Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne

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Ne doit pas être confondu avec Grèce ou Nouvelle droite française.
Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne

Domaine d'activité : Réflexion « métapolitique »
Création : 1969
Personnes-clés : Alain de Benoist ; Michel Marmin ; Charles Champetier ; Jacques Marlaud ; Pierre Le Vigan
Orientation politique : Fédéralisme « grand-européen », critique du libéralisme et de l'américanocentrisme
Siège : Paris
Financement : privé
Publications : Éléments pour la civilisation européenne, Nouvelle École, Krisis
Site Web : www.grece-fr.net

Think tank

Le Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne, également connu sous l'acronyme GRECE, est une « société de pensée à vocation intellectuelle » (ou « communauté de travail et de pensée[1] ») officiellement fondée en janvier 1969 par quarante militants[2] issus de la mouvance d'extrême droite européiste incarnée par des mouvements comme Europe-Action, — revue et cercle animés par Dominique Venner et Jean Mabire —, la Fédération des étudiants nationalistes (FEN), le Mouvement national du progrès (MNP) ou le Rassemblement européen pour la liberté (REL)[3].

Sommaire

[modifier] Historique

[modifier] Création et débuts

Après une première réunion nationale (tenue les 4 et 5 mai 1968) qui suit une série de contacts pris à l'automne précédent, les statuts de cette « société de pensée » sont officiellement déposés à la préfecture des Alpes-Maritimes le 17 janvier 1969. Parmi ses fondateurs, le journaliste et écrivain français Alain de Benoist est celui qui accède par la suite à la plus grande notoriété. Dans la lignée de Dominique Venner qui, à la suite de son manifeste intitulé Pour une critique positive (1962), constatait le décalage réel entre les aspirations des Français et le caractère suranné des propositions des organisations activistes et voulait de fait « combattre plus par les idées et l'astuce que par la force[4] », Alain de Benoist et ses amis souhaitaient créer un pôle intellectuel destiné à influencer la droite française par l'élaboration d'une « nouvelle culture de droite » capable d'affronter la « problématique dominante[5] », mélange de culture judéo-chrétienne et d'idéologie marxiste ou marxisante[6] alors à l'honneur dans le monde intellectuel et universitaire français.

Pour ce faire, une longue période de réflexion et de maturation est nécessaire, période pendant laquelle sera abandonné le champ de la politique proprement dite, au profit de ce qu'ils appellent la « métapolitique », définie comme « le domaine des valeurs qui ne relèvent pas du politique, au sens traditionnel du terme, mais qui ont une incidence directe sur la constance ou l'absence de consensus social régi par le politique[7] ».

Le GRECE, qui comptait en son sein des journalistes et des universitaires, articula l'essentiel de ses activités autour d'une revue doctrinale, fondée en 1974, Études et recherches, et des revues Nouvelle École (dont le premier numéro date de février-mars 1968) et Éléments pour la civilisation européenne (fondée en 1973 sous sa forme actuelle). En septembre 1976, les Éditions Copernic sont fondées par plusieurs membres du GRECE[8] : elles publient les écrits des auteurs affiliés à celui-ci ainsi que ceux d'historiens, de psychologues et de philosophes du XXe siècle considérés comme des « précurseurs » (comme Louis Rougier[9], Oswald Spengler[10], Hans Eysenck[11] ou Julius Evola[12]).

Durant la première décennie d'existence du GRECE, ses responsables se sont appliqués à constituer et étendre leurs réseaux de pénétration des élites : ainsi organisent-ils des conférences et des séminaires tant à Paris qu'en province (« Qu'est-ce que la métapolitique ? » en novembre 1968, « La question des valeurs » en mai 1970, « Morale d'hier, éthique de demain » en octobre 1971, « L'histoire a-t-elle un sens ? » en octobre 1973, « Des élites pour quoi faire ? » en janvier 1975, « Les illusions de l'égalité » en décembre 1977, etc.), des « camps de réflexion » rappelant ceux de la FEN, et même une université d'été. Ils patronnent par ailleurs des organisations « amies », non intégrées à l'organigramme du GRECE mais proches de lui par les personnalités qui les fréquentent ou la thématique qui y est abordée : ainsi le cercle Pareto[13] à l’Institut d’études politiques de Paris, le cercle Galilée à Lyon, le cercle Jean Médecin à Nice, le cercle Henry de Montherlant à Bordeaux, le CLOSOR[14] (Comité de liaison des officiers et sous-officiers de réserve), le GENE[15] (Groupe d'études pour une nouvelle éducation), etc. Issue du Cercle Erasme, une branche belge du GRECE a également été créée en 1971 (son ancien dirigeant, Georges Hupin, faisant depuis lors figure de vieux maurrassien). S'attachant à investir des organes de presse implantés dans le public qu'ils se proposaient de convaincre, des membres du GRECE entrèrent dans deux publications du groupe Bourgine, Valeurs actuelles et Le Spectacle du monde.

En septembre 1977, l'arrivée à la tête des services culturels du Figaro de Louis Pauwels, ancien directeur de Planète va permettre aux thématiques grécistes d'être connues du grand public : Le Figaro Magazine, hebdomadaire à forte diffusion dont il devient directeur, est créé en octobre 1978. Lors de sa création figuraient Patrice de Plunkett, nommé rédacteur en chef adjoint, Jean-Claude Valla, Yves Christen, Christian Durante, Michel Marmin, tous membres du GRECE. Si l'existence d'autres courants de pensée au sein du « Fig Mag » ne permet pas d'en faire une sorte d'antenne médiatique du GRECE, l'influence qu'y a exercée jusqu'en 1981 le noyau dur de la Nouvelle Droite a été considérable.

Le GRECE et le Club de l'Horloge, club de réflexion libéral, font l'objet d'une campagne de presse hostile en 1979[16], dénonçant dans la galaxie de la Nouvelle Droite la résurgence d'une « nouvelle extrême droite ». Les deux associations ont cependant des buts et statuts très différents[17] et ne comptent que quelques membres en commun, Yvan Blot, président du Club de l'Horloge, étant un temps membre du GRECE. D'autres campagnes hostiles suivront sur le même thème, à quelques variantes près (en 1993, Alain de Benoist se verra reprocher de « brouiller les pistes »[18] en tentant de se rapprocher de la gauche en général et des communistes en particulier[19]) dans les années 1980 et 1990, relayées entre autres par Le Monde, Le Canard enchaîné, Libération. Le GRECE y perd son implantation au Figaro Magazine (durant l'été 1981) et fait désormais son chemin dans un relatif isolement.

À son apogée à la fin des années 1970, le GRECE aurait compté près de 4000 adhérents[20].

[modifier] Le tournant des années 1980

Après l'« été de la Nouvelle Droite » (la polémique médiatique qui éclata durant l'été 1979) et l'écartement consécutif des grécistes du Figaro magazine, le GRECE entame petit à petit au cours des années 1980, à partir de thèmes (souvent) présents chez lui mais approfondis, une certaine évolution (qui lui coûtera ses quelques appuis conservateurs) : Alain de Benoist affichant plus volontiers des thèses tiers-mondistes, antilibérales et antiaméricaines. Certains de ses membres se retrouvent autour de l'éphémère Magazine hebdo lancé en 1983 par Alain Lefebvre, directeur du groupe Media, ou de L'Histoire magazine. Parallélement, plusieurs figures du mouvement le quittent, comme Pierre Vial, qui rejoint le Front national, ou Guillaume Faye, qui poursuit une carrière dans la presse et comme animateur sur la radio libre Skyrock, avant de revenir en politique en 1998 pour défendre des thèses radicales qui se heurtent aux positions désormais plus consensuelles d'Alain de Benoist.

De 1987 à 1991, Jacques Marlaud en assume la présidence, succédant au professeur Jean Varenne. Dans un droit de réponse à Jean Daniel (Le Nouvel Observateur, 17 mai 1990)[21], il précise les différences (critique du judéo-christianisme, éthique païenne, européisme, régionalisme, etc.) qui rendent, selon lui, inacceptable l'assimilation de la « Nouvelle Droite », incarnée par le GRECE, à la droite nationaliste et catholique qu'il est convenu d'appeler extrême droite.

Le GRECE axe la majeure partie de son travail sur une critique du libéralisme et du mondialisme. Une partie de ses protagonistes manifestent également leur aversion pour le Front national, auquel sont reprochés sa tendance à la xénophobie et son libéral-conservatisme[22]. Cette évolution conduit parfois certains à placer le GRECE à gauche[23], bien que cette association reste très critique à l'égard des thèses universalistes et du « mythe égalitaire » auxquels elle oppose une conception fondée sur l'« ethno-différencialisme » et la diversité. Son rejet de l'égalitarisme se trouve bien illustré par cet extrait de l'emblématique ouvrage d'Alain de Benoist, Vu de droite (il faut noter qu'au fil des années, le GRECE a pris soin de distinguer sa critique de l'égalitarisme du darwinisme social, et de préciser que celle-ci ne saurait en aucune façon constituer une justification de celui-là[24]) :

« À mes yeux, l'ennemi n'est pas "la gauche" ou "le communisme", ou encore "la subversion", mais bel et bien cette idéologie égalitaire dont les formulations, religieuses ou laïques, métaphysiques ou prétendument "scientifiques", n'ont cessé de fleurir depuis deux mille ans, dont les "idées de 1789" n'ont été qu'une étape et dont la subversion actuelle et le communisme sont l'inévitable aboutissement.
Cela ne signifie pas, bien entendu, que toute inégalité soit à mes yeux nécessairement justes. Il y a au contraire de nombreuses inégalités parfaitement injustes ; ce sont souvent celles que notre société égalitaire laisse d'ailleurs subsister. Professer une conception anti-égalitaire de la vie, c'est estimer que la diversité est le fait-du-monde, et que cette diversité induit des inégalités de fait ; que la société doit prendre en compte ces inégalités et admettre que la valeur des personnes par rapport aux différents objets est incommensurable d'une personne à une autre. (...)[25] »

Il reproche également à la gauche française une pratique constante du « terrorisme intellectuel[26] ». A l'inverse, des quotidiens comme Le Monde, Libération ou L'Humanité font du GRECE « une officine d'extrême droite ». Sur le fond, le GRECE récuse ces étiquettes et conteste même dans de nombreux articles la pertinence du clivage gauche-droite[27].

[modifier] Thèmes et orientations

[modifier] Civilisation, anthropologie, histoire

Le GRECE se distingue par un intérêt marqué pour les cultures et l'histoire des « vieux peuples du promontoire » (Louis Pauwels), à savoir les Indo-Européens. Il livre régulièrement des articles sur l'archéologie, les civilisations ou les mythes constitutifs des cultures européennes, en particulier sur les mythes celtiques, germaniques et nordiques. Son étude des traditions européennes le conduit à élaborer, – notamment influencé en cela par la lecture de l'œuvre de l'épistémologue et historien rationaliste des origines du christianisme Louis Rougier –, un discours de rejet du christianisme et du monothéisme, considérés comme une surcouche d'implantation relativement tardive[28].

Par contraste, le GRECE invite à un retour de la réflexion sur le paganisme. Cette attitude s'articule cependant sur une critique des « religiosités secondaires », le conduisant à élaborer une approche philosophique du paganisme, par opposition aux pratiques New Age, néo-druidistes ou aux modes occulto-ésotéristes. Ainsi Alain de Benoist écrit-il qu'il ne cherche pas à « jouer les druides d'opérette et les Walkyries d'occasion ». Il précise : « Nous ne cherchons pas à revenir en arrière mais à reprendre les fils d'une culture trouvant en elle-même ses raisons suffisantes. Ce que nous cherchons derrière les visages des dieux et des héros, ce sont des valeurs et des normes[29]. »

[modifier] Philosophie, sciences et société

Les revues du GRECE publient également de nombreux articles de philosophie politique, de commentaires sur l'actualité ou d'analyses littéraires sur des thèmes et des auteurs variés : Carl Schmitt, Julien Freund, Vilfredo Pareto, Ernst Jünger, Georges Dumézil, le communisme, le libéralisme, nationalisme et question identitaire, la question religieuse, les théories économiques non-orthodoxes, la physique, darwinisme et société, racisme et anti-racisme, etc. Différents sujets réflétant eux-mêmes la diversité des orientations au sein de l'association[30].

Ces dernières années, le GRECE a surtout développé l'idée d'une Europe puissante politiquement et débarrassée du joug américain et du libéralisme, lequel représente « l'ennemi principal », incarnant « l'idéologie dominante de la modernité, la première à apparaître, qui sera aussi la dernière à disparaître ». Il étudie régulièrement les solutions alternatives telles que l'écologie, le communautarisme, le localisme.

En février 1999, dans le n°94 de la revue Éléments, le GRECE publie sous la signature de Robert de Herte (Alain de Benoist), « éditorialiste », et de Charles Champetier, rédacteur de chef, une synthèse de ses positions sous le titre : « La Nouvelle Droite de l'an 2000[31] », présentée comme « le premier manifeste de la Nouvelle Droite », récapitulant « trente ans de réflexion intellectuelle tout en projetant notre école de pensée vers le XXIe siècle ».

[modifier] Publications

Le GRECE est lié à trois revues : Éléments, Nouvelle École (publiées par les éditions du Labyrinthe) et Krisis. Il publie également les Actes de ses « colloques nationaux » annuels.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Jean-Claude Valla, « Pour une renaissance culturelle », dans Dix ans de combat culturel pour une renaissance, GRECE, Paris, 1977, p. 61
  2. La revue Nouvelle École dans son numéro d'août-septembre 1968 en publie la liste : on trouve parmi ceux-ci Roger Lemoine, ancien secrétaire d’Europe-Action et futur président, puis président d'honneur du GRECE, Jacques Bruyas, ancien responsable de la FEN et d’Europe-Action à Nice, Jean-Claude Valla, qui sera longtemps rédacteur en chef de la revue Éléments, Dominique Venner (Julien Lebel), l'écrivain Jean Mabire, Michel Marmin, Pierre Vial, Dominique Gajas, etc. ; notons par ailleurs que le nom définitif de l'association ne fut pas immédiatement fixé : dans son premier numéro (août-septembre 1968), Nouvelle École faisait référence à un « Groupe de Recherches et d'Étude sur la Civilisation Européenne ». Dès l'automne 1965, des membres de la FEN et d’Europe-Action avaient créé les « Groupes de recherche et d'études pour la communauté européenne » (GRECE) sous l'égide desquels Alain de Benoist, sous le pseudonyme de Fabrice Laroche, avait publié une plaquette sur les Indo-Européens[réf. nécessaire].
  3. Sur ces mouvements, voir Pierre-André Taguieff, « Entretien : origines et métamorphoses de la Nouvelle droite », dans Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 40, n°40, octobre-décembre 1993, p. 4-5. (entretien reproduit dans son livre, Sur la Nouvelle droite. Jalons d'une analyse critique, « Descartes et cie », 1994).
  4. « Sur un nouveau phénomène révolutionnaire », Défense de l'Occident, 26 novembre 1962.
  5. Alain de Benoist, Orientations pour des années décisives, Paris, Le Labyrinthe, 1982, p. 27.
  6. Jean-Claude Valla, op.cit., p. 69 : « Le marxisme n'est concurrentiel que parce que personne ne s'oppose à lui sur son terrain pour lui disputer le monopole dont il jouit (...) La vérité est que la formulation d'un corpus idéologique susceptible de fournir une alternance au marxisme (...) est la seule façon d'engager une lutte efficace. »
  7. Jean-Claude Valla,op. cit., p. 73.
  8. Pierre Vial qui en assume la direction générale, Alain de Benoist, Michel Marmin, Jean-Claude Bardet et Yves Christen ; la maison d'édition dispose de huit collections : « Théoriques », « Factuelles », « Maîtres à penser » et « L'Or du Rhin » dirigées par Alain de Benoist ; « Nation Armée » dirigée par Philippe Conrad ; « Héritage et Traditions », « Réalisme fantastique » et « Cartouches » dirigées par Jean-Claude Valla.
  9. Celse contre les chrétiens, la réaction païenne sous l'empire romain, 1977.
  10. Les Années décisives, 1934, réédité en 1980.
  11. L'Inégalité de l'homme, 1977.
  12. Julius Evola, Orientations, Éditions Copernic, 1977 ; pour une analyse de son œuvre, cf. Michel Angebert, Robert de Herte, Vintila Horia, Pierre Pascal, Renato del Ponte & Jean Varenne, Julius Evola, le visionnaire foudroyé, Éditions Copernic, 1977, 248 p.
  13. Cercle animé par Jean-Yves Le Gallou et Yvan Blot.
  14. Fondé en avril 1975, il se propose « de promouvoir l'idée de Défense », de « réconcilier la nation avec l'armée » et de « s'opposer efficacement aux entreprises de division et de subversion » (Dix ans de combat pour une renaissance culturelle, op. cit., p. 30) ; dirigé jusqu'en 1976 par Philippe Conrad, puis par Éric Saint-Léger, il est secondé par le Cercle Clausewitz (formé des officiers d'active membres du GRECE) et publie la revue Nation Armée.
  15. Apparaissant en janvier 1976, il s'agit d'un groupe « de réflexion et de propositions au service d'une philosophie de l'homme et du monde » animé par Fabrice Valclérieux — un pseudonyme selon Pierre-André Taguieff (op. cit.), qui présente l'homme comme « un enseignant du GRECE » —, avec pour but d'établir un projet éducatif global « opposé à l'utopisme déréalisant des pédagogies rétrogrades et pseudo-modernistes » (Dix ans de combat culturel pour une renaissance, p. 36), et diffusant la revue Nouvelle Éducation.
  16. Le journaliste Thierry Pfister, qui déclencha ladite campagne par un article publié dans Le Monde (« La Nouvelle droite s'installe », Le Monde, 22 juin 1979), admettra plus tard qu'à travers le GRECE était en fait visé Le Figaro, dont le supplément (Le Figaro Magazine), lieu d'expression de la Nouvelle Droite, faisait concurrence au Monde (cf. Anne-Marie Duranton-Crabol, « La "Nouvelle droite" entre printemps et automne (1968-1986) », Vingtième siècle. Revue d'histoire, n°17, janvier-mars 1988).
    En outre, cette campagne fut essentiellement alimentée par des dossiers réalisés - et adressés à la presse - par un groupe de catholiques conservateurs lié à la nébuleuse issue de la Cité catholique (de Jean Ousset), le GARAH (Groupe d'action et de recherche pour l'avenir de l'homme). Des dossiers pratiquant des amalgames polémiques, souvent repris sans esprit critique, entre avortement thérapeutique (pour la légalisation duquel le GRECE avait milité), eugénisme, Nouvelle Droite et nazisme (voir surtout Georges Naughton [pseudonyme de Michel de Guibert et Georges Souchon], Le choc du passé. Avortement, néo-nazisme, nouvelle morale, GARAH, 1974) qui n'avaient de sens que du point de vue de la morale catholique.
    Pierre-André Taguieff (op. cit.) peut ainsi relever le fait paradoxal qu'« une campagne de presse réussie - tous les grands journaux reprenant le modèle accusatoire - [ait] donc été en partie provoquée par l'activité militante de quelques personnes représentant une certaine sensibilité catholique traditionnelle ; deux étudiants chrétiens motivés ont fini par avoir raison d'une « société de pensée » qui, en 1979, bénéficiait de plusieurs tribunes médiatiques et d'une implantation dans la plupart des villes universitaires (...). Les stratèges culturels de la « Nouvelle droite » ont ainsi été vaincus sur le terrain même qu'ils avaient choisi, celui du « combat culturel ». » Taguieff précise toutefois qu'indépendamment de ces instrumentalisations, à l'époque, « les observateurs attentifs pouvaient légitimement s'inquiéter de certains faits constituant autant d'indices de l'appartenance du GRECE-Nouvelle École à un réseau international caractérisable comme « raciste » et « néo-nazi » ». Il s'agissait essentiellement des liens entretenus par Alain de Benoist avec des organisations eugéno-racialistes - la Ligue du Nord (Northern League) et l'Institut des sciences psychosomatiques, biologiques et raciales de Montréal, dirigé par le naturothérapeuthe Jacques Baugé-Prévost (assisté de René Binet et Gaston-Armand Amaudruz) - qu'il cessera de fréquenter fin 1970, au fur et à mesure que s'affinera sa critique du racisme, du « réductionnisme biologique » (dont les bases avaient été posées dans « Contre tous les racismes », Éléments, n°8-9, novembre 1974).
  17. Henry de Lesquen, président du Club de l'Horloge, avait lui-même démenti tout lien avec le GRECE, dans un entretien accordé au journal Rivarol le 5 mai 1995 : « Ayant participé à la fondation du Club de l'Horloge, en 1974, je puis affirmer qu'il a toujours été parfaitement indépendant et qu'il n'a jamais eu de lien avec le GRECE. J'ajoute que nos positions, exprimées dans de nombreuses publications, sont fort différentes de celles du GRECE sur bien des sujets, notamment la nation et la religion. »
  18. Plusieurs des articles de presse attaquant Alain de Benoist lui ont fait grief de ne pas se situer dans l'éventail partisan, de manquer de « clarté » ou de « netteté ». À ces accusations d'ambiguïté (en l'occurence celle exprimée dans un article sur « la tentation national-communiste » paru dans Le Monde, en date du 26 juin 1993), il a répliqué par un droit de réponse : « MM. Biffaud et Plenel estiment « ambiguë » la place que j'occupe « dans le paysage intellectuel français ». Ils n'ont pas tout à fait tort. Entre la bêtise de droite et la malhonnêteté de gauche, il n'est pas toujours aisé de se frayer une voie. Rien n'est, en outre, plus insupportable aux esprits sectaires qu'une pensée indifférente aux étiquettes et aux idées toutes faites. Permettez-moi de dire, cependant, qu'il y aurait peut-être eu, pour Le Monde, un moyen de réduire cette « ambiguïté ». Il aurait consisté à publierle texte de la substantielle interview que j'avais accordée à ce journal en mai 1992, et dont il m'avait alors été annoncé une parution « rapide ». Je ne m'y étais, je crois, dérobé à aucune question. Le Monde, lui, s'est dérobé à sa publication. » (Le Monde, 28 juillet 1993).
  19. Pour une critique de cette campagne de presse (qui déboucha sur un « appel à la vigilance »), lire notamment « Esprit démocratique et loi du soupçon. Le sens du débat dans une démocratie pluraliste », troisième et dernière partie de l'ouvrage de Pierre-André Taguieff (cf. recension). Dans son livre, le chercheur s'élève contre une logique médiatique conspirationniste qui, selon lui, consiste à considérer systématiquement qu'Alain de Benoist avance masqué et dissimule ses véritables pensées (thème du « nazi masqué »), et revient à le ramener à une essence maléfique, criminelle, de laquelle il ne peut s'extraire, quoi qu'il dise ou fasse (les hommes de gauche qui, fût-ce de façon critique, ont dialogué ou sont tombés d'accord avec lui ne peuvent ainsi plus être que des complices). La « nazification » permettant en effet, dans cette perspective, de ne pas se pencher sur les idées, ni sur les textes : « Voir, par exemple, René MONZAT, « Le rituel SS de la Nouvelle Droite », Le Monde, 3 juillet 1993, p. 12 (le GRECE recommande l'usage d'un objet symbolique, « la tour de Yul », pour fêter Noël ; or, ce chandelier, utilisé notamment dans les pays scandinaves, l'a été aussi par la SS ; donc le GRECE pratique un « rituel SS » ! Ce raisonnement pourrait être reproduit à propos de tout symbole païen récupéré par les nazis ; sa valeur de preuve est nulle, tant que d'autres indices ne sont pas établis.) Le journaliste René Monzat (...), a publié Enquêtes sur la droite extrême, (...) où, par un classique jeu de miroirs, la dénonciation de la théorie du complot chez l'adversaire diabolisé (chap. 13, p. 140-164) s'opère elle-même sur le mode conspirationniste. (...) » Pour un témoignage d'Alain de Benoist sur le contexte dans lequel sont intervenues ces accusations, cf. « Sur Jean-Edern Hallier et "L'idiot international" ».
  20. Chiffre fourni par ses responsables mais vraisemblablement gonflé ; cf. Ghislaine Desbuissons, La « Nouvelle Droite » (1968-1974). Contribution à l'étude des idées de droite en France, thèse de doctorat en science politique, IEP de Grenoble, 1984.
  21. « Pour l'heure, les divergences entre l'extrême droite et la « Nouvelle droite » paraissent insurmontables. 1. Le FN est imprégné de messianisme catholique incompatible avec notre conception païenne. 2. La doctrine identitaire du FN se résume à un nationalisme étroit, « franchouillard », alors que nous sommes Européens... avant d'être Français. 3. Le FN s'oppose aux mosquées, aux tchadors (...). Nous sommes pour le droit imprescriptible des peuples à rester eux-mêmes ; sur notre sol ou ailleurs. 4. L'humeur sécuritaire et identitaire à fleur de peau des frontistes cache leur absence de projet de société et de comportement en rupture avec la société marchande, que nous avons toujours dénoncée comme « système à tuer les peuples ». 5. Le caporalisme en vigueur dans ce parti est inconciliable avec notre conception libertaire et aristocratique (...) de l'excellence. »
  22. Voir les réponses d'Alain de Benoist sur le FN dans son entretien avec Le Monde (questions d'Alain Rollat), réalisé en 1992 et que le journal refusa de publier.
  23. Sans doute choqué par les critiques croissantes de l'influence américaine formulées par les principaux animateurs du GRECE, l'homme de presse Raymond Bourgine exprima en ces termes sa volonté de ne plus avoir affaire avec eux : « La Nouvelle droite, c'est fondamentalement Alain de Benoist, et ce n'est pas une droite. (...) Éléments, la revue qu'il anime, montre qu'il n'est ni de droite, ni de gauche, c'est-à-dire qu'il n'est pas en France, du moins dans "notre" France, car il pourrait y en avoir une autre qui serait soviétique. » (« À l'Est de la France », Le Spectacle du monde, n°243, juin 1982). A l'encontre d'Alain de Benoist et de ses amis, cette accusation de dérive vers le communisme (soviétique en l'occurence), c'est-à-dire en dehors de la droite et de la gauche « institutionnelles », se répandit au sein de la droite conservatrice. Plus anecdotiquement, on notera que certains milieux catholique traditionalistes n'avaient pas hésité à classer d'emblée à gauche le phénomène néo-droitier. Ainsi, dans sa revue Itinéraires, Jean Madiran écrivit : « [la gauche] pressent d'instinct qu'une renaissance de la chrétienté demeure possible à tout moment. Elle n'arrête pas d'en massacrer les prémices, jusque dans l'esprit et le coeur des enfants.
    La nouvelle droite ?
    Même combat.
    Son anti-égalitarisme est une diversion. Où a-t-on vu que les tyrans de gauche, de Bonaparte à Lénine, auraient été égalitaires ?
    La nouvelle droite, radicalement anti-chrétienne, est en cela, par son esprit, une entreprise de gauche. Il n’est pas exclu qu’elle soit même une entreprise de la gauche. » (« Nouvelle droite et délit d'opinion », Itinéraires, n°236, septembre 1979), et : « On est toujours à droite ou à gauche de quelqu’un, dit Monnerot. C’est vrai. La « Nouvelle droite » peut bien être l’aile droite de la franc-maçonnerie ; elle peut très bien être en discorde plus ou moins réelle avec l’aile gauche de la même maçonnerie, ou d’une autre, dans le foisonnement actuel du pluralisme maçonnique. Mais en définitive elle n’est pas L’AILE GAUCHE DE LA DROITE ; elle est bien plutôt L’AILE DROITE DE LA GAUCHE, et ce n’est pas la même chose ; pas du tout. » (« À propos de la "Nouvelle droite" », Itinéraires, n°237, novembre 1979).
  24. Esquissant une auto-critique, la rédaction d'Éléments a expliqué qu'en son sein, « [le] rejet de l'individualisme moderne au profit d'une vision holiste inspirée des sociétés traditionnelles s'est substitué à la critique, parfois trop systématique, de l'égalitarisme (l'anti-égalitarisme systématisé pouvant déboucher sur un darwinisme social justifiant, au fond, le capitalisme libéral : le marché comme nature, la concurrence comme sélection.  » (Éléments, n°72, hiver 1991, p. 23).
  25. Alain de Benoist, Vu de droite. Anthologie critique des idées contemporaines, Paris, Éditions Copernic, 1977, p. 16.
  26. Jean Sévillia, Le Terrorisme intellectuel de 1945 à nos jours, Paris, Perrin, 2000.
  27. Éléments, n°94, février 1999 ; id., n°99, novembre 1999 ; id., n°100, mars 2001.
  28. Voir par exemple la préface d'Alain de Benoist à Louis Rougier, Le Conflit du christianisme et de la civilisation antique, Copernic, 1977.
  29. Alain de Benoist, Comment peut-on être païen ?, Paris, Albin Michel, 1981, p. 251 ; et sous le pseudonyme de Robert de Herte : éditorial de la revue Éléments, n°27, hiver 1978.
  30. D'après Pierre-André Taguieff (op. cit.), avant que n'apparaissent, fin 1980, « une nouvelle génération du GRECE » (incarnée par Charles Champetier) et de nouvelles références (Martin Heidegger, Louis Dumont, Serge Latouche, etc.), le mouvement se caractérisait par la « coexistence conflictuelle de quatre grandes orientations : le pôle traditionaliste non catholique - voire anticatholique -, dominé par la référence au « traditionalisme intégral » et « révolutionnaire » (paradoxe incarné !) dérivé des oeuvres de René Guénon et de Julius Evola ; le pôle néo-conservateur « moderniste », puis « post-moderniste », dont les tenants se réclament de la « révolution conservatrice » allemande (Ernst Jünger, Arthur Moeller van den Bruck, etc.) - (...) en 1987, l'on pouvait encore y distinguer la variante Guillaume Faye et la variante Alain de Benoist - ; le pôle communautaire ou ethniste, refaisant les chemins des courants de type völkisch (populiste-raciste) de la « révolution conservatrice », dont l'antimodernisme radical enveloppe souvent un « pessimisme culturel » ressassant le thème de la « décadence » moderne ; le pôle positiviste, voire scientiste, où l'on rencontre une exaltation récurrente des « exploits » de la science et de la technique modernes, érigées en méthode de salut. »
  31. « La Nouvelle Droite de l'an 2000 », Éléments, n°94, février 1999.