Robert Badinter

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Robert Badinter
Parlementaire français
Naissance 30 mars 1928
Décès
Mandat Sénateur
Début du mandat septembre 1995
Fin du mandat {{{fin du mandat}}}
Circonscription Département des Hauts-de-Seine
Groupe parlementaire Socialiste
Ve république

Robert Badinter (né le 30 mars 1928 à Paris) est un avocat, essayiste et homme politique français, ancien ministre et Président du Conseil constitutionnel. Il est principalement connu pour son combat contre la perpétuité réelle et la peine de mort qu'il fait abolir en France le 30 septembre 1981 en tant que Garde des Sceaux.

Sommaire

[modifier] Biographie

Après ses études à la Sorbonne et son diplôme de droit en 1948, il obtient une bourse du gouvernement français pour étudier aux États-Unis où il est diplômé en 1949 à l'Université Columbia[1].

[modifier] Avocat et professorat

Revenu en France, il est inscrit au Barreau de Paris en 1951 et au début de sa carrière d'avocat il a pour mentor Me Henry Torrès [2]. Il fait sa thèse sur les conflits de droit aux États-Unis et obtient l'agrégation de droit en 1965 et est nommé professeur l'année suivante. Il enseigne dans plusieurs université françaises comme Dijon, Besançon, Amiens et en 1974 à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne où il enseigne jusqu'en 1994 où il est nommé professeur émérite[1].

Parallèlement à sa carrière universitaire, il fonde en 1965 avec Jean-Denis Bredin le cabinet d'avocats Badinter, Bredin et partenaires, où il reste jusqu'à son entrée dans le gouvernement en 1981. Il participe à la défense du baron Édouard-Jean Empain après l'enlèvement crapuleux de celui-ci et est aussi un avocat d'affaires (Boussac, talc Morhange, Empain, l'Aga Khan..) et avocat de droit commun.

Son procès le plus célèbre est certainement celui de Patrick Henry qui tue un garçon de sept ans en 1976. Grâce à sa plaidoirie contre la peine de mort en 1977, il sauve Patrick Henry de la guillotine, ce dernier est alors condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

Il défend également la milliardaire Christina Von Opel, condamnée le 18 juin 1980 par la chambre des appels correctionnels de cour d'Aix-en-Provence à cinq années d'emprisonnement pour une affaire de stupéfiants et libérée le 13 août 1981 avec vingt autres femmes détenues, par une grâce du Président de la République proposée par Robert Badinter, devenu alors Ministre de la Justice.

[modifier] Politique

Sa carrière politique débute comme Ministre de la Justice (du 23 juin 1981 au 18 février 1986). C'est à ce poste qu'il fait abolir en France la peine de mort le 30 septembre 1981 et fait également passer de nombreuses lois comme :

  • la suppression des juridictions d'exception comme la Cour de sûreté de l'État et les tribunaux des Forces Armées en temps de paix ;
  • le renforcement des libertés individuelles par la suppression de dispositions légales pénalisant les relations homosexuelles avec un mineur pour des âges où les relations hétérosexuelles étaient légales, etc. ;
  • l'amélioration du droit des victimes: tout justiciable peut porter un recours devant la Commission et la Cour européenne des droits de l'homme ;
  • le développement des peines non privatives de libertés par l'instauration des jours-amendes et des travaux d'intérêt général pour les délits mineurs ;
  • la Loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation.

Il relance en 1985 la commission de révision du code pénal instiguée par Valéry Giscard d'Estaing en 1974 et qui s'était éteinte après l'élection de François Mitterrand en 1981.

Après Garde des Sceaux, il est nommé par le président de la République François Mitterrand comme Président du Conseil constitutionnel (de mars 1986 à mars 1995). Après cela, il est élu sénateur des Hauts-de-Seine le 24 septembre 1995.

En politique étrangère, il préside la "Commission d'arbitrage pour la paix en Yougoslavie" (communément appelée Commission Badinter) qui est créée le 27 août 1991 par la Communauté européenne. Avec quatre autres présidents de cours constitutionnelles européennes, Robert Badinter rend de novembre 1991 à janvier 1993 quinze avis sur les problèmes juridiques qu'entraîne la sécession de plusieurs États de l'ancienne Yougoslavie. Ces avis ont notamment permis de définir certains points juridiques sur l'existence et la reconnaissance des États, les règles de succession et de respect des traités internationaux par ces derniers et la définition des frontières[3].

En 1991, il participe à l'élaboration de la Constitution de la Roumanie.

Depuis 1995 Robert Badinter est président de la Cour d'arbitrage et de conciliation de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE).

A la suite de problèmes de santé, notamment des problèmes de vue, il annonce sa décision de ne pas se représenter au poste de sénateur des Hauts-de-Seine. Il renonce finalement à cette décision et est réélu en 2004.

[modifier] Idées politiques

[modifier] Abolition de la peine de mort

Icône de détail Article détaillé : Peine de mort en France.

Son combat pour l'abolition de la peine de mort commence véritablement après l'exécution de Roger Bontems le 28 novembre 1972. Pour comprendre l'importance de cette exécution pour Robert Badinter, il faut expliquer les faits qui ont conduit Roger Bontems à la guillotine.

Bontems était le complice de Claude Buffet durant la prise d'otage d'un surveillant et d'une infirmière à la centrale de Clairvaux. Durant l'assaut, Buffet égorgea le surveillant et l'infirmière. Il a bien été reconnu durant le procès que c'était Buffet qui avait commis les deux meurtres. Mais les jurés décidèrent de les condamner tous les deux à la peine de mort. Le fait d'être condamné à mort, pour une personne qui n'avait pas tué, révolta Robert Badinter. Bien que partisan de l'abolition depuis un certain temps [4], c'est à partir de ce moment-là qu'il devint un farouche partisan de l'abolition de la peine de mort.

C'est principalement pour cette raison qu'il accepta de défendre Patrick Henry. Durant le mois de janvier 1976, Philippe Bertrand âgé de huit ans fut enlevé. Quelques jours plus tard, Patrick Henry fut interpelé par la police. Il désigna lui-même le dessous de son lit où se trouvait le petit Philippe, mort, dans une couverture. Ce qui révolta le plus la population française fut le comportement de Henry durant l'enquête avant son interpellation définitive. Quelques jours après l'enlèvement de Philippe Bertrand, les policiers suspectaient déjà Henry, mais faute de preuve, ils durent le relâcher. Il s'exhiba ensuite devant les caméras pour dire à qui voulait l'entendre que les kidnappeurs et les tueurs d'enfants méritaient la mort. Au côté de Robert Bocquillon, Badinter prit la défense de Henry. Mais au lieu de défendre un tueur d'enfant, Badinter fit le procès de la peine de mort. Et il gagna, Henry ne fut pas condamné à mort mais condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

Après un tel verdict, on aurait pu croire qu'aucun tribunal ne prononcerait à nouveau une condamnation à mort en France. Ce ne fut pas le cas. Mais ce verdict permit de lancer un vrai débat. Et un visage fut mis sur les partisans de l'abolition de la peine de mort, celui de Robert Badinter.

Entre l'affaire Patrick Henry et l'abolition de la peine de mort en 1981, trois personnes furent exécutées. Badinter participa activement aux deux campagnes présidentielles de François Mitterrand (celle de 1974 et 1981). Cette fidélité lui permit d'être nommé ministre de la Justice dans le gouvernement de Pierre Mauroy. L'une de ses premières actions a été de proposer un projet de loi visant à abolir la peine de mort en France. Cette loi fut votée le 30 septembre 1981 par la gauche mais aussi certaines voix de droite dont celle de Jacques Chirac ou encore Philippe Séguin [5].

Bien que la peine de mort n'existe plus en France et dans la grande majorité des pays de l'Europe, de nombreux pays continuent de l'appliquer (notamment la Chine et les États-Unis). C'est pour cette raison que Robert Badinter continue son combat. Il a été notamment l'un des animateurs du premier Congrès mondial contre la peine de mort qui s'est déroulé à Strasbourg du 21 au 23 juin 2001.

Le 31 décembre 2006, au lendemain de l'exécution de l'ancien dictateur irakien, Saddam Hussein, Robert Badinter estime que cet acte constitue « une faute politique majeure ». D'abord, au regard de la justice pour l'ensemble des crimes dont l'ancien dictateur ne fut pas jugé. Ensuite, au regard de l'avenir déjà assombri de l'Irak, il considère que cette exécution risque d'aggraver la dislocation du pays. Il rejette ainsi la notion « d'étape importante pour la démocratie » que constituerait la mort de Saddam Hussein pour l'administration Bush.

Il soutiendra le 7 février 2007 devant le Sénat le projet de loi visant à inscrire l'abolition de la peine de mort au sein de la Constitution, permettant ainsi à la France de ratifier deux traités rendant impossible le rétablissement de la peine de mort en France par une simple loi [6].

[modifier] Dépénalisation de l'homosexualité

Promis par François Mitterrand lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 1981, sur proposition de Robert Badinter l'Assemblée Nationale vote le 27 juillet 1982 la loi 82-683 du 4 août 1982 qui abroge l'article 332-1 du Code pénal. Créé sous le régime de Vichy, cet article pénalisait tous rapports homosexuels entre personnes consentantes de moins de 21 ans, alors que pour les rapports hétérosexuels, la majorité était de 15 ans. Durant les années où il est ministre de la Justice, plusieurs autres lois discriminatives selon les mœurs des personnes seront également abrogées [7].

Au delà de son action en France l'ex-garde des sceau a pris position pour une « dépénalisation universelle de l'homosexualité » qu'il soutient activement.

[modifier] Entrée de la Turquie au sein de l'Union européenne

C'est un adversaire de l'entrée de la Turquie au sein de l'Union européenne (UE). Pour lui, la Turquie est un pays trop fier pour se plier aux règles de la vie communautaire européenne.

Il estime également que la situation géographique de la Turquie n'est pas une bonne chose pour l'UE et que son intégration n'a jamais été un de ses buts. Selon lui « En vertu de quoi l'Europe devrait-elle avoir des frontières communes avec la Géorgie, l'Arménie, la Syrie, l'Iran, l'Irak, l'ancien Caucase, c'est-à-dire la région la plus périlleuse en ce moment ? Rien dans le projet des pères fondateurs ne prévoyait cette extension, je n'ose pas dire cette expansion ! ».

[modifier] Rétention de sûreté

Icône de détail Article détaillé : Rétention de sûreté en France.

Il prend position contre la rétention de sûreté qui vise à permettre dans certains cas l'internement de criminels à leur sortie de prison en raison de leur dangerosité constatée par des psychiatres ou et des magistrats et non pour les actes qu'ils ont commis. Lors du vote de la loi au Sénat, il souligne qu'il « eût mieux valu commencer par le projet de loi pénitentiaire, que nous attendons avec impatience. Si nous étions dans une démocratie tranquille - la nôtre est souvent agitée -, nous n'aurions pas procédé comme nous l'avons fait, après l'affaire Evrard ». Et il note qu'après avoir demandé à divers chroniqueurs judiciaires, le cas de l'affaire Evrard serait unique en trente ans. Il fait également mention des nombreuses critiques que soulève ce projet de loi, y compris des personnes qui vont l'appliquer [8].

Le 23 février 2008, il est un des premiers à s'exprimer vigoureusement dans les médias pour dénoncer la décision prise le jour d'avant par le président de la République Nicolas Sarkozy de consulter le premier président de la Cour de cassation après la censure partielle par le Conseil constitutionnel des dispositions relatives à l'application de la rétention de sûreté à des criminels déjà condamnés. Il déclare à ce sujet que « il est singulier de demander au plus haut magistrat de France les moyens de contourner une décision du Conseil constitutionnel, dont le respect s'impose à toutes les autorités de la République selon la Constitution elle-même » [9].

[modifier] Autre

Il est membre du Conseil d'administration de l'Institut français de relations internationales (IFRI) [10].

Son père est arrêté à Lyon le 9 février 1943 et mourra au Camp d'extermination de Sobibor [11].

Il a été marié à l'actrice Anne Vernon. Il épouse en seconde noce l'écrivain féministe et professeur de philosophie Élisabeth Badinter (une des trois filles de Marcel Bleustein-Blanchet fondateur de Publicis), avec qui il a trois enfants [12].

[modifier] Notes et références

  1. ab (en) Curriculum vitae of Robert BADINTER, Organisation des Nations unies. Consulté le 27 février 2008
  2. L'Abolition
  3. Pierre Michel Eisemann, Martti Koskenniemi, La Succession d'État : La codification à l'épreuve des. faits, Martinus Nijhoff Publishers, 2000 (ISBN 9041113924), « Les avis de la commission Badinter », p. 38 et suivantes
  4. Dans les années 1960 lors de sa participation à l'émission de Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet, Lecture pour tous, il présente une opposition véhémente à la peine capitale.
  5. (fr) Questions à Robert Badinter, septembre 2001, La Documentation française. Consulté le 25 décembre 2007
  6. (fr) Les députés votent l'inscription de l'abolition de la peine de mort dans la Constitution, dans Le Monde du 30 janvier 2007
  7. (fr) 25ème anniversaire de la dépénalisation par l'assemblée nationale de l'homosexualité, CitéGay. Mis en ligne le 27 juillet 2007, consulté le 30 septembre 2007
  8. Séance du 30 janvier 2008 (compte rendu intégral des débats) sur le site du Sénat, 30 janvier 2008. Consulté le 24 février 2008
  9. Propos recueillis par Alain Salles, « Robert Badinter : "Nous sommes dans une période sombre pour notre justice" », 23 février 2008, Le Monde. Mis en ligne le 23 février 2008, consulté le 24 février 2008
  10. (fr) Le Conseil d'administration de l'IFRI
  11. CRIF. Un procès indécent. En ligne [1], consulté le 16 mars 2007 et Artepro. Un abolitionniste. En ligne [2], consulté le 16 mars 2007
  12. (fr) Jacqueline Remy, « Le J'accuse d'Elisabeth Badinter », 24 avril 2004, L'Express. Consulté le 31 mars 2008

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Les Conflits de lois en matière de responsabilité civile dans le droit des Etats-Unis (1952), thèse de droit, Paris.
  • L'Exécution (1973), récit du procès de Claude Buffet et Roger Bontems.
  • Condorcet, 1743-1794 (1988), écrit avec Élisabeth Badinter.
  • Une autre justice (1989).
  • Libres et égaux : L'émancipation des Juifs (1789-1791) (1989).
  • Présence de Beccaria (1991), préface à Des délits et des peines de Beccaria dans l'édition GF.
  • La prison républicaine, 1871-1914 (1992).
  • C.3.3 - Oscar Wilde ou l'injustice (1995).
  • Un antisémitisme ordinaire (1997).
  • L'Abolition, (2000), récit sur son combat pour l'abolition de la peine de mort en France.
  • Une constitution européenne (2002).
  • Le rôle du juge dans la société moderne (2003).
  • Le plus grand bien (2004), à l'occasion du bicentenaire du Code civil.
  • Contre la peine de mort (2006).

[modifier] Lien externe

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