Histoire de la Nouvelle-Calédonie

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Les premières sources écrites concernant l'histoire de la Nouvelle-Calédonie remontent à sa découverte en 1774 par James Cook, mais l'archipel était habité par les kanaks depuis bien longtemps.

Sommaire

[modifier] Peuplement

Icône de détail Articles détaillés : Lapita et Peuplement de l'Océanie.

Il y a 5 000 ans environ (v. 3 000 av. J.-C.), des habitants du littoral de la Chine du sud, cultivateurs de millet et de riz, appelés Austronésiens par les archéologues, commencent à traverser le détroit pour s'installer à Taiwan. Vers 2 000 av. J.-C., des migrations ont lieu de Taiwan vers les Philippines. De nouveaux mouvements de populations commencent bientôt des Philippines vers Célèbes et Timor et de là, les autres îles de l'archipel indonésien. Vers 1 500 av. J.-C., un autre mouvement mène des Philippines à la Nouvelle-Guinée et, au delà, aux îles du Pacifique. Les Austronésiens sont sans doute les premiers navigateurs de l'histoire de l'humanité.

Les plus anciennes traces de peuplement de la Nouvelle-Calédonie retrouvées à ce jour remonteraient à la fin du second millénaire avant J. C. , soit il y a environ 3200 à 3300 ans. Il s'agirait de populations de langues austronésiennes dont l'autre caractéristique était de maîtriser l'art de la céramique. En 1917, le géologue Maurice Piroutet tomba sur des fragments de poteries dans une localité de la côte ouest du Nord de la Grande Terre (sur la plage de Foué près de Koné) appelée Lapita. Ce nom fut par la suite retenu par les archéologues pour désigner l'ensemble de ces poteries et le complexe culturel qui y est associé non seulement pour la Nouvelle-Calédonie mais également l'ensemble du Pacifique. En effet durant tout les XXè siécle divers chantiers de fouilles devaient mettre à jour d'autres exemplaires de ces poteries. Pour la Nouvelle-Calédonie, la première grande campagne de fouilles fut celle menée en 1952 par E. W. Gifford et D. Shutler. Depuis cette date et jusqu'à nos jours les archéologues se sont succédé sur le terrain faisant d'autant progresser la connaissance du passé pré européen de la Nouvelle-Calédonie. Citons, Golson en 1962, Smart en 1969, Frimigacci (ORSTOM) dans les années 70 et 80, et plus récemment Galipaud (IRD) ou encore Christophe Sand (Université de la Nouvelle-Calédonie).

Il semble aujourd'hui qu'un certain consensus se dégage parmi les spécialistes quant à une typologie de ces poteries néo-calédoniennes. On distingue généralement deux périodes pour cinq grands types morphologiques de céramiques.

[modifier] Tradition de Koné

On appelle « Tradition de Koné » la période de 1 300 à 200 av. J.-C., parfois également appelée simplement Lapita en référence à ces poteries représentatives de cette période et qui furent retrouvés dans une grande partie du Pacifique insulaire et sur des sites essentiellement littoraux, dénotant peut-être une utilisation commerciale voire rituelle[1].

Cette dernière hypothèse semble confirmée par le fait qu'elle sont de facture soignée, avec des "formes complexes, fabriquées avec soin, et richement décorées de motifs stylisés si caractéristiques qu’ils évoluent peu dans l’espace et dans le temps."[2]. Ce type de poterie disparaît assez brutalement au cours du premier siècle. Se développe également en parallèle un autre type de poterie, dite de Podtanéan (aussi du nom du site où ce style a été identifié pour la première fois) ou « au battoir » qui semble au contraire avoir eu une utilité plus pratique comme en témoigne le fait qu'elles "sont de forme simple et décorées d’impressions que l’on a plus souvent attribuées à la technique de fabrication qu’a l’intention artistique"[3], mais aussi parce qu'elles ont eu une diffusion plus large sur la Grande Terre, ne se limitant pas aux sites littoraux. De plus, contrairement aux Lapita, les Podtanéan ne disparaissent pas véritablement mais vont évoluer avec notamment l'apparition de décors incisés en forme de chevron.

Il s'agit des poteries dont la datation au carbone 14 fait remonter les plus anciennes traces aux alentours de 1200 avant J. C. . Celles-ci sont de deux types.

  • Les poteries de type Lapita. Celles-ci se caractérisent "par des formes complexes, fabriquées avec soin, et richement décorées de motifs stylisés si caractéristiques qu’ils évoluent peu dans l’espace et dans le temps."[4]. Ce type de poterie a été retrouvé sur huit sites distincts tous littoraux, 4 sur la côte ouest de la Grande Terre (Koumac, Koné, Bourail-Nessadiou, Nouméa), 1 à l'île des Pins (Vatcha) et 2 aux îles Loyauté (Luecila à Lifou et Patho à Maré).
  • Les poteries de type Podtanéan. Ces poteries dénommées également "poteries au battoir", "sont de forme simple et décorées d’impressions que l’on a plus souvent attribuées à la technique de fabrication qu’a l’intention artistique."[5]. Celles-ci ont eu une diffusion plus large puisque l'on en retrouve y compris sur la côte est et l'intérieur des vallées de la Grande Terre. [6]

Pour l'archéologue néo-zélandais, R.C. Green, la coexistence à une même période de deux types de poteries serait le résultat de deux vagues migratoires distinctes [7], ce que semble néanmoins lui contester Frimigacci ou Galipaud pour lesquels ces deux styles seraient le fait de la même population mais utilisées à des fins différentes[8]. Toujours est-il que la poterie de type Lapita disparaît assez soudainement au premier siècle, quant à celle de type Podtanéan, si elle ne disparaît pas totalement, elle évolue avec l'apparition de décors incisés en forme de chevron. C'est également à peu près à cette même période qu'apparaissent de nouveaux types de céramiques dont certaines continuèrent d'être façonnées jusqu'au début du XXe siècle.

[modifier] Traditions de Naia I, Naia II et d'Oundjo

La période suivante, allant de 200 av. J.-C. ou du début du premier siècle jusqu'à l'arrivée des premiers Européens à la fin du XVIIIe s. et au XIXe s., est dite de Naia Oundjo. Les archéologues distinguent alors plusieurs traditions distinctes: dans le sud de la Grande Terre celles dites de Naia I (poteries à anses retrouvées essentiellement sur des sites littoraux) et Naia II (poteries de petite taille et à pustules à la diffusion plus large car certaines ont été retrouvées à l'intérieur des terres), et dans le nord celle de Oundjo (d'apparition plus tardive, certainement juste avant l'arrivée des Européens, ces poteries sont distinguées également en deux styles: un de petite taille et de forme sphérique et l'autre plus volumineux et ovoïde). Durant cette période, les Kanaks (venant certainement de l'hawaiien « kanaka » qui signifie « homme », repris ensuite par les Européens pour désigner les populations autochtones du Pacifique, et plus particulièrement de la Mélanésie, sous la forme « Canaque » qui prit rapidement un terme à connotation péjorative en Nouvelle-Calédonie avant d'être revendiquée sous la graphie « Kanak » par les populations mélanésiennes de l'archipel) maîtrisent l'art de la pierre polie, et basent leur civilisation sur la culture de la terre (principalement ignames et taros). Lors de rituels guerriers, des tribus pratiquent aussi le cannibalisme.

  • Les poteries de type Naia I sont des poteries à anses retrouvées essentiellement dans le sud de la côte ouest entre Bourail et l'île Ouen dans des zones exclusivement littorales.
  • Les poteries de type Naia II sont des poteries de petite taille et à pustules localisées elles aussi essentiellement dans le sud, sur le littoral mais également à l'intérieur des terres.
  • Les poteries de type Oundjo seraient apparues sans doute peu avant l'arrivée des premiers navigateurs européens et sont présentes exclusivement dans le Nord de la Grande Terre. Les archéologues en distinguent deux styles, les unes étant de petites tailles et de forme sphérique, les autres plus volumineuses et de forme ovoïde.

[modifier] Découverte

Carte historique extraite de l'encyclopédie allemande Meyers Konversations-Lexikon de la Nouvelle-Calédonie et des îles Loyauté
Carte historique extraite de l'encyclopédie allemande Meyers Konversations-Lexikon de la Nouvelle-Calédonie et des îles Loyauté

Le 4 septembre 1774, l'aspirant Colnett, membre de l'équipage du HMS Resolution commandé par le navigateur britannique James Cook, lors de la seconde expédition de ce dernier, est le premier à apercevoir la Grande Terre. Cook la baptise « New Caledonia » en l'honneur de l'Écosse. En effet, on dit[Qui ?] que l'aspect des côtes lui aurait rappelé cette région de Grande-Bretagne, dont Cook est originaire de par son père (Caledonia est l'ancien nom latin de la province correspondant à l'Écosse). Le 5 septembre ont lieu les premiers contacts entre des Européens (Cook et son équipage) et les Kanaks à Balade, sur la côte nord-est de la Grande Terre. James Cook longe ensuite la côte Est et découvre le 23 septembre l'Île des Pins.

Par la suite, la plupart des explorateurs à s'intéresser à l'archipel sont Français. Ainsi, il est probable qu'en 1788, l'expédition française conduite par La Pérouse reconnaît la côte Ouest à bord de l'Astrolabe et de La Boussole, juste avant de sombrer dans un naufrage sur le récif de Vanikoro aux Îles Salomon. En 1793, le contre-amiral français Antoine Bruny d'Entrecasteaux, parti en 1791 à la demande de Louis XVI pour retrouver La Pérouse, passe au large de la Nouvelle-Calédonie, reconnaît la Côte Ouest de la Grande Terre et se serait arrêté notamment aux Îles Loyauté. Néanmoins, on attribue la découverte de ces dernières à l'explorateur français Jules Dumont d'Urville en 1827 qui fût le premier à les situer précisément sur une carte.

Par la suite, dès 1793, des baleiniers commencent à s'intéresser à la Nouvelle-Calédonie auprès des côtes de laquelle les baleines à bosse remontent durant l'hiver austral. Plus tard, au début du XIXe siècle, la pêche à l'holothurie, particulièrement appréciée en Asie, commence à se développer. Mais c'est surtout à travers le commerce du bois de santal, dès 1841 et surtout à partir de 1846 et jusqu'en 1853, que des contacts réels vont se nouer entre Européens et Kanaks: les premiers obtiennent alors des seconds le bois recherché en échange d'outils, d'armes en acier, d'étoffes ou encore d'objets de verre. , et plus faiblement par la chasse à la baleine. Au début des années 1850, le commerçant et aventurier britannique James Paddon va s'installer sur l'île Nou dans la rade de l'actuelle Nouméa et fera venir plusieurs membres de sa famille et des connaissances pour s'installer sur l'île (ce que l'on appellera les « colons Paddon », à l'origine de la présence sur le Territoire de plusieurs familles d'origine britanniques).

[modifier] Colonisation

Habitants autochtones de Nouvelle-Calédonie, vers 1880
Habitants autochtones de Nouvelle-Calédonie, vers 1880

À partir de 1841, des missionnaires commencent à venir s'installer. Des protestants anglicans de la London Missionary Society (LMS) s'installe alors à l'île des Pins et aux Îles Loyauté dès 1841, puis à Touaourou au sud de la Grande Terre en 1842. Si l'implantation aux Loyauté se fait de manière durable (ces îles restant l'un des bastions du protestantisme encore aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie), les deux autres installations à l'île des Pins et à Touaourou sont chassées dès 1842. En 1864 une expédition militaire aux îles Loyauté est organisée pour mettre fin à l'influence anglaise protestante. Du côté catholique, des frères maristes, menés par Monseigneur Douarre qui est nommé vicaire apostolique de Nouvelle-Calédonie, s'installent tout d'abord à Balade en 1843, mais là encore les missionnaires sont chassés en 1847 avant de pouvoir revenir, et de façon durable, à partir de 1851. Les frères maristes s'installent aussi, avec succès mais non sans heurts, à l'île des Pins. Les missionnaires amènent avec eux de nouvelles maladies, provoquant des épidémies qui affectent fortement la population autochtone. Dans les premiers temps, les autochtones sont réticents car ils attribuent les éventuelles disettes, épidémies ou guerres claniques qui se déclenchent aux missionnaires.

Les deux organisations missionnaires, pour assurer leur assise sur l'archipel, en appellent alors aux deux puissances européennes susceptibles de les aider: les protestants au Royaume-Uni et les maristes à la France de Napoléon III. Toutefois, l'appel des missions à la colonisation n'est pas le seul facteur pouvant expliquer la prise de possession. Depuis quelques années, la France et le Royaume-Uni se livrent déjà à une course à la colonisation, dite « guerre des drapeaux ». De plus, la France cherche un endroit au climat plus clément que la Guyane pour installer une colonie pénitentiaire, la Nouvelle-Calédonie semblant alors tout indiquer. D'un autre côté, les colons britanniques d'Australie poussaient leur métropole de tutelle à assurer une maîtrise entièrement anglophone du Pacifique insulaire. Les deux pays n'attendent donc que l'élément déclencheur qui pourra justifier une prise de possession, et c'est la France qui obtient la première occasion: en 1850, le massacre à Yenghebane dans le nord de la Grande Terre de plusieurs officiers et hommes d'équipage de la corvette française L'Alcmène, envoyée en mission de reconnaissance pour étudier la possibilité de l'installation d'un bagne, fournit un prétexte à Napoléon III. Celui-ci donne alors instruction à plusieurs navires de guerre français de prendre possession de la Nouvelle-Calédonie (à condition que le Royaume-Uni ne l'ait pas déjà fait). La Nouvelle-Calédonie est proclamée colonie française à Balade le 24 septembre 1853 par le contre-amiral Febvrier Despointes, rattachée aux Établissements français du Pacifique qui comprennent déjà Tahiti. Le 29 septembre il négocie l'annexion de l'île des Pins avec le grand chef Vandegou.

Le 25 juin 1854, les militaires français fondent au sud-ouest de la Grande Terre Port-de-France pour servir de chef-lieu à la colonie, simple garnison qui deviendra rapidement une petite ville et prendra le nom de Nouméa le 2 juin 1866.

De 1853 à 1877, il y a un mouvement de colonisation pionnière vers la Nouvelle-Calédonie. Les premiers militaires français envahissent des milliers d’hectares de terre et chassent les natifs, les Kanaks, des sols les plus fertiles. La population locale est victime de nombreux massacres.[réf. nécessaire]

Vue de la rade de Port-de-France (futur Nouméa) en 1857
Vue de la rade de Port-de-France (futur Nouméa) en 1857

En 1860, la Nouvelle-Calédonie devient une colonie à part entière (séparée de Tahiti) et son premier gouverneur, le contre-amiral Guillain, est chargé d'organiser la mise en place du bagne et donc de trouver des terres (non seulement pour garder les bagnards purgeant leur peine, mais aussi pour les terres confiées aux libérés qui ont l'obligation toutefois de doubler leur peine dans la colonie tout en étant « libre », le but final étant de les pousser à s'installer définitivement). Il va le faire en créant un statut de l'indigénat, créant des réserves pour les Mélanésiens dont les terres sont organisées en « tribus » ou « chefferies » déjà existantes et en créant des « grandes chefferies » ou « districts ». Le premier convoi pénitentiaire arrive en 1864 (transportés ou délinquants et criminels de droit commun, et relégués ou auteurs de délits ou petits crimes récidivistes).

Les « transportés » arrivent entre 1864 et 1897. Après la Commune de Paris, la Nouvelle-Calédonie, sert de lieu de déportation pour de très nombreux anciens communards condamnés par les conseils de guerre mis en place par le gouvernement Thiers. Ces condamnés politiques sont appelés les « déportés » ou les « communards ». Parmi eux: Henri Rochefort qui réussira à s'échapper et Louise Michel. À cela s'ajoutent les Kabyles ayant participer à la révolte du cheik El Mokranien en Algérie en 1871 également. L'administration pénitentiaire, ou « Tentiaire », devient rapidement assez riche et assez puissante, possédant notamment une grande partie du foncier (outre les pénitentiers île Nou et Ducos à Nouméa, de Prony dans le sud ou de l'île des Pins, cette administration possède aussi des villages entiers alloués aux anciens forçats doublant leur peine: Dumbéa, La Foa, Bourail, Pouembout, essentiellement). Mais en parallèle se développe également une colonisation libre d'abord totalement désorganisée, ces « pionniers » venus de France (et notamment d'Alsace ou de Lorraine) à quoi s'ajoutent des déçus de la « ruée vers l'or » australienne et quelques autres familles poussés à partir de leurs foyers pour fuir l'absence de terre, la misère ou les conditions sociales, économiques ou politiques pour tenter leur chance dans les colonies. Ceux-ci sont surtout éleveurs dans de grandes propriétés sur la côte ouest de la Grande Terre dans les environs directs de Nouméa ou encore à Païta, Boulouparis, Moindou et Koné, entre autres. La découverte de la garnierite, minerai de nickel, par Jules Garnier en 1866 et le début de l'exploitation de ce matériau attire également des commerçants et provoque une certaine fièvre financière pendant quelques années (assez vite freinée par plusieurs faillites, dont la plus retentissante est celle de la banque Marchand en 1878). La première colonisation véritablement structurée est celle de Réunionais que l'administration coloniale fait venir en Nouvelle-Calédonie pour y développer l'exploitation de la canne à sucre (sans réel succès).

En 1874, suite à l'évasion de six communards déportés dont Henri Rochefort, le gouverneur Gautier de la Richerie est remplacé par Léopold de Pritzbuër. Dans le décret du 12 décembre 1874 signé par Mac Mahon les pouvoirs du gouverneur sont étendus de même que ceux du directeur de l'administration pénitentiaire.

Le 22 juillet 1884 Le Boucher directeur de l'Intérieur en Nouvelle-Calédonie est nommé gouverneur. Il est le premier Gouverneur civil.

De 1884 à 1894 se succèdent 10 gouverneurs :

  • Le Boucher du 22 juillet 1884 au 13 mai 1886
  • Lt-Col Orius en mai-juin 1886
  • Louis Nouet du 5 juin 1886 au 30 juillet 1888
  • Morrachini , puis Colonel Pons en 1888 ,
  • Noêl Pardon du 12 janvier 1889 au 14 avril 1891
  • Laffon du 14 avril 1891 au 16 décembre 1892
  • Picquie du 16 décembre 1892 au 21 février 1894
  • Ghouarhou en 1894.

En 1895, le nouveau gouverneur, Paul Feillet, met fin à la colonisation pénale et, par d'importantes campagnes en métropole, il fait venir la première vague de colonisation libre organisée d'importance: les « colons Feillet » venus avec l'espoir de cultiver le café. Là encore c'est un semi-échec, les difficiles conditions de vie (les familles, une fois arrivées, étant généralement totalement livrées à elles-mêmes) et l'éloignement de toute civilisation (l'approvisionnement se faisant occasionnellement par un bateau, le « tour de côte », longeant le littoral calédonien). Les colons européens reçoivent des terres pour produire du café tandis que l'immigration asiatique est encouragée pour l'exploitation minière qui débute en 1910. Une dernière vague de colonisation aura lieu dans les années 1920, celles des colons dits « nordistes » car venant du Nord de la France, cette fois sur la base de la culture du coton. C'est un échec total.

Fait notable : la Nouvelle-Calédonie est, avec l'Algérie, la seule colonie de peuplement française. Les Métropolitains y sont venus nombreux au point d'égaler le nombre des autochtones (on appelle « Caldoches » les métropolitains nés sur le territoire, alors que les immigrants sont dénommés « Zoreilles »). Au fur et à mesure des vagues de colonisation, les Kanaks furent soumis au code de l'indigénat (qui n'est aboli qu'en 1946), ils n'ont jamais été mis dans des réserves. Frappée par les maladies, l'alcoolisme, et la sous-nutrition, la population autochtone, estimée à 100 000 personnes en 1853, n'en compte plus que 20 000 en 1920.<!- est-ce sur, la population aurait triplé en 60 ans?>

[modifier] Histoire tourmentée

Face à l'organisation de cette colonie de peuplement, les Kanaks réagissent souvent violemment: si les soulèvements sont ponctuels, très faibles et aisément réprimés entre 1853 et 1878, la grande insurrection de 1878 du grand-chef Ataï provoque la mort de nombreux colons à Païta, La Foa et Boulouparis et l'administration coloniale ne réussit à y mettre un terme que grâce à l'aide de tribus kanaks rivales de celle d'Ataï qui est ainsi capturé et décapité par d'autres Mélanésiens (et dont la tête est conservée à Paris dans un bocal). D'autres révoltes d'importance ont eu lieu en 1913 mais surtout en 1917 dans le nord sous la direction du chef Noël Doui, lui aussi décapité par des Kanaks.

D'autres révoltes ont eu lieu, en 1913 dans le nord, et une importante en 1917, dirigée par le chef Noël Doui, lui aussi décapité par des Kanaks.

En 1931, un groupe de Kanaks est exposé dans une cage, à l'occasion de l'exposition coloniale de Paris [9].

[modifier] Seconde Guerre mondiale

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Nouvelle-Calédonie se rallie à la France libre en 1940[10] et devient une base pour les Américains engagés dans la campagne du Pacifique. Le 12 mars 1942, plusieurs dizaines de milliers d'hommes[11] arrivent en Nouvelle-Calédonie : c'est un bouleversement pour un si petit territoire. Des aérodromes sont aménagés (Tontouta, plaine des Gaïacs, etc.), des centres hospitaliers sont installés à l’Anse-Vata, à la Conception, à la Dumbéa, au nord de Bourail, sur la côte est et dans l’extrême nord. Cette présence amène en Nouvelle-Calédonie certains symboles du mode de vie à l'américaine : le dancing, le Coca-Cola, le chewing-gum, les « snacks », etc Certains quartiers de Nouméa portent encore les noms des zones militaires américaines : Motor Pool, Receiving, etc.

En quelques mois les « Américains » dotent la Nouvelle-Calédonie de plus d'infrastructures (dont certaines durent encore aujourd'hui) que ne l'a fait la France en un siècle de colonisation.

[modifier] Maintien dans le giron de la République

Après la Seconde Guerre mondiale, les Kanaks espéraient profiter du mouvement de décolonisation pour se libérer aussi. Mais si, en 1946, le code de l'indigénat est supprimé et si les Kanaks obtiennent la citoyenneté française, ils n'obtiennent le droit de vote complet qu'en 1957[12]

La Nouvelle-Calédonie est alors un territoire d'Outre Mer que les lois cadres dites Defferre de 1957 amènent vers plus d'autonomie. Mais alors qu'un mouvement de décolonisation s'amorce dans les autres colonies françaises au début des années 1960[13], le processus connaît pour la Nouvelle-Calédonie et les autres territoires français du Pacifique un brutal coup d'arrêt revenant sur l'essentiel des lois cadres : en 1963 le Conseil de Gouvernement est placé sous l'autorité du Gouverneur et en 1968, la loi Billote retire à l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie l'essentiel de ses pouvoirs, entre autres sur le nickel.[14]

Dans les années 1960, la population kanak devient majoritaire, ce qui inquiète les colons, d'autant que des revendications commencent à s'exprimer. Si bien que les autorités métropolitaines décident d'encourager l'émigration vers l'île. Cette immigration est facilitée par le boum du nickel qui offre aux immigrants une perspective économique souriante. Entre 1969 et 1976, la population de l'île s'accroît de plus de 20 % avec près de 20 000 nouveaux immigrants. Si les Kanaks sont toujours plus nombreux que les Européens (environ 55 000 contre 50 000 en 1976), ils ne sont toutefois pas majoritaires, en raison de la présence d'autres communautés allogènes (26 000) : Asiatiques, Polynésiens et Wallisiens.

[modifier] Mouvement indépendantiste

Drapeau kanak indépendantiste
Drapeau kanak indépendantiste

Suite aux évènements et aux phénomènes idéologiques et sociaux liés à mai 1968, à la « centralisation gaulliste » qui met fin à la plupart des principes de l'autonomie concédés par la loi-cadre de 1956 (les réformes les plus contestées étant celles des lois Billote de 1969 qui place la gestion du développement économique et notamment de l'exploitation du nickel sous la tutelle de l'État et non plus du Territoire) ou encore à la succession des indépendances dans la région Pacifique (Samoa occidentales en 1962, Nauru en 1968, Fidji et Tonga en 1970, Papouasie-Nouvelle-Guinée en 1975, les îles Salomon et Tuvalu en 1978, Kiribati en 1979, Vanuatu en 1980), plusieurs groupements radicaux de Kanaks commencent à revendiquer l'indépendance, notamment les Foulards Rouges et le Groupe 1878, qui se structurent politiquement en fondant tout d'abord un Comité de coordination pour l'indépendance rallié bientôt par l'Union multiraciale de Nouvelle-Calédonie, mouvement formé par des dissidents kanaks de l'Union calédonienne et ralliés à l'idée d'indépendance. Les deux groupes, Foulards Rouges et Groupe 1878, s'unissent au congrès de Temala en décembre 1975 au sein du Parti de libération kanak Palika. Sous l'action d'indépendantistes plus modérés, dont Jean-Marie Tjibaou qui appelle surtout à une reconquête culturelle de l'identité kanak en organisant en 1975 le festival des arts mélanésiens Mélanésia 2000. Sous l'impulsion de ce dernier, l'Union calédonienne opte officiellement pour l'indépendance à son tour au congrès de Bourail en 1977 et forme avec le Palika et d'autres mouvements souverainistes le Front indépendantiste en 1979. D'un autre côté, les opposants à l'indépendance se fédèrent au sein du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) fondé par Jacques Lafleur en 1977 (sous le nom initial de Rassemblement pour la Calédonie, le nom de RPCR n'étant pris qu'en 1978 que lors de son ralliement au RPR de Jacques Chirac).

En 1977, l'Union calédonienne bascule elle aussi dans le camp indépendantiste. Avec l'élection de François Mitterrand en 1981 les attentes indépendantistes se font pressantes.

En 1984, les tensions entre les deux camps atteignent leur paroxysme lorsque le tout nouveau Front de libération national kanak socialiste (FLNKS), qui remplace le Front indépendantiste, décide de boycotter les élections territoriales et dresse des barrages sur les routes. La mort du secrétaire général de l'Union calédonienne, et chef de l'aile radicale de ce parti, Eloi Machoro, le 12 janvier 1985, envenime la situation, les affrontements entre opposants et partisans de l'indépendance dégénérant bientôt en guerre civile et conflits ethniques durant la période dite des « Événements » (1984-1988). Des radicaux des deux camps forment alors des milices qui s'affrontent violemment, et les gouvernements successifs échouent à rétablir le calme, des familles de « broussards » sont attaquées et de violentes émeutes éclatent à Nouméa contre les possessions de certains leaders indépendantistes comme l'ancien député Maurice Lenormand. La violence culmine en 1988 avec la prise d'otages d'Ouvéa: des indépendantistes radicaux prennent en otage des gendarmes sur l'île d'Ouvéa. Le 5 mai 1988, à quelques heures du second tour de l'élection présidentielle entre François Mitterrand et son premier ministre, Jacques Chirac, l'assaut par le GIGN, l'EPIGN, le 11e Choc et le commando Hubert de la grotte de Gossanah où les gendarmes étaient retenus en otage, baptisé « opération Victor », se solde par la mort de 19 indépendantistes et de deux militaires.

Icône de détail Article détaillé : Prise d'otage d'Ouvéa.

[modifier] Accords de Matignon

Icône de détail Article détaillé : Accords de Matignon (1988).

Cet épisode pousse les deux camps et leurs leaders à négocier sous la médiation du Premier ministre Michel Rocard, aboutissant à la signature des Accords de Matignon le 26 juin 1988 prévoyant la mise en place d'un statut transitoire de 10 ans devant se solder sur un référendum d'autodétermination pour que les Calédoniens se prononcent pour ou contre l'indépendance.

Le 4 mai 1989, sur l'île d'Ouvéa, le président du FLNKS (indépendantiste), Jean-Marie Tjibaou, et son secrétaire-général, Yeiwéné Yeiwéné, étaient assassinés. Leur meurtrier, Djubelly Wéa, un ancien pasteur et ancien militant du PALIKA, reprochait aux deux hommes d'avoir signé en juin 1988 les accords de Matignon avec l'État et leurs adversaires anti-indépendantistes du RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République).

À l'approche de ce référendum, alors qu'il ne faisait aucun doute, aux vues des résultats des provinciales successives, que le « non » à l'indépendance l'emporterait et pour préserver une paix locale encore fragile, Jacques Lafleur ainsi que le RPCR et les indépendantistes ont décidé de négocier de nouveaux accords avec l'État. L'Accord de Nouméa du 5 mai 1998 prévoit alors la mise en place d'une autonomie forte (avec des transferts progressifs de compétence, seuls les pouvoirs régaliens que sont la sécurité, la justice, le droit général, la monnaie, la politique étrangère), la construction d'un destin commun, la mise en place d'une double citoyenneté (une française, appliquée à toutes les personnes du Territoire pouvant bénéficier de cette citoyenneté selon le droit français, et une calédonienne réduite aux seuls natifs ou personnes résidants en Nouvelle-Calédonie depuis au moins 1994). Cette disposition crée de fait la notion de citoyen et d'électeur héréditaire pour le référendum de 1998, pour les élections provinciales, la défense de la culture kanak, le référendum final sur la question de l'avenir institutionnel (indépendance ou maintien au sein de la République française) étant repoussé entre 2014 et 2018. Ce dispositif, unique dans la Constitution française, de suffrage héréditaire peut sembler en contradiction avec le droit européen.

[modifier] Notes

  1. J.C. Galipaud, "Un ou plusieurs peuples potiers en Nouvelle-Calédonie ? : analyse physico-chimique des poteries préhistoriques de Nouvelle-Calédonie" in "Journal de la Société des Océanistes", 1992
  2. Galipaud Jean-Christophe, "Les conditions naturelles du peuplement de la Nouvelle-Calédonie" in "Milieux, sociétés et archéologues ", Paris, Karthala, 1995, p. 65-77. (Hommes et Sociétés).
  3. Galipaud Jean-Christophe, "Les conditions naturelles du peuplement de la Nouvelle-Calédonie" in "Milieux, sociétés et archéologues ", Paris, Karthala, 1995, p. 65-77. (Hommes et Sociétés).
  4. Galipaud Jean-Christophe, "Les conditions naturelles du peuplement de la Nouvelle-Calédonie" in "Milieux, sociétés et archéologues ", Paris, Karthala, 1995, p. 65-77. (Hommes et Sociétés).
  5. Galipaud Jean-Christophe, "Les conditions naturelles du peuplement de la Nouvelle-Calédonie" in "Milieux, sociétés et archéologues ", Paris, Karthala, 1995, p. 65-77. (Hommes et Sociétés).
  6. Pour en savoir plus sur ces poteries podtanéan, lire cet article http://www.archeologie.asso.nc/docus/poterie%20au%20battoir.pdf
  7. Green & Mitchell 1983, "New Caledonian Culture History : A Review of the Archaeological Sequence", New Zealand, Journal of Archaeology 1983.
  8. J.C. Galipaud, "Un ou plusieurs peuples potiers en Nouvelle-Calédonie ? : analyse physico-chimique des poteries préhistoriques de Nouvelle-Calédonie" in "Journal de la Société des Océanistes", 1992
  9. Didier Daeninckx en fait un récit dans son livre intitulé Cannibale, voir en ligne
  10. Peu après les Nouvelle-Hébrides (Vanuatu) et les EFO (Tahiti), la Nouvelle-Calédonie est la troisième colonie de l'ensemble de l'Empire français à rejoindre la France libre. Nombre de Calédoniens de toutes origines s'engageront de même qu'ils le firent durant la Première guerre mondiale comme volontaires auprès des Forces françaises libres.
  11. Ils constituèrent la Poppy Force
  12. Seuls les chefs coutumiers, les anciens combattants ou les élites religieuses (curés, diacres, pasteurs) ne pouvaient jusqu'à cette date voter. Le combat pour les droits civiques et l'amélioration des conditions sociales des Mélanésiens furent du reste les premiers combats politique menés par l'UC.
  13. C'est à cette date que les territoires des ex AOF et AEF qui étaient également concernées par les lois Defferre, obtiennent leur indépendance
  14. Ce retour en arrière concernant exclusivement les territoires français du Pacifique est également lié au transfert du Centre d'expérimentation Nucléaire du désert algérien vers la Polynésie-française à partir de 1962, bien que la décision fut probablement prise dès 1958 et le retour de De Gaulle aux affaires. Le Pacifique devenait désormais un enjeu stratégique majeur pour les autorités françaises. Toute évolution en Nouvelle-Calédonie faisait craindre selon la fameuse théorie des dominos une contagion vers Tahiti.

[modifier] Références

[modifier] Liens externes