Serbo-croate

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« Serbo-croate » est un terme de spécialité créé par des linguistes serbes et croates pour désigner la langue parlée par les Serbes, les Croates, les Bosniaques et les Monténégrins. C’était l’appellation de l’une des langues officielles (à côté du slovène et du macédonien) de l’ancienne Yougoslavie, appellation utilisée dans les républiques de Serbie, de Bosnie-Herzégovine et de Monténégro. Elle n’a jamais été employée par la majorité des locuteurs de cette langue. Les Serbes ont toujours affirmé parler le serbe et les Croates – le croate. Les Monténégrins considéraient généralement qu’ils parlaient le serbe ou, parfois, le monténégrin, et les Bosniaques disaient parler le croate ou, parfois, le serbe ou le bosnien. De plus, dans la république de Croatie, l’appellation de la langue officielle fut « croate » (entre 1943 et 1970), puis « croate ou serbe » (entre 1970 et 1990). Aujourd’hui, dans chacun des pays issus de l’ex-Yougoslavie, la langue officielle est appelée, respectivement « serbe », « croate », « bosnien » et « monténégrin », les langues des populations minoritaires ayant aussi un statut de langue officielle dans les localités qu’elles habitent en grand nombre, sauf en Croatie. Le terme « serbo-croate » est de nos jours tombé en désuétude, étant connoté négativement dans les pays ex-yougoslaves.

Du point de vue strictement linguistique, bosnien, croate, serbe et monténégrin sont une seule et même langue, une langue abstand en termes de sociolinguistique, c’est-à-dire une langue dont les dialectes passés ou actuels présentent assez de traits structurels communs objectivement établis pour constituer une langue unitaire. Mais toujours du point de vue sociolinguistique, c’est un diasystème, terme utilisé en dialectologie. Le terme le plus adéquat, parce que le plus neutre, pour cette entité linguistique, c’est celui de diasystème slave du centre-sud, dont font partie les langues ausbau serbe, croate, bosnienne et monténégrine.

Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie appelle cette langue BCS (Bosnien-Croate-Serbe) et la considère comme la langue principale de toutes les parties bosniaques, serbes et croates.


Sommaire

[modifier] Bref historique de l'idée de langue serbo-croate

L’idée de langue serbo-croate apparaît au milieu du XIXe siècle, dans le contexte du combat d’émancipation nationale des Serbes et des Croates, qui vivaient sous domination étrangère. En Croatie, c’est l’époque du Renouveau national croate, mené par le Mouvement illyrien. Ljudevit Gaj, son chef, est en même temps le linguiste qui contribue le plus à l’établissement du standard de la langue croate littéraire moderne, qu’il fonde sur le dialecte chtokavien à prononciation (i)jékavienne. À la même époque, en Serbie, Vuk Stefanović Karadžić œuvre à la standardisation de la langue serbe à partir du même dialecte chtokavien. Il y a même un accord, signé à Vienne, en 1850, par sept lettrés croates et serbes (dont Vuk Karadžić), qui établit certaines normes communes pour les langues croate et serbe.

À partir de cette époque, le domaine linguistique interfère avec le domaine politique, et ce jusqu’à nos jours, la relation entre croate et serbe oscillant d’une époque à l’autre entre l’idée d’une langue unique et celle de deux langues à part, en fonction des événements historiques que leurs locuteurs traversent.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les mouvements pour l’indépendance s’intensifient. Pour beaucoup de Croates ce n’est réalisable qu’avec les autres Slaves du sud, premièrement avec les Serbes. L’évêque croate de Đakovo, Josip J. Strossmayer, élabore en 1866 un premier programme d’unification des Slaves du sud de l’Empire d'Autriche, utilisant le terme « yougoslave », et fonde à Zagreb l’Académie yougoslave des sciences et des arts. Parmi les écoles linguistiques qui se forment en Croatie, celle appelée des « vukoviens croates » ou des « jeunes grammairiens » suit les idées de Vuk Karadžić. Leur influence est notable à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, réussissant à imposer définitivement le standard du croate à base chtokavienne. Les linguistes européens qui étudient la langue des Serbes et des Croates la considèrent comme une seule et même langue.

Le rapprochement entre croate et serbe continue après la Première Guerre mondiale, cette fois dans le cadre du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, devenu plus tard la Yougoslavie, sous l'égide de la Serbie, pays vainqueur dans la guerre. L'idée de la langue serbo-croate est de plus en plus soutenue par les autorités de Belgrade. Plus encore, elles cherchent à imposer le serbe à prononciation ékavienne comme langue de tout l'État, ce qui n'est pas au goût des Croates désireux d'indépendance. Si les nationalistes serbes tentent de faire appeler l'ensemble de la langue serbe, les nationalistes croates considèrent que tout le diasystème est en fait le croate.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale est fondé le prétendu État indépendant de Croatie, satellite de l’Allemagne nazie, qui déclenche une persécution terrible contre la minorité serbe. Sur le plan linguistique, on tombe dans l’extrême de l’éloignement le plus grand possible du serbe, par l'essai de « purification » du croate des éléments serbes.

Dans la Yougoslavie communiste, la promotion de la langue serbo-croate et les tentatives d'estomper les différences entre le croate et le serbe deviennent les composantes d'une politique linguistique officielle, acceptée également par les communistes croates, ce qui ressort clairement de l’accord de Novi Sad (1954), signé par vingt-cinq linguistes et écrivains, dix-huit serbes et sept croates. On y stipule que la langue commune des Serbes, des Croates, des Monténégrins et des Bosniaques est le serbo-croate, que l’on peut aussi appeler croato-serbe, ayant deux variantes littéraires, le serbe et le croate. Toutefois, en Croatie on n’utilise pas les termes « serbo-croate » ou « croato-serbe » pour désigner la langue officielle.

Suite à la relative libéralisation du régime dans les années 1960, les intellectuels croates manifestent leur mécontentement causé par la domination du serbe dans les instances officielles. En 1967, sept linguistes et écrivains rédigent une « Déclaration au sujet de la situation et de la dénomination de la langue littéraire croate », où l’on revendique de mettre sur un pied d’égalité non pas trois, mais quatre langues de Yougoslavie : le slovène, le croate, le serbe et le macédonien, et de mettre un terme à la domination du serbe sur le plan étatique et dans les institutions fédérales. Dans les années 1970 (époque appelée le Printemps croate), la langue littéraire croate est déclarée entité à part et on crée quantité de mots nouveaux, pour que le croate diffère le plus possible du serbe.

À la suite de la proclamation de la souveraineté de la Croatie (1991) et des guerres en Yougoslavie, les tendances puristes vouées à séparer le croate du serbe se renforcent, dénonçant et rejetant les « serbismes » et les « internationalismes ». On réintroduit dans la langue croate de nombreux mots plus ou moins sortis de l'usage depuis des décennies, et on crée des néologismes à base slave.

En Serbie, les tendances puristes se manifestent aussi, par exemple par l’officialisation de la seule écriture en alphabet cyrillique.

Le bosnien devient langue officielle et on élabore son standard à la suite de l’établissement de l’État indépendant de Bosnie-Herzégovine.

Le projet de constitution du Monténégro indépendant depuis 2006 prévoit que la langue officielle du pays est le monténégrin. L’élaboration de son standard a commencé en 1997.

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