Pacte germano-soviétique

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Signature du pacte par Molotov. Ribbentrop est à la droite de Staline en arrière-plan.
Signature du pacte par Molotov. Ribbentrop est à la droite de Staline en arrière-plan.

Le Pacte germano-soviétique (ou Pacte Molotov-Ribbentrop) est le nom communément donné au Traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union des Républiques Soviétiques Socialistes (URSS), signé le 23 août 1939. Outre un accord de non-agression, ce pacte définissait aussi une répartition des sphères d'influences de l'Allemagne et de l'URSS dans les pays les séparant. Il fut rompu de facto le 22 juin 1941, lorsque l'Allemagne nazie envahit l'URSS.

Sommaire

[modifier] Contexte

La menace grandissante que représente l'Allemagne nazie d'Hitler préoccupe les puissances occidentales (en premier chef la France et le Royaume-Uni) et l'URSS. En violation du traité de Versailles, signé à la fin de la Première Guerre mondiale mais progressivement vidé de son contenu (plans Dawes et Young), l'Allemagne nazie a réoccupé la Ruhr, réintroduit le service militaire et grandement développé son potentiel militaire.

Caricature polonaise montrant Ribbentrop baisant la main de Staline devant Molotov souriant et applaudissant
Caricature polonaise montrant Ribbentrop baisant la main de Staline devant Molotov souriant et applaudissant

Dès avril 1938, l'URSS initie des négociations diplomatiques avec la Finlande pour tenter d'améliorer leur défense mutuelle contre l'Allemagne. Les Soviétiques revendiquent principalement leur crainte d'une attaque allemande contre Leningrad utilisant la Finlande comme tête de pont. Ces négociations restèrent au point mort (elles furent reprises à l'automne, leur échec conduisant à la guerre d'hiver).

Le 30 septembre 1938, la France et l'Angleterre (représentées respectivement par Daladier et Chamberlain) signent les accords de Munich avec l'Allemagne nazie et l'Italie (représentées respectivement par Hitler et Mussolini), laissant libre champ à l'Allemagne nazie pour annexer la Tchécoslovaquie, peuplée d'importantes minorités allemandes (les Sudètes). Quant à l'URSS de Staline, sa proposition d'envoyer l'armée rouge aider la Tchécoslovaquie s'est heurtée au refus de la Pologne de voir son territoire traversé (craignant vraisemblablement de perdre les territoires annexés aux dépens de l'URSS lors de la paix de Rīga).

Le 6 décembre 1938, le gouvernement français, représenté par Bonnet, signe un traité de non-agression avec Ribbentrop, aux termes duquel les parties s’engagent à se concerter mutuellement sur les questions intéressant les deux pays en cas de difficultés internationales et considèrent leurs frontières comme définitives[1].

Inquiétée par les projets d'expansion à l'est de l'Allemagne nazie (à la recherche de son « espace vital ») ainsi que par la rhétorique très agressive d'Hitler (pour lequel les Slaves sont des « sous-hommes »), l'URSS presse à de nombreuses reprises — en vain — la France et le Royaume-Uni de conclure des accords d'alliance incluant des clauses d'entraide militaire si l'un des pays venait à être attaqué par l'Allemagne. Selon l'historien américain Michael J. Carley, ces atermoiments franco-anglais répétés pousseront l'URSS à envisager une alliance avec l'Allemagne[2].

Le 23 août 1939, l'URSS, représentée par Molotov et l'Allemagne nazie, représentée par Ribbentrop, signèrent à Moscou un Traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, plus communément appelé Pacte germano-soviétique ou Pacte Molotov-Ribbentrop, du nom de ses signataires. Il est parfois encore appelé Pacte soviéto-nazi[réf. nécessaire].

[modifier] Contenu du pacte

[modifier] Clause de non-aggression

Le traité proclamait un renoncement au conflit entre les deux pays, ainsi qu'une position de neutralité dans le cas où l'un des deux pays signataires serait attaqué par une tierce partie. Chaque signataire promit de ne pas rassembler de forces qui seraient « directement ou indirectement dirigées contre l'autre partie ».

[modifier] Protocoles secrets

Le traité comportait également plusieurs protocoles restés longtemps secrets. Ces protocoles délimitaient les sphères d'influences de l'Allemagne nazie et de l'URSS dans les pays situés entre eux (Scandinavie, Pays baltes, Pologne, Roumanie...). La ligne d'un éventuel partage de la Pologne, si réorganisation territorial il devait y avoir, étaient également spécifiées. Ce partage eut effectivement lieu après que l'Allemagne nazie a envahit la Pologne le 1er septembre 1939, suivie par l'URSS le 17 septembre. La ligne de partage suivait à peu près le tracé de la ligne Curzon.

Répartition des territoires prévue par les protocoles secrets du Pacte, et changements effectifs de frontières en 1940.
Répartition des territoires prévue par les protocoles secrets du Pacte, et changements effectifs de frontières en 1940.

Par ce traité, la Gestapo s'engageait aussi à livrer au NKVD les réfugiés russes présents sur le territoire allemand et réclamés par l'URSS, en échange de quoi l'URSS livrait à l'Allemagne de nombreux réfugiés antifascistes allemands et autrichiens réfugiés en Union soviétique (ce fut le cas de Margarete Buber-Neumann et du fondateur du Parti communiste autrichien, Franz Koritschoner).

[modifier] Partage de la Pologne

Un des protocoles du traité stipulait que, en cas de partage de la Pologne, les deux parties avaient l'obligation de prendre des mesures pour prévenir et empêcher toute action de la Résistance polonaise. Des consultations mutuelles à propos de toutes les actions répressives qui sembleraient utiles était même prescrites :

Aucune des deux parties ne tolèrera sur son territoire d'agitation polonaise quelconque qui menacerait le territoire de l'autre partie. Chacune écrasera sur son propre territoire tout embryon d'une telle agitation, et les deux s'informeront mutuellement de tous les moyens adéquats pouvant être utilisés à cette fin.

Ces moyens firet l'objet d'échanges constants entre la Gestapo et le NKVD, durant tout l'hiver 1939 - 1940, moment à partir duquel chacun des deux occupants s'appliquera à se débarrasser des élites polonaises. Les Allemands mettent en avant des critères raciaux et les Soviétiques des critères de classes, mais l'Église catholique, pilier de l'identité nationale de la Pologne, sera persécutée par les deux parties. Fort logiquement, les exactions commises par chacune des deux parties furent tenues secrètes et ne reçurent aucun écho dans les presses nationales.

[modifier] Invasion de la Finlande

L'URSS relança le 9 octobre 1939 les négociations qu'elles avait initié avec la Finlande dès avril 1938, sans succès. Ainsi, Moscou demanda, le 14 octobre, la location pour trente ans du port de Hanko, qui commandait l'entrée du golfe de Finlande et permettrait au Soviétique de contrôler celui-ci, rendant impossible son blocus par l'Allemagne nazie. Le recul de la frontière sur l'isthme de Carélie (laissant cependant la plus grande partie de la ligne Mannerheim) fut également demandé afin de mettre Leningrad à portée d'une artillerie lourde ennemie. Enfin, l'URSS demanda une rectification de frontière à l'extrême nord afin de contrôler les abords du port de Mourmansk, seul port soviétique utilisable toute l'année. Au total, c'est 2750km² que demandait l'URSS à la Finlande, proposant de lui céder en échange 5527km² autour de Repola et Porajorpi. Face au refus finlandais, l'URSS dénonça le 28 novembre le pacte de non-agression de 1932 entre les deux pays et franchit la frontière le 30, entamant sans sérieux préparatifs militaires la guerre d'Hiver[3]

[modifier] Rôle stratégique du pacte

Chaque partie trouva, durant deux ans, son intérêt dans ce pacte.

D'un côté, ce pacte permettait au Troisième Reich de rapatrier des divisions, notamment blindées, vers l'ouest, sans craindre une attaque soviétique venant de l'est. Les Allemands purent ainsi envahir la France par une Blitzkrieg, avant de se retourner deux ans après contre l'Union soviétique lors de l'opération Barbarossa, le 22 juin 1941, rompant ainsi de facto le pacte.

De l'autre côté, les intérêts soviétiques sont plus discutés.

Certains soutiennent que l'Union soviétique cherchait à retarder au maximum un conflit avec l'Allemagne, jugé inévitable, afin de tenter de rattraper son retard technologique, ainsi que de créer une zone tampon vers l'ouest pour protéger les centres politiques et économiques du pays. À l'appui de cette thèse sont notamment citées les constructions ou délocalisations d'usines vers la Sibérie — l'objectif aurait été d'assurer une base arrière loin du front — ainsi que les négociations engagées auparavant avec la Finlande pour échanger des territoires finnois proches de Léningrad contre des territoires soviétiques en Carélie — l'objectif aurait été de créer des avant-postes pour protéger Léningrad, vulnérable car très proche de la frontière. Quoiqu'il en soit des véritables motivations soviétiques à cette époque, le développement d'usines d'armement en Sibérie aura effectivement joué un rôle clef dans la victoire soviétique après la rupture du pacte, tandis que l'échec soviétique pour agrandir son territoire autour de Léningrad (d'abord par les négociations mentionnées ci-dessus, puis par l'invasion de la Finlande, conformément aux protocoles du pacte, qui s'est soldée par le relatif échec de la guerre d'Hiver) n'aura pas permis de protéger la ville, qui subira dès le début de la guerre un siège terrible. Une motivation supplémentaire de l'Union soviétique était de récupérer les territoires soviétiques annexés par la Pologne lors de la paix de Riga, en 1920, territoires peuplés majoritairement de Biélorusses et d'Ukrainiens (qui firent d'ailleurs bon accueil aux troupes soviétiques lors du partage de la Pologne prévu par le pacte). Ces positions sont détaillées, par exemple, par l'historien Paul-Marie de La Gorce, dans son livre : 39-45, Une guerre inconnue. C'est aussi le point de vue défendu par Henry Kissinger dans son livre Diplomatie, qui qualifie le pacte de « plus grand coup diplomatique de génie du XXème siècle ».

D'autres contestent cette thèse d'une préparation soviétique à un affrontement proche avec l'Allemagne. En particulier, ils arguent que jusqu'à la veille de l'attaque allemande, les commissaires politiques ont continué à "purger" l'Armée rouge de ses officiers les plus compétents, que le NKVD a continué à arrêter comme "saboteurs" les ingénieurs en armement et aviation qui soulignaient le danger nazi, que le Politburo se méfiait des avertissements d'agents de renseignement soviétiques tels Richard Sorge ou Léopold Trepper et, enfin, que l'URSS fournissait pétrole et matière premières à l'Allemagne au-delà des obligations du pacte[réf. nécessaire], bien que la contribution soviétique à l'approvisionnement en pétrole du Reich n'ait jamais dépassé 2% des besoins de ce dernier[4]. Selon l'historien russe Nikolai Bugai, la correspondance de Staline montre d'ailleurs que l'attaque le prit totalement par surprise car il n'imaginait pas qu'Hitler puisse décider d'ouvrir un second front à l'est avant de s'être assuré de la victoire à l'ouest[5].

[modifier] Références

  1. Jean-Baptiste Duroselle Politique extérieure de la France. La décadence (1932-1939), Paris, Imprimerie nationale, 1979.
  2. Michael Jabara Carley, Les années décevantes : L'échec de l'alliance anglo-franco-soviétique en 1939, 1992. Lire en ligne
  3. Paul-Marie de La Gorce, 39-45, une guerre inconnue, chap. IV.
  4. Paul-Marie de La Gorce, 39-45, une guerre inconnue, chap. II, paragraphe Un blocus inefficace
  5. Nikolai Bugai: Correspondance Kruglov-Staline 1941-1945 Druzhba narodov

[modifier] Bibliographie

  • Gabriel Gorodetsky, Le grand jeu de dupes, Les Belles Lettres, Paris, 2000.
  • Alexandra Kwiatkowska-Viatteau, Staline assassine la Pologne, 1939-1947, Seuil, 1999
  • Paul-Marie de La Gorce, 39-45, une guerre inconnue, Flammarion, 1995, (ISBN 2-08-067099-9).
  • Yves Santamaria, 1939 le pacte germano-sovietique, Complexe, 1999.
  • Viktor Suvorov, Le Brise-glace: Le plan secret de Staline pour conquérir l'Europe, Plon, 1992.
  • Angelo Tasca, Deux ans d'alliance germano-soviétique, Fayard, 1949
  • Une Bibliographie détaillée du Monde Diplomatique
  • Également la revue "Communisme" qui publie depuis 1981 avec le soutien du CNRS et du laboratoire le GEODE (Paris-X Nanterre), l'essentiel des travaux sur le sujet.

[modifier] Voir aussi

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[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes