YHWH

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Le Tétragramme en phénicien (1100 AEC), araméen (du Xe siècle jusqu'à la conquête musulmane) et en hébreu carré moderne
Le Tétragramme en phénicien (1100 AEC), araméen (du Xe siècle jusqu'à la conquête musulmane) et en hébreu carré moderne

Le Tétragramme YHWH (יהוה) est un mot hébraïque composé des quatre consonnes yōḏ (י), (ה), wāw (ו) (ה), de valeur guématrique 26. Souvent présenté comme le nom hébreu de Dieu, ce mot est une forme verbale conjuguée de la racine trilitère היה hyh équivalente au verbe être du français [1]. Le Tanakh (la Bible hébraïque) rapporte que l'expression de ce verbe fut entendue par Moïse au sommet du mont Horeb dans le désert du Sinaï [2] .

Sommaire

[modifier] Nature et étymologie

Le Tétragramme YHWH est, de l'avis général des grammairiens juifs du Moyen-Age, conforté par celui de Baruch Spinoza, une flexion verbale artificielle de la racine trilitère היה hyh (approximativement traduite en français par « être » ou « devenir »). Fléchie sur la structure (binyân) de type pâ'al cette racine donne, à la troisième personne du singulier la forme hâyâh de l'aspect accompli (il a fini d'être), la forme yiheyèh de l'aspect inaccompli (il se prépare à être), et la forme du participe présent hôwèh au masculin (étant) dont le féminin est hôwâh. La combinaison du préfixe yi- de l'inaccompli et du participe présent hôwèh donnerait une forme hybride méta-grammaticale hypothétique yihôwèh dévocalisée par l'orthographe consonantique de l'hébreu antique en Y.H.W.H dont la signification pourrait approximativement s'énoncer ainsi : Il se prépare (à être) en étant, ou en étant Il devient, le rejet de la forme accomplie hâyâh pourrait signifier qu' Il n'a jamais fini d'être, autrement dit : Il ne cesse de devenir en étant (éternellement). La majorité des philologues modernes ont repris cette hypothèse.

  • Voir aussi : Grammaire hébraïque (flexion verbale des racines trilitères, aspects perfectif et imperfectif)

Son Nom (haShem) restera toujours ineffable, mais le verbe YHWH n'est pas un nom. Par respect les juifs considèrent ce mot verbal indicible, lui aussi, d'où la coutume de ne pas vocaliser le Tétragramme mais de remplacer son énonciation par l'expression d'un des nombreux attributs de Celui qui n'est pas nommé (Adonaï par exemple, littéralement Mes Juges).

Plusieurs auteurs de référence, dont par exemple André Chouraqui, transcrivent IHVH plutôt que YHWH, et dans les milieux de langue allemande on écrit JHWH.

D'autre part, Henri Meschonnic croit pouvoir y ajouter que l'"invention" du Tétragramme aurait en partie à voir avec le nom d'une divinité sémitique plus ancienne, Yah[3], qui ne serait peut-être elle-même qu'une « variante » de la Yahou (« Colombe d'en haut ») suméro-babylonienne.

L'explication du Tétragramme par la Bible elle-même se trouve en Ex III; 13-14 (épisode du Buisson ardent). Moïse dit à Elohim : « Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : "Elohim de vos pères m'a envoyé vers vous. " Mais s'ils me disent : "Quel est son nom ?", que leur dirai-je ? Elohim dit à Moïse : " Je suis ce que je suis " (Ehyéh Acher Ehyéh אֶֽהְיֶ֖ה אֲשֶׁ֣ר אֶֽהְיֶ֑ה) Et il dit : " Voici ce que tu diras aux Israélites : "Je suis" (Ehyéh) m'a envoyé vers vous. " » - traduction dite de la "Bible de Jérusalem". L'expression est rendue par « Je suis celui qui suis » dans la traduction due à Louis Segond et par « Je suis qui Je serai » dans la TOB. La Bible du Rabbinat traduit elle par "Être invariable".

Tétragramme dans l'église Saint-Merry à Paris, près du Centre Pompidou.
Tétragramme dans l'église Saint-Merry à Paris, près du Centre Pompidou.

D'après la doctrine chrétienne YHWH se serait manifesté pour la première fois non pas à Moïse, mais à Abraham devant le chêne de Mamré (renvoi à Gn XIX; 1 et Gn XVIII; 1). Jésus se déclare en effet être « Je Suis » en Jn VIII; 56 et indique qu'Abraham lui-même avait vu son jour en Jn VIII; 58.

[modifier] Prononciation

[modifier] Interdit de prononciation directe et noms substitués dans le judaïsme

Dans l'hébreu biblique on n'inscrivait pas les voyelles  ; le lecteur devait reconstituer ou ajouter de mémoire (s'il était savant) les voyelles appropriées au contexte de la lecture. Ce furent les Massorètes qui créèrent au milieu du premier millénaire le système de notation actuellement utilisé pour transcrire les sons vocaliques (voir l'article diacritiques de l'alphabet hébreu).

Les Juifs, surtout, s'imposent une interdiction de prononcer le Tétragramme, fondée sur le troisième commandement : « tu n'invoqueras pas le Nom de YHWH ton Dieu en vain ». Quand le lecteur rencontre le Tétragramme dans les Écritures hébraïques, d'autres expressions doivent lui être substituées à l'oral, le plus souvent Adonaï (אדני, « Mon Seigneur »), de temps en temps Elohim ("Puissances")[4]. Cette substitution se nomme le Qéré permanent et explique les points-voyelles utilisés dans les transcriptions modernes du Pentateuque : e-o-a quand il faut lire Adonaï, e-o-i quand il faut lire Elohim. Dans la conversation on utilise de préférence haChem ("le Nom" - cf. Lévitique 24:11)[5].

Pour ces deux raisons la prononciation exacte du Tétragramme, à supposer qu'elle soit possible, demeure incertaine. L'incertitude ne porte pas sur les consonnes, mais évidemment sur la place et le type des voyelles.

L'incertitude porte également sur l’existence de cette prononciation. Joel M. Hoffman, par exemple, dans In the Beginning, soutient que le Tétragramme n'a jamais eu de prononciation. Mais la plupart des hébraïsants sont d'avis contraire. Ils s'appuyent entre autres sur les noms théophores[6], comme Juda (Yehouda), et les chapitres du Pentateuque contenant le Tétragramme. En particulier un passage couramment appelé Le songe d'Isaïe, dont la prosodie et les assonances en "O" et "OU" suggèrent une prononciation usitée à l'époque de la rédaction du texte, généralement considéré comme l'un des plus anciens du corpus biblique.

[modifier] Prononciations utilisées ou proposées par les courants chrétiens

Nom divin dans une église de Sør-Fron, en Norvège
Nom divin dans une église de Sør-Fron, en Norvège

Dans les premières transcriptions chrétiennes le Tétragramme était rendu par Yahweh (variante : Yahvé), forme considérée en milieu catholique comme la prononciation originale .

Jéhovah (de même que la transcriptions voisine Iehovah) est la forme occidentale usitée par la religion chrétienne depuis l'époque médiévale jusqu'au début du XXe siècle. Popularisée par Victor Hugo et la traduction de la bible de John Nelson Darby

Selon enfin Gérard Gertoux, ce nom se serait prononcé à l'origine Iehoua.

[modifier] Traditions et œuvres liées au Tétragramme

  • Yahwisme (l'une des sources de rédaction du Pentateuque selon l'hypothèse documentaire)
  • Mythe du Golem (la supputation d'une prononciation exacte du Tétragramme, et de ses effets de puissance - voire de ses effets "magiques" -, a beaucoup alimenté la production mystique. Le mythe du Golem en est une des nombreuses occurrences, popularisée à l'époque moderne par un roman de Gustav Meyrink)
  • Jah (cf. note 1 ci-dessous)
  • « La mort et la boussole », nouvelle de Jorge Luis Borges (mise en scène d'une série de meurtres conçus en fonction du Tétragramme et ponctués par « La première lettre du Nom a été articulée », « La deuxième lettre du Nom a été articulée »...) ; L'Aleph, (même auteur. Reprise indirecte des thématiques de la "puissance" du nom divin)
  • L'Adversaire, roman policier d'Ellery Queen ("lecture" de quatre crimes sur le modèle de la "lecture" du Tétragramme)

[modifier] Notes

  1. Shmuel Bolozky, 501 hebrew verbs fully conjugated, page 149.
  2. Livre de l'Exode (Chemoth) au chapitre 3, dans la Bible massorétique bilingue traduite en français sous la direction du Grand-Rabbin Zadoc Kahn, pages 107 et 108.
  3. Il s'appuie sur le fait que יה (Yah - ou Jah dans les transcriptions alemandes) est une graphie synthétique qu'on retrouve plusieurs fois dans le Pentateuque (cf. ainsi Ex XVII; 16) en lieu et place de YHWH.
  4. ´Èlohim est le pluriel de révérence de ´Èl, nom commun désignant la divinité (= "dieu" avec une minuscule.)
  5. Lors des bénédictions, à la synagogue ou à la table familiale, les participants saluent la prononciation d'Adonaï par la révérence "Baroukh ouBaroukh Chemo" (Béni, Béni deux fois [soit] son Nom").
  6. Noms propres comportant une référence à la divinité - le plus souvent au Tétragramme.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie et liens Internet

  • André Chouraqui, L'Univers de la Bible, Editions Lidis-Brépols, Turnhout / Paris, 1984.
  • Gérard Gertoux, Un Historique du nom divin יהוה - Un Nom Encens, L’Harmattan, Paris, 1999.
  • Volume La mystique juive de l'encyclopédie Mythes et Croyances du Monde Entier, Editions Lidis-Brépols, Paris, 1985.
  • Jean-Marc Rouvière, Brèves méditations sur la création du monde, L'Harmattan, Paris, 2006.
  • Baruch Spinoza, Abrégé de grammaire hébraïque, Librairie philosophique Vrin, Paris, 2006 (il s'agit bien évidemment d'une traduction : Spinoza avait écrit ce texte en latin).
  • Henri Meschonnic, Gloires, Desclée de Brouwer, Paris, 2001.
  • José Seknadjé-Askénazi, "La philosophie de la grammaire", Les Nouveaux Cahiers n° 124, Paris, 1996.
  • La prononciation des noms divins et leur écriture chez les juifs sepharades, fichier PDF sur [1]
  • Gilbert Dahan, L'exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval, Le Cerf, Paris, 1999.