Siège de Saint-Jean-d'Acre (1291)

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Siège de Saint-Jean-d'Acre

Informations générales
Date du 5 avril au 28 mai 1291
Lieu Saint-Jean-d'Acre
Issue Victoire musulmane
Belligérants
Royaume de Jérusalem Mamelouks
Commandants
Guillaume de Beaujeu
Jean de Villiers
Al-Ashraf Khalil
Forces en présence
700 chevaliers
1 300 sergents
14 000 fantassins
60 000 cavaliers
160 000 fantassins
Croisade
Première croisade

Nicée — Dorylée — Antioche — Jérusalem (1er) — Rama (1er) — Ascalon — Rama (2e) — Haran — Rama (3e) — Tripoli — Champ du Sang


Deuxième croisade
Dorylée — Pisidie — Damas — Inab — Ascalon (2e)


Troisième croisade
Mont Gisard — Hattin — Jérusalem — Saint-Jean-d'Acre — Arsouf


Quatrième croisade


Cinquième croisade


Sixième croisade


Septième croisade
Damiette - Mansourah - Fariskur


Huitième croisade
Tunis


Neuvième croisade


Tripoli — Saint-Jean-d'Acre (2e)

Le siège de Saint-Jean-d'Acre est une opération militaire livrée en 1291 qui se solda par la prise de la ville et la fin de la présence franque en Terre Sainte.

Sommaire

[modifier] Une paix précaire

Profitant des discordes entre les différentes factions de la ville de Tripoli, le sultan Mamelouk Qala'ûn avait pris la ville de Tripoli le 28 avril 1289 et massacré la totalité de la population. Henri II, roi de Chypre et de Jérusalem réussit cependant à négocier en mars 1289 une trêve de dix ans avec Qala'ûn, lequel meurt le 6 décembre 1290. Son fils Al-Ashraf Khalil n'attend qu'une occasion pour reprendre les hostilités. L'ancien royaume de Jérusalem se réduisait alors aux villes de Saint-Jean-d'Acre, Beyrouth, Tyr, Saïda et la forteresse d'Hatlith.

[modifier] La croisade populaire des Italiens

Il arrive alors à Saint-Jean-d'Acre une croisade de pèlerins non combattants, sans aucune expérience militaire et s'imaginant que la bonne volonté suffisait à reprendre Jérusalem. Sans connaissance de la situation politique de la Terre Sainte, il accusaient les Latins d'Orient de complaisance avec les Musulmans, n'hésitant pas à les qualifier de traîtres à la cause chrétienne. Ils refusaient le principe de la trêve et par sécurité, on leur refusa le droit de sortir de la ville.

Cela ne les empêchent pas de passer à l'action le 13 mars 1291, en massacrant des paysans musulmans venus en ville vendre leur production[1]. Il ne s'arrêtent pas à cette première tuerie, envahissent également le bazar et égorgent les marchands supposés musulmans[2]. Atterrés, les consuls de la ville et les grand-maîtres des Ordres militaires préférèrent avertir directement le sultan Al-Ashraf, lequel réclame le châtiment des coupables.

Seul Guillaume de Beaujeu, grand maître de l'Ordre du Temple plaide pour l'exécution des criminels, les autres membres du conseil de Saint-Jean-d'Acre étant persuadés que le sultan se contenterait d'excuses. Ces derniers ne sont pas non plus convaincus par la déclaration de guerre du Mamelouk, croyant à des menaces et envoyèrent des ambassadeurs chargés de présents pour l'amadouer. Al-Ashraf les fit jeter en prison.

[modifier] Le siège de la ville

Le sultan Al-Ashraf arrive devant Saint-Jean-d'Acre le 5 avril 1291 et entame immédiatement le siège. En plus d'une armée de deux cent vingt mille soldats, il dispose de nombreuses machines de siège. La ville abrite trente à quarante mille habitants, dont seize mille soldats.

Le sultan commence par placer ses quatre énormes catapultes à des emplacements stratégiques, faces aux plus importantes tours de défense de la ville, et des mangonneaux et balistes dans les intervalles. Le 15 avril, Guillaume de Beaujeu tente une sortie à la tête de Templiers. Ils surprennent les avant-postes, mais leurs chevaux trébuchent dans les cordages et les musulmans se ressaisissent. Les Templiers parviennent difficilement à retourner en ville et leur tentative d'incendier une des catapultes a échoué. Ils retentent l'opération quelques jours après, mais les mamelouks prévenus les tiennent encore en échec.

Le 4 mai, le roi Henri II débarque à Saint-Jean-d'Acre, avec deux cents chevaliers, cinq cents fantassins et des vivres en quantité. Le courage des assiégés remonte et Henri II, en tant que roi de Jérusalem essaye de traiter avec le sultan, qui ne veut rien savoir, exige la reddition pure et simple de la ville, mais accorde la vie sauve aux habitants. Le 7, Henri repart vers Chypre, en laissant son armée sur place.

Plan de la ville de Saint-Jean-d'Acre eu XIIe siècle.
Plan de la ville de Saint-Jean-d'Acre eu XIIe siècle.

Le bombardement de la ville par les machines mamelouks s'intensifient, et des esclaves creusent des mines sous les principales tours. Le 15 mai, une partie de la Tour Neuve s'écroule. Guillaume de Beaujeu fait construire une tour en bois (ou chat) pour combler la brèche, mais n'y arrive que de manière incomplète. Une tempête au large empêche l'évacuation des femmes et des enfants par la mer. Les quelques navires déjà partis sont obligés de revenir se réfugier dans le port. Le vendredi 18 mai 1291, à l'aube, les Musulmans lancent l'assaut. Ils prennent pied sans problème dans la Tour Neuve, puis se divise en deux groupes pour s'emparer de la zone entre les deux enceintes et bombarder les assiégés de feux grégois et de flèches.

Guillaume de Beaujeu, grand-maître du Temple, et Jean de Villiers, grand-maître de l'Ordre des Hospitaliers, longtemps rivaux et réconciliés à l'heure du danger, défendaient le point le plus menacé, la Porte Saint-Antoine. Atteint d'une flèche sous l'aisselle, Guillaume se retire du combat. Des croisés lui crient : "Pour Dieu, sire, ne partez pas, car la ville sera bientôt perdue !", ce à quoi Guillaume répond "Seigneurs, je ne peux plus, car je suis mort, voyez le coup." On l'emporte à la Commanderie du Temple où il expire quelques heures plus tard. Jean de Villiers, également grièvement blessé, est transporté sur un navire en direction de Chypre. Les Mamelouks prennent alors la Porte Saint-Antoine et se ruent dans la ville, massacrant les habitants. Certains tentent de fuir avec les navires dont quelques uns, surchargés, coulent.

Dix mille habitants ont pu se réfugier dans la Voûte d'Acre, la citadelle des Templiers, qui tient encore. Cette citadelle donne sur la mer et les rescapés peuvent embarquer et se réfugier à Chypre. Pendant dix jours, la citadelle résiste aux bombardements incessants, avant de succomber à son tour, le 28 mai.

[modifier] Conséquences

Cette prise marque la fin de la présence franque en Terre Sainte. En effet, la bailli de Tyr et sa garnison évacuent peu après cette place-forte, qui passait pourtant pour l'une des mieux fortifiées de Terre Sainte. Le nouveau grand-maître des Templiers, Thibaud Gaudin, et les Templiers s'étaient repliés à Sidon. Sa population est évacué et Thibaut part pour Chypre, prétendant aller chercher des renforts, mais ne revint pas. Sidon est prise le 14 juillet. Se fiant aux promesses de paix du sultan, les habitants de Beyrouth lui ouvrirent les portes le 21 juillet et sont réduits en esclavage. Les Templiers qui tenaient la commanderie sont pendus.

Les places fortes de Tortose et de Château-Pèlerin sont évacuées sans combat les 3 et 14 août. Seules deux cités de Terre Sainte restent chrétienne : l'îlot de Road, au sud de Tortose est tenue par les Templiers, et la ville de Gibelet, dont le seigneur, Pierre Embriaco, était un ami du sultan. Celui-ci la lui avait rendue en 1289 après l'avoir prise au comte de Tripoli. Ces deux ports sont abandonnés en 1302[3].

[modifier] Sources

[modifier] Notes et références

  1. Régine Pernoud donne la date du 13 mai 1290, qui paraît cependant très tôt. On ne comprend pas en effet pourquoi le sultan aurait attendu aussi longtemps avant de passer à l'offensive. Peut-être y eut-il un premier massacre le 13 mars 1290, et un second massacre au début de 1291, où la populace croisée s'en prit aussi aux marchands.
  2. des marchands byzantins ont également été massacrés, leur barbe les ayant fait passer pour des musulmans
  3. Jonathan Riley-Smith, Atlas des Croisades, Edition Autrement, coll. « Atlas/Mémoires », Paris, 1996 (réimpr. 1996), 192 p. (ISBN 2-86260-553-0), p. 114