Énergie nucléaire

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Le terme d’énergie nucléaire recouvre deux sens selon le contexte :

Centrale nucléaire : les réacteurs nucléaires se situent dans les quatre petits bâtiments cylindriques au centre de l’image. Les quatre tours de réfrigération n’évacuent que de la vapeur d’eau non radioactive.
Centrale nucléaire : les réacteurs nucléaires se situent dans les quatre petits bâtiments cylindriques au centre de l’image. Les quatre tours de réfrigération n’évacuent que de la vapeur d’eau non radioactive.

Sommaire

Les réactions nucléaires

L’énergie nucléaire est produite par les noyaux des atomes qui subissent des transformations, ce sont les réactions nucléaires. Ces réarrangements nucléaires conduisent à des configurations plus stables, le différentiel d’énergie (correspondant au différentiel de masse) constitue alors l’énergie libérée par la réaction. Les applications de l’énergie nucléaire s’appuient sur cette énergie. Les réactions nucléaires à la base des différentes applications sont détaillées ci-après.

Fission

Icône de détail Article détaillé : Fission nucléaire.

Lorsqu’un neutron percute le noyau de certains isotopes lourds, il existe une probabilité que le noyau impacté se scinde en deux noyaux plus légers. Cette réaction, qui porte le nom de fission nucléaire, se traduit par un dégagement d’énergie très important (de l’ordre de 200 MeV par événement, à comparer aux énergies des réactions chimiques, de l’ordre de l’eV).

Cette fission s’accompagne de l’émission de plusieurs neutrons qui, dans certaines conditions, percutent d’autres noyaux et provoquent ainsi une réaction en chaîne. Dans un réacteur nucléaire, cette réaction en chaîne se déroule à vitesse lente et contrôlée. Dans une bombe, elle se propage si rapidement qu’elle conduit à une réaction explosive.

L’importance de l’énergie émise dans la fission provient du fait que l’énergie de liaison par nucléon du noyau initial est plus faible que celle des noyaux produits (environ 7,7 MeV par nucléon pour les éléments lourds, contre 8,8 pour le fer). La plus grande partie de l’énergie se retrouve sous forme d’énergie cinétique des neutrons et des noyaux fils, énergie récupérée sous forme de chaleur dans les réacteurs.

Radioactivité

Un corps radioactif dégage naturellement un flux lentement décroissant de chaleur. Cette chaleur peut être utilisée pour engendrer de l’électricité pour de petits générateurs appelés générateurs thermoélectriques à radio-isotope. Cette application est très onéreuse, et délicate à utiliser en raison du fort environnement radioactif. Elle n’est donc utilisée que pour de petites puissances, par exemple pour alimenter en énergie une sonde spatiale qui s’éloigne du Soleil, et ne peut utiliser les panneaux solaires photovoltaïques.

Fusion

Icône de détail Article détaillé : Fusion nucléaire.

La fusion nucléaire est une réaction où deux noyaux atomiques s’assemblent pour former un noyau plus lourd (par exemple un noyau de deutérium et un noyau de tritium s’unissent pour former un noyau d’hélium plus un neutron). La fusion des noyaux légers dégage une énorme quantité d’énergie provenant de l’interaction forte, bien plus importante que la répulsion électrostatique entre les constituants des noyaux légers. Ceci se traduit par un défaut de masse (cf. énergie de liaison ; E=mc²) ; le noyau résultant ayant une masse moins élevée que la somme des masses des noyaux d’origine.

Cette réaction n’est cependant possible qu’à des températures très élevées (plusieurs dizaines de millions de degrés) où la matière est à l’état de plasma. Ces conditions sont réunies au sein des étoiles ou lors de l’explosion d’une bombe à fission nucléaire, qui amorce ainsi l’explosion thermonucléaire (bombe H).

Actuellement, aucun appareillage ne permet de produire de l’énergie en contrôlant les réactions de fusion nucléaire. Des recherches sont en cours afin d’obtenir un plasma sur une durée suffisante, afin que l’énergie de fusion produite soit supérieure à celle investie dans le chauffage des particules. Des recherches sont actuellement menées dans un cadre international afin de développer l’usage civil de l’énergie de fusion nucléaire pour la production électrique.

Applications

Réactions nucléaires contrôlées

Cœur de réacteur nucléaire (EPFL)
Cœur de réacteur nucléaire (EPFL)

Les applications de l’énergie nucléaire concernent, pour l’essentiel, deux domaines :

Une autre application est la production d’isotopes radioactifs utilisés dans l’industrie (radiographie de soudure par exemple) et en médecine (médecine nucléaire et radiothérapie)

D’autres utilisations ont été imaginées, voire expérimentées, comme la production de chaleur pour alimenter un réseau de chauffage, le dessalement de l’eau de mer ou la production d’hydrogène.

Ces applications utilisent des réacteurs nucléaires (appelés aussi piles atomiques, lorsqu’il s’agit de faible puissance, d’usage expérimental et de production de radio-isotopes).

Les réactions de fission nucléaires y sont amorcées, modérées et contrôlées dans le cœur : assemblage de combustible et de barres de contrôle traversé par un fluide caloporteur qui en extrait la chaleur. Cette chaleur est ensuite convertie en énergie électrique (ou en énergie motrice en propulsion navale) par l’intermédiaire de turbines (vapo-alternateurs).

Centrales nucléaires

Icône de détail Article détaillé : Industrie nucléaire.

Le premier parc national de centrales nucléaires est celui des États-Unis (104 réacteurs nucléaires pour une puissance de 99 GW), puis de la France (59 réacteurs nucléaires pour une puissance de 63 GW). En proportion, la Lituanie est le second pays le plus dépendant de l’énergie nucléaire, avec 69,6 % de son électricité produite à partir du nucléaire selon l’AIEA, la France venant en première position avec 78 % de son électricité produite à partir du nucléaire[1]. La production d’énergie nucléaire en Chine est en progression rapide à partir du milieu des années 2000. En 2004, elle est de 50 TWh[2].

Les plus gros producteurs d’électricité nucléaireréf. à confirmer : [3]
Pays Production (TWh) Puissance installée (GW) Part de l'électricité nucléaire
dans la production d'électricité totale
France[4] 431 63 78 %
Belgique 45 6 56 %
Ukraine 83 13 48 %
Suède 70 9 47 %
Corée du Sud 139 17 45 %
Suisse 28 4 39 %
Allemagne 154 20 31 %
Japon 281 48 30 %
Royaume-Uni 75 12 20 %
États-Unis 780 99 19 %
Russie 137 22 16 %
Canada 87 13 15 %
Total 2626 370 17 %

Propulsion navale

Icône de détail Article détaillé : Propulsion navale.

Les bâtiments à propulsion nucléaire utilisent un ou plusieurs réacteurs nucléaires. La chaleur produite est transmise à un fluide caloporteur utilisé pour générer de la vapeur d’eau actionnant :

  • des turbines couplées aux hélices de propulsion (propulsion à vapeur);
  • des turbines couplées à des alternateurs alimentant en énergie électrique tout le bâtiment, et éventuellement des moteurs électriques de propulsion (propulsion électrique).

Environ 400 navires à propulsion nucléaire existent dans le monde, très majoritairement militaires, surtout des sous-marins, mais aussi des porte-avions et des croiseurs, et quelques navires civils (brise-glaces). Des cargos nucléaires ont également été expérimentés dans les années 1960 et 1970 (l’américain NS Savannah, l’allemand Otto Hahn et le japonais Mutsu), mais leur exploitation ne s’est pas avérée rentable et, ces expériences ont été abandonnées.

Les coûts d’investissement et d’exploitation de la propulsion nucléaire ne la rendent véritablement intéressante que pour un usage militaire et particulièrement pour les sous-marins. Cette énergie apporte :

  • Une très grande autonomie permettant d’éviter en opérations la contrainte du ravitaillement en combustible (retour à un port ou ravitaillement à la mer). Sur les porte-avions, l’espace libéré par l’absence de soute à combustible, permet de consacrer plus de volume au stockage du carburant et des munitions des aéronefs.
  • Une propulsion totalement indépendante de l’atmosphère.
    • Alors que les sous-marins classiques sont contraints de remonter en surface (ou à l’immersion périscopique en utilisant un schnorchel) pour alimenter les moteurs diesel en air (oxygène) et, ainsi recharger leurs batteries électriques, après quelques dizaines d’heures de plongée aux moteurs électriques (quelques jours pour ceux dotés de propulsion AIP), les rendant ainsi détectables et vulnérables, les sous-marins à propulsion nucléaire peuvent rester plusieurs mois en plongée, préservant ainsi leur discrétion.
    • Ils peuvent également soutenir dans la durée des vitesses importantes en plongée qu’un sous-marin classique ne pourrait maintenir plus de quelques dizaines de minutes sans entièrement décharger ses batteries.

La propulsion nucléaire apporte donc aux sous-marins un avantage déterminant, au point que l’on peut qualifier les sous-marins classiques de simples submersibles.

Propulsion spatiale

Certains engins spatiaux comme Voyager ont déjà emporté des générateurs nucléaires pour alimenter leur électronique. En revanche, la propulsion nucléaire, au cas où elle serait possible, n’est encore qu’envisagée. Elle aurait l’avantage de produire une poussée, certes faible, mais constante pendant tout le trajet, alors que les engins spatiaux actuels - sauf ceux utilisant l’énergie solaire - ne peuvent produire qu’une seule poussée initiale, ou quelques ajustements de trajectoire, à cause de la faible contenance de leurs réservoirs. C’est pourquoi on les nomme balistiques, et c’est aussi pour cela qu’il leur faut atteindre la vitesse de libération dès le départ. Sur de longs trajets, interplanétaires par exemple, cette accélération continue pourrait être globalement plus efficace que l’accélération initiale utilisée actuellement.

Sur le papier, avec une accélération constante de 1g sur la première moitié du trajet et une décélération de 1g sur la seconde, les étoiles les plus proches seraient à la portée d’un équipage en une dizaine d’années de voyage (temps propre du vaisseau), d’après la relativité restreinte. Toutefois, plusieurs siècles s’écouleraient à l’extérieur. Ceci poserait des problèmes de motivation politique pour une telle entreprise.

Mais en outre, à supposer que l’on trouve un procédé d’accélération approprié, il faut bien voir que la contraction du temps ainsi obtenue repose sur le fait que la vitesse moyenne du voyage est proche de celle de la lumière (contraction relativiste du temps). Si le rapport moyen entre temps propre du vaisseau et temps terrestre est de 100, (des années pour des siècles), ceci implique une dépense d’énergie telle que, même avec un rendement de 100 %, la masse du vaisseau spatial serait divisée par 1 450 pour l’accélération aller, et le même facteur pour la décélération aller, puis la même chose pour le retour. À son retour, la masse du vaisseau ne serait plus que 2,3×10–13 celle qu’il possédait à son départ. Et ce calcul est purement cinématique, et ne prend pas en compte les problèmes techniques inévitables.

Dans ces conditions, beaucoup de scientifiques veulent limiter les essais de propulsion nucléaire car ses avantages sont loin d’être évidents, tandis que si un accident survient, la pollution spatiale entraînée serait désastreuse.

Réactions nucléaires non contrôlées

Icône de détail Article détaillé : Arme nucléaire.

La puissance de l'énergie nucléaire est dans ce cas utilisée dans le cadre de bombes. Les puissances des bombes nucléaires vont du kilotonne à la mégatonne d’équivalent TNT. L’énergie d’une explosion nucléaire est répartie essentiellement dans l’effet de souffle (onde de choc), l’effet thermique,l’effet d’impulsion électromagnétique et les radiations.

Types d’armes

Icône de détail Article détaillé : Arme nucléaire.

Les armes nucléaires sont de deux types :

  • les armes à fission ou «bombes A» : elles utilisent une masse critique d’uranium enrichi ou de plutonium, réunie par l’implosion d’un explosif classique.
  • les armes à fusion ou bombes thermonucléaires ou «bombes H». Les conditions de température et de pression nécessaires à la réaction de fusion d’isotopes d’hydrogène (deutérium et tritium) est obtenue par l’explosion d’une «amorce» constituée par une bombe à fission au plutonium.

La bombe à neutrons est une variante de bombe thermonucléaire conçue pour maximiser la part de l’énergie émise sous forme de radiations; elle est supposée détruire les plus grandes formes de vie dans le voisinage de la cible, tout en provoquant un minimum de dégâts matériels.

Histoire

La première utilisation militaire d’une arme nucléaire ( «bombe A» ) a été en 1945, le largage de deux bombes sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki par l’armée américaine, afin de mettre un terme à la Seconde Guerre mondiale. Depuis, ce type d’armement n’a fait l’objet que d’essais expérimentaux (atmosphériques puis souterrains) puis de modélisations informatiques.

La bombe atomique a été à l’origine de la doctrine de dissuasion ou équilibre de la terreur qui a été développée durant la Guerre froide.

Doctrine d’emploi

Dans la doctrine d’emploi de la plupart des puissances nucléaires, on distingue :

  • l’arme nucléaire stratégique, instrument de la doctrine de dissuasion nucléaire ou de «non-emploi», destinée à prévenir un conflit,
  • de l’arme nucléaire tactique, ou de bataille, susceptible d’être employée sur des objectifs militaires au cours d’un conflit. La précision des vecteurs aidant, ce type d’arme a conduit à la miniaturisation et aux faibles puissances (mini-nuke dans le jargon journalistique américain).

La doctrine française n’a jamais considéré l’emploi d’armes nucléaires à des fins tactiques. Des armes de relative faible puissance (missiles Pluton puis Hadès, aujourd’hui retirés, missiles de croisière ASMP) sont définies comme pré-stratégiques ; dans cette conception, ces armes ne servent qu’accessoirement à un but militaire sur le terrain, leur principal effet étant celui d’un "ultime avertissement", de nature politique, pour prévenir les dirigeants ennemis que les intérêts vitaux de la France sont désormais en jeu, et que le prochain échelon des représailles sera thermo-nucléaire.

Emploi civil

Des utilisations civiles des armes nucléaires ont été envisagées (par exemple, creusement de cavités souterraines pour le stockage de gaz).

L’industrie du nucléaire

Icône de détail Article détaillé : Industrie nucléaire.

Le débat sur l’énergie nucléaire

Icône de détail Article détaillé : Débat sur l'énergie nucléaire.

Les applications civiles de l’énergie nucléaire sont controversées en raison :

  • des risques d’accident nucléaire grave sur un réacteur nucléaire ou au cours du cycle du combustible ;
  • de problèmes non résolus liés à la gestion à très long terme des déchets radioactifs , notamment en ce qui concerne le financement ;
  • du risque de prolifération nucléaire ;
  • du risque de terrorisme nucléaire par le détournement de matière radioactive pour l’utiliser comme toxique ou pour fabriquer une «bombe radiologique», ou par l’attaque directe d’un réacteur ;
  • du coût économique de la filière de production de l’électricité nucléaire, de l’extraction des minerais à la gestion des déchets.
  • de ressources en combustibles extrêmement limités (exception faite des surgénérateurs, de type Superphénix). Ces ressources sont disponibles dans des ordres de grandeurs comparables aux ressources pétrolières et gazières (soit environ 60 ans à consommation constante).

Cependant, les partisans de l'énergie nucléaire insistent sur le fait que:

  • les ressources potentielles (écorce terrestre, eau de mer) seraient plus élevées que les ressources existant pour les combustibles carbonés (charbon, gaz, pétrole), pour la filière de génération IV permettant la surgénération, ainsi que les filières utilisant le thorium, ou les centrales à fusion. Ces dernières, si elles étaient mises au point, pourraient alimenter la planète durant plusieurs milliers d'années.
  • les filières nucléaires produisent extrêmement peu de gaz à effet de dioxyde de carbone qui est un gaz à effet de serre, et sont incontournables dans l'optique d'une lutte contre le réchauffement climatique.

Les risques et les coûts ne sont pas évalués de la même façon par les pro- et les anti-nucléaires, qui se divisent aussi au sujet de l’utilité des applications nucléaires civiles et militaires, en particulier de la production d’électricité nucléaire et de l’opportunité d’une sortie du nucléaire civil.

La recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire

  • Les États-Unis, l’Union européenne, la Russie, le Japon, la Chine et la Corée du sud se sont réunis autour du projet ITER, programme d’étude à long terme de la fusion nucléaire contrôlée. C’est un projet de recherche qui a pour objectif la construction et l’exploitation expérimentale d’un tokamak de grandes dimensions. Le réacteur sera construit à Cadarache en France. Ce projet explore une des branches de la fusion, la Fusion par confinement magnétique
  • Dans le cadre du Forum international génération IV, des études sont menées sur le développement de nouvelles filières de réacteurs nucléaires à fission. Le planning de ce programme international prévoit la mise en service industriel de ces réacteurs à l’horizon 2030-2040.
  • L’étude du cycle du thorium est actuellement en cours et le thorium pourrait supplanter l’uranium actuellement utilisé, car les réserves en thorium sont plus importantes que celles d’uranium. Toutefois, le thorium naturel est composé à 100 % de l’isotope 232 qui n’est pas fissile mais fertile (comme l’uranium 238). Son utilisation est donc assujettie au développement de réacteurs surgénérateurs et des procédés chimiques de retraitement afférents.

Notes et références

Voir aussi

Articles connexes

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Bibliographie

  • Garcin Thierry, Le Nucléaire aujourd’hui. Paris : LGDJ, coll. « Axes », 1995.
  • Géopolitique n° 52 (numéro spécial) Le nucléaire : un atout maître, hiver 1995-1996.
  • Mary Byrd Davis. La France nucléaire : matière et sites (2002), 340 pages, format 21,9×15 cm. [1]
  • Annie Thébaud-Mony, L’Industrie nucléaire : sous-traitance et servitude, éd. EDK et Inserm