Eugénisme

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L'eugénisme désigne l'amélioration des caractères héréditaires de l'espèce humaine par une intervention délibérée. Ce souhait, qui existe depuis l'antiquité peut se traduire par une politique volontariste d'éradication des caractères jugés handicapants ou de favorisation des caractères jugés bénéfiques.

On peut distinguer l'eugénisme de la préoccupation d'assurer à ses enfants le « meilleur » co-reproducteur (quoique « meilleur » puisse signifier : taille des cornes, couleurs des plumes, ou étendue du patrimoine ou de la culture, etc.), ainsi que de la pratique qui consiste à favoriser le plus prometteur de ses enfants. Ces stratégies ne se préoccupent pas du devenir de l'espèce humaine, mais seulement de l'avenir de ses propres enfants ou de sa famille.

L'eugénisme pose de sérieuses questions éthiques car il implique une sélection portant nécessairement une part de subjectivité et une part de contrainte, ne serait-ce qu'envers les individus écartés, ou à l'égard des individus incités à se reproduire, voire à se reproduire avec telle personne et nulle autre.

L'histoire du XXe siècle a fourni des exemples de graves dérives morales associées aux politiques eugéniques.

L'"Eugenisme est la direction propre à l'évolution humaine": Logo du Second International Congress of Eugenics, 1921, décrivant l'eugenisme comme un arbre dont le tronc est crée à partir des différents champs de connaissances de l'humanité.
L'"Eugenisme est la direction propre à l'évolution humaine": Logo du Second International Congress of Eugenics, 1921, décrivant l'eugenisme comme un arbre dont le tronc est crée à partir des différents champs de connaissances de l'humanité.

Sommaire

[modifier] Histoire du terme « eugénisme »

L'étymologie du mot « eugénisme » est grecque : eu (« bien ») et gennân (« engendrer »), ce qui signifie littéralement « bien naître ». La signification du terme eugénisme a évolué depuis sa première utilisation. Le terme eugénisme est dérivé du terme eugénique. Le terme (the eugenics) a été popularisé par le psychologue et physiologiste anglais, Francis Galton, demi-cousin de Charles Darwin par le biais d'Erasmus Darwin. Avant l'utilisation du terme eugenics, F. Galton a également utilisé le terme viriculture.

En 1883, Francis Galton (ne connaissant pas les travaux de Gregor Mendel sur la transmission des caractères héréditaires) écrivit un ouvrage utilisant pour la première fois le terme the eugenics. À l'époque, Galton ne faisait pas la distinction entre :

  • l'amélioration génétique des humains par sélection de caractères héréditaires jugés souhaitables et/ou élimination des caractères jugés indésirables et ;
  • l'amélioration des individus par des interventions portant sur leurs conditions de vie.

Cette absence de séparation nette entre aspect génétique et aspect social ne s'est dissipée que progressivement. En 1936, Julian Huxley définit l'eugénique comme l'ensemble des méthodes visant à améliorer les races humaines. Son objectif est de compenser sur le long terme l'effet antisélectif des systèmes sociaux comme politiques des pays développés. À cette époque, le terme d'eugénique semble avoir eu une définition beaucoup plus sociale que génétique. Voir la malencontreuse terminologie "Darwinisme social".

Le principe initial défini par Galton était directement en rapport avec l'enseignement et les travaux de Darwin, lui-même très influencé par Malthus. Les mécanismes de la sélection naturelle sont contrecarrés par la civilisation humaine. En effet, un des objectifs de la civilisation est d'une certaine façon d'aider les défavorisés, donc de s'opposer à la sélection naturelle qui entraînerait la disparition des plus faibles. Mathématiquement et si les conditions de survie restent identiques entre toutes les époques (c'est ce point qui est largement contestable), la perte d'efficacité liée à la protection de la civilisation pourrait entrainer une augmentation progressive du nombre d'individus inadaptés. Les partisans de l'eugénisme ont donc proposé des compensations de ces effets au sein des sociétés dites évoluées.

Les principes de l'eugénisme sont posés sur cette conception de base : compenser la perte des mécanismes de sélection naturelle. Cette conception a inspiré plusieurs philosophies, théories et pratiques sociales.

Un humaniste comme Jean Rostand a mis en garde dans son ouvrage Pensées d'un biologiste contre le fait qu'une société qui prendrait sérieusement en mains la question de l'eugénisme pourrait bien s'assurer un avantage décisif sur les autres.

[modifier] Interprétations de l'eugénisme

La conception darwinienne n'a pas été reçue de la même façon dans tous les pays. Ainsi la France, par exemple, est restée longtemps réticente aux idées darwiniennes car marquée par le lamarckisme et influencée par la position de l'Église Catholique.

La découverte de la génétique ne laisse plus de place à l'hypothèse de l'hérédité de caractères acquis autrement que par le hasard d'une mutation. Il est cependant intéressant de la rappeler :

  • pour Lamarck, le moteur de l'évolution reposait surtout sur l'hérédité de caractères acquis, favorisant la descendance d'individus ayant fait l'effort de s'adapter. Selon Lamarck, l'amélioration des races humaines passe par conséquent par l'amélioration des conditions de vie, de façon à ce que la modification de son environnement améliore à terme la qualité de l'homme futur. Cet eugénisme là - qui fut aussi raciste parfois - a constitué la position eugéniste dominante en France, ainsi qu'une incitation - hélas ici bien inutile, puisque les caractères acquis ne se transmettent pas - à la pratique du sport.
  • pour Darwin, le moteur de l'évolution reposait sur la sélection naturelle éliminant les individus les moins adaptés à la survie et ne favorisant la descendance que des plus aptes à la reproduction (y compris dans le fait de séduire un partenaire et de prendre soin de la progéniture) ; prudent, toutefois, Darwin expliquait aussi dans L'Origine des espèces que sa théorie restait compatible avec une éventuelle transmission de caractères acquis.

[modifier] De bonnes intentions, des moyens discutables, un but incertain

Anthropométrie
Anthropométrie

Selon ses défenseurs l'eugénisme visait à assurer une humanité plus adaptée, donc en principe plus heureuse. Ce n'est donc pas sa fin en elle-même qui a été critiquable, mais bien souvent les moyens choisis. Si le diabète, l'hémophilie et d'autres maladies héréditaires venaient à être éliminées par thérapie génique, tout le monde en serait ravi ; cette forme d'eugénisme ne pose pas les difficultés de sa variante du XIXe et XXe siècles, périodes où les moyens utilisés avaient dépassé les bornes autorisées par nos propres valeurs .

Mais quid de l'orientation à choisir, même par des moyens licites ?

  • Au XVIIIe siècle, on aurait pu vouloir favoriser l'émergence d'hommes robustes capables surtout d'une grande endurance pour devenir portefaix ou travailleurs de force. L'eugénisme aurait ici augmenté le nombre des inadaptés.
  • Le XIXe siècle aurait favorisé sans doute l'apparition d'un autre type d'humain : l'employé aux écritures à la mode de Dickens, capable d'additionner douze heures par jour de longues colonnes de chiffres sans se fatiguer ni se tromper. Quel emploi la deuxième moitié du XXe siècle, où un ordinateur faisait le même travail pour juste quelques centimes et en un temps bien plus court, aurait-elle pu trouver pour un type d'homme n'ayant que ces qualités-là à offrir ? L'eugénisme aurait là encore augmenté le nombre des inadaptés.

Et dans les deux cas en moins de six générations.

« Nous devons éviter que nos jolis objectifs deviennent les geôliers de nos enfants », disait Myron Tribus (« We should ensure that our goals do not become their gaols », avec un jeu de mots entre goals/buts et gaols/geoles ).

Bien plus que les moyens employés, qui peuvent dans certains cas être irréprochables, c'est probablement là que se trouve la principale impasse de l'eugénisme. Même lorsque celui-ci s'attache à autre chose qu'à la simple élimination - en observant une stricte éthique - des maladies héréditaires. Car, dans certains cas particuliers, ce qui est une maladie peut être, aussi, un facteur de survie : que l'on repense par exemple à la célèbre drépanocytose, maladie héréditaire qui permet de résister au paludisme.

La variété et le nombre (la biodiversité) représentent autant d'opportunités possibles d'adaptation des systèmes vivants à des conditions futures inconnues, et donc à la survie de l'espèce. L'élimination systématique de tous les caractères jugés handicapants ou superflus à un moment donné pourrait parfaitement abréger la durée de vie d'une lignée... Les sélectionneurs de races animales, qui le savent, prennent soin de conserver (sous forme de paillettes de sperme congelées, par exemple, ou sous forme d'information : c'est l'un des enjeux du séquençage génétique) les caractères que par ailleurs ils éliminent dans les animaux de production. Ils savent qu'un demi-siècle peut s'intéresser à la seule quantité, et par exemple le demi-siècle suivant au contraire à des qualités gustatives, etc.

Mais grâce à cet exemple, on peut considérer qu'il suffirait de conserver certains caractères, tout en les supprimant de l'humanité présente, pour les réintroduire à l'avenir si le besoin s'en faisait sentir. Une telle pratique eugénique permettrait à l'humanité de maîtriser son adaptabilité et son évolution. Les auteurs de science-fiction et de politique-fiction s'interrogent néanmoins sur le sens que les eugénistes donnent au mot « bénéfique » : pour les individus, ou simplement pour l'État ? (voir Le meilleur des mondes).

[modifier] France

La question de l'eugénisme est traitée par le code pénal, dans le Sous-titre II du Titre I du Livre II, intitulée « Des crimes contre l'espèce humaine » :

  • Article L 214-1 : « Le fait de mettre en œuvre une pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est puni de trente ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d’amende ».
  • Article L 214-3 : « Cette peine est portée à la réclusion criminelle à perpétuité et de 7 500 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises en bande organisée »

À l'Assemblée nationale, le scrutin n°167 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la bioéthique, a été adopté avec modifications en deuxième lecture séance du mardi 8 juin 2004 (310 votants, 304 suffrages exprimés, 187 pour, 117 contre).

Cependant, aussi claire qu'elle paraisse, la position française est en pratique bien plus ambiguë, si on considère les obligations de dépistage (visites prénatales obligatoires) et les facilités légales ainsi que l'encouragement à l'avortement lorsque l'enfant à naître présente des malformations : il s'agit manifestement de pratiques eugénistes, qui ne posent pas de problèmes sociaux.

[modifier] Pays anglo-saxons, germaniques ou nordiques

Des programmes de stérilisations contraintes furent mis en place en Suède, en Suisse et aux États-Unis pendant l'entre-deux-guerres. La plupart des pays protestants furent touchés, à l'exception de la Grande-Bretagne, où cependant Herbert George Wells et Winston Churchill déploraient que la politique eugéniste ne soit pas développée (cette controverse est rapportée dans le livre de Matt Ridley : Génome.)

[modifier] Japon Showa

Lors de la phase de l'expansionnisme du Japon Showa, les gouvernements nippons successifs mirent en place des mesures visant la stérilisation des handicapés mentaux et des "déviants", dont notamment une Loi nationale sur l'Eugénisme, promulguée en 1940 par le gouvernement Konoe. [1] .

En vertu de la Loi Eugénique de Protection (1948), la stérilisation pouvait être imposée aux criminels "avec des prédispositions génétiques au crime", aux patients souffrant de maladies génétiques comme l'hémophilie, l'albinisme, l'Ichtyose, et de maladies mentales comme la schizophrenie, la manico-dépression et l'épilepsie. [2].

D'autre part, les Lois sur la Prévention de la Lèpre de 1907, 1931 et 1953, la dernière n'étant abolie qu'en 1996, permettaient l'internement des malades dans des sanatorium où l'avortement et la stérilisation étaient monnaie courante [3], en raison notamment du fait que bon nombre de scientifiques nippons soutenaient que la constitution physique prédisposant à la lèpre était héréditaire [4]

En vertu de l'ordonnance coloniale coréenne de prévention de la lèpre, les malades coréens pouvaient aussi être soumis à des travaux forcés. [5].

[modifier] Ailleurs en Asie

Des pays comme la Chine ou Singapour ont lancé depuis le milieu des années 1990 une politique d'eugénisme franchement affirmé visant à favoriser les naissances dans les milieux urbains aisés et à les limiter dans les milieux ruraux défavorisés. Les experts locaux ont précisé que « des ressources humaines de qualité » étaient nécessaires à la modernisation du pays mais que les tendances présentes laissaient présager une « qualité de population moindre »[6] ».

[modifier] Allemagne nazie

Icône de détail Article détaillé : L'Eugénisme sous le nazisme.

Jusqu'en 1933, l'eugénisme était considéré comme une technique de l'arsenal scientifique. Il s'agissait d'améliorer telle ou telles souches humaines à travers le contrôle de la reproduction. À travers l'eugénisme, les scientifiques espéraient éliminer les pathologies héréditaires (on parle d'eugénisme médical) ainsi que les déviances sociales qui pourraient avoir une origine héréditaire, par exemple la criminalité là où celle-ci se révèlerait congénitale.

Une politique eugéniste particulière propre à l'Allemagne nazie s'est mise en place dès 1933. Elle consistait

  • d'une part à favoriser la fécondité des humains considérés comme supérieurs. (Politique pro-nataliste, soutien familial, pouponnières, lebensborn ...)
  • d'autre part à prévenir la reproduction des humains considérés comme génétiquement déficients (diabétiques, myopes, Etc..) et de ceux considérés comme inférieurs ou mentalement non désirables (les criminels, arriérés mentaux, Etc...).

L'Allemagne a cherché à lutter contre l'avortement pour les femmes considérées comme supérieures, alors que dans le même temps la circulaire secrète de 1934 autorisait l'avortement pour les femmes devant être ultérieurement stérilisées. Le décret secret de 1940 a été plus loin en rendant obligatoire l'avortement pour les femmes « inférieures ». 200 000 femmes furent ainsi stérilisées jusqu'en 1945.

Un autre exemple est celui de l'homosexualité, considérée par cette mouvance comme une maladie. L'Allemagne eugéniste proposait aux homosexuels le choix entre la castration volontaire ou la mise en camps de concentration.

Avant même l'arrivée d'Hitler au pouvoir, une majorité de scientifiques et d'hommes politiques étaient favorables à l'eugénisme. La loi de 1934 portant sur la stérilisation eugénique s'est mise en place à l'aide de la participation active du docteur Gütt (médecin haut fonctionnaire), de Falk Ruttke (juriste) et Ernst Rüdin (psychiatre génétique suisse). Cette loi impose la stérilisation obligatoire pour les malades atteints de neuf maladies considérées comme héréditaires ou congénitales (cécité, alcoolémie, schizophrénie...). On estime que 400 000 Allemands ont été stérilisés entre 1934 et 1945. Ces stérilisations ont fait l'objet d'un quasi consensus dans la communauté médicale allemande.

D'autres pratiques, hors cadre légal, ont été utilisées pour éliminer les personnes indésirables, camps de concentration pour les alcooliques, criminels, délinquants, asociaux divers, castration des criminels sexuels et homosexuels, stérilisation des enfants métis nés de mères allemandes et pères africains, nord africains, indochinois de l'armée d'occupation française, extermination des tziganes et des juifs.

L'eugénisme allemand et ses variantes suédoise et états-unienne n'étaient pas des actes isolés de pervers, mais au contraire le résultat d'une politique d'élimination systématique, basée sur des techniques « scientifiques », et organisée par l'administration.

Il est également intéressant de noter que cette forme d'eugénisme avait remis en avant une notion déjà considérée mythique : celle de « race aryenne » ; les anthropologues de l'époque parlaient plutôt de race nordique ou de race alpine.

[modifier] Quelques positions

[modifier] Sparte

À Sparte l'eugénisme a longtemps été pratiqué. Les enfants nés malades ou faibles étaient tués dès la naissance ainsi que les handicapés mentaux et physiques. De cette manière, seuls les plus « forts » subsistaient et pouvaient se reproduire.

[modifier] Platon

Platon, dans La République, décrit une politique destinée à éviter qu’une union se fasse au hasard dans la cité.

« Créer des unions au hasard (…) serait une impiété dans une cité heureuse. (…) Il est donc évident qu'après cela nous ferons des mariages aussi sains qu'il sera en notre pouvoir ; or les plus sains seront aussi les plus avantageux. (...)
Quant aux jeunes gens qui se seront signalés à la guerre ou ailleurs, nous leur accorderons, entre autres privilèges et récompenses, une plus large liberté de s'unir aux femmes »

[modifier] Aristote

« Passons au problème des enfants qui, à leur naissance, doivent être ou exposés [= sacrifiés] ou élevés : qu’une loi défende d’élever aucun enfant difforme. Mais, dans les cas d’accroissement excessif des naissances (comme le niveau des mœurs s’oppose à l’exposition de tout nouveau-né), une limite numérique doit dès lors être fixée à la procréation, et si des couples deviennent féconds au-delà de la limite légale, l’avortement sera pratiqué avant que vie et sensibilité surviennent dans l’embryon. »

[modifier] Charles Darwin

« Au sein des nations hautement civilisées, le progrès continu dépend de la sélection naturelle à un degré subordonné car de telles nations ne se supplantent et ne s'exterminent pas comme le font les tribus sauvages. Les membres les plus intelligents au sein d'une communauté vont mieux réussir à long terme que les inférieurs, et laisser une progéniture plus importante et c'est une forme de sélection naturelle. Le progrès dépend alors d'une bonne éducation pendant la jeunesse alors que le cerveau est imprégnable. » [7]

Après la lecture de Hereditary genius (1869), dans lequel Francis Galton soutenait que le faible nombre de pauvres ayant accès aux échelons supérieurs s'expliquait par une infériorité génétique, Darwin écrivait à ce dernier : « En quelque sorte vous avez fait d'un converti un opposant, car j'ai toujours soutenu que, les déments exceptés, les hommes ne différaient pas beaucoup intellectuellement, mais seulement par le zèle et le travail assidu; et je crois encore qu'il s'agit d'une différence éminemment importante. » [8]

[modifier] Darwinisme social

Des contemporains de Darwin se sont en effet servis de sa théorie pour justifier des tendances eugénistes:

« Nous autres hommes civilisés, au contraire [des sauvages], faisons tout notre possible pour mettre un frein au processus de l’élimination ; nous construisons des asiles pour les idiots, les estropiés et les malades ; nous instituons des lois sur les pauvres ; et nos médecins déploient toute leur habileté pour conserver la vie de chacun jusqu’au dernier moment. […] Ainsi, les membres faibles des sociétés civilisées propagent leur nature. Il n’est personne qui, s’étant occupé de la reproduction des animaux domestiques, doutera que cela doive être hautement nuisible pour la race de l’homme […].
Nous devons par conséquent supporter les effets indubitablement mauvais de la survie des plus faibles et de la propagation de leur nature ; mais il apparaît ici qu’il y a au moins un frein à cette action régulière, à savoir que les membres faibles et inférieurs de la société ne se marient pas aussi librement que les sains ; et ce frein pourrait être indéfiniment renforcé par l’abstention du mariage des faibles de corps et d’esprit, bien que cela soit plus à espérer qu’à attendre. »
    — Francis Galton

[modifier] Friedrich Nietzsche

Il n'y a pas à proprement parler d'eugénisme chez Nietzsche : il ne s'agit pas en effet d'améliorer une race ou l'espèce humaine, en s'appuyant sur des critères biologiques, mais de considérer l'humanité dans son ensemble, en tant que devenir historique et culturel de valeurs plus ou moins bénéfiques. Or, l'humanité elle-même n'est pas à améliorer : elle est une fin, et en tant que telle elle peut être surmontée par l'action de quelques personnes (le surhumain n'est donc pas un humain amélioré, mais un type différent). Ainsi, l'humanité, incarnant les valeurs morales grégaires qui dominent au détriment de l'individu, demeure un rassemblement d'hommes moyens, à côté duquel peuvent exister des hommes qui tentent en eux-mêmes de créer un type nouveau et supérieur (une « race » nouvelle, dans le sens d'une communauté de Volonté de puissance), c'est-à-dire à devenir les artistes de la culture, ce qui ne va pas sans sacrifices, qu'il s'agisse de soi ou des autres. Ces hommes supérieurs devraient alors former une caste à part, mais ne correspondent à aucun critère biologique, ni même sociologique, car tout doit être évalué selon l'assentiment que l'on donne à la vie (on l'affirme ou on la nie). Ces essais de création devraient alors aboutir, à très long terme, à instaurer un type de sélection fondée sur des notions telles que l'Eternel Retour, et qui s'opposerait à la sélection actuelle qui favorise le ressentiment et la médiocrité et laisse l'histoire humaine aux mains du hasard.

« L'objectif sera donc le suivant : constituer à l'échelle de l'humanité, les conditions qui ont permis l'apparition des Grands Hommes ; ne plus compter sur le « hasard », sur le fait que des « mémoires » spéciales, raffinées, sélectionnées de générations en générations, se sont « miraculeusement » condensées sur un seul ; tout au contraire, accumuler les forces, méthodiquement, scientifiquement, pour créer une autre « race » [...] Tout d'abord il ne faut pas craindre de se conduire comme l'évolution s'est elle-même conduite, c'est-à-dire tout essayer, tout tenter, produire des sortes de « prototypes » qu'on n'hésitera pas à jeter au rebut. L'évolution, dit-on, « bricole », et il ne faut pas hésiter à « bricoler » ; ou mieux encore on procèdera à la manière de l'artiste qui ne cesse de tâtonner, qui dessine ébauche sur ébauche avant de parvenir à une forme convenable. On essaiera donc de modeler l'homme en divers sens, pour tirer de lui ses diverses virtualités, le briser dès qu'un certain type a atteint son apogée, de travailler ainsi à construire et à détruire. »
    — Volonté de puissance, IV, § 144, remarque : édition posthume et contestée de fragments de Nietzsche

[modifier] L'Église Catholique

L'Eglise combat avec ferveur toute doctrine eugénique, contraire aux valeurs humanistes chrétiennes. Elle s'est notamment exprimée à ce sujet lors de la conférence des chrétiens d'europe à Gniezno (PL)

[modifier] Jean Rostand

Le biologiste et humaniste Jean Rostand a pris clairement, et à plusieurs reprises, position en faveur d'un eugénisme positif dans ses déclarations comme dans ses livres. Pour lui, le premier pays qui se préoccuperait sérieusement de la question prendrait sur les autres une avance décisive.

Il tempéra cependant ce propos en rappelant également quelques vérités d'importance :

« la civilisation de l'homme ne réside pas dans l'homme, elle est dans les bibliothèques, dans les musées et dans les codes »

(entendre par là les codes des lois et des mœurs et non le code génétique !).

« J’ai la faiblesse de penser que c’est l’honneur d’une société que d’assumer, que de vouloir ce luxe pesant que représente pour elle la charge des incurables, des inutiles et des incapables ; et je mesurerais presque son degré de civilisation à la quantité de peine et de vigilance qu’elle s’impose par pur respect de la vie... Quand l’habitude sera prise d’éliminer les monstres, de moindres tares feront figure de monstruosités. De la suppression de l’horrible à celle de l’indésirable, il n’y a qu’un pas... Cette société nettoyée, assainie, cette société sans déchets, sans bavures, où les normaux et les forts bénéficieraient de toutes les ressources qu’absorbent jusqu’ici les anormaux et les faibles, cette société renouerait avec Sparte et ravirait les disciples de Nietzsche, je ne suis pas sûr qu’elle mériterait encore d’être appelée une société humaine »

« Ce n'est pas dans des laboratoires ni des chaires que doivent sortir les décisions que réclament les eugénistes. Si elles doivent entrer en vigueur, elles émaneront de la conscience collective de cette vaste âme diffuse à laquelle chacun de nous participe »

[modifier] Boris Vian

Sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, Boris Vian écrivit un roman semé d'humour sur le thème de l'eugénisme : Et on tuera tous les affreux. L'épilogue en est paradoxal mais, tout bien considéré, conforme à la logique humaine.

[modifier] James Watson

« Et si nous pouvions un jour améliorer ces gènes afin de mettre un terme à la mesquinerie et à la violence, en quoi notre humanité s’en trouverait-elle diminuée ? Le slogan promotionnel que les créateurs de Bienvenue à Gattaca avaient imaginé reprenait un des préjugés les plus profondément enracinés à l’encontre du savoir génétique : « Il n’y a pas de gènes pour l’esprit humain ». Le fait que tant de gens persistent à souhaiter qu’il en soit ainsi témoigne d’un aveuglement dangereux. Si la vérité que l’ADN a révélée pouvait être acceptée sans crainte, nous n’aurions plus lieu de désespérer du sort de ceux qui viendront. »

[modifier] Stephen Hawking

« Il n’y a pas eu de changement significatif dans le génome humain au cours des dix mille dernières années. Mais il sera sans doute complètement remodelé dans le prochain millénaire. Bien sûr, beaucoup de gens diront que l’ingénierie génétique sur des êtres humains devrait être interdite. Mais j’ai quelques doutes sur la possibilité d’y parvenir. L’ingénierie génétique sur les plantes et les animaux sera autorisée pour des raisons économiques et quelqu’un essaiera de l’appliquer aux hommes. À moins d’avoir un ordre mondial totalitaire, quelqu’un forgera des humains améliorés quelque part. »

[modifier] Références

  1. "Loi Nationale sur l'Eugénisme"  (国民優生法) 第一条 本法ハ悪質ナル遺伝性疾患ノ素質ヲ有スル者ノ増加ヲ防遏スルト共ニ健全ナル素質ヲ有スル者ノ増加ヲ図リ以テ国民素質ノ向上ヲ期スルコトヲ目的トス, Kimura, Jurisprudence in Genetics, http://www.bioethics.jp/licht_genetics.html , Jennifer Robertson, Blood Talks, http://72.14.205.104/search?q=cache:48YqAbt7joIJ:sitemaker.umich.edu/jennifer.robertson/files/blood_talks__eugenic_modernity_anthro___hist_2002.pdf+robertson+%22blood+talks%22&hl=fr&ct=clnk&cd=1&gl=ca&client=firefox-a
  2. SOSHIREN / 資料・法律−優生保護法
  3. Hansen's sanitarium were houses of horrors, http://search.japantimes.co.jp/cgi-bin/nn20050128a1.html
  4. Michio Miyasaki, Leprosy Control in Japan, http://www.clg.niigata-u.ac.jp/~miyasaka/hansen/leprosypolicy.html
  5. Korean Hansens patients seek redress, http://search.japantimes.co.jp/cgi-bin/nn20040226a4.html
  6. International backlash likely over controversial family planning program ; China to launch eugenics plan dans le Hong Kong Standard du 28/08/1996 [1]
  7. Adrian Desmond, James Moore, Darwin, 1991, p.609
  8. Richard Milner, The Encyclopedia of evolution, 1990, p.184.

[modifier] Bibliographie

  • Hans F. K. Günther, Paton Eugéniste et vitaliste (éd. Éditions Pardès)
  • André Pichot, L'Eugénisme ou Les généticiens saisis par la philanthropie, 1996 (éd. Hatier "Optiques").
  • André Pichot, La Société pure. De Darwin à Hitler, 2000 (éd. Flammarion).
  • Jean Sutter L’Eugénique. INED, Travaux et Documents, cahier n°11, 1950, 256 p.
  • Albert Jacquard, Éloge de la différence (La génétique et les hommes) (éd. point Sciences ) ;
  • Anne Carol, Histoire de l'eugénisme en France. Les médecins et la procréation XIXe-XXe siècles, éd. Seuil (L'Univers historique, 1995).
  • François-Xavier Ajavon, L'Eugénisme de Platon, éd. L'Harmattan, 2002.

[modifier] Voir aussi

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[modifier] Liens externes