Houmt Souk

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Houmt Souk
Porte du Borj El K'bir
Administration
Pays Tunisie Tunisie
Gouvernorat Médenine
Délégation(s) Djerba Houmt Souk
Maire Hichem Bessi
Code postal
Municipalité de Houmt Souk
Démographie
Population 44 555 hab. (2004[1])
Densité hab./km2
Gentilé
Géographie
Altitude m.
Superficie ha = km2
Latitude
Longitude
33° 52′ 30″ Nord
         10° 51′ 18″ Est
/ 33.875, 10.855
Localisation de Houmt Souk
Carte de localisation de Houmt Souk

Houmt Souk (حومة السوق) est la capitale administrative de l'île tunisienne de Djerba. Elle se situe à environ 20 kilomètres d'Ajim (point d'arrivée sur l'île par bac) et 22 kilomètres d'El Kantara (point d'arrivée sur l'île par la chaussée romaine). C'est à la fois le chef-lieu d'une délégation et d'une municipalité de 64 892 habitants. La ville elle-même abrite une population de 44 555 habitants en 2004[1]. Cette ville se serait développée sur l'emplacement d'une ancienne ville romaine appelée Gerba ou Girba qui a eu l'honneur de voir naître deux empereurs romains, Trébonien Galle et son fils Volusien[2], et de donner son nom à l'ensemble de l'île.

Sommaire

[modifier] Géographie

Houmt Souk est située sur une plaine de la côte nord de l'île dépourvue de cours d'eau. La nappe phréatique y est dans l'ensemble saumâtre : un puits artésien (appelé Bir Erroumi), profond de 767 mètres, a été creusé durant le protectorat français et son eau est ferrugineuse.

La ville se divise en plusieurs quartiers dont les trois principaux sont Taourit et Boumellel et la Hara El K'bira, qui comprennent à leur tour des sous-quartiers comme Fatou, Thouirane, Houmet Eljouamaa ou Binibandou. Les trois principaux quartiers de la ville, Taourit, la Hara et Boumellal, se situent successivement au nord (Taourit et la Hara El K'bira) et au sud de celle-ci, le centre de la ville chevauchant les trois quartiers.

La profondeur des fonds marins est faible au large de Houmt Souk : il faut s'éloigner de neuf kilomètres des côtes pour atteindre la courbe de -5 mètres. L'ampleur des marées y atteint par ailleurs 1,30 m[3].

Le climat de Houmt Souk est tempéré à tendance semi-aride, bénéficiant d'une brise maritime bienfaisante pendant l'été.

[modifier] Histoire

Cette ville se serait développée sur l'emplacement d'une ancienne cité romaine appelée Gerba ou Girba[2]. Elle a été le témoin d'une multitude de civilisations : numide, punique, romaine, vandale, arabe, espagnole, arabe, turque, etc. Les corsaires et pirates en firent leur nid pendant plusieurs siècles et la fameuse bataille de Djerba a eu lieu dans son extrémité nord, autour de l'actuel Borj El K'bir. Vers 1550, Léon l'Africain cité par Salah-Eddine Tlatli[4] en parle ainsi :

« Tout près du fort, y a un gros village, là où logent les marchans étrangers, comme chrétiens, mores, turcs et s'y fait toutes les semaines un marché que l'on prendrait quasi pour une foire, à cause que tous les habitants de l'île s'y assemblent, joints aussi que plusieurs arabes de terre ferme s'y transportent avec leur bétail, y portans des laines en grande quantité. Mais ceux de l'île vivent de la facture et traficque des draps de laine, lesquels ils portent vendre ensemble le raisin sec dans la cité de Thunes [Tunis] et d'Alexandrie. »

Sous le protectorat français (1881-1956), l'île de Djerba est divisée en douze cheïkhats et Houmt Souk devient le chef-lieu de la cheïkhat de Taourit[5]. C'est dans le Borj El K'bir de Houmt Souk que, le 28 juillet 1881, les troupes françaises s'installent après avoir pris Djerba à la suite de l'imposition du protectorat. Elles y restent jusqu'en 1890, date à laquelle l'administration de l'île passe aux mains de l'autorité civile.

En 1956, lorsque la Tunisie obtient son indépendance, Houmt Souk devient le chef-lieu de l'unique délégation de Djerba qui est plus tard divisée pour donner naissance à deux délégations additionnelles : Midoun et Ajim.

[modifier] Architecture et urbanisme

Compte tenu de la densité de l'habitat au centre de Houmt Souk et à la Hara El K'bira, l'architecture y est parfois différente de celle du reste de l'île. Le menzel typique de Djerba n'y est pas toujours la norme et les constructions sont parfois rapprochées voire collées les unes aux autres. Toutefois, le concept du houch avec cour intérieure est généralement respecté pour les habitations et les fondouks. Mais une nouvelle architecture pour les habitations (sans cour intérieure) a vu le jour vers les années 1960 et se répand de plus en plus. Il en est de même pour les coupoles et les demi-voûtes dont l'usage, autrefois systématique, cède de plus en plus la place aux plafonds plats. Les couleurs dominantes restent en revanche le blanc vif pour la maçonnerie et le bleu ciel pour les portes et fenêtres. La ville compte plusieurs petites places reliées entre elles par des arcades (bortals) ainsi que des souks couverts de voûtes à arcades comme le souk Errbaâ ou le marché central de construction plus récente que le précédent. Plusieurs anciens fondouks, dont certains remontent à plusieurs siècles, suivent souvent le même schéma : une cour intérieure généralement carrée et une succession de magasins au rez-de-chaussée avec une porte à puissante serrure, parfois éclairés d'une lucarne au dessus, où les commerçants y entreposaient leurs biens. La cour abritait les bêtes de somme, les charrettes et leurs équipements. Au premier étage, où conduit un unique escalier, une galerie supportée par des colonnes et des arcs donne accès aux portes des multiples chambres ou de lieux d'entreposage. Situés pour la plupart au centre-ville, certains ont été aménagés en petits hôtels ou auberges de jeunesse, voire des petits centres commerciaux pour produits touristiques[6]. À Houmt Souk, les constructions sont généralement harmonieuses et gardent un certain charme.

La zone côtière, autrefois désertée, est de plus en plus urbanisée et les ruelles « poudreuses » cèdent de plus en plus la place à des routes asphaltées.

[modifier] Édifices religieux

Mosquée des Turcs
Mosquée des Turcs

Les mosquées sont nombreuses dans la cité et leur architecture variée. Plusieurs d'entre elles sont construites selon un style typiquement djerbien, on peut citer Jemaâ El Ghorba (littéralement mosquée des Étrangers) de rite malékite, Jemaâ Ettrouk (mosquée des Turcs), passée du rite hanéfite au rite malékite, qui remonte au XVIIIe siècle et se trouve dotée d'un minaret typique de style ottoman. Il existe également Sidi Brahim El Jemni, construite en 1674, avec un toit à voûtes multiples et une zaouïa abritant la tombe d'un saint. Ces trois mosquées sont classées monuments historiques[7]. Quant à Sidi Bouakkazine, de rite malékite et située à proximité de la bibliothèque publique, elle est couronnée d'une coupole composée de tuiles vertes remontant à plusieurs siècles et abrite le tombeau d'un saint ainsi qu'un puits symbolisant l'une des rares zaouïas féminines de Houmt Souk. Appelée Lella Gmira, cette zaouïa est visitée particulièrement par les femmes ayant des problèmes de fertilité afin de s'y laver et d'y allumer une bougie dans l'espoir d'obtentir une bénédiction et peut-être finir par enfanter. Plus loin, sur la route d'Ajim, on trouve Sidi Bouzid de rite ibadite. Sidi Salem et Sidi Youssef se situent sur la nouvelle voie rapide qui mène à l'aéroport alors que, sur la route de Mellita (ancienne route de l'aéroport), on trouve Jemaâ Ejdid. Jamaâ Echeikh, Jemaâ El Bassi et Jemaâ El Guellal sont dans la même zone au sud-est de Houmt Souk.

Des légendes entourent plusieurs mosquées de Houmt Souk, Sidi Zitouni, située non loin de Jamaâ Ettrouk et qui abrite aussi bien la tombe d'un saint que le Musée des arts et traditions populaires, est l'une d'entre elles. Selon la légende, cette mosquée serait habitée par des jinns qui ne se manifesteraient que le soir. Ainsi les Djerbiens ont-ils l'habitude de quitter cette mosquée au coucher du soleil. Les femmes de ces jinns seraient d'une beauté exceptionelle et les Djerbiens qui avaient le courage de passer la nuit dans la mosquée était autorisé d'épouser l'une de leurs femmes ; ces unions seraient à l'origine de la beauté des djerbiennes[8]. Une autre histoire populaire est racontée autour de Jemaâ El Guellal : un potier (guellal) du XIIIe siècle avait chargé des poteries que sa famille avait mis des mois à fabriquer sur une charette pour les vendre. En cours de route, la charette se renverse et il tombe avec ses poteries qui se dispersent sur des dizaines de mètres. Il décida néanmoins de recenser ce qui pouvait être sauvé et, à son grand étonnement, toutes ses poteries sont intactes. Il livre alors son chargement et ramène l'argent à sa famille. Voyant une intervention divine dans son aventure, le potier décide d'édifier une mosquée sur le lieu de l'accident[8]. Jamâa Tajdid, dont la construction commencée au IXe siècle fut confiée à Abou Messeouar qui réalisa le mihrab puis à son fils qui complèta son œuvre, se trouve sur la route qui mène à Midoun[9]. Jemaa El K'bir se trouve pour sa part dans le quartier de Barkouk et Sidi Zaied sur la route qui mène à la zone touristique.

Il existe également plusieurs petites synagogues à la Hara El K'bira (quartier jadis exclusivement juif et actuellement mixte aux plans ethnique et religieux), une église catholique en plein centre de Houmt Souk (dans le quartier des vieux fondouks) ainsi qu'une église grecque orthodoxe à proximité du port, juste derrière l'hôtel Lotos, l'un des premiers hôtels de Djerba.

[modifier] Fort et Tour des crânes

Murs du Borj El K'bir
Murs du Borj El K'bir

Le Borj El K'bir est un château-fort construit sur le front de mer en 1432, sous le règne du sultan hafside Abû Fâris `Abd al-`Azîz al-Mutawakkil[10], et appelé aussi Borj El Ghazi Mustapha car il a été agrandi et consolidé entre 1560 et 1567 sous le règne du sultan ottoman Soliman le Magnifique, par l'entremise du corsaire Dragut et les soins du caïd Ghazi Mustapha. Une stèle commémorative en marbre, scellée primitivement dans l'un des murs intérieurs de l'entrée du fort, relative à ces travaux est actuellement exposée au Musée national du Bardo à Tunis[11]. À l'intérieur, des fouilles ont permis de découvrir le fort primitif. Dans l'une des salles, une exposition des découvertes effectuées lors des fouilles relate son histoire. Une vue panoramique du haut des remparts permet de voir le port et l'obélisque de neuf mètres de haut qui rappelle l'emplacement du Borj-er-Rous, la tour construite avec les ossements des adversaires de Dragut après sa victoire de la fin juillet 1560 contre une coalition de l'Espagne, des royaumes de Naples et de Sicile, de la Lombardie, de l'Allemagne, de la France et de la papauté représentée par les chevaliers de Malte. La tour avait la forme d'une pyramide de 34 pieds de diamètre à sa base. Elle disparaît en 1848 sur l'ordre du bey de Tunis[12] et les ossements inhumés au cimetière chrétien de Houmt Souk[13]. Pendant le protectorat français, cette tour est remplacée par l'obélisque actuel. Juste en face du Borj El K'bir (appelé également Fort espagnol), derrière l'ancien hôpital de Houmt Souk, il existe une citerne pour la collecte de l'eau pluviale qui remonterait à l'époque romaine.

[modifier] Autres

Parmi les autres édifices caractéristiques, on peut citer les fondouks ou caravansérails, gîtes-étapes dotés d'entrepôts pour les marchandises ; il en subsiste quelques exemplaires comme la Marhala, El Aricha, etc. La plupart sont toutefois en mauvais état et mériteraient d'être restaurés. La coupole des combattants (Goubbat El Moujahdine), à proximité de Jemaâ Ettrouk, est une petite construction carrée, avec du fer forgé et une coupole, qui abrite trois tombes que les habitants de Houmt Souk vénèrent et considèrent comme une zaouïa. On peut égalment citer Hammam El Barouni, un bain turc qui remonte à plusieurs siècles et qui, rénové à plusieurs reprises, continue à être utilisé. Il est à signaler, à titre de curiosité, qu'à Houmt Souk les bains turques ouvrent le matin pour les hommes et l'après-midi pour les femmes. Les anciennes boulangeries, les ateliers de tissage (dont l'architecture est particulière à Djerba) avec leurs demi-voûtes et leur fronton triangulaire de style grec et les anciens puits (avec leurs grandes ailes) qui servaient pour l'irrigation des champs d'orge, de sorgho et de lentilles[14] ont également une architecture typique.

Le souk Errbaâ, marché couvert formé d'un labyrinthe d'allées aux toits en semi-voûtes, regroupait les artisans tailleurs, cordonniers, bijoutiers, etc. Autrefois, ses portes fermaient à la nuit tombante et beaucoup de magasins restaient fermés le samedi compte tenu du nombre élevé de commerçants et artisans juifs qui y avaient leurs échoppes. C'est un marché actuellement très fréquenté par les touristes.

Un grand théâtre en plein air, construit en 2004 entre la zone du port et le Borj El K'bir, abrite les grandes manifestations culturelles y compris celles du festival annuel d'Ulysse.

Houmt Souk compte plusieurs établissements scolaires aussi bien primaires que secondaires (dont plusieurs lycées et collèges)[15] mais aussi une poste (dans un bâtiment caractéristique remontant au protectorat français), plusieurs banques, un hôpital public et plusieurs cliniques privées dont un centre de dialyse, plusieurs pharmacies, un office du tourisme et un syndicat d'initiative. Il existe aussi plusieurs petits hôtels dont certains remontent à l'époque du protectorat français.

[modifier] Démographie

Houmt Souk est la ville la plus peuplée de Djerba ; elle abrite à elle seule plus du tiers de la population de l'île. Si l'habitat est très dispersé dans la plupart des localités, Houmt Souk et ses alentours connaissent en revanche une densité très élevée : elle était déjà de 474 habitants par km² en 1956 alors que la moyenne de l'île était de 127 habitants par km² et celle du reste de la Tunisie de 27 habitants par km²[16].

Des Maltais, Italiens, Français, Grecs et Arabo-berbères musulmans (en majorité sunnites malékites mais aussi quelques ibadites), juifs et chrétiens (catholiques et grecques orthodoxes) ont longtemps vécu côte à côte à Houmt Souk[17]. À partir des années 1950 et 1960, un mouvement migratoire essentiellement tourné vers la France a réduit sensiblement le nombre d'habitants européens et juifs de Houmt Souk[18]. Par ailleurs, contrairement à d'autres localités de l'île, le nombre d'habitants berbérophones ibadites y est très limité[19]. Plusieurs milliers de Juifs étaient concentrés à la Hara El K'bira, quartier autrefois exclusivement juif et où la densité reste très élevée. Ce quartier a vu beaucoup de familles musulmanes provenant du Sud tunisien s'y installer après le départ de familles juives, et ce surtout après les années 1960.

L'un des quartiers de Houmt Souk, appelé Houmet Ejjoumaâ, est habité en majorité par des familles venant de la zone de Beni Khedache. Ces familles installées à Houmt Souk depuis des siècles ont gardé des traditions vestimentaires, en particulier les femmes, différentes de celles des autres habitants de Houmt Souk. Ils ont également des coutumes différentes en ce qui concerne aussi bien la célébration des fêtes religieuses que familiales.

[modifier] Culture

La coexistence d'habitants de souches ethniques (notamment berbères, arabes et noirs africains) et de rites religieux divers (sunnites malékites, kharijites ibadites et juifs en majorité orthodoxes) a certainement contribué à la richesse et à la variété des cultures et traditions de cette localité.

L'île de Djerba est une vraie mosaïque de cultures et de traditions et même l'accent de ses habitants ainsi que l'usage de certains vocables varient d'une localité à une autre, ainsi à Houmt Souk l'accent est-il différent des autres localités et peut d'ailleurs varier sensiblement même d'un quartier à l'autre de la ville.

[modifier] Musées

Houmt Souk abrite un Musée des arts et traditions populaires qui présente un panorama de l'histoire djerbienne. Installé dans une ancienne zaouïa construite à la fin du XVIIIe siècle en l'honneur des sages Sidi Zitouni et Sidi Ameur, non loin de la mosquée des Étrangers, il permet de découvrir les richesses folkloriques de l'île, ses traditions et son économie à travers des bijoux cloisonnés et incrustés de verre coloré, des lampes en poterie ajourées, des métiers à tisser, des coffres, des costumes traditionnels de divers groupes sociaux et ethniques, des exemplaires du Coran et des coffres à Coran, des ustensiles de cuisine, un atelier de potier, des poteries de diverses tailles, naturelles et émaillées, de grandes jarres[20],[21], des stucs ciselés ou encore d'anciens carreaux en céramique.

[modifier] Costumes

Les habitants de Djerba, en particulier les femmes, portent des costumes traditionnels qui différent d'une localité à l'autre. La femme de Houmt Souk ne porte normalement pas de chapeau traditionnel contrairement à la femme de Guellala — pour qui le chapeau traditionnel est un accessoire important d'ailleurs réservé à la femme mariée, les jeunes filles n'en portant pas — ou à la femme de Sedouikech. Pour sortir de chez elle, la femme de Houmt Souk se drapait dans un habit tout blanc, sans broderie, porté au dessus des habits d'intérieur : le houli. Ce même type d'habit, qui fait fonction de voile, a des appellations et des couleurs différentes dans d'autres localités de l'île : bleu marine à petits carreaux à Guellala ou Midoun ou blanc brodé de rouge et de jaune à Mahboubine ou Mellita ; il prend alors le nom de fouta ou hrem. La femme et l'homme juifs de Houmt Souk portent quant à eux des habits traditionnels similaires à ceux des habitants musulmans mais qui peuvent toutefois être distingués grâce à un accessoire particulier[22]. À l'intérieur, la femme de Houmt Souk revêt des houli multicolores, en coton ou en soie naturelle et de plus en plus en fibre synthétique. Sous celui-ci, elle porte une combinaison et un genre de boléro à grandes manches brodées appelé hassara ou khabbaia. En hiver, elle porte une kamizouna (genre de tricot) sous la hassara.

Des habits spécifiques sont portés pour les mariages (r'di, boundi, beskri, fouta zouizat, etc.), ceux-ci pouvant coûter des sommes considérables surtout lorsqu'ils sont réalisés en soie naturelle ou brodés de fil d'argent.

L'habillement de l'homme de Houmt Souk diffère également de celui des djerbiens des autres localités de l'île. Il porte généralement la jebba et le burnous en hiver alors que le kadroun et la k'baia sont plus courants dans les autres localités de l'île. Par ailleurs, l'homme de Houmt Souk avait tendance à se coiffer avec la chéchia de couleur rouge alors que le Djerbien des autres localités portait plutôt une kachta en général blanche, parfois au-dessus de la chéchia.

[modifier] Traditions

Beaucoup d'habitudes et de traditions de la ville sont différentes de celles des autres localités de l'île: cérémonies de mariage, circoncision, mets préparés pour le Mouled, Achoura où l'on prépare un met appelé maagoud à base de viande et de raisins secs réduits en purée, nouvel an de l'hégire et autres fêtes religieuses, etc. Traditionnellement, durant l'Achoura et le nouvel an de l'hégire, les enfants de Houmt Souk allaient de maison en maison et chantaient des chants typiques (comme khachia, khachiiti, waatini khachiiti...), parfois déguisés en personnages appelés Guerdellif et Aljia, qui jouaient un spectacle de chant et de danse et recevaient en cadeau de l'argent, des fruits secs et des bonbons voire même des légumes secs. Pendant les trois jours qui précèdent aussi bien l'Aïd el-Kebir que l'Aïd el-Fitr, appelés successivement Arfa Kaddhabia, Arfa Essighira et Arfa el-Kebira, et surtout durant l'Arfa el-Kebira, les enfants jouissaient d'une grande liberté : ils recevaient de l'argent de leurs parents et allaient au marché (souvent en bandes joyeuses vétues de vêtements neufs) s'acheter des jouets[23] et des bonbons typiques faits maison (appelés sredek) avec l'autorisation de passer pratiquement toute la journée à l'extérieur. Pendant l'Aïd el-Kebir, les enfants étaient également autorisés à s'initier à la cuisine et préparaient la segdida (genre de pot-au-feu avec du curcuma). Pendant le nouvel an de l'hégire (Ras el-Am el-Hijri), les familles de Houmt Souk envoient encore de nos jours à leurs filles mariées un grand plat de couscous ou de pâtes garni de morceaux spécifiques de viande séchée (kaddid) du mouton ou du veau tué à l'occasion de l'Aïd el-Kebir, des œufs durs, de la viande fraîche, des pois chiches et des fèves. La femme qui reçoit un tel plat offre en retour de l'argent à la personne qui le lui a apporté.

[modifier] Économie

Le tourisme, avec ses avantages et ses inconvénients, a apporté une certaine prosperité à la population locale qui a trouvé là un débouché supplémentaire pour ses produits artisanaux. Bien que la plage la plus proche ne se trouve qu'à dix kilomètres du centre, la ville compte une multitude de restaurants et de boutiques de souvenirs qui attirent quotidiennement une foule variée de touristes venant en majorité d'Europe.

Marché de Houmt Souk
Marché de Houmt Souk

Houmt Souk est le grand centre commercial de Djerba, l'économie locale reposant essentiellement sur le commerce d'où le nom de Houmt Souk signifiant littéralement « localité des marchés ». Cette vocation de Houmt Souk n'est pas récente : Jean Servonnet[24] cité par Salah-Eddine Tlatli[25] en donnait en 1888 la description suivante :

« On y rencontrait des indigènes venus de Raoussa, Bornou, Khordofan. Les habitants de Tombouctou traitaient des affaires avec ceux de Ouargla. Nègres, Touaregs s'y mêlaient. Des caravanes venaient y déverser leur ivoire, leur poudre d'or, leurs œufs et leurs plumes d'autruches, leurs peaux de fauves et repartaient chargées de fins tissus, de fruits, de poissons séchés, d'huile, de sel [...] c'était un intermédiaire entre l'Afrique et la Méditerranée. »

Houmt Souk reste réputée pour ses souks achalandés et colorés qui attirent les habitants des localités avoisinantes ainsi que de nombreux touristes. Il existe plusieurs marchés spécialisés : bestiaux, poissons, fruits et légumes, herbes et épices, orfèvres, antiquaires, chaudronniers, etc. À Djerba, chacune des localités les plus importantes a son propre jour de marché comme par exemple le vendredi pour Midoun ou le dimanche pour Guellala alors que Houmt Souk en a deux : le lundi et le jeudi.

Souk des potiers
Souk des potiers

L'artisanat procure un nombre considérable d'emplois. Si les activités artisanales sont variées dans la ville, celles liées à la laine sont les plus répandues et sont exercées aussi bien par les hommes que par les femmes. Il y a déjà plus de quatre siècles, des renseignements donnés par Cirni, l'un des survivants de la bataille de Djerba de 1560, reproduits par Charles Monchicourt[26] et cité par Salah-Eddine Tlatli[27] indiquaient que « les habitants tissent avec de la laine fine de très beaux baracans (couvertures) en étoffe mince, ornés de soie et plus longs qu'un tapis ordinaire ». Le tissage, qui a fait de Djerba pendant près d'un millénaire et jusqu'au XIXe siècle l'un des principaux centres textiles pour le travail de la laine de tout le nord de l'Afrique, reste (malgré la concurrence des industries textiles) une activité importante à Houmt Souk[28]. Le travail de laine fait ainsi vivre un nombre important de familles et les activités vont du lavage dans l'eau de mer des peaux lainées (venant le plus souvent de l'extérieur de l'île), au blanchissage au soleil, au plâtre et au souffre, puis viennent le cardage, le filage, la teinture puis le tissage sans oublier la commercialisation. C'est une source de revenus importante aussi bien pour la population féminine[29] que masculine[30],[31]. Le tissage de houlis en coton et en soie naturelle, y compris les biskri brodés de fil d'argent doré et de pure soie (destinés en premier lieu à l'usage local), remonte à plusieurs siècles et continue d'occuper des artisans de plus en plus concurrencés par des ateliers mécanisés (à l'exception du biskri qui reste exclusivement fait main).

La fabrication de tapis, de mergoums et de klims ainsi que la broderie sont traditionellement des activités féminines qui se sont considérablement développées avec l'essor du tourisme. La bijouterie, jadis pratiquée presqu'exclusivement par les artisans juifs (spécialisés surtout en bijoux cloisonnés incrustés de pierres dures de diverses couleurs) est actuellement pratiquée par de jeunes artisans musulmans. Le travail du cuir, et en particulier la cordonnerie et la fabrication de sacs de voyage en peaux de chameaux, ainsi que la natterie et la vannerie se sont aussi développés avec le nouveau marché offert par le tourisme.

Jarres sur un quai du port
Jarres sur un quai du port

Houmt Souk possède un port essentiellement tourné vers la pêche et l'on y voit de grandes quantités de jarres en terre cuite qui servent à la pêche au poulpe dont les habitants de Houmt Souk sont friands. Cependant, et jusqu'aux années 1960, ce port possédait « une flotille de Mohones (appelées lencha) en bois navigant à l'origine à la voile, ensuite aussi avec l'appoint de moteurs et assurant le trafic des marchandises lourdes (jusqu'à 100 tonnes) et parfois des passagers entre Tunis et surtout Sfax et Djerba »[32]. En 1964, Houmt Souk comptait 297 barques et 746 marins[33]. Le poisson pêché est vendu frais mais certaines espèces comme le pouple et de tous petis poissons appelés ouzaf sont aussi sêchés car ils jouent, sous cette forme, un rôle important dans la gastronomie locale. Une conserverie de poisson a ainsi été construite au port[34]. Outre la pêche, le port est utilisé de nos jours pour les excursions en mer vers la presqu'île de Ras R'mal (refuge pour les oiseaux migrateurs et en particulier pour les flamants roses) ; des dauphins peuvent parfois être observés au large de la ville. Une marina y est en cours de construction.

L'une des particularités de Houmt Souk est la vente du poisson « à la criée » : cette vieille tradition de vente du poisson aux enchères qui existait dans plusieurs endroits de l'île n'a été maintenue qu'à Houmt Souk. Les pêcheurs enfilent le poisson pêché en chapelets (entre cinq et dix poissons par chapelet selon la taille du poisson) à l'aide de fines tiges de régimes de palmier et le livrent au crieur public après avoir convenu d'un prix minimum. Le crieur public (dallels), assis sur une haute chaise, montre le lot (chouk), annonce le prix de base et regarde les acheteurs qui peuvent faire des offres à la hausse par hochement de tête voire un simple regard ou un clin d'œil, l'essentiel étant de ne point baisser la tête et de garder un contact visuel avec le crieur. Il est important de connaître les usages ainsi que les variétés de poissons pour bien acheter.

Les jours de fermeture hebdomadaires de l'administration locale ont lieu le samedi après-midi et le dimanche, les commerçants juifs fermant le vendredi après-midi et le samedi pour la sabbat. La plupart des autres commerçants ferment quant à eux le vendredi et les coiffeurs le mercredi. Ces fermetures différenciées font que le centre ville reste animé tous les jours de la semaine.

[modifier] Notes et références

  1. ab Recensement de 2004 (Institut national de la statistique)
  2. ab Salah-Eddine Tlatli, Djerba. L'île des Lotophages, éd. Cérès Productions, Tunis, 1967, p. 53
  3. Salah-Eddine Tlatli, op. cit., p. 26
  4. Salah-Eddine Tlatli, op. cit., p. 70
  5. René Stablo, Les Djerbiens. Une communauté arabo-berbère dans une île de l'Afrique française, éd. SAPI, Tunis, 1941
  6. Éternelle Djerba, éd. Association de sauvegarde de l'île de Djerba et STAG, Tunis, 1998, p. 55
  7. Salah-Eddine Tlatli, op. cit., p. 153
  8. ab Jeannine Berrebi, Les mosquées de Djerba, éd. Simpact, Tunis, 1995
  9. Charles Tissot, Géographie comparée de la province romaine d'Afrique, éd. Imprimerie nationale, Paris, 1884 cité par Jeannine Berrebi, op. cit.
  10. Éternelle Djerba, p. 60
  11. Éternelle Djerba, p. 21
  12. Salah-Eddine Tlatli, op. cit., pp. 68-69
  13. Henri Gault et Christian Millau, La Tunisie, éd. Imprimerie Molière, Lyon, 1968
  14. Les chameaux étaient utilisés pour puiser l'eau dans de grosses gourdes en peau d'animaux appelées delou.
  15. Il faut noter que jusqu'aux années 1960, il n'existait qu'un seul collège secondaire, couvrant seulement les trois premières années, les élèves voulant poursuivre leurs études devant aller à Gabès, Sfax voire Tunis.
  16. Salah-Eddine Tlatli, op. cit., p. 80
  17. Jusqu'à l'indépendance de la Tunisie, le Grand Hôtel qui n'existe plus de nos jours constituait l'un des rares endroits où les cadres de la ville se rencontraient
  18. Salah-Eddine Tlatli, op. cit., pp. 43 et 160
  19. René Stablo, op. cit., pp. 56-61
  20. Elles s'utilisaient pour conserver des denrées alimentaires telles que l'orge, le sorgho, les lentilles, l'huile d'olive ou encore la viande séchée puis bouillie dans l'huile d'olive. Ces jarres portent des noms différents — sefri, khabia, tass ou zir — et leur ouverture dépend des produits destinés à y être conservés : petite pour l'huile d'olive et large pour les céréales
  21. Éternelle Djerba, p. 39
  22. Une bande noire en bas des pantalons (seroual arbi) pour les hommes ou la façon d'attacher le houli sur le côté pour la femme juive alors que la musulmane de Houmt Souk l'attache au milieu de la poitrine.
  23. Autrefois, des instruments de cuisines pour enfants en terre cuite — marmites, couscoussiers, brasiers, etc. — étaient fabriqués à Guellala et vendus à cette occasion.
  24. Jean Servonnet et Ferdinand Laffite, En Tunisie. Le golfe de Gabès en 1888, éd. Challamel et Cie, Paris, 1888
  25. Salah-Eddine Tlatli, op. cit., p. 72
  26. Charles Monchicourt, L'expédition espagnole contre l'île de Djerba, éd. Leroux, Paris, 1913, p. 76
  27. Salah-Eddine Tlatli, op. cit., p. 70
  28. Salah-Eddine Tlatli, op. cit., p. 129
  29. Le lavage, le cardage et la filature de la laine sont des activités traditionellement féminines.
  30. La teinture, le tissage et la commercialisation sont traditionellement effectués par les hommes.
  31. Éternelle Djerba, p. 49
  32. Éternelle Djerba, p. 69
  33. Salah-Eddine Tlatli, op. cit., pp. 114-115
  34. Éternelle Djerba, p. 46

[modifier] Liens externes

33° 52′ 30″ N 10° 51′ 18″ E / 33.875, 10.855