Benjamin Constant

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Benjamin Constant
Portrait de Benjamin Constant (1767-1830)
Naissance 25 octobre 1767, Lausanne
Décès 8 décembre 1830, Paris
Activité romancier, essayiste
Nationalité française, suisse
Mouvement libéral philosophique
Œuvres principales Adolphe, Le Cahier rouge, De l'esprit de conquête et de l'usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne, De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes
Éditeurs Treuttel et Würtz

Benjamin Constant de Rebecque, né à Lausanne le 25 octobre 1767, décédé à Paris le 8 décembre 1830, inhumé au cimetière du Père-Lachaise (division 29), est un homme politique et écrivain franco-suisse.

Sommaire

[modifier] Biographie

Benjamin Constant naît à Lausanne, fils de Louis-Arnold-Juste Constant de Rebecque (colonel dans un régiment suisse au service de la Hollande) et d’Henriette-Pauline de Chandieu (morte en couches le 10 novembre), dans une famille descendant de réfugiés huguenots. Suivant son père constamment en voyage, il achèvera ses études à l'Université de Nuremberg en Bavière (1782), puis en Écosse à l'Université d'Édimbourg (1783). Il passe la plus grande partie de sa vie en France, en Suisse et en Grande Bretagne.

Il entretient de 1794 à 1810 une liaison fameuse avec Germaine de Staël, et la richesse de leurs échanges intellectuels en fait l'un des couples les plus en vue de leur époque. Il est très actif dans la vie publique durant la deuxième moitié de la Révolution française puis sous la Restauration française.


[modifier] Vie politique

Quittant la Suisse, Benjamin Constant arrive à Paris avec Mme de Staël le 25 mai 1795 et fait ses débuts politiques. Il publie les « Lettres à un député de la Convention » dans les Nouvelles politiques, nationales et étrangères de Suard (24-26 juin 1795). Le 15 octobre 1795, le Comité de salut public exilant Mme de Staël, il la suit dans son retour en Suisse.

Mi-avril 1796, il publie sa première brochure politique importante : De la force du gouvernement actuel et de la nécessité de s’y rallier. Fin mai-début juin 1797, il publie Des effets de la Terreur à la suite de la seconde édition de De la force du gouvernement actuel et de la nécessité de s’y rallier.

Le 9 novembre 1799, au soir du 18 brumaire, qui porte au pouvoir Bonaparte, il s’installe à Paris avec Mme de Staël. Le 24 décembre, il est nommé membre du Tribunat, où avec d'autres libéraux, il s'oppose à la monarchisation du régime. Le 5 janvier 1800, il prononce au Tribunat son premier discours, qui le fait apparaître comme le leader de l'opposition libérale, dans lequel il dénonce « le régime de servitude et de silence » qui se prépare. L'été 1801 voit son départ pour la Suisse, et, le 17 janvier 1802 il est éliminé du Tribunat.

Néanmoins, lors des Cent-Jours, il se rallie à Napoléon (14 avril 1815), qui le nomme au Conseil d'État (20 avril 1815), et est chargé de rédiger l’Acte additionnel (24 avril 1815). Il formule sa théorie du régime parlementaire dans Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs (29 mai 1815).

Après la seconde abdication de Napoléon, il se réfugie à Bruxelles (1er novembre 1815), puis en Angleterre (27 janvier 1816), bien que sa condamnation à l'exil, prononcée le 19 juillet 1815, ait été révoquée par le Roi le 24 juillet suivant.

Benjamin Constant reprend la route de Paris le 27 septembre 1816, suite à la dissolution de la Chambre, le 10. Il échoue aux élections d'octobre 1818. Toutefois, le 25 mars 1819, il est élu député de la Sarthe et, en mars 1824, de Paris. Puis, en novembre 1827, il est réélu à la fois dans la circonscription de la Seine et dans celle du Bas-Rhin (Strasbourg) ; il choisit la seconde.

Chef de file de l'opposition libérale de gauche (connue sous le nom des « Indépendants »), il est l'un des orateurs les plus éloquents de la Chambre des députés. En juin 1830 il est réélu à Strasbourg. Le 27 août 1830, après l'abdication de Charles X, le 2 août, il est nommé président d’une section au Conseil d’État. Le 19 novembre, il prononce son dernier discours à la Chambre. Malade, il décède le 8 décembre. Des funérailles nationales lui sont organisées le 12 décembre 1830.

[modifier] L'affaire Wilfrid Regnault

En 1817, il prend fait et cause pour Wilfrid Regnault. Celui-ci, accusé d'avoir assassiné une veuve à Amfreville, un village de Normandie, est condamné à mort le 29 août 1817 par la Cour d'assises de l'Eure. Ce jacobin normand avait vécu à Paris et était soupçonné d'avoir participé aux massacres sous la Révolution.

Benjamin Constant, estimant que le fait que Wilfrid Regnault soit républicain a contribué grandement à sa condamnation, mène sa propre enquête, confronte les témoignages, fait dresser un plan du village d'Amfreville, répertorie les incohérences et les contradictions des témoignages et lance une campagne de presse en faveur de Regnault, analysant toutes les incohérences de l'accusation une à une, avec autant de précision, de verve et de rigueur que Voltaire dans l'affaire Calas.

Il obtient, à la suite de la publication de deux Lettres à Odilon Barrot, avocat de Wilfrid Regnault, et de la campagne de presse qui suit, la commutation de la peine en 20 ans d'emprisonnement (au grand dam des ultras) à défaut de la reconnaissance de son innocence.

À travers cette affaire particulière, c'est le droit, pour chaque personne, de combattre une décision judiciaire inique que défendait Constant. Dans un article paru dans la Minerve en mars 1818, il explique : « Encore un mot sur le procès de Wilfrid-Regnault », il écrit : « C'est aujourd'hui plus que jamais que les formes doivent être respectées [...], que tout Français a le droit de s'enquérir si on les observe, si toutes les vraisemblances ont été pesées, tous les moyens de défense appréciés à leur juste valeur. » Il ajoutait : « mille motifs se réunissent pour entraîner les hommes, sans qu'ils s'en doutent, hors de la ligne, devenue étroite et glissante, de la scrupuleuse équité »[1].

[modifier] Ses idées

Auteur libéral, c'est de l'Angleterre plus que de la Rome antique qu'il tire son modèle pratique de la liberté dans de vastes sociétés commerçantes. Il établit en effet une distinction entre la « liberté des Anciens » et celle des « Modernes ». Il définit la première comme une liberté républicaine participative conférant à chaque citoyen le pouvoir d'influer directement sur la politique à travers des débats et des votes à l'assemblée publique. Le pendant de ce pouvoir politique est « l'asservissement de l'existence individuelle au corps collectif », la liberté individuelle étant totalement soumise aux décisions du corps politique. Pour assurer la participation à la vie politique, la citoyenneté est un lourd fardeau et une obligation morale nécessitant un investissement considérable en temps et en énergie. En général ceci ne peut se faire sans une sous-société d'esclaves chargée de l'essentiel du travail productif, permettant ainsi aux citoyens de se consacrer aux affaires publiques. En outre, la « liberté des Anciens » concerne des sociétés homogènes et de petite taille, dans lesquelles la totalité des citoyens peut sans difficulté se rassembler en un même lieu pour débattre.

La « liberté des Modernes », par opposition, est selon Benjamin Constant fondée sur les libertés civiles, l'exercice de la loi, et l'absence d'intervention excessive de l'État. La participation directe des citoyens y est limitée : c'est la conséquence nécessaire de la taille des États modernes. C'est aussi le résultat inévitable du fait d'avoir créé une société commerçante dépourvue d'esclaves dont tous les membres ou presque sont dans l'obligation de gagner leur vie par leur travail. Dans ces sociétés, les citoyens élisent des représentants, qui délibèrent en leur nom au parlement et leur épargnent ainsi la nécessité d'un engagement politique quotidien.

De plus, Constant pense que le commerce, qui vaut mieux que la guerre, est naturel aux sociétés modernes. En conséquence, il critique les appétits de conquête de Napoléon comme non libéraux et non adaptés à l'organisation des sociétés modernes, fondées sur le commerce. La liberté ancienne tendrait naturellement vers la guerre, tandis qu'un État organisé selon les principes de la liberté moderne serait en paix avec toutes les nations pacifiques.

[modifier] Autres acceptions

Benjamin Constant est également un nom repris par un intellectuel et homme politique qui a marqué le Brésil au XIXe siècle, disciple d'Auguste Comte, et subséquemment par une ville d'Amazonie brésilienne.

[modifier] Œuvres

s:Accueil

Wikisource propose un ou plusieurs textes écrits par Benjamin Constant.

[modifier] Essais

  • De la force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s'y rallier (1796)
  • Des réactions politiques (1797)
  • Des effets de la Terreur (1797)
  • Fragments d'un ouvrage abandonné sur la possibilité d'une constitution républicaine dans un grand pays (publié en 1991 chez Aubier, ouvrage inédit probablement rédigé entre 1795 et 1810)
  • De l'esprit de conquête et de l'usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne (1814)
  • Réflexions sur les constitutions, la distribution des pouvoirs et les garanties dans une monarchie constitutionnelle (1814)
  • Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs (1815)
  • Mémoires sur les Cent-Jours
  • Cours de politique constitutionnelle (1818-1820)
  • « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes » (célèbre discours prononcé en 1819)
  • De la religion considérée dans sa source, ses formes et son développement (1824-1830)
  • Appel aux Nations chrétiennes en faveur des Grecs. (1825)
  • Mélanges de littérature et de politique (1829)
  • Du polythéisme romain considéré dans ses rapports avec la philosophie grecque et la religion chrétienne (1833)
  • Correspondance de Benjamin Constant et d'Anna Lindsay - L'Inconnue d'Adolphe, publiée par la baronne Constant de Rebecque. (Plon, 1933).

[modifier] Romans

[modifier] Affaire Wilfrid Regnault

  • Lettre à M. Odillon-Barrot, avocat en la Cour de Cassation, sur l'affaire de Wilfrid Regnault, condamné à mort (1818 puis publié chez P. Plancher en 1819)
  • Deuxième lettre à M. Odillon-Barrot, avocat en la Cour de Cassation, sur l'affaire de Wilfrid Regnault, condamné à mort (1818 puis publié chez P. Plancher en 1819)
  • De l'appel en calomnie de M. le marquis de Blosseville, contre Wilfrid-Regnault (1818 puis publié chez P. Plancher en 1819)

[modifier] Bibliographie

  • Henri Guillemin, Benjamin Constant, muscadin, Paris, Gallimard, 1958
  • Georges Poulet, Benjamin Constant par lui-même, Paris, Éditions du Seuil, 1968, 188 p.
  • Andrew Oliver, Benjamin Constant, écriture et conquête du moi, Paris, Lettres modernes, 1970, 285 p.
  • Kurt Kloocke, Benjamin Constant : une biographie intellectuelle, Genève, Droz, 1984, 374 p.
  • Émile-François Callot, La Pensée libérale au XIXe siècle à travers trois moments de sa formation : Benjamin Constant, Alexis de Tocqueville, Lucien A. Prévost-Paradol, Lyon, L'Hermès, 1987, 146 p. (ISBN 2-85934-192-7)
  • Béatrice Fink (dir.), Benjamin Constant : philosophe, historien, romancier et homme d'État (actes du colloque de l'université du Maryland, octobre 1989), Lausanne, Institut Benjamin Constant ; Paris, J. Touzot, 1991, 186 p.
  • Tzvetan Todorov, Benjamin Constant : la passion démocratique, Paris, Hachette littératures, 1997, 214 p. (ISBN 2-01-235329-0)

[modifier] La critique

  • Le critique Charles Du Bos (1882-1939) a dit de lui : « l'égal de quiconque (...) mais, pas plus que son esprit, sa langue ne témoigne d'aucun indice national. Elle est classique mais sans le "tour" classique. »

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. Minerve, tome 1, p. 266, mars 1818.

[modifier] Liens externes