Centrale nucléaire

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Une centrale nucléaire est une centrale électrique, utilisant la fission nucléaire de matières fissiles pour produire de la chaleur dont une partie est transformée en électricité(environ 33%). C'est actuellement la principale mise en œuvre civile de l'énergie nucléaire.

Une centrale nucléaire est constituée d'un ou plusieurs réacteurs nucléaires (jusqu'à 8), dont la puissance électrique varie de 40 MW à plus de 1 450 MW. Selon les promoteurs du futur réacteur EPR, il devrait développer une puissance de 1 600 MW. En 2006, 442 réacteurs fonctionnent dans 31 pays différents dans le monde, soit un total de 370 GW produisant environ 17 % de l'électricité mondiale (voir la liste des réacteurs nucléaires). Le nombre de réacteurs construits tend à diminuer au profit d'un allongement de la durée de service des centrales (En 2006, la majorité des réacteurs avaient de 15 à 36 ans, sept ayant de 37 à 40 ans)[1].

Sommaire

[modifier] Histoire

Dès 1951, la première centrale nucléaire entre en service aux États-Unis[2]. Le 27 juin 1954, une centrale nucléaire civile est connectée au réseau électrique à Obninsk en Union soviétique, avec une puissance de production d'électricité de 5 Mégawatts. Les centrales nucléaires suivantes furent celles de Marcoule en Provence le 7 janvier 1956, de Sellafield au Royaume-Uni, connectée au réseau en 1956, et le réacteur nucléaire de Shippingport aux États-Unis, connecté en 1957. Cette même année, les travaux de construction du premier réacteur à usage civil en France (EDF1) démarrèrent à la centrale nucléaire de Chinon.

La puissance nucléaire mondiale a augmenté rapidement, s'élevant de plus de 1 gigawatt (GW) en 1960 jusqu'à 100 GW à la fin des années 1970, et 300 GW à la fin des années 1980. Depuis, la capacité mondiale a augmenté beaucoup plus lentement, atteignant 366 GW en 2005, en raison du programme nucléaire chinois. Entre 1970 et 1990 étaient construits plus de 5 GW par an (avec un pic de 33 GW en 1984). Plus des deux tiers des centrales nucléaires commandées après janvier 1970 ont été annulées.

Les coûts économiques croissants, dus aux durées de construction de plus en plus longues, et le faible coût des combustibles fossiles, ont rendu le nucléaire moins compétitif dans les années 1980 et 1990. Par ailleurs, dans certains pays, l'opinion publique, inquiète des risques d'accidents nucléaires et du problème des déchets radioactifs, a conduit à renoncer à l'énergie nucléaire.

[modifier] Description

Schéma de principe d'une centrale nucléaire

Une centrale nucléaire regroupe l'ensemble des installations permettant la production d'électricité sur un site donné. Elle comprend fréquemment plusieurs tranches, identiques ou non ; chaque tranche correspond à un groupe d'installations conçues pour fournir une puissance électrique donnée (par exemple 900 MWe, 1 300 MWe ou 1 450 MWe). En France, une tranche comprend généralement :

  • le bâtiment réacteur, enceinte étanche qui contient principalement le réacteur nucléaire, les générateurs de vapeur (trois ou quatre selon la génération), un pressuriseur, une partie du circuit d'eau secondaire et le circuit d'eau primaire, dont le rôle principal est d'assurer le transfert thermique entre le cœur du réacteur et les générateurs de vapeur ;
  • le bâtiment salle des machines, qui contient principalement :
  • des bâtiments annexes qui contiennent notamment des installation diverses de circuits auxiliaires nécessaires au fonctionnement du réacteur nucléaire et à la maintenance, les tableaux électriques alimentant tous les auxiliaires et générateurs diesel de secours ;
  • un aéroréfrigérant atmosphérique (la partie la plus visible d’une centrale nucléaire), ou simplement une station de pompage pour les tranches dont le refroidissement utilise l'eau de mer ou de rivière.

Les autres installations de la centrale électrique comprennent :

  • un ou plusieurs postes électriques permettant la connexion au réseau électrique par l'intermédiaire d'une ou plusieurs lignes à haute tension, ainsi qu'une interconnexion limitée entre tranches ;
  • un bâtiment administratif…

[modifier] Fonctionnement technique

Icône de détail Article détaillé : réacteur nucléaire.
Réacteur à eau bouillante : barre d'arrêt d'urgence  barre de contrôle assemblage combustible protection biologique sortie de vapeur entrée de l'eau protection thermique
Réacteur à eau bouillante :
  1. barre d'arrêt d'urgence
  2. barre de contrôle
  3. assemblage combustible
  4. protection biologique
  5. sortie de vapeur
  6. entrée de l'eau
  7. protection thermique

Dans une tranche nucléaire, le réacteur nucléaire est en amont d'une installation thermique qui produit de la vapeur transformée en énergie mécanique au moyen d'une turbine à vapeur ; l'alternateur utilise ensuite cette énergie mécanique pour produire de l'électricité.

La différence essentielle entre une centrale nucléaire et une centrale thermique classique est matérialisée par le remplacement d'un ensemble de chaudières consommant des combustibles fossiles par un réacteur nucléaire.

Pour récupérer de l'énergie mécanique à partir de chaleur, il est nécessaire de disposer d'une source chaude et d'une source froide.

  • pour un réacteur de type REP (Réacteur à Eau sous Pression), la source chaude est fournie par l'eau du circuit primaire, à la température moyenne de 306 °C (286 °C en entrée et 323 °C en sortie, température de sortie variant selon la puissance de la tranche) ;
  • la source froide est fournie par l'eau d'un fleuve ou de la mer, ou bien de l'air ambiant par évaporation dans des tours aéroréfrigérantes.

Ainsi, une tranche nucléaire de type REP comporte trois circuits d'eau importants indépendants :

Il est constitué, suivant le type de tranche, de 3 ou 4 générateurs de vapeur associés respectivement à une pompe (par GV), un pressuriseur assurant le maintien de la pression du circuit (155 bar) puis d'un réacteur intégrant des grappes de contrôle et le combustible. Il véhicule, en circuit fermé, de l'eau liquide qui extrait les calories du combustible pour les transporter aux générateurs de vapeur (rôle de caloporteur). L'eau du circuit primaire a aussi comme utilité la modération des neutrons (rôle de modérateur) issus de la fission nucléaire. La thermalisation des neutrons les ralentit pour interagir avec les atomes d'uranium 235 et déclencher la fission de leur noyau. Par ailleurs, l'eau procure un effet stabilisateur au réacteur: si la réaction s'emballait, la température du combustible et de l'eau augmenterait. Cela provoquerait d'une part, une absorption des neutrons par le combustible (effet combustible) et d'autre par une modération moindre de l'eau (effet modérateur). Le cumul de ces deux effets est dit "effet puissance" : l'augmentation de ce terme provoque l'étouffement de la réaction d'elle-même, c'est un effet auto-stabilisant.

  • le circuit d'eau secondaire est un circuit fermé, qui se décompose en deux parties :
    • entre le condenseur et les générateurs de vapeur, l'eau reste sous forme liquide : c'est l'alimentation des générateurs de vapeur ; des pompes permettent d'élever la pression de cette eau, et des échangeurs de chaleur en élèvent la température (60 bar et 220 °C).
    • cette eau se vaporise dans 3 ou 4 générateurs de vapeur (suivant le type de tranche ; 900 ou 1 300 / 1 450 MW) et les tuyauteries de vapeur alimentent successivement les étages de la turbine disposés sur une même ligne d'arbre. La vapeur acquiert une grande vitesse lors de sa détente permettant ainsi d'entraîner les roues à aubages de la turbine.

Celle-ci est composée de plusieurs étages séparés et comportant chacun de nombreuses roues de diamètre différent. D'abord, la vapeur subit une première détente dans un corps haute pression (HP ; de 55 à 11 bar) puis, elle est récupérée, séchée et surchauffée pour subir une seconde détente dans les corps basse pression, (BP ; de 11 à 0,05 bar). On utilise les corps BP dans le but d'augmenter le rendement du cycle thermo-hydraulique.
La sortie du dernier étage de la turbine donne directement sur le condenseur, un échangeur de chaleur dont la pression est maintenue aux environs de 50 mbar absolu (vide) par la température de l'eau du circuit de refroidissement (selon la courbe de saturation de l'eau). Des pompes à vide extraient les gaz incondensables en phase gaz du mélange ( principalement l'oxygène et l'azote). L'eau condensée dans cet appareil est réutilisée pour réalimenter des générateurs de vapeur.

  • Le circuit de refroidissement assure le refroidissement du condenseur. L'eau est refroidie par un courant d'air dans une tour aéroréfrigérante d'où une petite partie (1,5 %) de l'eau s'échappe en vapeur en forme de panache blanc. L'eau de refroidissement peut aussi être échangée directement avec un fleuve ou la mer.

L'énergie mécanique produite par la turbine sert à entraîner l'alternateur qui la convertit en énergie électrique, celle-ci étant évacuée par le réseau électrique.

Lorsque la tranche nucléaire débite de la puissance électrique sur le réseau, on dit qu'elle est "couplée" au réseau. La déconnexion intempestive de l'alternateur au réseau (ce qu'on appelle un "déclenchement"), nécessite une réduction immédiate de l'alimentation en vapeur de la turbine par des vannes de réglage disposées sur les tuyauteries de vapeur, faute de quoi, sa vitesse de rotation augmenterait jusqu'à sa destruction, en raison de la force centrifuge excessive s'exerçant alors sur les aubages. Néanmoins, dans ce cas-ci, la tranche reste en service à faible puissance: la turbine est en rotation et reste prête au recouplage immédiat sur le réseau (la tranche est alors "ilotée" : elle alimente elle-même ses auxiliaires).

[modifier] Les différents types de centrales

  • centrale à réacteur à eau bouillante, modéré au graphite de conception soviétique (RBMK)
  • centrale à réacteur à eau pressurisée de conception soviétique (WWER)
  • centrale à réacteur à uranium naturel, modéré par du graphite, refroidi par du dioxyde de carbone (filière uranium naturel graphite gaz) ; dont le premier réacteur à usage civil en France (EDF1). Cette filière fut abandonnée pour la filière REP pour des raisons économiques. Ces types de centrales sont actuellement tous à l'arrêt ;
  • centrale à réacteur utilisant de l'uranium naturel modéré par de l'eau lourde (filière canadienne CANDU) ;
  • centrale à réacteur à eau pressurisée (REP) (PWR en anglais) ; ce type de réacteur utilise de l'oxyde d'uranium enrichi comme combustible, et est modéré et refroidi par de l'eau ordinaire sous pression. Les REP constituent l'essentiel du parc actuel : 60 % dans le monde et 80 % en Europe. La France a opté pour ce type de réacteur, alors sous licence Westinghouse, en 1969 ;
  • centrale à réacteur à eau lourde pressurisée (PHWR)
  • centrale à réacteur avancé au gaz (AGR)
  • centrale à réacteur à eau bouillante (REB) (BWR en anglais) ; ce type de réacteur est assez semblable à un réacteur à eau pressurisée, à la différence importante que l'eau primaire se vaporise dans le cœur du réacteur, ceci en fonctionnement normal ;
  • centrale à Réacteur nucléaire à neutrons rapides et à caloporteur sodium, comme le Superphénix européen ou le BN-600 russe.

[modifier] Réacteurs nucléaires et centrales en projet

La répartition des centrales nucléaires dans le monde est très hétérogène : 90 % des centrales sont en Europe de l'Ouest, aux USA et au Japon
La répartition des centrales nucléaires dans le monde est très hétérogène : 90 % des centrales sont en Europe de l'Ouest, aux USA et au Japon

Tendances : Malgré la fin annoncée du pétrole bon marché, le nombre de réacteurs nucléaires et de centrales construits et en projet dans le monde est en forte diminution. Alors que pour la seule année 1970 la construction de 37 nouveaux réacteurs avait été entamée dans le monde (année-record), et que 6 étaient mis en service opérationnel, en 2005, seuls trois réacteurs neufs étaient en début de construction dans le monde, pendant que seuls quatre réacteurs achevés se connectaient au réseau. Ce déclin a commencé en 1986 (date de la catastrophe de Tchernobyl et s'est stabilisé vers 1994, date à partir de laquelle la construction a stagné à un taux de de 2 à 3 réacteurs en début de construction par an)[3].
Sauf au Japon où le surgénérateur Super Monju fonctionnait encore en 2006, stagnant à 246 MWe de production, la filière surgénération a été abandonnée (y compris pour le Superphénix français) en raison de ses risques et du manque de rentabilité (phénix fonctionnait toutefois encore en 2006 pour une puissance de 233 MWe (source AIEA, 2006). Malgré tout en 2006, mais surtout 2007, la demande repart poussée par les besoins énormes de la chine en énergie et la hausse généralisée des énergies fossiles.

  • L'industrie du nucléaire électrique française a par exemple conçu un réacteur de nouvelle génération : EDF doit, en France, implanter une centrale nucléaire de type EPR (European Pressurised water Reactor) sur le site de Flamanville, dans la Manche, d'une puissance prévue de 1 600 MW.
  • De son côté, l'entreprise russe Sevmash a annoncé avoir entamé le 14 juin 2006 la construction de la 1re Centrale Nucléaire Flottante au monde (PATES / ПАТЭС) en utilisant les technologies développées pour les sous-marins nucléaires militaires. Selon son fabriquant, ce réacteur flottant pourrait fournir de l'électricité à de grandes villes isolées du Grand Nord, à un coût moindre que par les énergies fossiles.

[modifier] Débat politique sur l'énergie nucléaire

Icône de détail Article détaillé : Débat sur l'énergie nucléaire.

L'énergie nucléaire est un sujet de débat politique. 17 % de l'électricité dans le monde est produite par la filière nucléaire, la proportion variant largement d'un pays à l'autre.

[modifier] Les déchets

Icône de détail Article détaillé : déchet radioactif.

Les déchets radioactifs proviennent de différentes étapes du cycle du combustible nucléaire. 10 % de ces déchets environ sont des éléments de forte activité radiologique ou de longue demi-vie [1] [2].

[modifier] Démantèlement

Icône de détail Article détaillé : Démantèlement nucléaire.

Après l'arrêt définitif de l'exploitation, une centrale nucléaire est entièrement démantelée, y compris les réacteurs nucléaires.

Les matériels et équipements des réacteurs nucléaires sont dimensionnés pour une certaine durée de vie. Alors que certains sont remplacés pendant les arrêts périodiques du réacteur (ex: générateur de vapeur), d'autres restent dans le réacteur. Lors du démantèlement, tous les équipements sont démontés et envoyés si nécessaire dans des centres de stockage de déchets radioactifs.

Le démantèlement d'un réacteur se fait en 3 étapes :

  • L'étape de mise à l'arrêt définitif (MAD) : déchargement du combustible du cœur du réacteur et son entreposage pendant 2 ans en piscine de "décroissance" du bâtiment combustible.
  • L'étape de démantèlement partiel : déconstruction de tous les bâtiments en dehors du bâtiment abritant le réacteur.
  • Le démantèlement total : démantèlement du bâtiment réacteur.

Actuellement, la durée du démantèlement d'une centrale nucléaire est estimée à 30 ans entre l'arrêt du réacteur et la remise du site à l'état initial.

[modifier] Notes et références

  1. Source[pdf] (AIEA) : Nuclear Power Reactors in the World] (AIEA? Avril 2006, Reference data, Serie N°2, 83 pages) Voir notamment les pages 79, 80 et 81 respectivement pour le nombre de construction, l'âge des réacteurs, les dates de construction et de mise en service
  2. Alain Binet, Le Second XXe siècle (1939-2000), Paris, Ellipses, 2003, p.208
  3. Vor page 81 du document AIEA 2006[pdf] (déjà cité)

[modifier] Voir aussi

[modifier] Principes

[modifier] Équipements

[modifier] Risques

[modifier] Débats

[modifier] Bibliographie

  • Science et vie hors série. Enquête, ce que va devenir le parc actuel. Dossier 2003-2100, le siècle du nucléaire. Décembre 2003.