Hassidisme

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Le judaïsme hassidique ou hassidisme (en hébreu 'Hassidout חסידות, « piété » ou « intégrité », de la racine חסד signifiant « générosité », en yiddish, 'Hassidiche חסידיש) est un mouvement religieux Juif et Haredi, fondé au XVIIIe siècle en Europe de l'Est (Biélorussie et Ukraine).

Par rapport aux autres haredim, les hassidim insistent particulièrement sur la communion joyeuse avec Dieu, en particulier par le chant et la danse, et sont organisés en communautés dirigées par un rebbe héréditaire, celui-ci étant fréquemment gratifié du titre d'Admor (adoneinou, moreinou verabbeinou, notre seigneur, maître et rabbin).

Le hassidisme suscita initialement une forte réaction, principalement en Lituanie, à Vilna en particulier, dénommée mitnagdisme. Cette opposition s'est fortement atténuée avec le temps, bien que non totalement éteinte.

Sommaire

[modifier] Fondation

Israël ben Eliezer
Israël ben Eliezer

Le mouvement fut fondé par le Rav Israël ben Eliezer (1700-1760), plus connu sous le nom de Baal Shem Tov (ou son acrostiche : Besht). Le mouvement est une réaction contre le Judaïsme "académique" de son époque.

Suite au traumatisme causé par les « faux messies » Sabbataï Tsevi et Jacob Franck, les rabbins avaient réagi en se concentrant sur l'étude du Talmud, et en se méfiant de toute exaltation mystique. De plus, la situation des juifs en Europe orientale s'était beaucoup dégradée depuis les massacres ukrainiens de 1648 (Attaman Chmielnitzki), ce qui accentuait encore le repli sur l'étude du Talmud. Une partie de la population juive semble avoir trouvé la vie juive académique, sans spiritualité et sans joie.

Le Ba'al Chem Tov s'employa à remédier à cette situation, mettant l'accent sur la célébration, la danse, le chant (niggoune), la joie, l'affectif ("hassidoute"), l'enthousiasme et la ferveur (hitlahavoute), l'amour de Dieu (ahava), sans pour autant négliger l'étude.

Pour tous ces domaines, il y a aujourd'hui des spécificités propres aux différents courants Hassidiques.

[modifier] Oppositions

Hassidim en habits traditionnels avec schtreimel
Hassidim en habits traditionnels avec schtreimel

Cette nouvelle relation à la religion déplut aux autorités rabbiniques établies, ceux qu'on nommera plus tard les mitnagdim (opposants), rassemblés sous l'autorité de l'illustre Elyahou Kramer, le Gaon de Vilna. La crainte de voir le Hassidisme dévier vers l'hérésie, en particulier vers des pratiques extatiques ou messianiques était forte.

Certains admor, comme le troisième admor de Loubavitch (le Tséma'h Tsédéq) reconnaîtront que l'influence du Gaon de Vilna avait été positive, en ce qu'elle avait obligé le mouvement Hassidique naissant à éviter d'aller trop loin dans ses innovations ou son antinomisme (l'antinomisme est l'opposition ou l'indifférence à la Loi, par volonté de mieux communier avec Dieu. Il s'agit d'une tendance récurrente dans les mouvements mystiques).

L'opposition des successeurs du Gaon de Vilna ira parfois très loin, jusqu'à dénoncer les premiers Hassidim aux autorités étatiques (entre autres russes), pour tenter de gêner leurs actions "hérétiques". Les relations s'amélioreront beaucoup dans la seconde moitié du XIXe siècle.

« Les hassidim [sont] portés vers la mystique fondée sur l’exaltation des émotions religieuses, tandis que les mitnagddim, majoritairement issus des écoles talmudiques de Lituanie, pratiquent un judaïsme plus austère, plus intellectualisé, fondé sur le principe de la casuistique dialectique (pilpoul). Critiquant une orientation hassidique assurant la suprématie de la Kabbale (mystique juive) sur la Halakha, les mitnagddim leur reprochent notamment une "joie de vivre", qu’ils estiment incompatible avec l’étude de la Torah. Enfin, le culte de la personnalité, traditionnel chez les hassidim, a toujours fait craindre aux Lituaniens l’apparition d’un nouveau pseudo-messianisme, rappelant ainsi l’aventure malheureuse du Messie auto-déclaré, Sabbataï Zevi[1] »

[modifier] Organisation

Le hassidisme se divisa ultérieurement en de nombreux sous-ensembles, dont l'un des plus célèbres est actuellement le mouvement loubavitch. Il ne s'agit pas de courants théologiques, mais de groupes religieux fondés autour d'un rabbin charismatique historique. Les organisations Hassidiques actuelles ont été crées à la fin du XVIIIe siècle, ou au XIXe siècle.

Le rabbin en chef de chaque dénomination est appelé admor (Adoneinu Moreinu Rabeinu : « notre Maître, Guide et Rabbin ») ou rebbe (professeur). Son pouvoir est total, et il n'a de compte à rendre qu'à Dieu. La fidélité de ses partisans est généralement très grande. Cette fidélité peut mener à des affrontements entre communautés lorsque des admorim s'affrontent. Ainsi, en 1983, des hassidim de Gour, membres du parti Agoudat Israël, ont attaqué et envoyé à l'hôpital le député israélien (lui aussi Agoudat) Menahem Porouch. On note d'ailleurs de temps en temps de véritables bagarres de masse entre Hassidim. Les bagarres entre Hassidim de Satmar et de Belz ont ainsi été assez importantes (en Israël et à New-York, leurs principaux centres) après la décision de l'admor de Belz de quitter la Edah Haredit au début des années 1980. La Edah Haredit est une fédération de groupes haredim particulièrement radicaux et très antisionistes. Pour l'admor de Satmar, un des dirigeants de la Edah, il s'agissait d'une trahison.

Les admorim sont organisés en dynastie. Chaque admor désigne un successeur, qui est généralement un de ses fils, parfois un autre membre de sa famille.

Chez les mitnagdim, par contre, le pouvoir religieux est centré autour des dirigeants des plus grands yechivot.

On appelle parfois les mitnagdim "lituaniens", car leurs plus grands yechivot d'avant la Seconde Guerre mondiale étaient dans cette région.

[modifier] Rapprochement avec les mitnagdim

À compter de la seconde moitié du XIXe siècle, les relations entre les deux courants s'améliorent.

D'une part, la crainte des mitnagdim de voir les hassidim évoluer vers l'hérésie à cause de leur rapport très mystique et joyeux à Dieu s'estompe. On en trouve cependant encore des traces. Ainsi, dans les années 1980, le rav Schach, le principal rabbin du courant mitnagdim en Israël (et au-delà) s'interrogeait pour savoir si les Hassidim de Loubavitch étaient encore juifs (du fait de leur relation à leur admor, que certains considéraient comme le messie).

D'autre part, de nouveaux dangers apparaissent pour le judaïsme orthodoxe au sein même du peuple juif, et l'attitude des deux courants sera très hostile à l'égard de ces innovations : judaïsme réformé, sionisme, assimilation, socialisme. Les juifs religieux ressentent donc le besoin de se regrouper. Les deux courants créeront ainsi de concert le parti Agoudat Israël en 1912, en Pologne.

Les idéologies « modernes » sont rejetées parce qu'elles ne sont pas centrées sur la religion, ou parce qu'elles prétendent la réformer. Le sionisme est particulièrement refusé. Pour la majorité des religieux orthodoxes (il y a des exceptions), Dieu a détruit l'état juif de l'antiquité pour punir les juifs de leurs péchés. Seul Dieu, par l'intermédiaire du Messie, peut le recréer. Créer un État juif sans le messie est une révolte contre Dieu. Cette hostilité originelle au sionisme s'est progressivement apaisée, mais reste cependant forte chez certains hassidim (les Satmar, en particulier).

[modifier] Orthodoxes et ultra-orthodoxes

Les sociologues israéliens font souvent une distinction entre les laïques (peu intéressés par la religion, mais pas forcément antireligieux), les traditionalistes (pratique religieuse partielle), les orthodoxes (pratique religieuse stricte, mais immersion dans le monde moderne) et les ultra-orthodoxes, ou Haredim, ou craignant-dieu (pratique religieuse stricte, large refus de la modernité, volonté de séparatisme social fort : vêtements spécifiques, quartiers spécifiques, institutions religieuses spécifiques).

À noter que les Haredim ne se définissent pas eux-mêmes comme des ultra-orthodoxes, mais comme des juifs Haredim (« les trembleurs », au sens de "ceux qui tremblent devant Dieu", ou "les craignant-Dieu").

Les orthodoxes et les Haredim ne diffèrent pas d'un point de vue théologique, mais dans leur mode de vie et leurs orientations politiques.

Vers le début du XXe siècle, la distinction entre juifs orthodoxes « modernes » (vivant dans le monde moderne) et juifs orthodoxes "Haredim" (refusant de s'y compromettre) étaient en cours de constitution. Et tant les mitnagdim que les Hassidim se trouveront dans le camp Haredi. Leur idéal commun reste une vie juive centrée sur les rabbins, refusant beaucoup d'aspects du monde moderne (la télévision est particulièrement rejetée), regroupée dans des quartiers séparés, tant des non-juifs que des autres juifs. Physiquement, leurs vêtements noirs (les "hommes en noirs" selon l'expression israélienne) les font remarquer facilement.

Voir aussi l’article détaillé : Haredim.

[modifier] Exode et destructions

Les dénominations Hassidim seront nombreuses, souvent désignées selon la ville ou le village d'Europe oriental ou elles sont apparues. On peut ainsi citer (parmi beaucoup d'autres) :

  • les Hassidim de Loubavitch, très actifs dans toutes les communautés juives, et qui y ont fortement développé leur influence ;
  • les Hassidim de Gour (ou Ger), qui seront parmi les créateurs du parti Agoudat Israel en 1912, et qui y gardent une influence importante ;
  • les Hassidim de Satmar, connus pour leur opposition particulièrement radicale au sionisme, qu'ils considèrent encore aujourd'hui comme un abominable péché ;
  • les Hassidim de Bobov ;
  • les Hassidim de Damchinov ;
  • les Hassidim de Breslav, eux aussi très actifs dans toutes les communautés juives ;
  • mais aussi les Hassidim de Alexander, Apta-Koupichnitz, Ashlag, Belz, Berditchev, Bitchikev, Chernobyl-Dkever, Dinov-Bluzhov, Dinov-Mounkatch, Hanipol, Houst, Kaliv, Karline-Stoline, Kossov-Viznitz, Kotsk, Krechniff, Liadi, Mézéritch, Modzhitz, Nadvorna, Nechiz-Novominsk, Prémychlane-Nadverna, Radomsk, Ropchitz, Salenter, Sanz, Spinke, Vilna, Worki-Amchinov.

Entre 1880 et 1930, 4 millions de juifs émigrent d'Europe orientale vers les États-Unis, l'Europe occidentale et même la Palestine. Ils fuient l'antisémitisme et les conditions économiques difficiles. Plus conservatrices, les communautés Haredim en général, et les Hassidim en particulier, participent moins à cet exode. Ils n'y échappent cependant pas, et on voit des petits groupes faire souche dans ces pays.

L'exode s'accélère dans l'Entre-deux-guerres, en réponse aux troubles politiques (révolution bolchevique, indépendance de la Pologne, de la Hongrie, de la Tchécoslovaquie) et à la montée de l'antisémitisme (en Pologne, en Allemagne…). Les réfugiés gagnent en particulier les É.-U. et la Palestine.

La Shoah va frapper de plein fouet les juifs d'Europe orientale, et parmi eux les Hassidim. Très concentrés, très séparés du monde qui les environne, ils sont particulièrement faciles à identifier, et donc particulièrement touchés par le génocide. Beaucoup de dénominations hassidiques disparaîtront. D'autres, autrefois puissantes, deviennent minuscules. Le communisme portera un coup de grâce à ces communautés, du fait de sa politique générale contre les religions.

[modifier] Redressement

Les dénominations hassidiques survivantes sont celles qui avaient suffisamment de membres aux États-Unis ou en Palestine en 1945. Très affaiblies au départ, elles ont depuis connu un spectaculaire redressement. Ce redressement est lié à une forte croissance démographique interne (les familles nombreuses de 7 à 10 enfants sont la norme), mais aussi à l'activité intense de certains groupes (en particulier les Loubavitchs) au sein des communautés juives, dont certains membres se rallient aux Hassidim.

Aujourd’hui, on trouve des Hassidim dans la plupart des communautés juives, mais leurs grands centres sont les É.-U. et Israël.

Leurs spécificités restent :

  • un séparatisme social (écoles spécifiques, magasins spécifiques), géographique (quartiers séparés, parfois physiquement fermés pendant le chabbat) et vestimentaire, même vis-à-vis des autres juifs ;
  • une religiosité extrêmement poussée. En Israël, les financements d'état des yechivot permettent à une forte proportion de Hassidim (chez les hommes) d'étudier le Talmud toute leur vie, sans travail salarié. Dans les communautés hors d'Israël, celui-ci est cependant plus développé ;
  • un rapport allant d'une hostilité viscérale (très minoritaire) à une vision positive (minoritaire), en passant par une neutralité intéressée mais critique (majoritaire) vis à vis du Sionisme. Ce qui en fait une exception dans le paysage politique juif.

Ils partagent ces 3 caractéristiques avec les autres Haredim, de tendance « lituanienne ».
Par rapport aux autres Haredim :

  • L'obéissance absolue à leurs rebbes héréditaires, et non aux chefs de yechivot les plus marquants.
  • Leur religiosité marquée par la joie, la danse, la volonté d'être proche de Dieu non seulement par l'étude mais aussi par le cœur.

[modifier] Rapport à la modernité

Comme tous les haredim, les Hassidim ont un rapport méfiant à la modernité idéologique et technique.

La démocratie est considérée comme mettant la loi de la majorité au-dessus de celle de Dieu. A ce titre, elle suscite hostilité ou indifférence.

L’égalité homme-femme et la mixité sont totalement rejetées, au profit d’une organisation sociale basée sur le primat des hommes, et plus particulièrement des rabbins.

Si certains aspects de la modernité technique sont bien acceptés (ceux qui ne sont pas contradictoires avec la loi religieuse), d’autres sont rejetés. La télévision, avec ses images sexuelles ou au moins indécentes, est particulièrement mal perçue.

Le sionisme est regardé avec une certaine méfiance. L’hostilité des débuts est cependant beaucoup moins forte. Certains groupes (minoritaires), comme les Loubavitchs, ont même adopté une attitude très favorable (mais ne vont cependant pas jusqu’à se dire eux-mêmes officiellement « sionistes »). D’autre (également minoritaires) sont restés radicalement antisionistes. Les plus radicaux sont les Satmar, appartenant à la Edah Haredit, connus pour leurs appels à la destruction d’Israël.

Au final, les Hassidim vivent (là ou ils sont suffisamment nombreux) dans des quartiers haredim spécifiques, pour pouvoir y pratiquer leur mode de vie sans trop d’interférences avec le monde « moderne ».

L'enseignement hassidique est demeuré jusqu'à ce jour très présent dans la vie juive et, grâce au philosophe juif Martin Buber, dans la philosophie et la théologie contemporaines.

[modifier] Bibliographie

  • Un lugar en el bosque (cuentos para pensar) - un conte de Jorge Bucay.
  • Israël, les hommes en noir - Ilan Greilsammer - Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques - 01/1991.
  • Religion et État en Israël - Doris Bensimon - L'Harmattan - 1992.
  • Dieu est un baril de poudre - Shalom Cohen - Calman-Levy - 1989.
  • Les Juifs hassidiques, Julien Bauer, Que sais-je ?, Paris, 1994.
  • Martin Buber, Les Récits hassidiques, Le Rocher, 1985, coll. Gnose, ISBN 2268000184
  • Martin Buber, La Légende du Baal-Shem (Baal Shem Tov), Le Rocher, 1993, coll. Les grands textes spirituels, ISBN 2268016218
  • Arnold Mandel, La Voie du hassidisme, Calmann-Lévy, 1963
  • Arnold Mandel, La Vie quotidienne des Juifs hassidiques du XVIIIe siècle à nos jours, Hachette Littérature, 1974

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. LA REVANCHE D’UNE IDENTITE ETHNO-RELIGIEUSE EN ISRAËL : LA PERCEE DU PARTI SHAS ENTRE CONSTRUCTION IDENTITAIRE SEFARADE-HAREDI ET DYNAMIQUES CLIENTELISTES, P.233. Thèse de doctorat de l’Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux IV, au format PDF.