la voie Domitia d'Illiberis/Elne à Fenollar aurait été sur la rive droite du Tech après avoir enprunté le même gué que la voie cotière.

[modifier] Anecdotes

Le collège de Poussan se nomme Collège Via Domitia

[modifier] Voir aussi

[modifier] Références

  1. Guy Barruol, « Céreste », in Philippe Autran, Guy Barruol et Jacqueline Ursch, D’une rive à l’autre : les ponts de Haute-Provence de l’Antiquité à nos jours, Les Alpes de lumière no 153, Forcalquier, 2006. ISBN 2-906162-81-7, p 65-66

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • Raymond CHEVALIER, Les Voies Romaines, Picard, Paris, 1997. ISBN 2-708405-268
  • Pierre A. CLEMENT & Alain PEYRE, La Voie Domitienne. De la Via Domitia aux routes de l'an 2000, Presses du Languedoc/Max Chaleil Editeur, 1992. ISBN 2-859980-970
  • Pierre A. CLEMENT, La Via Domitia. Des Pyrénées aux Alpes, Editions Ouest-France, Rennes, 2005. ISBN 2-737335-086
  • Georges CASTELLVI, Jean Pierre COMPS, Jérome KOTARBA, divers ouvrages et articles, dont le plus récent : Carte Archéologique de la Gaule , Les Pyrénées Orientales, Maison des Sciences de l'Homme. Paris 2007. ISBN 2-87754-200-5