Robert Faurisson

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Robert Faurisson, né le 25 janvier 1929, est un universitaire français et critique littéraire.

Maître-assistant à la Sorbonne[1], puis maître de conférences en littérature contemporaine à l'université Lyon II[2], il est le plus connu des partisans français du discours négationniste[3], niant l'existence des « chambres à gaz homicides », des camps d'extermination (qu'il considère comme de simples camps de concentration) et, plus généralement, de la réalité du génocide des Juifs commis par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Il a été condamné à plusieurs reprises pour négation de la Shoah.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] De la littérature au négationnisme

En 1961, Robert Faurisson publie dans la revue Bizarre, éditée par Jean-Jacques Pauvert, une étude de l'oeuvre d'Arthur Rimbaud, sous le titre A-t-on LU Rimbaud ?[4]. Lors de sa première édition, le texte est signé des simples initiales R. F., l'auteur souhaitant alors garder l'anonymat. La thèse de l'étude, controversée à l'époque[5], est d'attribuer au sonnet « Voyelles », de Rimbaud, un sens exclusivement érotique[6]. Dix ans plus tard, il présente sa thèse de troisième cycle sur Lautréamont, où il entend démontrer que Les Chants de Maldoror sont en réalité une parodie. La vision de Faurisson est tout aussi controversée, et se voit notamment accusée par le critique Pierre Albouy de « poujadisme intellectuel »[7] ».

Robert Faurisson se fait surtout connaître du grand public en 1979[8], lors de la publication d'une lettre tribune envoyée par lui au quotidien Le Monde. La polémique qui suit et diverses menaces pour sa sécurité physique, l'ont conduit à quitter le poste qu'il occupait à l'université Lyon II. Il est ensuite affecté à l'enseignement à distance. Il a fait l'objet de plusieurs agressions, dont une en 1989 qui lui a valu une fracture de la mâchoire.

Robert Faurisson a rapidement eu le soutien de Pierre Guillaume. Faurisson se présente comme « apolitique »[9], mais ses contradicteurs, dont Pierre Vidal-Naquet[10], le considèrent comme un sympathisant d'extrême droite de longue date (certains éléments de ce milieu ayant une tradition d'antisémitisme virulent), ce qui est confirmé par Louis Seguin pour qui « les sympathies de Robert Faurisson "allaient sans aucun doute du côté de la droite la plus extrême" »[11].

Il a été condamné à plusieurs reprises par la justice française, notamment pour « contestation de crime contre l'humanité » en vertu de la loi Gayssot.

[modifier] Procédures judiciaires

[modifier] 1981-1998

La première condamnation est prononcée le 8 juillet 1981. Robert Faurisson est condamné au franc symbolique pour avoir déclaré que « Hitler n’a jamais ordonné ni admis que quiconque fût tué en raison de sa race ou de sa religion ». La peine est confirmée en appel deux ans plus tard[12]. Ce jugement ayant été publié partiellement dans le recueil Dalloz-Sirey du 3 février 1982[13], Faurisson attaque en 1983 la SA Dalloz en vue d'obtenir des dommages-intérêts ; le TGI de Paris reconnaît le caractère fautif de coupures non signalées et condamne la société défenderesse à la seule publication du jugement de 1983[14].

Robert Faurisson est condamné, le 18 avril 1991, à cent mille francs d'amende avec sursis pour « contestation de crime contre l'humanité », par la 17e chambre correctionnelle de Paris. Dans un entretien au Choc du mois (septembre 1990), il déclarait, notamment, que « le mythe des chambres à gaz est une gredinerie » et qu'il a « d'excellentes raisons de ne pas croire à cette politique d'extermination des juifs, ou à la magique chambre à gaz, et on ne me promènera pas en camion à gaz. » Patrice Boizeau, directeur de la publication du mensuel, a, lui aussi, été condamné, à trente mille francs d'amende et à verser vingt mille francs de dommages et intérêts à chacune des onze associations d'anciens déportés qui s'étaient constituées partie civile. Le tribunal a également ordonné la publication du jugement dans quatre quotidiens, à raison de quinze mille francs par journal[15].

Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a estimé, le 8 novembre 1996[16], que la France n'avait pas violé le paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en condamnant Faurisson sur la base de la loi Gayssot (cour d'appel de Paris, 9 décembre 1992).

Il est condamné, le 27 avril 1998, à vingt mille francs d'amende pour « contestation de crime contre l'humanité », par la 17e chambre correctionnelle de Paris, pour avoir nié l'existence de la Shoah dans un courrier publié dans l'hebdomadaire Rivarol le 12 juillet 1996[17].

[modifier] 12 octobre 2000

Condamnation par le Tribunal correctionnel de Paris de Stéphane Khémis, directeur de la publication du magazine L'Histoire, pour refus d'insertion d'un droit de réponse de Faurisson. Condamnation confirmée le 19 décembre 2001 par la Cour d'appel de Paris[18].

[modifier] Condamnation du 4 juillet 2007

La dernière condamnation en date fait suite à la plainte déposée par le MRAP, la LICRA et la LDH à la suite des propos tenus en février 2005 sur la chaîne iranienne Sahar 1[19]. Il contestait l'existence d'une tentative d'extermination des Juifs par le régime nazi, affirmait que les nazis cherchaient une « solution territoriale » consistant à installer les Juifs dans un autre pays (comme la Palestine) pour qu'ils ne soient plus des « parasites » et attribuait à des épidémies les décès des personnes dont les cadavres apparaissent sur des photographies.

Il a reconnu que les propos qui lui étaient reprochés exprimaient le fond de sa pensée, mais a déclaré qu'il ne se souvenait pas s'il avait effectivement tenu ces propos et qu'il ignorait que les propos reprochés étaient destinés à être diffusés sur une chaîne de télévision par satellite qu'on peut capter en France.

Son avocat, Éric Delcroix, a demandé au tribunal de refuser l'application de la loi Gayssot, dont l'adoption constituerait une voie de fait de la part du législateur ; pour lui, reconnaître l'existence de cette voie de fait, qu'il rapproche des voies de fait commises par l'administration, ne constituerait pas un contrôle de constitutionnalité des lois, contrôle que les juridictions françaises refusent d'effectuer (il estime utile de répéter cette argumentation devant plusieurs tribunaux, jusqu'à obtenir gain de cause, car il a réussi précédemment à faire écarter l'application, par la justice française, de la législation relative aux contrôle des publications étrangères)[20].

Citant une déclaration de Faurisson, selon laquelle les peines prononcées à son encontre étaient de plus en plus légères, le parquet a estimé qu'une peine plus sévère qu'une amende était nécessaire, et il a requis une peine de prison, avec ou sans sursis. Le jugement rendu le 3 octobre 2006 l'a condamné à trois mois de prison avec sursis et 7500 euros d'amende.[21]

Le 4 juillet 2007, la 11e chambre de la Cour d'appel de Paris a confirmé la décision du tribunal correctionnel. Elle a cependant porté le montant des dommages-intérêts à mille euros, contre un euro symbolique en première instance, pour chacune des trois associations parties civiles[22].

[modifier] Procès contre Robert Badinter

En 2007, il attaque en justice Robert Badinter, estimant que ce dernier, en le traitant de « faussaire de l'histoire » lors d'une émission sur Arte, a tenu des propos diffamatoires. Lors de la première journée d'audience au tribunal de grande instance de Paris, le 12 mars, Robert Faurisson a réaffirmé que « les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des juifs forment un seul et même mensonge historique[23]. » À l'audience, le ministère public a estimé que le jugement de condamnation de Faurisson de 1981 « constitue un réquisitoire implacable qui [lui] a donné l'ensemble des attributs du faussaire[24] ». Le jugement, rendu le 21 mai, estime que la condamnation de M. Faurisson reposait « non sur des considérations morales » mais sur « la responsabilité professionnelle » de l'universitaire qui avait « tenté d'appuyer sur une prétendue recherche critique à caractère scientifique et historique sa volonté de nier les souffrances des victimes du génocide des juifs, de réhabiliter les criminels nazis qui l'ont voulu et exécuté et de nourrir ainsi les provocations à la haine ou à la violence à caractère antisémite ». En utilisant le mot de « faussaire », relève le tribunal, M. Badinter a « donc conservé une parfaite modération dans le propos [25]. » En conclusion, le tribunal a débouté Robert Faurisson et l'a condamné à verser 5000 euros à Robert Badinter au titre des frais de justice.[25].

[modifier] Affaire des propos tenus à Téhéran

Le 11 décembre 2006, Robert Faurisson participe à une conférence sur l'Holocauste organisée à Téhéran et qui rassemble les principaux négationnistes du monde entier. Le président Jacques Chirac demande alors l'ouverture d'une enquête préliminaire au sujet du discours qu'il prononce à l'occasion de la conférence[26].

Le parquet de Paris le 4 juillet 2007 confirme qu'il a effectivement ouvert une procédure contre les propos tenus à Téhéran par Robert Faurisson, afin de déterminer quels propos exacts ont été reproduits, et sur quels médias diffusés en France[27].

[modifier] Publications

  • « A-t-on LU Rimbaud ? », Bizarre, n°21-22, 1961.
  • A-t-on bien lu Lautréamont ?, Gallimard, 1972.
  • Mémoire en défense contre ceux qui m’accusent de falsifier l’histoire, La Vieille Taupe, 1980.
  • Réponse à Pierre Vidal-Naquet, La Vieille Taupe, 1982.
  • Écrits révisionnistes (4 volumes), Édition privée hors commerce, 1999.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Lien internes

[modifier] Bibliographie

  • Pierre Bridonneau, Oui, il faut parler des négationnistes : Roques, Faurisson, Garaudy et les autres, Éditions du Cerf, coll. « L'histoire à vif », Paris, 1997, 117 p. (ISBN 2-204-05600-0) (lire en ligne)
  • François Brigneau, Mais qui est donc le professeur Faurisson ? : Une enquête, un portrait, une analyse, quelques révélations, Publications F.B., coll. « Mes derniers cahiers », 2e série, n° 1, Paris, 1992, 80 p.
    N.B. : ancien milicien, François Brigneau est un journaliste d'extrême droite condamné pour antisémitisme dans les années 1980.
  • Collectif (Éric Delcroix, Jean-Gabriel Cohn-Bendit, Serge Thion, Claude Karnoouh, Vincent Monteil, Jean-Louis Tristani) Intolérable intolérance, Editions de la différence, 1981.
    N.B. Ouvrage de soutien à Robert Faurisson, Éric Delcroix a été son avocat et a lui-même été condamné pour négationnisme
  • Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Éd. du Seuil, 2000.
  • Pierre Vidal-Naquet, « Un Eichmann de papier » et « De Faurisson et de Chomsky », dans Les Assassins de la mémoire, La Découverte, 2005 (1re ed. : 1987) (lire en ligne).
    N.B. Textes de référence sur le négationnisme
  • (en) Lucy S. Dawidowicz, « Lies About the Holocaust », Commentary, décembre 1980, pp. 31-38
  • La Justice et l’Histoire face au négationnisme. Au cœur d’un procès, Dossier composé par Me Bernard Jouanneau, Avant-propos de Robert Badinter, Fayard, Paris, 2008. (ISBN 978-2-213-63558-3)

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes

  1. Nadine Fresco, « Les redresseurs de morts. Chambres à gaz : la bonne nouvelle. Comment on révise l'histoire » paru dans Les Temps modernes, n° 407, juin 1980.
  2. Rapport Rousso, septembre 2004.
  3. « Le négationniste Robert Faurisson a été condamné à trois mois de prison avec sursis », Le Monde, 3 octobre 2006.
  4. Présentation sur artworldbooks.com
  5. « M. Robert Faurisson a-t-il lu Rimbaud ! » par René Étiemble publié dans Le Monde, un article très critique sur l'interprétation que fait Robert Faurisson de Rimbaud : « La rigueur dont il se pique, si je la connais ! Celle même des interprétations paranoïaques-critiques si chères à Salvador Dali, que l'anagramme d'André Breton a immortalisé en Avida Dollars ».
  6. « Le "talent" de Faurisson. À propos du travail de Faurisson sur Lautréamont... », Pratique de l'histoire et dévoiements négationnistes.
  7. « L'obstiné négateur du génocide », Le Monde, 19 septembre 1989.
  8. Robert Faurisson, Le Monde, 16 janvier 1979.
  9. Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, 2000, p. 148.
  10. Pierre Vidal-Naquet, qui fut le camarade de lycée de Robert Faurisson, assure que ce dernier professait des opinions néo-nazies dans son adolescence. Cf. Pierre Vidal-Naquet, Mémoires, tome 1, Seuil, 1995
  11. Valérie Igounet, op. cit., p. 144.
  12. « Viscéralement antisémite, voilà ce que vous êtes M. Faurisson », L'Humanité, 3 avril 2007.
  13. Recueil Dalloz-Sirey du 3 février 1982, pp. 59-61, suivi d'une note de Bernard Edelman.
  14. TGI Paris (1re chambre, 1re section), Faurisson c. S.A. Dalloz, 23 novembre 1983, publication judiciaire au recueil Dalloz-Sirey en 1985, pp. 375-376 (confirmé par la CA Paris, 8 mars 1985).
  15. « Pour "contestation de crimes contre l'humanité" — M. Robert Faurisson est condamné à 100 000 francs d'amende avec sursis », Le Monde, 29 avril 1991.
  16. Comité des droits de l'homme des Nations unies : Communication No 550/1993 : France. 16/12/96
  17. « Robert Faurisson a été condamné pour "contestation de crime contre l'humanité" », Le Monde, 29 avril 1998.
  18. Cour d'appel de Paris, 11e chambre (section A), reproduit dans la Gazette du Palais, 10 avril 2003, n° 100, p. 2, note Daniel Amson (confirmant Tribunal de grande instance de Paris, 12 octobre 2000, n° d'affaire : 8305888). Le commentateur critique la condamnation, la réponse de Faurisson pouvant nuire à l'intérêt des victimes de la déportation et constituer une apologie de la contestation des crimes contre l'humanité.
  19. « Procès correctionnel du révisionniste Robert Faurisson reporté au 11 juillet », Agence France-Presse, 20 juin 2006 ; Marie-Laure Colson, « Ces négationnistes qui votent Ahmadinejad », Libération, 30 décembre 2005 ; « Ban on TV shows "airwaves no longer free in France" », BBC Monitoring Middle East, 26 février 2005, Source: Tehran Times, Tehran, in English 26 Feb 05 ; Agence France Presse, « La semaine judiciaire », 7 juillet 2006
  20. Cour administrative d'appel de Paris (4e chambre A), 22 janvier 2002, N° 98PA04225, Reynouard et fondation européenne pour le libre examen historique, Lettre de la Cour administrative d'appel de Paris, n°39, février 2002; voir Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881#Contrôle des publications étrangères
  21. « Prison requise contre Robert Faurisson pour des propos négationnistes », Agence France Presse, 11 juillet 2006 ; « Le négationniste Robert Faurisson a été condamné à trois mois de prison avec sursis », Le Monde, 3 octobre 2006 ; « NEGATIONNISME - Faurisson condamné à trois mois avec sursis », 3 octobre 2006, nouvelobs.com
  22. « Condamnation confirmée à trois mois avec sursis pour Robert Faurisson », AFP, 4 juillet 2007
  23. « Faurisson-Badinter : décision le 21 mai », Le Nouvel Observateur, 2 avril 2007.
  24. Pascale Robert-Diard, « Devant le tribunal de Paris, le procureur affirme que M. Faurisson a tous "les attributs du faussaire" de l'histoire », Le Monde, 3 avril 2007.
  25. ab Robert Faurisson perd son procès en diffamation contre Robert Badinter, Le Monde, 22 mai 2007.
  26. Isabelle Lasserre, « L’Iran se pose en chef de file des révisionnistes », Le Figaro, 12 décembre 2006.
  27. « Information judiciaire sur les propos de Faurisson à Téhéran fin 2006 », AFP, 4 juillet 2007.