Chéchia

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Ne doit pas être confondu avec fez (coiffure).

La chéchia (شاشية) est un couvre-chef masculin porté par de nombreux peuples islamisés. Elle est le couvre-chef national de la Tunisie.

Cousine du béret européen, la chéchia est à l'origine un bonnet en forme de calotte de couleur rouge vermillon en Tunisie ou noire en Libye.

Sommaire

[modifier] Étymologie

Le mot « chéchia » désigne au Maghreb et en Égypte la calotte que l'on pose sur la tête et autour de laquelle on roule une pièce d'étoffe pour former le turban. On lit dans l'ouvrage du voyageur maghrébin Ibn Battûta : « Ils le frappèrent avec leurs mains et avec leurs sandales à coups redoublés, jusqu'à ce que son turban tombât à terre ; alors ont vit sur sa tête une chachia en soie... »

Au Maghreb, on se contente généralement du bonnet seul, comme en Espagne du temps d'Al-Andalus où la chéchia s'appelait ghaffara (غفارة). À Alger, ce mot avait encore un autre sens et désignait un bonnet de femme. Diego de Haedo (Topographia e historia general de Argel, vol. 27, chapitre 4) rapporte que les femmes de cette ville portent sur le bnaka (بناقة) trois espèces de coiffures : « quand elles assistent aux fêtes et aux noces, elles portent aussi sur la tête, surtout quand elles sont riches, un béret rond chéchia broché magnifiquement d'or. »

[modifier] Histoire

La tradition fait remonter sa fabrication à Kairouan au deuxième siècle de l'hégire. Elle tire toutefois son nom de l'adjectif dérivé de Shash (nom de l'actuelle Tachkent en Ouzbékistan). De forme cylindrique, la chéchia est importée en Tunisie, sous sa forme actuelle, depuis l'Espagne par les Maures expulsés après la prise de Grenade en 1492. Trouvant en Tunisie une seconde patrie, ils y implantent l'artisanat de la chéchia. À partir des années 1920, les indépendantistes tunisiens portent de plus en plus de la chéchia testouriya (originaire de Testour) car son nom est proche de celui de leur parti (Destour).

Habitants de Médenine portant la chéchia (1990)
Habitants de Médenine portant la chéchia (1990)

Sa fabrication est considérée comme un art raffiné et répond à des traditions strictes. Quiconque désirant se lancer dans cet artisanat particulier doit auparavant passer un examen approfondi devant un comité désigné d'artisans. Confectionnée par des chaouachis émérites, la chéchia ne tarde pas à occuper trois souks entiers dans la médina de Tunis, tant son succès est grand, ce qui donne du travail à des milliers de personnes.

Les chiffres officiels donnés par le Bureau tunisien des industries traditionnelles indique que 80% des chéchias sont exportées[1] en Algérie, au Maroc et au Soudan mais aussi dans tout le Proche-Orient et jusqu'en Asie.

[modifier] Étapes de la fabrication

La chéchia traditionnelle est faite de laine peignée tricotée par les femmes qui font les bonnets kabbous. Ces bonnets sont envoyés au foulage : ils sont mouillés avec de l'eau chaude et du savon et les hommes les foulent aux pieds, afin de les détremper, à tel point que les mailles du tricot auront quasiment disparu. Vient alors le traitement du chardon, qui sert au cardage ou peignage du bonnet, afin de transformer le feutre en velours duveté. Cependant, de plus en plus souvent, le chardon est remplacé par une brosse métallique. C'est à ce stade de la fabrication que la chéchia est teintée de sa célèbre teinte rouge vermillon mais on en trouve désormais de couleurs plus variées.

Division du travail et répartition géographique permettent sa production artisanale à une grande échelle tout en conservant la qualité qui fait la réputation de la chéchia de Tunis. Une douzaine de personnes, dont un tiers de femmes, participent à sa fabrication dans plusieurs points du pays choisis en fonction de leurs ressources humaines ou matérielles[réf. nécessaire]. La qualité des eaux joue un rôle important d'où les choix différents pour le foulage et la teinture.

  • filage de la laine : Djerba et Gafsa
  • tricotage : Ariana (par des femmes spécialisées appelées kabbasat)
  • foulage : El Batan (dans les eaux de la Medjerda)
  • cardage : El Alia (origine du chardon)
  • teinture : Zaghouan
  • mise en forme : Tunis
  • finitions : Tunis

[modifier] Artisanat en crise

Atelier d'un chaouachi tunisois
Atelier d'un chaouachi tunisois

Après l'indépendance de la Tunisie en 1956, avec l'arrivée des produits manufacturés et de coutumes en provenance de l'Occident, le port de la chéchia tend à se limiter aux vacances et aux fêtes religieuses et est souvent associé au troisième âge[1]. Les revenus des fabricants s'en ressentent et beaucoup sont amenés à renoncer à cet artisanat. De plus, les gens vivants dans la campagne tendent à abandonner ce couvre-chef traditionnel au profit de ses équivalents moins chers et de fabrication industrielle[2]. L'absence de programme gouvernemental cohérent participe de ce déclin aux yeux des traditionalistes[1].

Par ailleurs, de nombreux spécialistes attribuent le déclin de cet artisanat aux fabricants eux-mêmes qui manqueraient de créativité et d'innovation. Pourtant, à la fin des années 1990, dans le but de revitaliser cette industrie, de nombreux artisans commencèrent à fabriquer de nouvelles variétés de chéchias de couleurs, de formes et de décorations différentes afin d'attirer une clientèle plus jeune. Pourtant, très rapidement, cet élan s'épuise alors que les exportations de la chéchia tunisienne vers les pays africains se sont également essoufflées[1].

[modifier] Confusions

  • La chéchia ne doit pas être confondue avec le fez (appelé aussi chéchia stambouli). La chéchia est souple alors que le fez est rigide, conique et haut de forme.
  • Elle ne doit pas être confondue avec la chéchia adoptée par certaines troupes coloniales françaises (zouaves et tirailleurs notamment) qui est un long bonnet souple.
  • Jusqu'au XIXe siècle, la chéchia est souvent entourée par un turban : c'est sans doute de là que vient le mot français chèche pour désigner le litham touareg.

[modifier] Notes et références

  1. abcd (fr) Iheb al-Tounisi, « Le chéchia tunisien lutte pour survivre », Magharebia, 16 mars 2007
  2. Une chéchia traditionnelle coûte entre 5 et 25 dollars alors que le prix d'un couvre-chef fabriqué à la chaîne coûte en moyenne deux dollars.
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