Réacteur nucléaire

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Cœur du réacteur CROCUS à l'EPFL (Suisse)
Cœur du réacteur CROCUS à l'EPFL (Suisse)

Un réacteur nucléaire est un dispositif dans lequel une réaction en chaîne peut être initiée, modérée et contrôlée (par l'Homme ou par la nature, comme dans le cas d'un réacteur nucléaire naturel) (contrairement à une bombe atomique, pour laquelle la réaction en chaîne se produit en une fraction de seconde).

Les applications des réacteurs nucléaires comprennent essentiellement :

  • la production de chaleur, qui elle-même alimentera un autre usage (production de vapeur pour un travail mécanique ou la production d'électricité, production d'eau douce par dessalement (voir centrale nucléaire…)
  • la production de plutonium à usage civil (combustible MOX) ou militaire (bombe atomique). Selon les termes du Traité de non-prolifération, la production de plutonium militaire doit être réalisée dans des installations dédiées distinctes des installations civiles.
  • la production de neutrons libres ou d'isotopes radioactifs, utilisés pour la recherche et en médecine.

Les principales applications sont la production d'électricité et la propulsion de navires, militaires (sous-marins nucléaires, porte-avions…) ou civils (brise-glace notamment).

Depuis les années 1950, de nombreux réacteurs nucléaires fonctionnent dans le monde sur le principe de la fission nucléaire pour produire de l'électricité. Pendant ces 50 dernières années, différentes technologies et filières de réacteurs civils ont été développées.

Parallèlement, des recherches portent sur des réacteurs qui fonctionneraient sur le principe de la fusion nucléaire. Il existe dans le monde deux grands axes de recherche :

Sommaire

[modifier] Histoire

Réacteur nucléaire en Pologne
Réacteur nucléaire en Pologne

Le premier réacteur nucléaire est construit aux États-Unis en 1942, à l'Université de Chicago, par Enrico Fermi et Leó Szilárd. Il est constitué d’un empilement de 6 tonnes d’uranium métallique, 34 tonnes d’oxyde d’uranium et 400 tonnes de graphite, c'est pourquoi il porte le nom de pile atomique. Sa puissance n'est que de 0,5 watt, mais sa divergence permit de conforter la théorie sur les mécanismes de fission ; ce réacteur servit aussi d'installation pilote pour réaliser les réacteurs destinés à la production du plutonium nécessaire à la bombe atomique développée dans le cadre du projet Manhattan.

En France, le premier réacteur d’essai a été construit par Lew Kowarski et Frédéric Joliot-Curie au centre d’études de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Cette pile atomique, dénommée la Pile Zoé, lança son premier processus de réaction nucléaire en chaîne en 1948. Ce réacteur avait pour but de placer la France dans le peloton des puissances nucléaires en fabricant du plutonium pour la bombe atomique.

Côté russe, les premiers réacteurs RBMK ont été construits pour produire du plutonium militaire. La mise en service du réacteur d'Obninsk en 1954 fournit de l'électricité avec une puissance de 5 MW. Il peut être considéré comme le premier réacteur électronucléaire au monde, car il est le premier conçu dans une optique électrogène. Son exploitation durera 48 ans.

En 1956, le réacteur G1 est mis en marche au centre de recherche du CEA de Marcoule, il s'agit du premier réacteur français à produire non seulement du plutonium mais aussi de l'électricité. Il initiait alors la filière française Uranium naturel graphite gaz (UNGG), aujourd'hui remplacée par la technologie d'origine américaine à eau pressurisée (REP).

[modifier] Fonctionnement d’un réacteur

Réacteur de recherche PULSTAR de 1 MW en Caroline-du-Nord (USA)
Réacteur de recherche PULSTAR de 1 MW en Caroline-du-Nord (USA)
Salle de contrôle du réacteur PULSTAR
Salle de contrôle du réacteur PULSTAR

[modifier] Fission nucléaire

Icône de détail Article détaillé : Fission nucléaire.

Les neutrons et les protons du noyau d'un atome sont reliés par des forces très grandes, qui ne peuvent agir qu'à une distance limitée. Les noyaux atomiques très lourds tels que l'uranium ou le plutonium contiennent énormément de protons et doivent parfois attirer un neutron supplémentaire pour garantir la stabilité du noyau.

Si l'un de ces atomes très lourd (par exemple l'uranium-235 ou le plutonium-239) aspire un neutron, il récupère par la même occasion de l'énergie. Cette énergie le transforme dans un état très instable (U-236 ou Pu-240) puis il se divise très rapidement en libérant deux ou trois neutrons libres, qui sont disponibles pour d'autres fissions de noyau : c'est le principe de la réaction en chaîne.

[modifier] Énergie provenant de la fission

Les nouveaux noyaux issus de la division, appelés produits de fission, possèdent une énergie de liaison plus importante par nucléon que les anciens atomes lourds. La différence d'énergie de liaison est partiellement transformée en énergie cinétique des produits de fission. Ceux-ci donnent cette énergie sous forme de chaleur par des chocs sur le matériau environnant. Cette chaleur est évacuée à l'aide d'un réfrigérant et peut, par exemple, être utilisée pour le chauffage ou la production d'électricité.

[modifier] Neutrons thermiques et modérateur

Plus un neutron est lent, plus la probabilité qu'il soit capté par un atome U235-Kern est grande. C'est pourquoi l'on ralentit les neutrons rapides provenant de la réaction de fission par un modérateur. Un modérateur est un matériau qui contient de nombreux noyaux atomiques très légers, presque aussi léger qu'un neutron. Les neutrons sont alors ralentis par les chocs sur ces noyaux atomiques légers jusqu'à la vitesse de ces noyaux du modérateur. Selon la théorie du Mouvement brownien, la vitesse des noyaux du modérateur est définie par sa température. On parle donc de thermalisation des neutrons plutôt que de ralentissement des neutrons.

Un réacteur qui utilise des neutrons thermiques pour réaliser la fission nucléaire est dénommé réacteur thermique. Au contraire, un réacteur rapide utilise pour la fission des neutrons qui n'ont pas été ralentis (d'où la dénomination réacteur à neutrons rapides).

[modifier] Pilotage de la réaction en chaîne

réacteur à eau bouillante: barre d'arrêt d'urgence  barre de contrôle assemblage combustible protection biologique sortie de vapeur entrée de l'eau protection thermique
réacteur à eau bouillante:
  1. barre d'arrêt d'urgence
  2. barre de contrôle
  3. assemblage combustible
  4. protection biologique
  5. sortie de vapeur
  6. entrée de l'eau
  7. protection thermique

Le pilotage d'un réacteur nucléaire repose sur le maintien d'une masse critique de combustible nucléaire au cœur du réacteur. Pour permettre un meilleur rendement du réacteur, on effectue une thermalisation des neutrons à l'aide d'un modérateur. Et pour évacuer l'énergie thermique produite par la réaction en chaine, on utilise un caloporteur. Dans le cas d'un réacteur REP, l'eau sert à la fois de caloporteur et de modérateur.

Pour que la réaction en chaîne ne s'amplifie pas indéfiniment, elle doit être pilotée. Pour cela, on utilise un matériau absorbant les neutrons. Par exemple, le cadmium, gadolinium et le bore. À partir de compositions chimiques de ces éléments, on fabrique, par exemple, les barres de contrôle du réacteur nucléaire. Le réacteur peut être contrôlé par l'introduction ou le retrait de ces barres dans le cœur. La réaction en chaîne est entretenue selon le principe suivant : en entourant le matériau fissile d'un réflecteur de neutrons, on favorise la fission, ce qui diminue la quantité nécessaire au déclenchement de la réaction; en revanche, la présence d'un absorbeur de neutrons a l'effet contraire.

La description du comportement du cœur s'appuie sur la neutronique. Le paramètre le plus important d'un réacteur est sa réactivité, elle s'exprime en pcm et permet de contrôler qu'un réacteur ne réalise pas d'empoisonnement au xénon.

Le xénon et le samarium sont les deux principaux produits de fission émis par la désintégration des noyaux fissiles. Ils sont présents à partir du moment où il y a une réaction nucléaire. On dit qu'ils empoisonnent le cœur car leur présence tend à étouffer la réaction en chaîne.

Pour les personnes chargées de piloter le réacteur, le principal souci est de contrôler les effets de ces poisons, notamment lors des variations de puissance. Les variations de l'anti-réactivité apportée par le xénon et de samarium sont alors suivies avec intérêt car elles provoquent un déséquilibre axial et parfois, on peut observer un déséquilibre azimutal du flux nucléaire.


En considérant que la charge de combustible est cylindrique, que les grappes de contrôle manœuvrent verticalement du haut vers le bas et que le caloporteur s'échauffe en remontant les crayons combustibles on peut « imager » ces déséquilibres :

  1. Le déséquilibre axial du flux (Dpax ou axial offset) est la différence de flux constatée entre le bas et le haut du réacteur. Les grappes s'insérant par le haut du réacteur, le flux à donc toujours tendance à être plus important en bas du cœur. L'usure du combustible s'exerce donc graduellement de bas en haut du cœur. Si le flux devenait plus important en haut qu'en bas du cœur, il y aurait d'une part une usure du cœur irrégulière du combustible et d'autre part un risque d'ébullition en partie haute du cœur. En effet, l'eau étant plus chaude en haut du cœur, il est probable d'atteindre les conditions de saturation de l'eau.
  2. Le déséquilibre azimutal (DPAzn) représente l'image du flux « vue du dessus » du cœur. Le flux observé doit être circulaire (donc régulier) puisque le réacteur est cylindrique. Si le flux n'est pas circulaire alors cela signifie que la puissance nucléaire n'est pas uniforme sur une unité de section du cœur. Celà est donc synonyme de points chauds (ou de surpuissance localisée) qui peut provoquer une ébullition localisée conduisant à la surchauffe (par l'effet de caléfaction) et mener à la fusion du combustible.


Dans tous les cas, les spécifications techniques d'exploitation interdisent ces fonctionnements et prescrivent ainsi une conduite à tenir comme la baisse de la puissance, par exemple ou l'arrêt. Si la dynamique du phénomène est importante, des protections initient l'arrêt automatique du réacteur.

Pour corriger le déséquilibre axial, les opérateurs agissent sur trois paramètres :

  • la concentration en bore du circuit primaire (dilution / borication) pour compenser les variations des poisons et ainsi maintenir la quantité d'antiréactif nécessaire au maintien de la criticité.
  • l'effet température (marge d'environ +/- 0,8°C) pour jouer sur la favorisation ou non de la réaction en chaine (dilatation du modérateur).
  • la position des grappes de contrôle de la puissance pour ajuster la puissance nucléaire du réacteur à celle du groupe turbo-alternateur.

[modifier] Chaleur résiduelle

Même si le réacteur est mis à l'arrêt, l'activité des produits de fission continue de produire de la chaleur. La puissance de cette chaleur résiduelle correspond environ à 6% de la puissance thermique nominale à l' instant de l' arrêt de la réaction nucléaire en chaîne, elle diminue ensuite et disparait en l'espace de quelques jours.

Pour pouvoir évacuer la chaleur résiduelle en cas d'urgence, les centrales nucléaires conservent en permanence un système de refroidissement. Si un tel système ne fonctionnait pas, l'augmentation de la température pourrait conduire à une fusion du cœur du réacteur nucléaire. Néanmoins, des procédures de conduite particulières permettent d'éviter ce risque.

Les accidents nucléaires les plus couramment travaillés sur simulateur, par les conducteurs de tranche, sont l'accident de criticité et la fusion du cœur ainsi que la perte totale du refroidissement.

[modifier] Classification des réacteurs nucléaires - Notion de filière de réacteurs nucléaires (Types de réacteurs nucléaires)

[modifier] Filière de réacteurs nucléaires

Icône de détail Article détaillé : Filière nucléaire.

On regroupe sous le label "filière de réacteurs (nucléaires)" l'ensemble des conditions techniques qui permettent d'obtenir la réaction nucléaire de fission en chaine et la contrôler

Les différents types de réacteurs existants dans le monde suivant les différentes applications (le type de réacteur est attaché à un constructeur donné) sont ainsi regroupés par "filière de réacteurs"; filières nucléaires)

Une filière de réacteur est ainsi caractérisée par:

  • la nature du combustible :
    • oxyde d'uranium naturel, plus ou moins enrichi,
    • mélange d'oxydes uranium-plutonium,
    • thorium, etc.
  • la nature du fluide caloporteur :
    • eau pressurisée,
    • eau bouillante,
    • gaz,
    • métal liquide (sodium)
    • ou sels fondus.

Une filière de réacteurs représente un ensemble de choix technologiques qui sont très lourds de conséquences et très engageants sur la longue période, par exemple :

  • d'un point de vue technique, il existe beaucoup plus de points communs entre deux réacteurs de la même filière construits par deux constructeurs différents dans des pays différents et donc autorisés d'exploiter par des autorités de sûreté différentes qu'entre deux réacteurs de filières différentes construits par le même constructeur dans le même pays (par exemple, les réacteurs russes VVER sont beaucoup plus proches des PWR tels que développés en France que des réacteurs graphite-gaz)
  • d'une point de vue stratégique social ou économique, si un constructeur ou un pays a fait le choix d'une filière de réacteurs, il lui sera très difficile d'en changer ultérieurement.


Le cycle du combustible nucléaire est défini par les trois paramètres liés à la filière de réacteurs (combustible nucléaire, modérateur, caloporteur).

Par abus de langage, on emploie l'expression filière des réacteurs à eau pressurisée (au sujet des réacteurs), en incluant implicitement les phases amont et aval du cycle. L'expression cycle du combustible nucléaire évoque explicitement toutes les phases.

[modifier] Filières «thermiques» et filières «rapides»

On regroupe généralement les filières de réacteurs en deux groupes principaux qui se distinguent principalement par la voie choisie pour obtenir les conditions de criticité dans le cœur du réacteur, il y a donc ainsi

  • les filières dites «thermiques» (on dit aussi modérées) qui mettent en œuvre la grande capacité des neutrons de faible énergie (neutrons à l'énergie thermique à l' équilibre avec le milieu = 0,45 keV) à donner la fission de l' uranium 235 et du plutonium 239; ces filières comportent toutes pour la raison ci-avant un modérateur destiné à ralentir par chocs successifs les neutrons issus des fissions (émis avec une énergie de l' ordre de 2 MeV) au niveau thermique sans les absorber
  • les filières dites «rapides» qui ne mettent pas en œuvre de modérateur en tant que tel mais visent à concentrer davantage la matière fissile de façon à obtenir les conditions de criticité en neutrons « rapides » issus des fissions sans ralentissement (ou alors très faible). L'intérêt principal des filières et réacteurs rapides provient de ce que :

-le flux de neutrons rapides nécessaire pour réaliser la criticité est alors beaucoup plus élevé que le flux thermique équivalent d'un réacteur thermique

-ce surcroît de flux rapide peut donc être mis à profit pour augmenter le nombre de capture non génératrices de fissions crées dans des atomes lourds fertiles disposés en périphérie du cœur proprement dit

Ces dispositions permettent ainsi de convertir les atomes lourds non fissiles (uranium 238 principalement et aussi thorium 232) en atomes fissiles plutonium 239 et uranium 233. Réalisant ainsi un réacteur dit "surgénérateur" dans lequel en fin de vie du cœur la quantité d'atomes fissiles présente est supérieure à celle initialement installée dans le cœur du réacteur (avec la remarque complémentaire que dans le cas du thorium l’obtention de la surgénération est quasiment faisable en neutrons thermiques ou à tout le moins fortement ralentis).

[modifier] Générations de réacteurs nucléaires

Icône de détail Article détaillé : Génération de réacteur nucléaire.

Outre le regroupement technique et technologique évoqué ci-dessus une autre classification est apparue assez récemment voulant classer les réacteurs nucléaires par générations, correspondant chacune à des évolutions technologiques.

On distingue de cette façon quatre générations de réacteurs.

  • La première regroupe les réacteurs construits avant 1970 (en France filière UNGG).
  • La deuxième désigne les réacteurs construits entre 1970 et 1998 et actuellement en service, essentiellement de la filière REP (PWR).
  • La troisième est celle des réacteurs dérivés des précédents, conçus pour les remplacer à partir de 2010 : EPR européen, ESBWR américain, ATMEA 1 européano-japonais et l'AP1000 de Westinghouse.
  • La quatrième désigne les réacteurs qui pourraient entrer en service à l'horizon 2030.
  • Il existe une catégorie spéciale de réacteurs nucléaires de quatrième génération, simplifiés par rapport à ceux décrits dans le traité GIF, susceptibles de transmuter les déchets d'usines électro-nucléaires (réacteurs TDN, étudiés en Suisse en mai 2007). En accélérant d'importance les travaux de développements de cette catégorie spéciale, l'industrie devrait être capable de les mettre au point pour 2020 au plus tard.

[modifier] Réacteurs nucléaires en France

En France, plusieurs filières de réacteurs ont été successivement développées :

Le réacteur à fission nucléaire actuellement en projet en France est le :

  • réacteur pressurisé européen (EPR), ou European Pressurised water Reactor (EPR). EDF souhaite implanter ce réacteur de 1600 MW sur le site de Flamanville (Manche) en complément des deux premières unités de 1300 MW qui s’y trouvent déjà.

[modifier] Réacteurs nucléaires aux États-Unis

Les États-Unis disposent d'un parc électronucléaire d'une centaine de réacteurs. Par rapport au parc électronucléaire français, les caractéristiques sont assez différentes :

  • La puissance moyenne est inférieure à celle du parc électronucléaire français,
  • Le parc est plus hétérogène,
  • Le parc est plus ancien,
  • Il ne concourt qu'à environ 20 % des besoins en électricité des États-Unis, contre 80 % en France (et des pourcentages souvent plus élevés dans l'Union européenne).

Les États-Unis ont un besoin plus urgent de remplacement de leur parc, en termes de délais, mais moindre en termes de proportion de fourniture d'électricité.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Lien externe