Henri Déricourt

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Henri Déricourt (1909-1962) est un agent français du service secret britannique Special Operations Executive pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est généralement admis qu'il fut un agent double et probablement triple.

Note : pour accéder à une photographie d'Henri Déricourt, se reporter au paragraphe Sources et liens externes en fin d'article.

Sommaire

[modifier] Biographie

1909. Le 2 septembre, Henri Alfred Eugène Déricourt naît à Coulonges-en-Tardenois, Aisne, France. Il est le troisième enfant d'une famille modeste : son père est facteur ; sa mère, orpheline, a été élevée par des religieuses.

1930. Après avoir reçu une formation de pilote, il est nommé moniteur d'aviation à Toussus-le-Noble, alors second aérodrome de Paris après Le Bourget.

1935. Didier Daurat l'engage comme pilote à la compagnie Air bleu, basée au Bourget, qui distribue le courrier dans tout l'Hexagone. Facteur volant, il se met à la disposition du 2e bureau. Il aide les républicains espagnols, fait des photos sur la ligne Siegfried et en Italie.
Parmi ses relations d'avant-guerre, il y a Karl Boemelburg, futur chef de la Gestapo en France, et Nicholas Bodington, futur numéro 2 de la section F du SOE à Londres.

1939. Il rejoint l'Armée de l'Air française en tant que pilote. Il convoie des avions vers le front au nord.

1940. Il évacue les appareils vers le sud. Il est pilote d'essai d'un bombardier d'avant-garde puis d'un autogire. En juin, l'armistice interrompt les essais. Il retourne à l'aviation civile : il est engagé par Air France. À l'occasion d'une escale à Alep, un corps expéditionnaire anglo-gaulliste ayant envahi la Syrie restée fidèle au maréchal Pétain, il est immobilisé. Peu après, un colonel de l'Intelligence Service lui propose de rentrer en Grande-Bretagne. Il accepte. Sur la route, il passe par Marseille, pour mettre sa femme Jeannot à l'abri du besoin, puis est pris en charge par le MI9 :

1942. En août, il part en Grande-Bretagne. Après avoir été contrôlé par le MI5 à la Royal Patriotic School, il rejoint la section française F du Special Operations Executive (SOE).

1943.

Mission en France. En tant que chef du réseau FARRIER sous le nom de guerre « Gilbert », sa mission consiste : • à trouver des terrains d’atterrissage appropriés • à organiser les mouvements aériens : réception et retour des agents (des autres réseaux) • à acheminer le courrier qui lui sera remis (de la main à la main, ou dans des boîtes aux lettres) ; il s'agit de tout ce qui ne peut pas être transmis par radio en morse : rapports trop longs, plans, photos, courrier personnel, documents non codés, paraphrases codées de messages radio déjà envoyés. Il ne dispose pas d'un opérateur radio propre : il devra faire transiter ses messages par Jack Agazarian l'opérateur du réseau Prosper-PHYSICIAN.
  • Dans la nuit du 22/23 janvier, un avion Halifax emmène Déricourt, ainsi que Jean Worms « Robin » qui vient établir le réseau JUGGLER. Ils sont parachutés « blind », c'est-à-dire sans comité de réception au sol, vers Vitry-aux-Loges, à l'est d'Orléans.
  • Mars. Déricourt et Rémy Clément recherchent et identifient des terrains susceptibles de servir aux atterrissages (LZ = landing zones). Ils vérifient également les LZ du réseau SCIENTIST, que Claude de Baissac « David » anime dans le sud-ouest. Dans la nuit du 17/18, Déricourt réalise son premier pick-up sur le terrain situé à 4,5 km au nord de Marsay, au nord de Poitiers. C'est un doublé de Lysanders, qui déposent Francine Agazarian, John Goldsmith, Pierre Lejeune, Roland Dowlen, et remmènent Claude de Baissac, France Antelme, Raymond Flower et son opérateur radio. Dans les mois qui suivent, il travaillera principalement au profit du réseau Prosper-PHYSICIAN, et organisera les déplacements par avion de plus de 67 agents, dont Noor Inayat Khan, Vera Leigh, Yolande Beekman, Eliane Plewman, Diana Rowden, Jack Agazarian, Francis Suttill, Pearl Witherington et Lise de Baissac.
  • À l'été, la Gestapo arrête de nombreux agents du SOE travaillant en France. Il apparaît clairement qu'un agent double a infiltré les réseaux. Plusieurs agents, y compris Francis Cammaerts, Jack Agazarian et Francis Suttill sont convaincus que Déricourt est le responsable. Ces soupçons s'accroissent quand on apprend que Déricourt habite à Paris dans un appartement qui jouxte celui loué par Hugo Bleicher de l’Abwehr.
  • Juillet. Un autre agent, Henri Frager, dit à Nicholas Bodington, alors en mission en France pour comprendre l'effondrement du réseau Prosper-PHYSICIAN, que Déricourt est un espion allemand. Bodington écarte cette théorie, arguant du fait que Déricourt s'était chargé de son voyage en France et qu’il n'avait pas été arrêté. Quand Bodington refuse d’agir, certains agents commencent à penser que lui aussi est un agent double.
  • Peu de temps après, Georges Pichard informe Maurice Buckmaster, chef de la section F à Londres, qu'il a entendu dire de bonne source qu'un « Français responsable des opérations aériennes dans les régions de Paris et d’Angers » travaillait pour l'Abwehr. Buckmaster, comme Bodington avant lui, écarte les charges contre Déricourt et lui permet de continuer son travail.

1944. En février, Déricourt est rappelé à Londres. Sur avis défavorable du MI5, il n'est plus renvoyé en France.

Après la Seconde Guerre mondiale, en interrogeant les Allemands, il apparut clairement que Déricourt était coupable d'avoir fourni des informations à l'Abwehr et à la Gestapo, et que cela avait entraîné l'effondrement de plusieurs réseaux et sous-réseaux, avec l'arrestation et l'exécution de nombreux agents comprenant Noor Inayat Khan, Vera Leigh, Yolande Beekman, Eliane Plewman, Diana Rowden, Gilbert Norman, Jack Agazarian et Francis Suttill.

1945. Le 13 février, au cours d'un voyage à Londres, étant en possession de devises et d'or, il est arrêté.

1946. En novembre, Déricourt est remis aux autorités françaises. Il est accusé d'avoir donné à la Gestapo l'officier du SOE Jack Agazarian.

1948.

  • En juin, il comparaît devant le tribunal militaire, caserne de Reuilly. Au procès, Nicholas Bodington se déclare responsable de toute l’activité de Déricourt sur le terrain. Il admet s'être rendu compte que Déricourt était en contact avec les Allemands mais affirme qu'aucune information importante n'avait été révélée. Pendant le procès, la défense argue du fait que, bien que l’accusation soit en mesure d'apporter de nombreux indices indirects confortant les soupçons à l’encontre de Déricourt, elle ne pourrait réellement apporter la preuve d'aucun acte précis de trahison. C’est en grande partie grâce au témoignage de Nicholas Bodington que Déricourt est finalement acquitté, le 7 juin. Il était agent du MI6 et du BCRA.
  • Il est engagé dans l'aviation civile en Indochine.

Quand plus tard Jean Overton Fuller interviewe Déricourt pour son livre Agent double, celui-ci lui affirme que les chefs du SOE savaient bien que l'organisation avait été pénétrée par la Gestapo et que des hommes et les femmes avaient été délibérément sacrifiés afin de mystifier les Allemands au sujet des débarquements planifiés en Sicile et en Normandie.

1962. Le 20 novembre, Henri Déricourt meurt dans un accident d’avion au Laos, au-dessus du triangle d'or, dans la province de Sayaboury. Son corps n'ayant jamais été retrouvé, certains auteurs ont avancé l'hypothèse que sa mort pouvait avoir été truquée pour lui permettre de commencer une nouvelle vie sous un autre nom[1].

[modifier] Inspiration

Larry Collins s'est inspiré du réseau Prosper et de Déricourt notamment pour un roman basé sur l'"Opération Fortitude".

[modifier] Sources et liens externes

  • Photographie d’Henri Déricourt sur le site Special Forces Roll of Honour.
  • Dossier personnel de d'Henri Déricourt aux National Archives britanniques. Le dossier HS 9/421-425 est accessible depuis le 6 mars 2003.
  • Michael Richard Daniell Foot, Des Anglais dans la Résistance. Le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2008, ISBN : 978-2-84734-329-8 / EAN 13 : 9782847343298. Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France. An account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, London, Her Majesty's Stationery Office, 1966, 1968 ; Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass, 2004. Ce livre présente la version officielle britannique de l’histoire du SOE en France. Une référence.
  • Patrice Miannay, Dictionnaire des agents doubles dans le Résistance, le cherche-midi, 2005.
  • Bob Maloubier et Jean Lartéguy, Triple jeu. L'espion Déricourt, Robert Laffont, 1992.
  • Jacques Bureau, Le Soldat menteur, Robert Laffont, 1992.
  • Site internet britannique Spartacus

[modifier] Notes

  1. Point à vérifier. En effet, selon le site Special Forces Roll of Honour, il serait enterré à Vitry-aux-Loges, Loiret, France.
Autres langues