Philippe Sollers

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Philippe Sollers
Philippe Sollers

Philippe Sollers, de son vrai nom Philippe Joyaux, est un écrivain français né à Talence en Gironde le 28 novembre 1936.

Sommaire

[modifier] Biographie

Son premier roman, Une curieuse solitude, est publié en 1958. Il est un des fondateurs, en 1960, de la revue Tel Quel aux Éditions du Seuil qui défend des auteurs alors méconnus ou très controversés : Artaud, Bataille, Joyce, Derrida, Foucault, Barthes, jusqu'en 1982. Pour poursuivre son action, il crée la revue L'Infini aux éditions Denoël, puis rapidement chez les éditions Gallimard. Il épouse en 1967 Julia Kristeva, écrivain et psychanalyste.

Philippe Sollers fut entre autres un ami de Jacques Lacan, de Louis Althusser et de Roland Barthes, qui sont décrits dans le roman Femmes (1983), ainsi que d'autres grandes figures du mouvement intellectuel français. Admirateur de la Chine, il entrevit, au delà de son engagement maoïste, à la suite de la révolte de mai 1968, l'influence culturelle croissante de l'Empire du Milieu en ce début de XXIe siècle. Son engagement l'amène aussi à défendre les thèses de Maria-Antonietta Macciocchi. Le livre de Philippe Forest Histoire de Tel Quel analyse en détail cette période historique.

Après avoir publié L'Intermédiaire, Le Parc, Drame, confirmant sa vocation d'écrivain, il se lance dans d'intenses travaux stylistiques qui l'amènent à abandonner toute ponctuation visible pour libérer son expression, ce qui donne notamment Nombres, Lois, H et Paradis. Prenant conscience des risques d'enfermement de cette aventure, il se lance dans une écriture plus « figurative ». Influencé par la lecture de Céline, Paul Morand et des grands auteurs américains : William Faulkner, Ernest Hemingway, Henry Miller, Vladimir Nabokov, William S. Burroughs, Jack Kerouac ou encore Charles Bukowski (qu'il est un des rares à soutenir à cette époque en France, surtout après son passage très arrosé à la télévision), il publie Femmes. Ce roman, en reprenant le style de Louis-Ferdinand Céline, analyse entre autres les conséquences du féminisme et des bouleversements politiques et artistiques de l'histoire à travers la vie aventureuse d'un journaliste américain. Le pouvoir et la sexualité sont étudiés et exposés à partir de la thèse : « Le monde appartient aux femmes. C'est-à-dire à la mort. Là-dessus tout le monde ment ».

Son écriture est de plus en plus marquée par une utilisation du cut-up et de la réflexion intérieure. Suivent d'autres ouvrages dans le même esprit : Portrait du joueur (retour aux sources en Gironde et passion épistolaire), Le cœur absolu (récit de libertinages), Les folies françaises (inceste heureux et culture française), Le lys d'or (traitement de la frigidité par la lecture), La fête à Venise (réflexion sur la peinture autour des figures de Watteau, Warhol, Monet et Cézanne), Studio (réflexion sur la poésie autour des figures de Rimbaud et de Hölderlin), Passion fixe (le couple et la littérature), L'étoile des amants (l'évasion et la nature) et enfin dernièrement Une vie divine (Nietzsche, la philosophie et les femmes). Il mêle à ses récits débridés une critique sociale particulièrement violente étayée par la connaissance et l'utilisation des textes de Spinoza, Freud, Nietzsche, Ducasse, Heidegger et Guy Debord.

Dans le même temps, il rédige des essais d'ambition encyclopédique, (« L’avenir appartient à ceux qui sauront lire, vivre la musique et faire l’amour »), dans lequel il livre sa version de l'histoire de l'art, basée sur la défense de l'individu, de la création et du plaisir (Théorie des exceptions, La guerre du goût, Éloge de l'infini, Fleurs). Principalement axée sur la littérature (Dante, Sade, Lautréamont, Proust, Genet, Kafka, etc.), la musique (Bach, Haydn, Mozart, Miles Davis) et les arts plastiques (peintres vénitiens et de la renaissance italienne, peinture française du XVIIIe siècle, impressionnistes, peintres modernes américains), son propos se développe néanmoins dans tous les domaines (théologie, philosophie, histoire, sociologie, psychanalyse). Dans le même sens il donne des monographies de grands artistes (Watteau, Picasso, Fragonard, Bacon, Cézanne, Rodin) et trois biographies romancées (Vivant Denon, Casanova, Mozart). On peut signaler également des vidéos sur Rodin, Debord et Nietzsche ainsi qu'un entretien avec Jean-Luc Godard.

Il tient par dessus tout à défendre la liberté : « Il s’agit précisément de fuir la Famille, l’École, l’Armée, les Partis, la pesanteur, l’ennui », « En réalité, qu'est-ce qu'ils veulent, tous et toutes ? Contrôler, surveiller, détourner, retarder, pomper, exploiter, freiner au maximum, qu'il n'y ait pas trop de liberté en cours (surtout si elle doit être dite) ».

Sollers, qui habite régulièrement Venise ou l'île de Ré, dirige également la collection "l'Infini" et est membre du comité de lecture des éditions Gallimard. Malgré tout Barthes voit en lui un « isolé absolu ». Dans l'ensemble, Sollers est encore souvent plus connu pour son image médiatique, (« mon image c'est mon cadavre, je m'en fous »), qui laisse apparaître son goût pour le jeu et la provocation, que pour son œuvre proprement dite qui reste assez peu lue et très méconnue. Ceux qui admirent ses livres soulignent la densité, le lyrisme poétique, la richesse et l'élan de ses nombreux romans et la lucidité de ses livres sur les beaux-arts et les écrivains classiques.

[modifier] Bibliographie indicative

Essais
  • Guerres secrètes, éd. Carnets nord, 2007
  • Fleurs, éd. Hermann, 2006
  • Logique de la fiction, éd. Cécile Deffaut 2006
  • Le Saint-Ane, Verdier, 2004.
  • Dictionnaire amoureux de Venise, Plon, 2004
  • Illuminations à travers les textes sacrés, 2003
  • Éloge de l'Infini, éd. Gallimard, 2001
  • L'année du tigre , journal de l'année 1998, éd. Seuil, 1999
  • Sade contre l'Être suprême précédé de Sade dans le temps, éd. Gallimard 1996
  • La guerre du goût, éd. Gallimard, 1994
    • Liberté du XVIIIe (Extraits de la Guerre du Goût), éd. Gallimard, 2002
  • Improvisations, éd. Gallimard, 1991
  • Théorie des exceptions, éd. Folio, 1985
  • Sur le matérialisme, éd. Seuil, 1974
  • L'écriture et l'expérience des limites, éd. Seuil, 1968
  • Logiques, éd. Seuil, 1968
  • L'intermédiaire, éd. Seuil, 1963
  • Francis Ponge (Présentation et anthologie), Seghers, 1963 rééd. 2001
Romans
  • Un vrai roman - Mémoires - Plon, 2007
  • Une vie divine - éd. Gallimard, 2007
  • Fleurs - éd. Hermann, 2006
  • L'étoile des amants - éd. Gallimard, 2002
  • Un amour américain - Mille et une nuits, 2001
  • Passion fixe - éd. Gallimard, 2000
  • Studio - éd. Gallimard, 1997
  • Le Secret - éd. Gallimard, 1993
  • La fête à Venise - éd. Gallimard, 1991
  • Le lys d’or - éd. Gallimard, 1989
  • Les Folies Françaises - éd. Gallimard, 1988
  • Le cœur absolu - éd. Gallimard, 1987
  • Paradis 2 - éd. Gallimard, 1986
  • Portrait du joueur - éd. Gallimard, 1984
  • Femmes - éd. Gallimard, 1983
  • Paradis - éd. Seuil, 1981
  • H - éd. Seuil, 1973
  • Lois - éd. Seuil, 1972
  • Nombres - éd. Seuil, 1966
  • Drame - éd. Seuil, 1965
  • Le Parc - éd. Seuil, 1961
  • Une Curieuse Solitude - éd. Seuil, 1958
Monographies
  • Alain Kirili, Galerie Adrien Maeght, 1984
  • Louis Cane, catalogue raisonné sculptures, Galerie Beaubourg, 1986
  • Les Surprises de Fragonard, Gallimard, 1987
  • Rodin : dessins érotiques, avec Alain Kirili, Gallimard, 1987
  • De Kooning vite, La différence, 1988; réédition 2007
  • Watteau et les femmes, Flammarion, 1992
  • Le paradis de Cézanne, Gallimard, 1995
  • Picasso, le héros, Le cercle d'art, 1996
  • Les passions de Francis Bacon, Gallimard, 1996
Entretiens
  • L'évangile de Nietzsche - Le cherche midi, 2006
  • Poker, (avec Ligne de risque) - éd. Gallimard, coll. L'infini, 2005
  • Voir écrire, (avec Christian de Portzamparc)- Calmann-Levy, 2003
  • La Divine Comédie, (avec Benoit Chantre) - éd. Desclée de Brouwer, 2000
  • Le Rire de Rome - éd. Gallimard, 1992
  • Vision à New York, (avec David Hayman) - éd. Grasset, 1981
  • Délivrance, (avec Maurice Clavel) - éd. Seuil, 1976
  • Entretiens avec Francis Ponge, éd. Seuil-Gallimard, 1963
Biographies
  • Mystérieux Mozart,Plon, 2001; repris en Folio chez Gallimard.
  • Casanova l'admirable, Plon, 1998;repris en Folio chez Gallimard.
  • Le Cavalier du Louvre : Vivant Denon, Plon, 1995; repris en Folio chez Gallimard.
  • Un vrai roman, Mémoires, (autobiographie), Plon, 2007
Vidéos
  • Sollers au paradis / Sollers au pied du mur, 1983, réédité en 2007 par Arcades video
  • Sollers joue Diderot / Le trou de la vierge, 1984, réédité en 2007 par Arcades video
  • Sollers-Godard, l'entretien, 1983, réédité en 2006 par Arcades video
  • Nietzsche, miracle français, Les films du LIEU-DIT, 2006

[modifier] Citations

  • "La société tout entière comme lieu d’élevage où l’on supprimerait systématiquement les animaux les plus doués, pour ne garder que le niveau moyen."
  • "On mesure encore mal, peut-être, à quel point un grand écrivain blesse le corps et le coffre-fort de son pays ; à quel point le fait de rappeler à la famille clanique nationale sur quels crimes domestiques et publics elle est finalement fondée ; à quel point révéler le lit d'une langue peut entraîner de haine, de sourde rancune, filtrées seulement par le temps en célébration."
  • "Magnifique luxure ! Comme elle dit la vérité ! Comme elle angoisse l'hypocrisie économe et sa profonde fécalité ! Comme elle va débusquer le diable jusque dans les grimaces des dévotions supposées !"
  • "La bête sociale sent toujours que quelque chose risque de lui échapper, surtout par écrit. Elle doit donc, en bonne logique, entraver le corps qui en serait la source."
  • "Le monde entier est un théâtre, et le musicien comme le poète, en a la clé et les éclairages."
  • "Le français officiel cherche encore à éviter Artaud, Bataille, Céline... Un écrivain, à ce niveau-là, c'est une catastrophe pour les foyers, c'est-à-dire l'École, c'est-à-dire l'État, c'est-à-dire la politique du sommeil en tas. Que peut la littérature ? Rien en termes de progrès et d'arrangements, tout en termes de vérité. Rien pour l'hypocrisie du lien social et du roman familial, tout pour montrer comment se noue la censure."
  • "La peur de jouir, véritable malédiction des temps dits modernes."
  • "Rien ne fait plus peur, sans doute, que les possibilités d’autonomie individuelle des femmes."
  • "Plus que jamais la Société est persuadée d'être bonne, sa tartufferie spontanée fonctionne à travers des stéréotypes autopublicitaires. Son ennemi principal ne sera donc pas, comme elle veut le faire croire, l'individu qui a de mauvaises pensées, l'extrémiste, le terroriste, mais bien celui qui s'exprime autrement, de façon plus nette, plus complexe."
  • "Comme nous sommes, oui, dans une époque lourde, analphabète et triste (celle du populisme précieux), tout doit avoir l'air authentique et démagogique, alors que règne, sous couvert de « cœur », une froideur rentabilisée. La brutalité d'un côté et le sentimentalisme de l'autre ont remplacé la sensibilité et l'ironie du goût. Il faudrait donc s’ennuyer ? Ce serait un dogme ? Eh bien, non."
  • "La télévision, n’est-ce pas, sera suffisante. Mourir sain et intoxiqués d’images, voilà le programme."
  • "Il n’y a plus de censure ? Allons donc. Elle est dans les têtes, partout."
  • "L’aventure d’un corps singulier, non collectivisable, ses gestes, ses initiatives, ses postures, déclenchent une inquiétude permanente."
  • "Le problème sera désormais : comment retrouver un corps, et lequel ?"
  • "La guerre a lieu, désormais, entre l’individu et la ville, entre l’individu et le Spectacle dans son ensemble."
  • "Tout ce que la télévision n’est pas susceptible de montrer ou d’exhiber sur-le-champ a une réalité douteuse. L’opinion désormais c’est l’écran. Une grande famille devant l’écran, spasme d’audimat émotif, voilà le théâtre."
  • "à moi aussi elle est arrivée la grande pensée elle m'a lentement contourné noyé elle a pris son temps à ma place il s'agit d'une expérience toute personnelle que rien n'oblige à communiquer mais le ravissement qui en ruisselle déborde malgré nous les tasses et va bleuir le papier et le papier à ce moment-là est un buvard assoiffé ozone carbone argile rayée" (Paradis)
  • "Celui qui ne sait pas rire ne doit pas être pris au sérieux." (Passion Fixe)

Question à Ph. S. : "Vous croyez toujours que nous sommes victimes d'un grand complot, celui de la collectivité qui voudrait nous culpabiliser de quelque chose, nous empêcher d'être heureux et d'être vivant ?"

Réponse de Ph. S. : Vous n'avez jamais remarqué que la société vous empêchait de vivre vos désirs ou de vous comporter comme vous l'entendez, vous, seul ? Vous n'avez jamais senti cette emprise, dites-moi ? Parce que moi, je sens ça depuis l'enfance : comment il faudrait être là, étiqueté, soumis, servile. Et puis se taire ! Vous ne croyez pas ? (Émission TV "Ce soir ou jamais")
  • "Comme je ne peux pas obtenir l'approbation de mon époque (surtout à cause de mes romans trop libres), je pense qu'il est nécessaire d'utiliser, au moins, sa réprobation" (Un vrai roman, Mémoires)
  • " La maladie de l'adolescence (...) est de ne pas savoir ce que l'on veut mais de le vouloir à tout prix."

[modifier] Sur Sollers

  • Eva Angerer, Die Literaturtheorie Julia Kristevas. Von Tel Quel zur Psychoanalyse, Wien, Passagen, 2007 (ISBN 9783851656923)
  • Roland Barthes, Sollers ecrivain, Paris, 1979 (ISBN 2-02-005187-7)
  • Christophe Bourseiller, Les Maoïstes, Paris, 1996, rééd. 2008, Seuil (pp. 249-259), (ISBN 978-7578-0507-7)
  • Jacques Derrida, La dissémination, Paris, 1972, p. 319-407 (ISBN 2-02-001958-2)
  • Julia Kristeva, Polylogue, Paris, Seuil, coll. Tel Quel, 1977.
  • Michel Foucault, « Distance, aspect, origine : Philippe Sollers », Critique n° 198, novembre 1963
  • Gerhard Kaucic, Timothy Liegeti, Guy Debord, John Zorn, Friederike Mayröcker, Philippe Sollers : tel quel jardins des plantes et D mots/scribble and voice, in Die Grüne F Abyss. Internationale polylinguale Zeitschrift für Grüne Kultur/Politik, n° 16b, 1996, p. 117 sq.
  • Hilary Clarke, The Fictional Encyclopaedia : Joyce, Pound, Sollers, 1990 (ISBN 0-8240-0006-4)
  • Philippe Forest, Philippe Sollers, Seuil, 1992
  • Philippe Forest, Histoire de Tel Quel, 1960-1982, Seuil, coll. Fiction & Cie, 1998 ISBN: 978-2020173469
  • Marc-Edouard Nabe, Journal Intime (4 tomes parus), Le Rocher 1992-2000.
  • Armine Kotin Mortimer, Paradis: Une métaphysique de l’infini. L’Infini 89 (hiver 2004): 1–124

[modifier] Liens externes