Ligne Curzon

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Ligne Curzon en 1945
Ligne Curzon en 1945

La ligne Curzon est une ligne de démarcation proposée pendant la guerre russo-polonaise de 1919-20 par le Ministre des Affaires étrangères britannique, Lord Curzon, comme une ligne d'armistice possible entre la Pologne à l'ouest et la Russie à l'est. Au nord, la ligne Curzon correspond approximativement à la frontière établie entre la Prusse et la Russie en 1797, après le troisième partage de la Pologne, et qui était la dernière frontière reconnue par le Royaume-Uni. Par contre au sud, elle partage en deux la Galicie, attribuée en 1797 à l'Autriche.

Ce plan Curzon ne fut pas accepté par la nouvelle Union soviétique et en fait ne joua aucun rôle dans la fixation de la frontière en 1921 à cause des victoires militaires polonaises. Finalement le traité de paix de Rīga (1921) laissa à la Pologne près de 135 000 km² de territoire à l'est de la ligne (la frontière passait à environ 200 km de la ligne Curzon).

Mais cette ligne fut utilisée par Staline comme argument de poids dans les discussions avec les Allemands en 1939 (Pacte germano-soviétique) puis avec les Alliés en 1942-1945, à ceci près que Staline réclama davantage que la ligne Curzon initiale: la ligne séparant les zones d'occupation allemande et soviétique, suite de la défaite polonaise de 1939, suivait globalement le tracé Curzon, avec toutefois d'importantes différences en faveur de l'URSS autour de Białystok au nord et en Galicie autour de Lwów au Sud.

Il existe donc depuis 1939 deux versions de la ligne : la version « A » des Soviétiques, et la version « B » initiale. C'est la ligne « A » qui fut utilisée en 1945 comme base pour la frontière définitive entre la Pologne et l'URSS, avec quelques petites différences par rapport à 1939 (Białystok revenant à la Pologne). Staline dans les discussions avec les Alliés soutint (faussement, compte tenu de Lwów) qu'il ne pouvait pas demander moins de territoire pour l'Union soviétique que Lord Curzon of Kedleston n'en avait accordé en 1919.

Les trois points importants pour comprendre la controverse de Lwów sont :

  1. lors du partage de la Pologne en 1772 entre la Russie, la Prusse et l'empire d'Autriche-Hongrie, la Galicie (région dont Lwów /Lemberg est la capitale, fut attribuée à l'Autriche, à laquelle elle resta attachée jusqu'en 1918 et que donc, cette ville ne fut jamais intégrée à l'empire russe
  2. historiquement, Lwów est revendiquée par les nationalistes ukrainiens comme ville d'origine du mouvement nationaliste ukrainien
  3. ethniquement Lwów était une ville dominée par l'élément polonais au milieu de campagnes dominées par l'élément ukrainien.

On a dit quelquefois que la Ligne Curzon représentait une frontière ethnique entre la Pologne catholique à l'ouest et le Bélarus et l'Ukraine orthodoxes à l'est, mais ce n'était pas l'intention de Lord Curzon quand il proposa cette ligne : ses origines étaient diplomatiques et historiques (le troisième partage de la Pologne entre la Prusse et la Russie). Malgré tout elle passait effectivement le long d'une ligne qui, avec quelques exceptions remarquables, se rapprochait d'une division entre les régions mélangées mais majoritairement polonaises à l'ouest, et à l'est des régions également mélangées mais où les Polonais étaient minoritaires.

[modifier] Histoire de la ligne Curzon

À la fin de la Première Guerre mondiale, les Alliés convinrent de la création d'un État polonais indépendant formé avec des territoires appartenant auparavant aux Empires russe, austro-hongrois et allemand. Le Traité de Versailles en 1919 précisa que la frontière orientale de la Pologne serait « déterminée ultérieurement ». Les territoires situés entre la Pologne et ses voisins de l'Est étaient habités par une population mêlée de Polonais, de Lituaniens, de Juifs, d'Ukrainiens et de Biélorusses, sans qu'un groupe constituât la majorité. Au nom de l'Entente, Lord Curzon of Kedleston suggéra en 1920 une ligne qui, en passant par Brest-Litovsk, courrait de Grodno à Lwów, en laissant cette ville à la Pologne (la Ligne "B" - voir la carte). Pourtant, une année plus tard, ce schéma fut modifié par un employé inconnu du Ministère britannique des Affaires étrangères (des indices accuseraient Lewis Bernstein Namier), pour que la ville ne fût pas rattachée à la Pologne. Ce fait joua beaucoup dans les négociations sur la frontière polonaise de l'est au cours des conférences de paix de Téhéran et de Yalta.

Avec l'effondrement de l’Empire tsariste et la guerre civile qui avait suivi la Révolution russe de 1917, il n'y avait aucun gouvernement russe reconnu avec qui on pût négocier la frontière orientale de la Pologne. Pourtant un des premiers actes du nouveau gouvernement russe devait être la dénonciation publique des traités qui avaient partagé la Pologne. Juridiquement cela remettait la Pologne en possession des territoires qu'elle détenait en 1772 avant les partages. Cependant le régime bolchevique de Russie voulut envahir la Pologne pour porter la révolution socialiste au cœur de l'Europe et particulièrement en Allemagne. Dans de telles circonstances, la guerre était inévitable et les hostilités éclatèrent à la fin de 1919.

En décembre 1919, les pouvoirs Alliés firent la déclaration suivante :

« Les Principaux Pouvoirs Alliés et Associés, reconnaissant qu'il est important de mettre fin aussitôt que possible aux conditions d'incertitude politique dans laquelle la nation polonaise est placée actuellement, et sans préjuger les décisions qui doivent dans l'avenir préciser les frontières orientales de la Pologne, déclarent par la présente qu'ils reconnaissent le droit du Gouvernement polonais, selon les conditions auparavant définies par le Traité avec la Pologne du 28 juin 1919, à organiser une administration régulière des territoires de l'ancien Empire russe situé à l'ouest de la ligne ci-dessous décrite. Les droits que la Pologne peut être capable d'établir sur les territoires situés à l'est de ladite ligne sont expressément réservés. »

En mai 1920, pendant la guerre russo-polonaise de 1919-1921, les Bolcheviques eurent l'avantage et pénétrèrent en Pologne ; en juillet, les Polonais demandèrent aux Alliés d'intervenir. Le 11 juillet, Lord Curzon of Kedleston proposa au gouvernement soviétique un cessez-le-feu le long de la ligne qui avait été suggérée l'année précédente. Les Soviétiques, croyant avoir l'avantage, rejetèrent la proposition et les combats continuèrent. En août les Soviétiques furent vaincus sous les murs de Varsovie et forcés à se retirer. Au traité de Riga en mars de 1921 les Soviétiques durent concéder une frontière bien plus à l'est de la Ligne Curzon, laissant à la Pologne aussi bien Lwów que Wilno (aujourd'hui Vilnius). La région autour de Wilno, appelée Lituanie Centrale, fit en 1922 l'objet d'un référendum, suivi par l'incorporation à la Pologne conformément au vœu de 65 % des votants. La frontière polono-soviétique fut reconnue par la Société des Nations en 1923 et confirmée par divers accords entre les deux pays.

Le Pacte germano-soviétique d'août 1939 prévoyait la partition de la Pologne le long d'une ligne passant par le San, la Vistule et le Narew. En septembre, après l'écrasement de la Pologne, l'Union soviétique annexa tous les territoires à l'est de la Ligne Curzon plus Białystok et la Galicie orientale, territoires qui furent incorporés aux RSS de Biélorussie et d'Ukraine après des pseudo-référendums, et des centaines de milliers de Polonais et des Juifs en nombre moindre furent déportés vers l'est en Union soviétique. En juillet 1941 ces territoires furent occupés par l'Allemagne au cours de l’invasion de l'Union soviétique. Pendant l'occupation allemande la plupart de la population juive fut anéantie.

En 1944 les forces armées soviétiques reprirent la Pologne orientale aux Allemands. Unilatéralement l'URSS déclara que l'ancienne frontière germano-soviétique (en gros la Ligne Curzon) serait la nouvelle frontière entre l'Union soviétique et la Pologne, à laquelle cette fois, pourtant, on laissait Białystok. Le gouvernement polonais en exil à Londres s'y opposa vigoureusement et aux conférences de Téhéran et de Yalta entre Staline et les Alliés occidentaux, les chefs alliés Roosevelt et Churchill demandèrent à Staline de revoir ses positions, en particulier sur Lwów, mais il refusa. La Ligne Curzon modifiée devint ainsi la frontière orientale définitive de la Pologne et fut reconnue par les Alliés occidentaux en juillet 1945.

Quand l'Union soviétique cessa d'exister en 1991, la ligne Curzon devint la frontière orientale de la Pologne avec la Lituanie, la Biélorussie et l'Ukraine.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Sources

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Curzon Line ».