Opération Savanna

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

L'opération SAVANNA[1] fut, pendant la Seconde Guerre mondiale, la première mission Action en territoire français organisée par la France libre, conjointement avec le Special Operations Executive, avec les moyens de la Royal Air Force (pour les parachutages) et ceux de l'Amirauté (pour la récupération de l'équipe par sous-marin).

Sommaire

[modifier] Protagonistes

Responsables
Équipe d’exécution

L'équipe est formée de cinq soldats français de la première compagnie d'infanterie de l'air, des FFL.

  • Capitaine Georges Bergé, commandant la compagnie, chef d’équipe.
  • Sous-lieutenant Petit-Laurent,
  • Sergent Forman,
  • Sergent Joël Le Tac,
  • Caporal Renault.

[modifier] Préparation de la mission

  • Décembre 1940. Le 2e bureau dispose des renseignements suivants :
    • Une grande partie des avions qui viennent chaque nuit bombarder Londres décollent de l’aérodrome de Meucon, près de Vannes. Il s'agit de la Kampfgeschwader 100, spécialisée dans le marquage des cibles à l'aide de faisceaux lumineux.
    • Les équipages (pilotes et navigateurs) sont logés à quelques kilomètres de là.
    • Tous les soirs, à la même heure, deux ou trois autocars viennent les chercher à leur cantonnement pour les conduire de Vannes à l’aérodrome, selon un itinéraire constant qui a été identifié.
  • Le Ministère de l'Air britannique demande au SOE d'organiser une embuscade pour interrompre l'activité de cette unité de bombardement. Mais la section F n'a encore personne de prêt. Tout en se chargeant de l'opération, Colin Gubbins et Barry demandent à disposer de paras français.
  • le major Barry (du SOE) et le commandant « Passy » (du 2e bureau) mettent au point les conditions de réalisation d'un coup de main qui attaquerait et détruirait les cars et la centaine d’aviateurs allemands qu’ils transportent : des explosifs hâtivement camouflés dans la route arrêteront le convoi, qui sera alors attaqué à la mitraillette et à la grenade. Pour rentrer en Angleterre, l’équipe sera ensuite récupérée par un bateau de pêche français qui avait rejoint Londres, La Brise.
  • Des volontaires sont recrutés au sein de la première compagnie de parachutistes des FFL.
  • « Passy » obtient du général de Gaulle un accord de principe sur l’opération.
  • Les volontaires vont s’entraîner en Ecosse.
  • 4 février 1941. « Passy » demande au général de Gaulle l’autorisation d’utiliser La Brise. Le Général entre aussitôt dans une violente colère : « les Anglais veulent donner des ordres au personnel français et utiliser nos bateaux pour des opérations dont on me prévient au dernier moment en me mettant le couteau sous la gorge ». « Passy » lui fait remarquer que cela est injuste puisque, un mois plus tôt, il lui a donné son accord de principe, et que son rôle consiste précisément à étudier les problèmes sous leur angle technique afin de pouvoir lui soumettre une solution pour laquelle il n’ait plus qu’à décider. Cet accès d’humeur venait, « Passy » l'apprit par la suite, de ce que l'Amiral Muselier, ayant appris l'opération par les Anglais, était venu se plaindre de n’avoir pas été consulté pour l'utilisation de La Brise. « Passy » précise dans ses Mémoires, qu'il avait toujours été entendu que les bateaux de pêche pourraient être utilisés de temps à autre pour des missions secrètes, et que, si l’Amiral avait à donner son accord sur l’utilisation de tel ou tel bateau – accord que les Anglais étaient d’ailleurs venus solliciter -, il n’avait, par contre, rien à connaître de la mission qu’on désirait confier audit bateau.
  • 5 février 1941. Les Anglais, fort désireux de monter ce coup de main, font demander au Général, par l’intermédiaire d’un officier de la mission Spears, son accord pour utiliser La Brise, sans prévenir « Passy » de leur démarche. Dans l’après-midi, « Passy » est appelé chez de Gaulle. Celui-ci est d’épouvantable humeur et, sans que « Passy » comprenne les raisons qui lui valent cette algarade, puisqu’il n’était pas au courant de l’intervention britannique, le Général lui crie : « Vous vous laissez toujours rouler par les Anglais de l’Intelligence Service. Un petit bonhomme comme vous n’a pas à prendre la moindre responsabilité. » « Passy » rétorque qu’« il est strictement impossible de travailler dans des conditions et dans une atmosphère semblables ». « C’est bien, lui répond le Général, à compter d’aujourd’hui, vous ne faites plus partie de mon état-major. » Puis, quelques secondes plus tard, il se calme et « Passy » lui explique les difficultés qu'il rencontre : « Nous n'avons pratiquement aucun moyen, alors que les Anglais disposent de tout. Pour nous développer, il nous faut bien trouver avec les Britanniques un modus vivendi acceptable pour les deux parties. Ce n'est que lorsque nous nous serons rendus indispensables que nous pourrons peu à peu accroître notre indépendance. Nous ne pouvons compter être appréciés avant d’avoir des résultats tangibles. L’important est donc d’en obtenir, en grand nombre et le plus vite possible. » Un peu ébranlé par l'argumentation, le Général prescrit toutefois à « Passy » de « tenir la dragée haute aux Anglais », ajoutant qu’il entend « être seul à donner les ordres relatifs à l’envoi en France des missions ».
  • Pendant ce temps, le SOE, vexé de se voir refuser La Brise pour récupérer du personnel français, a obtenu de l’Amirauté britannique la promesse qu'elle mettra un sous-marin à sa disposition.
  • Un autre débat, au sein de la partie britannique, porte sur le fait de parachuter des militaires en civil ou en uniforme pour une telle mission.
  • Toutes les discussions ont fait perdre beaucoup de temps et la période de pleine lune, la seule où il est possible de parachuter le personnel, est manquée en février. La mission est reportée à la lune suivante, celle de mars.
  • Mars. Le mauvais temps empêche d'agir au début du mois.

[modifier] Exécution de la mission

  • 15 mars 1941[2]. Dans la nuit du 15 au 16, l’équipe des cinq soldats français embarque dans un bombardier Whitley, en emportant avec elle deux conteneurs d'armement léger et un "piège routier" spécialement conçu pour sa mission. À minuit, elle est parachutée près d’Elven, aux environs de Vannes, sous couvert d'un raid de bombardement léger sur l'aérodrome. À l'aube, les hommes enterrent leur équipement et se mettent en mouvement pour leur reconnaissance. Ils découvrent bientôt que, quelques jours plus tôt, les aviateurs allemands ont été dispersés dans divers cantonnements. Hélas, le coup de main doit être abandonné.
  • Bergé veut mettre à profit sa présence en France. Il disperse son groupe pour prolonger la reconnaissance. L'un reste à Vannes, Le Tac part à Brest. Un autre manque déjà. Bergé et Forman vont à Paris, Nevers et Bordeaux. Ils prévoient de se retrouver à la fin du mois aux Sables-d'Olonne, sur la côte de Biscay.
  • début avril. Bergé, Forman et Le Tac sont au rendez-vous fixé. Petit-Laurent manque. Il passent plusieurs nuits de veille infructueuses dans les dunes, à quelques kilomètres au N/O de la ville.
  • 4 avril. Dans la nuit du 4 au 5, ils finissent par rencontrer Geoffrey Appleyard, venu depuis le sous-marin Tigris au large de Saint-Gilles-Croix-de-Vie pour les ramener à Londres. Bergé, Forman et Renault embarquent sur le sous-marin. Mais, en raison de l'état de la mer, deux canots ont été mis hors d'usage et Joël Le Tac doit rester sur la plage.
  • Les dix jours suivants, le Tigris finit sa patrouille. Mettant à profit ces vacances forcées, Bergé rédige un rapport complet sur sa mission.
  • Le Tac revient à deux reprises avec son frère Yves Le Tac près de l'aérodrome de Meucon dans l'espoir de mener à bien l'opération. Mais il finit par renoncer.

[modifier] Bilan de la mission

  • Les objectifs directs de la mission ont été abandonnés par nécessité.
  • Mais le rapport de Bergé permet au SOE d'obtenir de nombreux renseignements qu'il cherchait en vain depuis des mois, et qui lui permettront de lancer les opérations sur le continent avec davantage de confiance.
    • Preuves de la popularité du général de Gaulle auprès des Français. Elles conduisent le SOE, tout en maintenant la section F indépendante, à créer une section RF qui travaille de manière coordonnée avec la France libre.
    • Validation de méthodes : envoi d'agents subversifs parachutés discrètement en France occupée ; leur déplacement assez facile ; leur accueil par une proportion raisonnable de Français ; leur récupération ; etc.
    • Renseignements factuels sur la vie courante en France sous l'occupation : suspension du service de taxis ; facilité des voyages en train ; règles de couvre-feu ; règlements sur les vélo ; prix des cigarettes ; papiers d'identité ; cartes de rationnement ; etc.
  • Le SOE a une confiance accrue envers le Service de renseignements (SR) français.

[modifier] Reconnaissance

À Elven, sur la route de Questembert, une stèle commémore l'opération.

[modifier] Sources

  • Colonel « Passy », Souvenirs. 2e Bureau Londres, Raoul Solar, 1947.
  • Guy Perrier, Le Colonel « Passy » et les services secrets de la France libre, Hachette Littératures, 1999.
  • Michael Richard Daniell Foot, Des Anglais dans la Résistance. Le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2008, ISBN : 978-2-84734-329-8 / EAN 13 : 9782847343298. Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France. An account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, London, Her Majesty's Stationery Office, 1966, 1968 ; Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass, 2004. Ce livre présente la version officielle britannique de l’histoire du SOE en France. Une référence.

[modifier] Notes

  1. Les sources varient sur l'orthographe : SAVANNA ou SAVANNAH
  2. Les sources varient sur la date : Pour « Passy » et Foot : nuit du 15 au 16. Pour Perrier : nuit du 14 au 15.
Autres langues