Émile Muselier

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Émile Henry Muselier, né à Marseille le 17 avril 1882 et décédé à Toulon le 2 septembre 1965, est un amiral français qui organisa les Forces navales françaises libres. C'est lui qui eut l'idée de distinguer sa flotte, de celle de Vichy, en adoptant la croix de Lorraine (en souvenir de son père d'origine lorraine), qui devint ensuite l'emblème de toute la France libre[1]. Entré à l'École navale en 1899 et après une carrière militaire, brillante mais mouvementée, il tentera vainement sa chance aux élections législatives de 1946, en tant que vice-président du Rassemblement des gauches républicaines, avant de se reconvertir comme ingénieur conseil dans le privé jusqu'en 1960. Il est inhumé au cimetière Saint-Pierre, à Marseille.

Sommaire

[modifier] Ascension rapide et mises en accusation

La première partie de sa carrière est marquée par sa campagne en Extrême-Orient, plusieurs autres en Adriatique, celle en Albanie, entrecoupées de séjour à Toulon. Il se bat aussi sur l'Yser en Belgique à la tête d'une troupe de fusilliers marins.

Il obtient son premier commandement véritable, sur l'aviso Scape, en avril 1918, puis c'est le commandement du torpilleur l'Ouragan, en 1925, celui du croiseur cuirassé Ernest Renan en 1927, puis du cuirassé Voltaire en 1930 et du cuirassé Bretagne en 1931.

Nommé contre-amiral, il devient en 1933 Major général du port de Sidi-Abdalah (Tunisie) où il crée des œuvres sociales comme « La Mie de Pain ». En 1938, il reçoit le commandement de la Marine et du secteur de défense de la ville de Marseille.

Auparavant, il avait été attaché aux cabinets de Painlevé et de Clemenceau, puis chef d'État-major de la délégation de contrôle naval en Allemagne.

Il sera nommé le 10 octobre 1939 vice-amiral par l'amiral Darlan, son camarade de promotion à l'École navale, qui le mettra cependant à la retraite dès le 21 novembre, à la suite d'accusations calomnieuses portées contre lui. Semblable mésaventure semblera se reproduire lorsqu'il sera sous les ordres du général de Gaulle, qu'il avait rallié dès le 30 juin 1940, mais il fut rapidement disculpé des soupçons de trahison que les Britanniques firent peser sur lui, sur le fondement de faux documents ; ce qui devait conduire le Gouvernement britannique à lui présenter des excuses.

[modifier] Figure de la France libre

Il est le premier officier général à rejoindre le général de Gaulle. Le 1er juillet 1940, celui ci, le nomme commandant des forces maritimes françaises restées libres et à celui, provisoire, des forces aériennes, fonctions qu'il se verra confirmer avec le titre de Commissaire, à la création du Comité national français en 1941. Ce jour là il lui propose, en présence du capitaine de corvette Thierry d'Argenlieu, l'adoption de la Croix de Lorraine comme emblème[1],[2],[3],[4] pour lutter contre la croix gammée[5]. Dans son ordre général n° 2 du 3 juillet 1940, le vice-amiral Émile Muselier crée donc pour les forces françaises ralliées à de Gaulle un pavillon de beaupré (carré bleu avec, au centre, la croix de Lorraine en rouge par opposition à la croix gammée) et pour les avions, une cocarde à croix de Lorraine [6],[7]. La Croix de Lorraine devint ensuite l'emblème de toute la France libre.

Le même jour, l'amiral Muselier avait rédigé son propre appel, adressé aux marins et aux aviateurs. Il forme ensuite un embryon d'État-major avec le capitaine de vaisseau Thierry d'Argenlieu et l'enseigne de vaisseau Voisin, puis part en mission pour Alexandrie afin de se rendre compte de la possibilité d'un coup d'État en Syrie.

Le 2 janvier 1941, il est arrêté avec ses deux secrétaires par la police britannique, à la suite d'une dénonciation pour trahison, et incarcéré à la prison de Pentonville. Les Britanniques le soupçonnent d'être secrètement entré en contact avec Vichy, d'avoir transmis à Darlan le plan de l'expédition de Dakar et de projeter de lui livrer le Surcouf. Sceptique, de Gaulle présente devant Eden une protestation orale et une note écrite démontant le dossier d'accusation. Après avoir obtenu de rencontrer l'amiral à Scotland Yard le 7, le chef de la France libre menace, le 8, de rompre ses relations avec le Royaume-Uni. Innocenté, l'amiral est libéré le lendemain avec ses secrétaires[8]. Cet épisode aura malgré tout terni ses relations avec de Gaulle.

En septembre 1941, poussé notamment par André Labarthe, il tente en vain d'imposer à de Gaulle un « comité exécutif de la France libre » présidé par lui-même et largement composé d'opposants au chef des Forces françaises libres. Le comité national français, créé le 24 septembre, est dirigé par de Gaulle[9].

Malgré ses réticences mais sur ordre du général de Gaulle, il réalise le ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le 24 décembre 1941, à trois heures du matin, débarquant avec quatre navires français en provenance d'Halifax (le sous marin Surcouf et les corvettes Alysse, Mimosa, Aconit), et installant l'enseigne de vaisseau Alain Savary comme Commissaire de la France libre [10]. Ce fait d'arme alimentera l'animosité du Président Roosevelt à l'égard du Général. De Gaulle s'était engagé à ne rien faire et avait d'abord décliné la suggestion de débarquement faite par Muselier, ce dont ce dernier s'était ensuite fait l'écho à Washington. Mais, craignant les vues des Canadiens et des Britanniques sur l'archipel, ce que certaines informations laissaient à penser, le Général s'était ravisé pour affirmer la souveraineté française. Cela conduira finalement l'Amiral à démissionner de son poste de Commissaire.

Considéré comme peu loyal par de Gaulle, l'amiral sera ensuite écarté par ce dernier, un an et demi plus tard, à Alger, à cause de graves divergences politiques. Préférant être nommé par le général Giraud, il aura été l'éphémère responsable civil et militaire d'Alger, en juin 1943, et avait même semblé prendre la tête d'un putsch anti-gaulliste, avant que le général de Gaulle ne s'impose seul à la tête du Comité français de la Libération nationale.

Après avoir été le chef de la délégation navale à la Mission militaire pour les affaires allemandes. il sera définitivement admis à la retraite le 1er février 1945. Ami de Mendès France, radical socialiste, patriote et républicain, celui qui dans La Royale avait été surnommé , « l'amiral rouge » resta attaché à l'intégrité du territoire national jusqu'à la fin de ses jours.

À noter que l'amiral Muselier avait été condamné par le régime de Vichy à la peine de mort et à la confiscation de ses biens (1940) ainsi qu'à la déchéance de la nationalité française (1941). Peines frappées de non droit à la Libération.

[modifier] Décorations


[modifier] Notes et Références

  1. ab francelibre.fr, Croix de Lorraine
  2. Ordre de la Libération, Émile Muselier
  3. charles-de-gaulle.org, La Seconde Guerre mondiale, « La Croix de Lorraine »..
  4. Le général de Gaulle ne retiendra que le nom de Thierry d'Argenlieu dans ses mémoires. Le texte exact de L'appel de De Gaulle est : « Le 21 juillet [1940], j'obtins que plusieurs de nos aviateurs prissent part à un bombardement de la Ruhr et fis publier que les Français Libres avaient repris le combat. Entre-temps, tous nos éléments, suivant l'idée émise par d'Argenlieu, adoptèrent comme insigne la Croix de Lorraine. » Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, L'appel (1940-1942), chap. « La France Libre », Plon, 1954, (ISBN 978-2-266-09526-6), (repris par édit. Pocket, p. 99).
  5. « Sous le signe de la Croix de Lorraine », article publié par France d'abord, journal brazzavillois dans le n° 18 du mercredi 5 novembre 1941, p. 11-13, reproduisant, comme indiqué en en-tête, « des extraits d'une conférence faite dernièrement à Londres par l'amiral Muselier ». L'amiral explique, paragraphes 4 à 6 de l'article, p. 11 « Dès le début, il m'a paru nécessaire de différencier de façon apparente, les bâtiments de guerre de la France Libre et ceux restés fidèles au Gouvernement du Maréchal Pétain.
    Un de mes premiers ordres – du 2 juillet, si j'ai bonne mémoire – précisa que les bâtiments des Forces Navales Françaises Libres porteraient à la poupe les couleurs nationales françaises et à la proue un pavillon carré bleu, orné d'une Croix de Lorraine rouge. Et ce fût (sic) l'origine de l'insigne du Mouvement de la France Libre.
    Pourquoi j'ai choisi la Croix de Lorraine? Parce qu'il fallait un emblème en opposition à la Croix Gammée et parce que j'ai voulu penser à mon père qui était Lorrain. »
  6. « Dans la nuit du 2 au 3 juillet 1940, seul dans sa petite chambre du Grosvenor Hotel, à Londres, il prend d'autres décisions, sans référence à personne. Pensant à son père, un Lorrain, il rédige un statut de la Marine française libre, prescrivant d'arborer l'insigne qui deviendra légendaire : « Les bâtiments de guerre et de commerce [...] porteront à la poupe le pavillon national français et à la proue un pavillon carré bleu, orné en son centre de la croix de Lorraine en rouge, par opposition à la croix gammée. » » Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, « Le putsch de Saint-Pierre-et-Miquelon », Éditions CAL, p. 197, (repris de Librairie Académique Perrin, 1962-1964).
  7. Françe Libre, « Les origines des FNFL, par l'amiral Thierry d'Argenlieu », tiré du n° 29 de la Revue de la France Libre de juin 1950, p. 17-20.
  8. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France Libre de l'appel du 18 Juin à la Libération, Paris, Gallimard, 1996, p. 177-178. Il est établi que les documents à charge contre l'amiral étaient des faux réalisés par le commandant Meffre, alias Howard, chef du service de sécurité de Carlton Gardens, et son sous-officier adjoint.
  9. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France Libre de l'appel du 18 Juin à la Libération, Paris, Gallimard, 1996, p. 200-210
  10. Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, « Le putsche de Saint-Pierre-et-Miquelon », éd CAL, pp. 191-208, (repris de Librairie Académique Perrin, 1962-1964).

[modifier] Bibliographie

  • Émile Muselier, Marine et Résistance, Paris, 1945.
  • Émile Muselier, De Gaulle contre le gaullisme, Paris, 1946.
  • Louis de Villefosse, Souvenirs d'un marin de la France libre, les Éditeurs français réunis, Paris, 1951.
  • Renaud Muselier, L'Amiral Muselier, le créateur de la Croix de Lorraine, Éditions Perrin, 2000.

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