Indo-européen commun

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Indo-européen
Langues indo-européennes
Albanais | Anatolien
Arménien | Balte | Celte
Germanique | Grec moderne | Indo-iranien
Italique | Slave | Tokharien
Peuples indo-européens
Albanais | Arméniens | Aryens
Baltes | Celtes | Germains
Grecs | Latins | Slaves
Proto-Indo-Européens
Langue | Société | Religion
Études indo-européennes
Théorie de l'invasion aryenne
Hypothèse kourgane

On nomme indo-européen commun, ou seulement indo-européen (souvent abrégé en IE), une langue préhistorique supposée à l'origine de toutes les langues dites indo-européennes. Elle a été très partiellement reconstruite à partir de la comparaison entre les langues, actuelles ou anciennes, qui en sont issues. Notre connaissance de l'indo-européen repose donc sur la linguistique comparée, et notamment sur la phonétique historique. On peut reconstruire quelques aspects de phonologie de lexique et de morphologie; des recherches actuelles tentent de retrouver quelques points de syntaxe

Sommaire

[modifier] Histoire de la recherche

Dès la fin du XVIe siècle, certains érudits constatent des similarités entre certaines langues européennes et le persan ou le sanskrit. Dans les années 1640, deux professeurs de Leyde, Marcus Zuerius Boxhorn[1] et Claude Saumaise[2] développent chacun la thèse selon laquelle toutes ces lanques proviendraient d'un ancêtre commun, qu'ils appellent le « scythique ».[3] Cette idée est plusieurs fois reprise dans les temps qui suivent, elle est notamment soutenue avec vigueur par l'anglais William Jones dans les années 1780. Toutefois, c'est au début du 19e siècle, que l'étude de la question connait un tournant méthodologique. En particulier, le danois Rasmus Rask et l'allemand Franz Bopp mènent chacun des études plus approffondies et plus systématiques qui portent en particulier sur les parentés structurelles et morphologiques entre les différentes langues[4]. A partir de cette époque, la linguistique historique prend un essor considérable, principalement en Allemagne.


[modifier] Reconstitution du lexique

Les étymons indo-européens doivent être écrits précédés d'un astérisque, qui indique le caractère supposé et non attesté de la forme. Il existe plusieurs manières de noter les étymons, selon le degré de précision ; par exemple, le mot signifiant « mère » est noté *mātēr ou, plus précisément (et si l'on suit les thèses laryngalistes, méħ2tēr (ou bien, avec d'autres conventions typographiques, méH2tēr, méh2tēr). Cela se constate d'autant mieux avec l'étymon pour « soleil », séh2-ul, *séħ2-ul, *sāul-, etc.

Quelques exemples d'étymons indo-européens reconstitués et de mots dont ils sont à l'origine:

« mère »
Indo-européen : méħ2tēr

« soleil » :

Indo-européen : *séħ2-ul
  • avestique (gāthique) : huuarǝ ;
  • sanskrit :
    • védique : svàr स्व॑र्, súvar सुव॑र्, sū́rya- सूर्य॑,
    • classique : sū́ra- सूर॑;
  • tokharien B swāñco (« rayon de soleil »)
  • gotique : ���������� sauil, ���������� sunnō ;
  • vieil anglais : sunne ; anglais : sun ;
  • vieux haut allemand : sunna, allemand : Sonne ;
  • néerlandais : zon ;
  • islandais : sól ;
  • danois, norvégien, suédois : sol ;
  • grec :
    • homérique : ἡέλιος / hēélios et ἠέλιος / ēélios,
    • crétois et pamphylien : ἀϐέλιος / avélios,
    • attique : ἥλιος / hḗlios,
    • dorien littéraire : ἀέλιος / haélios et ἅλιος / hálios,
    • arcadien : ἀέλιος / aélios,
    • lesbien : ἀϜέλιος / avélios,
Consulter Dialectes grecs pour plus de détails sur ces langues.

[modifier] Principales lois linguistiques utilisées en phonétique historique des langues indo-européennes

Entre parenthèses : aire d'extension de la loi ; IE pour "indo-européen".

  1. loi de réduction des vélaires (IE) ;
  2. loi des dentales en contact (IE) ;
  3. Loi de Grimm (germanique commun et arménien) ;
  4. loi de Verner (germanique commun) ;
  5. seconde mutation consonantique (haut allemand) ;
  6. loi de Bartholomae (indo-iranien) ;
  7. loi de Bartsch (ancien français) ;
  8. loi de Brugmann (indo-iranien) ;
  9. loi de Caland-Wackernagel (IE) ;
  10. loi de Grassmann (grec et indo-iranien) ;
  11. loi de Hirt (balto-slave) ;
  12. loi de Lachmann (latin) ;
  13. loi de Leskien (balte) ;
  14. loi de limitation (grec) ;
  15. loi de Lindeman (IE) ;
  16. loi de Meillet  ;
  17. loi d'Osthoff (grec) ;
  18. loi ruki (langues satem) ;
  19. loi de Saussure (balte) ;
  20. loi de Siebs (IE) ;
  21. loi de Siever (IE) ;
  22. loi de Rix (grec) ;
  23. loi de Winter-Kortlandt (balto-slave).

[modifier] Notions de grammaire

Certaines règles de grammaire ont pu être dégagées, grâce aux études de la linguistique comparée. Cependant, elles restent hypothétiques, et sont à considérer en tant que telles.

[modifier] Noms

Les substantifs sont déclinés suivant huit cas : nominatif, accusatif, génitif, datif, instrumental, ablatif, locatif et vocatif.

Il y a trois genres : masculin, féminin et neutre.

[modifier] Pronoms

Les pronoms sont particulièrement difficiles à reconstituer, à cause des innombrables variations qu'ils ont pu prendre dans les langues découlées de l'indo-européen. Il existe des pronoms personnels pour la première et la seconde personne, mais pas pour la troisième, où l'on utilise à la place un pronom démonstratif.

L'indo-européen possédait un ensemble distinct de terminaisons pour les pronoms ; cependant beaucoup furent plus tard remplacées par des terminaisons nominales.

[modifier] Verbes

Le système des verbes en indo-européen est complexe et utilise entre autre l'ablaut.

Les verbes ont au moins quatre modes différents : indicatif, impératif, subjonctif et optatif, mais peut-être également l'injonctif. Ils possèdent également deux voix : la voix active et la voix moyenne. Ils peuvent s'exprimer suivant trois personnes grammaticales : la première, la seconde et la troisième. Ils se conjuguent suivant trois temps au moins : présent, aoriste et parfait. Des formes indicatives de l'imparfait et, moins probablement, du plus-que-parfait, peuvent exister. Les verbes s'utilisent également avec un système très développé de participes, adapté à chaque combinaison de temps et mode, ainsi qu'un ensemble de noms verbaux et de formes adjectives.

On peut créer un certain nombre de formes secondaires, comme le causatif, l'intensif et le désidératif ; techniquement ces phénomènes découlent plus de la dérivation que de la flexion.

Le système des verbes en indo-européen commun est censé être très proche de ceux du grec ancien et du sanskrit védique, deux de ses langues filles les plus proches.

Les sens originels des temps du passé (aoriste, parfait et imparfait) sont souvent supposés correspondre aux sens qu'ils ont en grec ancien. Cependant les sens qu'ils ont en sanskrit védique diffèrent quelque peu ; ainsi tout n'est pas clair. En particulier, l'imparfait du sanskrit védique a un sens proche de l'aoriste du grec. En même temps, l'imparfait du sanskrit est souvent indistingable d'un temps du présent (Whitney 1924). Dans les modes autres que l'indicatif, on ne peut pratiquement pas faire la différence entre présent, aoriste et parfait.

[modifier] Nombres

Il existe quatre nombres : singulier, duel, pluriel et collectif. Les substantifs au collectif exprimaient alors l'idée d'une catégorie, d'un tout :

  • "(Une) femme" (singulier) désigne un individu de sexe féminin.
  • "(La) femme" (totalisant) désigne une catégorie entière, celle des femmes en général.

Le collectif a quasiment disparu avec l'indo-européen; les langues celtiques et l'ashèm le conservent (sous forme d'une déclinaison complète pour l'ashèm). Le grec classique en conserve la trace avec la règle dite de Τὰ ζῷα τρέχει, qui veut que les substantifs neutres pluriels — descendants des neutres totalisants indo-européens — soient accompagnés d'un verbe conjugué au singulier.

De nombreuses langues telles que le français flirtent avec une forme non déclinée du collectif. Un des exemples les plus frappants consiste à affubler certains substantifs — notamment ceux désignant une notion, un courant de pensée — d'une majuscule. L'État, le Saint-Esprit, la Philosophie, la Beauté... Ces mots sont grammaticalement au singulier, mais sémantiquement au collectif. Il ne s'agit plus de parler d'un état, d'une philosophie, ou d'une beauté parmi d'autres, mais d'une chose unique, donc indénombrable. Le singulier isole un seul élément d'un tout hétérogène ; le collectif désigne un tout homogène.

Cette notion apparaît encore mieux en anglais, où certains mots (advice, luggage, furniture, money…) dits uncountable doivent être accompagnés d'un singulatif (some, a piece of) pour désigner un objet précis et non un ensemble de biens. Dans une moindre mesure, les langues celtiques comme le breton utilisent parfois un suffixe singulatif ; exemple : stered, les étoiles, singulier steredenn.

[modifier] Autres domaines de recherches

Outre les aspects linguistiques, l'IE permet de retrouver une symbolique commune aux peuples IE, que l'on étudie, entre autres, dans le cadre de la mythologie comparée, de la poétique comparée ou encore dans l'étude des institutions indo-européennes.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Xavier Delamarre, Le vocabulaire indo-européen, Maisonneuve.
  • Émile Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, Ed. Minuit.
  • Franz Bopp,Grammaire comparée des langues indo-européennes(1866-1874) traduction de Michel Bréal de l'École pratique des hautes études et du Collège de France (de 1866 à 1905), membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres,4 tomes in-4,Paris, Imprimerie impériale et Imprimerie nationale, 1866-1874.
  • I.C.Zeuss , "Grammatica Celtica" e monumentis vetustis tam Hibernicae linguae quam Britannicarum dialectorum Cambriacae Cornicae Aremoricae comparatis Gallicae priscae reliquis construxit I.C.Zeuss, Phil.Dr.Hist.Prof.,editio altera curavit .H.Ebel,.Ph.Dr.,Acad.Reg.Hib.Soc.Hon.,Acad.Reg.Boruss.Adi.Comm.Epist. Berolini,Apud Weidmannos MDCCCLXXI.

[modifier] Liens externes