Victor Cousin

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Victor Cousin.Portrait par François-Séraphin Delpech(v. 1820).
Victor Cousin.
Portrait par François-Séraphin Delpech
(v. 1820).

Victor Cousin est un philosophe et homme politique français, né à Paris le 28 novembre 1792 et mort à Cannes (Alpes-Maritimes), le 14 janvier 1867.

Philosophe spiritualiste, chef de l'école éclectique, il édita les œuvres de Descartes, traduisit Platon et Proclos, écrivit une Histoire de la philosophie au XVIIIe siècle (1829), Du Vrai, du Beau et du Bien (1853), et plusieurs monographies sur les femmes célèbres du XVIIe siècle.

Sommaire

[modifier] Biographie

Fils d'un joaillier au Marché-Neuf, il naquit à Paris, dans le Faubourg Saint-Antoine. À l'âge de dix ans il fut envoyé au lycée Charlemagne, où il fit de brillantes études jusqu’à l’âge de dix-huit ans. La formation classique reçue au lycée lui donna un goût vif pour la littérature. Déjà, il était réputé parmi ses camarades pour sa connaissance du grec. Il obtint le prix d'honneur au Concours général de 1810, ce qui lui permit d'être exempté du service militaire et admis de droit à l'École normale supérieure. Il se lia avec Guizot et Villemain.

Pierre Laromiguière était alors chargé du cours de philosophie. Dans la deuxième préface aux Fragments philosophiques, où il expose avec franchise les diverses influences philosophiques qui ont marqué sa vie, Cousin parle avec émotion de la reconnaissance qu’il éprouvait en se souvenant de ce jour où il avait entendu Laromiguière pour la première fois. Il prétend que ce jour avait décidé de sa vie entière, car Laromiguière enseignait la philosophie de Locke et de Condillac, en la modifiant intelligemment sur certains points, avec une clarté et une grâce qui, au moins en apparence, faisaient disparaître les difficultés, et avec un charme et une bonhomie spirituelle qui pénétraient et soumettaient.

Cousin, après avoir refusé le poste d'auditeur au Conseil d'État que lui offrait le comte de Montalivet, voulut lui aussi enseigner la philosophie : il fut nommé professeur au lycée Napoléon et obtint rapidement un poste de maître de conférences à l’École normale supérieure.

La deuxième grande influence philosophique dans sa vie fut l'enseignement de Pierre-Paul Royer-Collard. Cet enseignant, dit-il, par la sévérité de sa logique, la gravité et le poids de chacun de ses mots, l’avait peu à peu détourné, mais non sans résistance, des sentiers battus de Condillac, pour le mener dans la voie qui devait devenir si facile, mais qui était alors pénible à suivre et peu fréquentée, celle de la philosophie du bon sens du philosophe écossais Thomas Reid. Cousin fut nommé suppléant de Royer-Collard dans la chaire d’histoire de la philosophie moderne de la Sorbonne (1815-1821).

Victor Cousin fit un premier voyage en Allemagne, où il se lia avec Hegel et d'autres philosophes contemporains. À son retour, il se détourna de la philosophie écossaise pour se tourner vers la métaphysique de Kant, Fichte, Schelling et Hegel et, considérant qu'aucun système philosophique n'était parfait, il inventa l'éclectisme, système médiateur empruntant quelque chose à tous les autres et les accueillant tous pour tous les concilier, particulièrement l'idéalisme, le matérialisme, le scepticisme et le mysticisme. Un autre penseur qui l'influença dans cette première période fut Maine de Biran, dont Cousin considérait qu’il était de son temps en France un observateur psychologique hors pair.

Victor Cousinphotographié par Nadar.
Victor Cousin
photographié par Nadar.

Son éloquence excitait un vif enthousiasme parmi la jeunesse. Son cours fut suspendu à cause de ses idées libérales en 1821. Victor Cousin, privé de tout emploi public par suite du licenciement de l'École normale supérieure, dut devenir précepteur d'un des fils du maréchal Lannes, et s'occupa alors à des éditions des œuvres inédites de Proclos (texte grec avec commentaire latin, 1820-1827, 6 vol. in-8 ; 2e édit., 1865, 1 vol. in-4) et des œuvres complètes de Descartes (1826, 11 vol. in-8) ainsi qu'à une traduction des œuvres complètes de Platon (1825-1840, 13 vol. in-8).

Il fit un second voyage en Allemagne où, accusé de carbonarisme, il fut arrêté à Dresde (1824) et incarcéré pendant six mois à Berlin avant d'être rendu à la liberté sur les instances du représentant diplomatique de la France. Il revint en France assez découragé[1]. Le ministère libéral dirigé par Martignac lui permit de retrouver sa chaire d'Histoire de la philosophie moderne en Sorbonne (5 mars 1828) aux côtés de Villemain et de Guizot.

C'est à cette période que se rapporte ce témoignage de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire[2] :

« La personne de l'orateur devait contribuer à la magie qu'il exerçait. M. Cousin avait alors trente-six ans. Il était dans toute sa virilité. Sa taille était assez élevée, et il était très bien fait ; ses yeux lançaient à tout moment des éclairs ; les traits de la figure étaient réguliers, et d'une beauté sculpturale ; la physionomie très expressive et mobile, attestait l'habitude de la pensée et du travail ; quelques rides sur le front et des joues amaigries étaient loin de déparer l'ensemble. La voix était sonore, d'un timbre qui n'était, ni trop grave, ni trop aigu ; elle n'avait rien de précipité, et elle n'était pas lente. Elle se faisait entendre dans toutes les parties de la salle ; pas un mot n'était perdu. Une chevelure très brune et très abondante surmontait le visage, qu'encadrait un collier de barbe allant sous le menton. Le costume était l'habit et le pantalon noirs. Le geste était sobre ; et comme il n'était pas fréquent, il ne pouvait pas détourner l'attention des auditeurs.[3]  »

Après la Révolution de 1830, Victor Cousin fut nommé professeur titulaire à la Sorbonne, membre du Conseil royal de l'Instruction publique, commandeur de la Légion d'honneur, directeur de l'École normale supérieure, conseiller d'État et pair de France (11 octobre 1832). Il fut élu à l'Académie française en remplacement du baron Joseph Fourier le 18 novembre 1830, après avoir battu Benjamin Constant ; il fut reçu par l'abbé de Féletz le 5 mai 1831. Académicien, il soutint les candidatures de Victor Hugo, de Falloux et Lacordaire et fit partie de la Commission du Dictionnaire. Il fut également nommé à l'Académie des sciences morales et politiques en 1832 lors de sa réorganisation.

Après avoir rempli des missions scientifiques en Prusse et en Hollande, il devint ministre de l'Instruction publique dans le second ministère Thiers du 1er mars au 28 octobre 1840. Il attacha son nom au nouveau programme de philosophie et prit quelquefois la parole à la Chambre des pairs sur des questions d'éducation.

Sous le Second Empire, il se consacra exclusivement aux lettres et fut nommé professeur honoraire à la Sorbonne en novembre 1855 et se retira à Cannes. Il se plongea dans l'étude de l'histoire des femmes célèbres du XVIIe siècle.

[modifier] Œuvre

[modifier] Jugements

« Son infatigable activité d'esprit ne se confinait pas à une sphère ; il entrait dans toutes : histoire, critique, érudition politique, et la philosophie enfin, qui fut longtemps sa place forte et son quartier général avec drapeau. » (Sainte-Beuve)
« Le style de M. Cousin a de la grandeur, il a la ligne ouverte et le dessin large. On dirait, vraiment, que c'est un personnage du XVIIe siècle qui écrit ; il a l'élévation de ton aisée, naturelle, l'ampleur du tour, la propriété lumineuse et simple de l'expression. » (Sainte-Beuve)

[modifier] Liste chronologique

s:Accueil

Voir sur Wikisource : Victor Cousin.

  • 1820 - 1827 : Procli philosophi Platonici opera, 6 vol.
  • 1826 : Fragments philosophiques
  • 1827 : Eunape, pour servir à l'histoire de la philosophie d'Alexandrie
  • 1828 : Nouveaux fragments philosophiques. Cours de l'histoire de la philosophie
  • 1829 : Histoire de la philosophie au XVIIIe siècle, 2 vol.
  • 1833 : De l'instruction publique en Allemagne, et notamment en Prusse, 2 vol.
  • 1835 : De la métaphysique d'Aristote
  • 1837 : De l'instruction publique en Hollande
  • 1840 : Cours de philosophie morale. Philosophie scolastique
  • 1841 : Cours d'histoire de la philosophie moderne. Recueil des actes du ministère de l'Instruction publique du 1er mars au 28 octobre 1840. Cours d'histoire de la philosophie morale au XVIIIe siècle, 5 vol.
  • 1842 : Leçons sur la philosophie de Kant. Des pensées de Pascal
  • 1843 : Introduction aux œuvres du père André. Fragments littéraires
  • 1844 : Du scepticisme de Pascal. Défense de l'université et de la philosophie
  • 1845 : Jacqueline Pascal
  • 1846 : Fragments de philosophie cartésienne
  • 1846 : Philosophie populaire
  • 1848 : Justice et charité
  • 1850 : De l'enseignement et de l'exercice de la médecine et de la pharmacie
  • 1852 : La jeunesse de Mme de Longueville
  • 1853 : Mme de Longueville pendant la Fronde
  • 1854 : Mme de Sablé
  • 1855 : Premiers essais de philosophie
  • 1856 : Mme de Chevreuse. Mme de Hautefort
  • 1857 : Fragments et souvenirs littéraires
  • 1858 : Du vrai, du beau et du bien (Cours de philosophie professé à la Faculté des Lettres pendant l'année 1818 par Victor Cousin sur le fondement des idées absolues du vrai, du beau et du bien, publ. ... par Adolphe Garnier, original: Du vrai, du beau et du bien, Paris 1836)
  • 1859 : De la société française au XVIIIe siècle, d'après le grand Cyrus, 2 vol
  • 1861 : Philosophie de Locke
  • 1862 : Philosophie écossaise
  • 1863 : Philosophie sensualiste au XVIIIe siècle
  • 1865 : La jeunesse de Mazarin

[modifier] Citations

  • « Dieu a fait la raison pour apercevoir la vérité comme il a fait l'œil pour voir et l'oreille pour entendre. » (Du vrai, du beau et du bien)
  • « Un Dieu qui nous est absolument incompréhensible est un Dieu qui n'existe pas pour nous. » (Introduction à l'histoire de la philosophie)
  • « Nous partons de l'homme pour arriver à tout, même à Dieu. » (Discours politique).
  • « La vraie liberté n'est pas de faire ce qu'on veut, mais ce qu'on a le droit de faire », extrait de « Du vrai, du beau et du bien ».

[modifier] Divers

[modifier] Sources

[modifier] Notes

  1. « Je trouve les affaires publiques si déplorablement conduites que je ne veux pas m'en occuper. Pythagore m'occupe plus que M. de Villèle, et j'en suis à ne pas comprendre M. Royer-Collard, mon meilleur ami politique, qui essaye de se placer entre deux partis aveugles qui ne le comprennent pas. » (Victor Cousin à Félicité de Lamennais, 11 février 1826, cité par le Dictionnaire des parlementaires français)
  2. Jules Barthélemy-Saint-Hilaire (1805-1895) sera l'exécuteur testamentaire de Victor Cousin.
  3. in : M. Cousin, sa vie, sa correspondance, Paris, Hachette, 3 vol. in-8, p. 240. Le témoignage de Paul-François Dubois (1793-1874) va dans le même sens : « M. Cousin, debout dans sa chaire, dominant tout l'auditoire, paraissait tirer des profondeurs de la méditation ses pensées, trahies seulement par le feu de son regard noir et flamboyant, montant pour ainsi dire tout armées, ou se dégageant dans le trajet, pour tomber comme des perles dans l'écrin d'une phrase accomplie. »

[modifier] Liens internes

Précédé par Victor Cousin Suivi par
Abel-François Villemain
Ministre français de l'Instruction publique
1840
Abel-François Villemain


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Fauteuil 5 de l’Académie française
1830-1867
Suivi par
Jules Favre